L'INDUSTRIE DES FOURCHES DE SAUVE

EN 1927

 

 

Sauve est une pittoresque bourgade bâtie sur les bords du Vidourle, contre un rocher sauvage ; ancienne place de commerce importante au Moyen-âge, elle est bien déchu aujourd'hui. Tous ceux qui y viennent pour la première fois remarquent sans peine la nature curieuse et tout à fait particulière des cultures qui environnent l'agglomération : Sauve est en effet le seul pays du monde, à ma connaissance, où l'on fasse littéralement pousser des fourches.

Dans les champs caillouteux, et même dans les fentes et les trous du rocher croit un arbre bien connu de nos pays, le micocoulier. Mais, taudis qu'ailleurs il pousse librement, ici, par les soins de l'homme, la cépée est arasée presque au niveau du sol, et les branches assez droites qui s'élèvent sont toutes terminées, grâce à l'effet d'une taille spéciale, par trois rameaux plus petits : c'est la future fourche qui se forme.

 

Il y a déjà plus de vingt ans, à une époque où je ne pensais nullement être un jour archiviste départemental du Gard, me rendant à l’Aigoual, j'avais remarqué, en passant par Sauve, cette culture particulière, source de l'industrie des fourches, à ce que j’appris sur-le-champ. Devenu archiviste du Gard, par suite des hasards de la vie, je n'avais pas oublié les fourches de Sauve. J'ai pu réunir à ce sujet quelques documents et divers renseignements, qu'il m'a paru intéressant de résumer.

 

Le micocoulier (Celtis australis de Linné) appartient à famille des Cèltidées, il croît à l'état naturel dans la France méditerranéenne, en Espagne, en Italie, on l'appelle aussi micocoulier de Provence. On le nomme dans le Gard fanabrégou, fanabréguié, falabréguié, mélicoquié ou bélicoquié, le dictionnaire de Sauvages cite même la forme picopoulié. C'est à tort qu'on le désigne parfois sous le nom d'alisier, qui s'applique correctement à une famille tout à fait différente.

 

C'est un arbre robuste, bien formé, d'un beau bois, au feuillage un peu sombre, qui pousse dans les terrains apparemment les plus arides, terrains connus à Sauve même sous le nom d'issarts. (Eissarts en provençal) Ses racines aiment un milieu frais et légèrement aéré, conditions qu'elles rencontrent souvent dans les creux et les fentes de rochers son fruit, que l'on appelle dans la région d'Uzès mélicoca (d'où le nom de l'arbre : mélicoquié), est ainsi désigné à cause de son goût de miel, qui le rend agréable aux jeunes villageois. En hiver, son feuillage peut servir occasionnellement à nourrir les moutons et les chèvres.

 

Mais on utilise surtout le bois à la fois souple et résistant de ses branches. On en faisait autrefois des baguettes de fusil, des brancards pour chaises légères, des cercles pour tonneaux. On en fait encore des attelles, et, dans les Pyrénées-Orientales, des manches de fouet (il y a une espèce de fouet que l'on appelle le Perpignan). On s'en sert surtout dans l'industrie des fourches.

 

 

Remarquons dès maintenant que c'est à Sauve seulement que l'on fabrique ainsi des fourches de micocoulier : dans les communes limitrophes; Conqueyrac, Durfort, Monoblet, Corconne, c'est à peine si l'on rencontre aussi quelques micocouliers cultivés à cette fin. Nulle part ailleurs; en France, en Italie, en Espagne, partout où l'arbre vient à l'état naturel, nulle part, à ma connaissance, on n'a eu l'idée d'une pareille utilisation.

 

A quand remonte cette industrie à Sauve ? Elle y est certainement très ancienne, sans qu'on puisse autrement préciser. L'érudit qui pourra dépouiller le riche minutier notarial de Sauve y trouvera sûrement bien des documents curieux à ce sujet.

