La viéyo villo d'Aigo Morto La villo dou réi Sant Louis Panlo
e maigro darriès si porto Au bord de la mar s'espandis Uno
tourré coumo un viel gardo Viho en déforo di rampar Aouto
e sourno liun liun regardo Regardo la plano e la mar.
L'aubre se clino, l'auro coure La poussièro volo au
camin, Tout es siau dins la vieio tourre Mai per tems passa
'ro pas sin. Li pescaîre que s'atardavon Dins la niue,
souvent entendien Tantost de fenno que cantavon Tantost de
voues que gemissien.
De qu'éro aco ? De presouniero. De qu'avien fa ? Vioula la
lei, Plaça Dieu en ligno proumiero, La couscienci au dessus
dou rei. Fièri iganaudo, is assemblado Dou Désert, séguido
di siéu, Lou siaume en pocho, éron anado A travès champ,
per préga Dieu.
Mais li dragoun dou rei vihavon: Sus la foulo en preiero,
zou! Zou! lou sabre nus, s'accoussavon... E d'ome de cor e
d'ounou Leu li galèro eron pouplados E si fenno, i man di
dragoun, En Aigo-Morto eron menado, E la tourre ero sa
presoun.
Souffrissien, li pauri doulento, La fam, la set, lou fre, lou
caud; Avien li languitudo sento Dis assemblado e de
l'oustau. Mais vien la fe, counfort e baume Di cor murtri
que reston fier; Ensemble cantavon li siaume Dins la presoun
coumo au Desert
Li jour, li mes, lis an passavon, E noun jamai li
sourtissien. D'uni i soufrenco resistavon, D'autri,
pechaire, mourissien. Mais sa fe, l'aurien pas vendudo, Mais
soun Dieu l'aurien pas trahi, Noun! Iganaudo eron
nascudo, Iganaudo voulien mouri.
D'avans ti peiro souleiado Qu'un autre passe indiferent, O
tourre, a mis iuel siès sacrado, Siei tout esmougu'n te
vesent, Tourre de la fe simplo e forto, Simbel de glori e de
pieta, Tourre di pauri fenno morto
Per
soun Dieu e sa liberta.
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La vieille ville d'Aigues Mortes, La ville du roi
Saint-Louis, Morne étendue entre ses portes Rêve aux
grands jours évanouis. Elle dort, mais comme un vieux garde De
son œil rouge grand ouvert, La tour de Constance
regarde, Regarde la plaine et la mer.
De la campagne, de la plage, S'élèvent mille bruits confus
; mais la tour, géant d'un autre âge, la tour sombre ne
parle plus... Seulement, par les nuits voilées, Le pêcheur
entend des sanglots, Et des voix qui chantent mêlées Au
lointain murmure des flots.
Qui vécut là ? - Des prisonnières Qui mettaient Dieu devant
le roi. Là, jadis, des femmes, des mères, Moururent pour
garder la foi. Leur seul crime était d'être allées, La
nuit par un sentier couvert, Joindre leur voix aux
assemblées Qui priaient Dieu dans le désert.
Mais les dragons - ô temps infâmes O lions changés en
renards ! - Les dragons veillaient : sus aux femmes ! Braves
soldats, sus aux vieillards ! Bientôt un peuple sans
défense Les sabres nus avaient raison... Les huguenots à
la potence ! Les huguenotes en prison !
Ah jamais ces murailles grises Ne rediront ce qu'on
souffert Ces paysannes, ces marquises, Ces nobles filles du
désert ! Mais dans leur foi puisant un baume, D'une voix
tremblante de pleurs, Ensemble elles chantaient un
psaume... Les cœurs brisés sont les grands cœurs.
Les ans passaient sur la tour sombre, Et la porte ne s'ouvrait
pas. Les unes vieillissaient dans l'ombre, D'autres
sortaient par le trépas. Mais jamais aucune à son Maître, De
le trahir ne fit l'affront... Huguenotes il les fit
naître Huguenotes elles mourront.
Ah que devant cette ruine Un autre passe insouciant ! Mon
cœur bondit dans ma poitrine, Tour de Constance, en le voyant
! O sépulcre où ces âmes fortes Aux ténèbres ont
résisté ! O tour des pauvres femmes mortes
Pour
le Christ et la liberté
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