 

Les fourches de Sauve sont mentionnées dans les documents au moins depuis le XVIe siècle, et probablement dès le XIIe. L'industrie en a été pour la première fois étudiée et bien décrite, en 1737, par Jean Astruc, Astruc avait pu puiser sa documentation aux meilleures sources, puisqu'il était lui-même né à Sauve en 1684.

 

Voici en quoi consistent cette culture et cette industrie : On tient la cépée du micocoulier en une souche aussi basse que possible, c'est-à-dire presque à ras de terre, afin de pouvoir plus facilement élaguer les fourches, et d'avoir moins de bois à nourrir.

 

Plusieurs rameaux partent de cette cépée, on coupe ras de la cépée ceux qui ne poussent pas droit, et on ne conserve que les autres, on laisse croître ces derniers jusqu'à ce qu'ils aient atteint une longueur de 1,70 m. à 2 mètres.

 

Or, le micocoulier a 'la propriété de pousser à l'aisselle de chaque feuille trois bourgeons, qui forment entre eux comme une espèce de fleur de lys. Lorsque le rameau droit a atteint la longueur voulue, ce qui demande environ trois ans, on le coupe, en juin, juste au-dessus des trois bourgeons qui paraissent les plus vigoureux, et la sève se dirige dans ceux-ci, car ion a soin de supprimer en même temps toutes les pousses latérales.

 

Les trois bourgeons forment chacun un des becs de la future fourche ; mais ils ne poussent jamais également, il faut donc y remédier. Si l'un des fourchons croît plus vite que les autres, on l'effeuille ou même on en coupe le bout, afin de faire refluer la sève dans les fourchons plus paresseux, et d'en ralentir la montée dans celui qui se développe trop rapidement. A force de soins, on finit par obtenir trois fourchons de longueur et de grosseur à peu près régales.

 

Tout l'art de cette culture réside donc dans la taille. Le fonds lui-même est travaillé par le labour, si le terrain le permet ou à la bêche, dans les quartiers rocheux et escarpés.

 

Chaque cépée de micocoulier se trouve chargée d'un grand nombre de rameaux à la fois, mais ces rameaux sont d'âge différents.

 

Entre six et neuf .ans, suivant la fertilité du fonds et la bonté de la culture, la fourche est formée. On la coupe verte, au mois de mars, tout près de la cépée; et en prenant bien soin de ne pas abîmer celle-ci, les trois fourchons sont coupés également à 45 ou 50 centimètres de longueur.

 

L'industrie succède alors à l'agriculture. La fourche brute est assouplie au feu dans un four chauffé au bois, elle devient si flexible qu'on peut la redresser et donner aux fourchons la courbure désirée en les pliant dans une machine ou moule de bois fait en forme de grille à trois traverses, qu'on nomme l'escaletto.

 

 

La fourche est ensuite passée une seconde fois au feu et noircie à la fumée. Refroidie, elle durcit et garde la forme donnée. Il ne reste qu'à l'apprêter : on la polit, on appointe les fourchons, et il n'y a plus qu'à la vendre.

 

Il faut noter tout de suite que les procédés de cette culture et de cette industrie sont actuellement tous pareils à la description qu'en a donné le naturaliste Astruc en 1737. L'escaletto dont on se sert aujourd'hui a conservé absolument la même forme.

 

On distingue plusieurs espèces de fourches, d'après leurs dimensions. Autrefois c'étaient les espaliadouires, qui servaient à remuer les bottes de foin, les gerbes de blé, et la paille pour la séparer du grain, et qui étaient plus forts, avec des becs plus longs, et les ventadouires, pour éventer le blé, de forme plus déliée et aux becs plus écartés. De nos jours, il y a la fourche ordinaire : la charretière, qui est la plus 'longue et la plus large ; et la demi-longue, intermédiaire entre les deux premières. ,

 

Mais ce qu'il y a de plus curieux, c'est la manière, dont cette industrie est organisée depuis la fin du XVIIe siècle.

 

Vers le milieu de ce siècle, les fourches se vendaient environ trois livres la douzaine, et le commerce en était libre. Mais les fabricants acheteurs s'entendirent si bien que le prix de la douzaine de fourches vertes tomba à dix et même à six sous. Les producteurs finirent par ne plus trouver d'acheteurs pour leurs fourches brutes.

 

En 1688, l'entente entre les fabricants cessa. Quelques-uns uns d'entre eux s'associèrent et s'engagèrent, pour la durée de cinq années, à acheter toutes les fourches vertes de Sauve, reconnues de bonne qualité sur expertise, au prix de vingt sous la douzaine.

 

A l'expiration de ce traité, en 1693, les associés ne voulurent pas augmenter leur prix. Un marchand de Sauve, Jacques Dufour, offrit de prendre les fourches vertes de recette, à trente sous la douzaine, pendant neuf ans, à condition d'en avoir le monopole. D'autres marchands se mirent sur les rangs. Finalement, Etienne Audibert, Louis Campel, Jean André et Guillaume Monbounoux obtinrent ce monopole, pour cinq ans, le 23 mars 1693, à quarante sous la douzaine de fourches vertes de recette. La culture devenait donc de nouveau rémunératrice pour les producteurs.

 

 

L'intervention de l'intendant de Basville, appuyé par les conseils de Jean de Claris de Florian, ne fut pas étrangère à la réussite de cette organisation, qui fut confirmée par arrêt du Parlement. Quelques marchands jaloux avaient attaqué le bail, comme entaché de monopole.

 

Le 12 février 1698, un nouveau bail fut passé pour cinq années avec un seul bailliste, Jacques Dufour, au prix de 50 sous la douzaine de fourches vertes. Une dizaine de récoltants, qui usinaient, eux-mêmes leurs fourches, obtinrent de conserver cette faculté.

 

Et depuis, ce même système fonctionna, approuvé par arrêt du Conseil Royal, du 11 mars 1713.

 

Tous les habitants de Sauve, producteurs de fourches, à l'exception de quelques récoltants ci-dessus mentionnés, sont groupés en association. Ils passent, avec la permission de l'intendant, un bail, délivré aux enchères au dernier et plus offrant enchérisseur, pour une période déterminée, généralement de neuf ans. Le bailliste s'engage à leur prendre leurs fourches au prix convenu; il prend à sa charge les frais d'expertise et de fabrication, mais, en même temps que le bail est passé, il s'oblige à ne pas revendre les fourches manufacturées au-dessus d'un certain prix fixé : cela afin d'éviter l'inconvénient de tout monopole.

 

Tous les habitants faisant partie de l'association sont tenus de livrer toutes leurs fourches. Trois experts communs décident publiquement, à la réception, si les fourches vertes sont bonnes ou non; les défectueuses sont détruites sur-le-champ. Les sociétaires s'interdisent de faire pousser des fourches hors du territoire de Sauve ou d'en recevoir du dehors, il est également défendu aux habitants de Sauve d'enseigner la taille aux gens des lieux circonvoisins.

 

Le cas échéant, les sociétaires se réunissent en assemblée générale, ils nomment un syndic, assisté de conseillers; le syndic est chargé de représenter leurs intérêts devant l'administration et en justice.

 

II y eut même, à partir de 1741, assurance mutuelle entre les propriétaires. Si les fourches encore sur l'arbre, sont abîmées par quelque malintentionné (le cas venait en effet de se produire), tous les propriétaires producteurs supportent le dommage, chacun en proportion de la quantité de fourches qu'il recueille cette année là.

 

Telle était cette organisation, remarquablement, conçue pour l'époque, qui rappelle singulièrement beaucoup de formations, coopératives ou syndicales modernes.

 

Elle se révéla, à l'expérience, comme très favorable aux producteurs, le prix d'achat de la douzaine de fourches vertes, qui était tombé à six sous avant 1688, monta jusqu'à 56 sous 6 deniers en 1711 et à 3 livres 4 sous 6 deniers, en 1730.

 

Après cette date, le prix varia peu pendant un demi siècle, 3 livres 5 sous 6 deniers en 1746 et 1756, 3 livres 6 sous en 1773, 3 livres 10 sous en 1782.

 

En 1739, il y eut exactement 1727 douzaines et g fourches de recette, ce qui représentait pour les propriétaires un profit brut de 5400 livres. En 1926, la douzaines de fourches vertes a été payée aux producteurs 96 francs. Je signale à ce propos l'intérêt que pourrait présenter, pour la comparaison des prix et de la valeur de l'argent, une étude détaillée de cette industrie, qui a si peu évolué depuis deux cent cinquante ans, et dont les produits et les procédés de fabrication sont restés absolument identiques.

 

Vers le milieu du XVIIIe siècle, plusieurs hivers rigoureux ayant fait périr presque flous les oliviers du territoire de Sauve, les habitants remplacèrent les arbres morts par de nombreuses plantations de micocouliers, dont la culture était avantageuse.

 

Aussi y eut il bientôt surproduction. Au lieu de 1700 douzaines, chiffre moyen de la recette annuelle, celle de 1758 en donna 2665, et il se trouvait encore à ce moment là 5200 douzaines invendues en magasin.

 

II fallait éviter absolument l'avilissement des prix. L'adjudicataire, engorgé, proposa que, pour réduire à l'avenir la production, les propriétaires élevassent en cercles pour tonneaux une partie de leurs micocouliers. La proposition fut rejetée par les intéressés. On résolut donc de détruire chaque année en pure perte une partie des fourches vertes de recettes, 300 douzaines en 1767, 500 douzaines par an, de par le bail de 1773, 800 douzaines en 1778, en 1782, deux fourches par douzaine.

 

 

Grâce à cette mesure rigoureuse, les prix se maintinrent. Sans doute, il paraîtrait aujourd'hui plus avantageux de multiplier les débouchés ou tout au moins de l'essayer. Mais ce n'était pas chose facile au XVIIle siècle, parce que, presque partout, les paysans, ne pouvant se résoudre à payer une fourche, préféraient se servir de branches quelconques à deux fourchons, qu'ils coupaient au premier arbre venu. L'emploi des fourches de Sauve n'était d'ailleurs indispensable que dans les contrées où l'on faisait fouler le blé par des chevaux ou d'autres animaux ; on pouvait s'en passer là où l'on avait coutume de battre le blé, au fléau, c'est-à-dire dans la plus grande partie de la France.

 

Le Languedoc, le Rouergue, le Vivarais, le Gévaudan, le Comtat, la Provence achetaient des fourches de Sauve. On en vendait aussi à la foire de Beaucaire pour le Piémont et la Rivière de Gênes.

 

Le bail des fourches avait été passé pour neuf ans en juillet 1791. Le 27 juin de cette année là, les producteurs de Sauve, 1782. Il fallait le renouveler en 1791. Le 27 juin de cette année là, les producteurs de Sauve sollicitèrent donc du district de Saint Hippolyte, dont ils dépendaient administrativement, la permission de passer un nouveau bail. Le directoire de district donna un avis favorable le 6 juillet 1791. Mais, en dernier ressort, le 12 août, le directoire de département du Gard ; « considérant qu'un des plus grands bienfaits de la constitution est d'avoir aboli ces privilèges exclusifs qui détruisaient le commerce et enlevaient aux particuliers la faculté de disposer à leur gré de ce qui leur appartenait », refusa l'autorisation demandée. Mais il déclara que les producteurs de fourches étaient libres de s'associer, si bon leur semblait, et de s'accorder entre eux au sujet de la vente des fourches, sans avoir besoin, pour que cette convention fût exécutable, d'une autorisation spéciale, et à condition que les, propriétaires qui n'auraient pas adhéré à ladite convention ne pussent être obligés en aucun cas de l'exécuter.

 

Les habitants propriétaires de fourches s'associèrent donc, par acte du 21 août 1791, et, le 25 janvier 1792, passèrent un bail de neuf ans à Louis Campel : celui-ci s'engageait à payer la douzaine de fourches vertes 4 livres 7 sous 6 deniers, et à détruire chaque année une fourche par douzaine de vertes, plus deux cent douzaines facturées. En somme, rien n'était changé.

 

L'industrie eut grandement à souffrir de la Révolution. La dépréciation progressive et de plus en plus rapide de papier monnaie, la législation sur les transactions lui causèrent des difficultés sans cesse renaissantes. Il fallut relever à plusieurs reprises les prix d'achat et de ventes fixés par le bail : Le prix d'achat des fourches vertes fut arrêté à 5 francs la douzaine en février 1793, à 6 francs cinquante centimes en pluviôse an Il, à vingt francs en pluviôse an III. Le prix de vente de la charge manufacturée (six douzaines), aux mêmes dates, respectivement à 40 francs, 48 francs, puis 180 francs.

 

Finalement, le bail de 1792 fut résilié d'un commun accord, en janvier 1796, parce que les producteurs désiraient que les fourches fussent payées en numéraire, et que le bailliste Louis Campel ne pouvait le faire. Mais personne ne se présenta pour accepter sa succession et passer un nouveau bail. Les habitants organisèrent une régie commune, qui agit au nom de la société, ce, qui n'empêcha pas les fourches vertes de tomber à vil prix, et même de ne pas trouver acquéreur.

 

Enfin, des temps moins troublés vinrent offrir plus de certitude aux engagements, et un nouveau bail de six ans fut passé en 1797, à quatre francs cinq sous la douzaine de fourches vertes, et avec des réductions déterminées. En 1803, un autre bail de neuf ans porta le prix à cinq francs deux sous. Le bail suivant, du 20 janvier 1812, passé à Bernard et compagnie, le fixa à cinq francs, on devait détruire une fourche par douzaine de vertes et deux cent douzaines de facturées par an ; les prix de revente étaient fixés à 42 francs la charge de six douzaines, et à 14 sous la fourche au détail.

 

Ensuite de neuf ans en neuf ans, d'autres baux furent consentis. Après de nouveaux essais de régie commune, on aboutit en 1903 à la société anonyme pure et simple actuelle, qui, groupe la plus grande partie des producteurs, et qui usine elle-même ses fourches.

 

Actuellement, les procédés industriels sont restés les mêmes, et les progrès généraux n'ont exercé sur eux aucune influence. Les plantations de micocouliers couvrent, sur le territoire de la commune de Sauve, une superficie de 96 hectares, 406 hectares sont occupés par des plantations mixtes de micocouliers, d'oliviers ou d'autres arbres quelconques. En dehors de Sauve, il y a seulement quelques micocouliers cultivés dans les communes limitrophes, Conqueyrac, Corconne, Durfort, Monoblet.

 

La Société générale des fourches groupe la moitié environ des producteurs, qui représentent les trois quarts de la production totale. C'est une société anonyme pure et simple, constituée par acte du 3 septembre 1903, presque tous les souscripteurs sont en même temps producteurs, le capital est formé de 400 actions à 100 francs, dont 300 au porteur et 100 nominatives.

 

La société usine elle-même ses fourches dans un local qui lui appartient depuis le 18 mars 1815. Ce sont les anciennes casernes, bâties en 1756-1759 à l'entrée du bourg, sur la route de Saint-Hippolyte, elle emploie une trentaine d'ouvriers.

 

Les autres propriétaires non groupés dans la société vendent leur récolte à trois petits industriels, qui ont une usine sur place.

 

La douzaine de fourches vertes, qui était achetée aux propriétaires g francs en 1903, est actuellement (1926), à 96 francs. Ce prix n'est d'ailleurs qu'un minimum garanti, et, en fin d'exercice, il y a généralement une ristourne. Le paquet de 18 fourches manufacturées vaudra en 1927 190 francs. Le prix de vente au détail d'une fourche ressort actuellement à 12 francs cinquante centimes en moyenne. Les prix ont ainsi décuplé, et plus, depuis vingt-cinq ans.

 

Les fourches sont vendues en paquet de dix-huit, pour la France, où on les emploie des Alpes à la Garonne, et en paquet de 25 pour l'Algérie et le Maroc, débouchés nouveaux.

 

La production totale, qui atteignait 5000 douzaines il y a un siècle, et 6000 en 1914, a été en 1926, de 5500 douzaines, elle est donc stationnaire. Mais cette industrie est menacée, parce qu'on trouve de moins en moins de main d’œuvre à Sauve, et surtout moins en moins de travailleurs qualifiés pour le travail délicat de la taille des micocouliers.

 

Mentionnons enfin que les usines de Sauve où l'on apprête les fourches font aussi le manche de pioche en chêne et le manche de pelle en châtaignier.

 

En résumé, voici quels sont les traits caractéristiques de l'industrie des fourches de Sauve: tout d'abord, elle est restée étroitement localisée à Sauve même. Ensuite, les procédés de culture, et d'usinage pont pas changé depuis deux cent cinquante ans, date à laquelle remontent les plus anciens documents détaillés, et probablement depuis bien plus longtemps. Je ne crois pas qu'on trouve beaucoup d'autres cultures ou d'autres industries ayant aussi peu évolué, en dépit des progrès généraux. Enfin, la majorité, des propriétaires producteurs de fourches vertes sont groupés en une société anonyme, qui n'est que la dernière forme de la vieille association remontant à la fin du XVIIe siècle.

 

Ce mode d'exploitation a permis dès cette époque de protéger fortement cette industrie toute locale, par la garantie de la qualité, par les mesures prises contre la surproduction et en faveur de la stabilité des prix d'achat et de vente, et même par l'assurance mutuelle des sociétaires en cas de déprédations. Toutefois, sous l'Ancien Régime, il semble bien que c'est la demande qui a toujours commandé l'offre. La publicité était ignorée, aucun effort n'était tenté pour rechercher de nouveaux débouchés ou intensifier les ventes.

 

Cet exemple que nous donne l'industrie des fourches de Sauve dès la fin du XVIIe siècle est à rapprocher d'autres formations connues dans l'histoire économique et dans celle de la coopération. Une société de marchands fabricants de soie à Lyon au XVIIIe siècle, une coopérative appliquée à la viticulture dans le Haut Beaujolais ; plusieurs associations agricoles fruitières ou fromagères de Savoie et de Suisse, dont l'origine est également ancienne.

 

Il ne faut donc pas ignorer que l'Ancien Régime a connu des formes d'association, coopératives ou sociétés, que l'on croirait à première vue caractéristiques de notre vie sociale moderne, mais il est juste d'ajouter qu'elles se sont singulièrement multipliées et perfectionnées de notre temps.

 

A ces titres divers, l'industrie des fourches de Sauve, dont la physionomie est bien particulière, méritait, me semble-t-il, de voir son histoire brièvement retracée.

 

NOTE ADDITIONNELLE 1930

Les récoltes de 1927, 1928 et 1929 ont donné respectivement, environ, 4200, 3700, et 4300 douzaines de fourches.

Le prix de la douzaine de vertes payé aux propriétaires s'est maintenu à 96 francs.

 

Actuellement, le prix de vente du paquet de dix-huit fourches, varie, suivant les qualités, de 245 à 275 francs.

 

Au début de l'année, une partie du vieux bâtiment des casernes de Sauve s'est effondré, cet accident n'a pas entravé la fabrication, qui s'est poursuivie normalement dans les locaux habituels.

 

H. CHOBAUT.

 

Plus d'informations:
Conservatoire de la Fourche

Visites et ventes de fourches

Rue des Boisseliers 30610 SAUVE Tél : 04 66 80 54 46 - Fax : 04 66 51 63 79

 
Dans la pittoresque cité médiévale de Sauve, dans le Gard, les villageois racontent une bien étrange histoire:
"Ici les fourches poussent dans les champs selon un savoir faire unique vieux de 700 ans."
La fourche de Sauve :
- Légère, maniable peu sujette à vermoulure
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Vous découvrirez la culture du micocoulier depuis la graine jusqu'à la fourche brute et sa transformation en produit fini.
Une histoire étonnante pour cette production originale obtenue selon la méthode ancestrale.
 

 

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