Notre-Dame de Rochefort
au Moyen-Âge.


Extrait de Notre-Dame de Rochefort-du-Gard
depuis Charlemagne jusqu'à nos jours.
Récit du Chanoine J. -B. Petitalot, 1910



Avertissement : Le livre du Chanoine de Notre-Dame de Rochefort, Jean Baptiste Petitalot, doit être abordé comme un livre pieux écrit par un homme partagé entre la rigueur de l'historien et la foi de l'homme d'église. Il n'en reste pas moins très intéressant et incontournable.   G.M.

L'oratoire de Notre-Dame, érigé, nous l'avons dit, pour perpétuer le souvenir des victoires sur les Sar­rasins, devint en peu de temps un lieu de dévotion très fréquenté. On se l'explique facilement.

D'abord, dans ces siècles de foi vive et ardente, le culte de Marie resplendissait du plus grand éclat. Les pèlerinages étaient fort en honneur, et se faisaient de préférence aux dévotes chapelles de la benoîte Vierge. Il n'est donc pas étonnant que la sainte montagne de Rochefort ait attiré des foules considérables.

À cette raison générale, il convient d'en ajouter une autre plus spéciale : le privilège d'inhumation dont jouissait la chapelle. Beaucoup de chrétiens, non con­tents d'y venir prier pendant leur vie, y choisissaient le lieu de leur sépulture, se disputant la faveur d'avoir une tombe dans le sanctuaire même, ou non loin de ses murs. Il leur semblait que, placés sous l'œil de la Bonne Mère, ils dormiraient plus sûrement du sommeil des justes, et qu'au dernier jour leurs corps ne s'élèveraient de cette terre sanctifiée que pour monter au ciel.

De plus, les pèlerins étaient assurés de trouver là tous les secours spirituels dont ils avaient besoin ; car les religieux, préposés à la garde du sanctuaire, les accueillaient avec bonté et leur prodiguaient les seins de leur saint ministère.

Marie, de son côté, continuait à répandre autour d'elle des grâces précieuses, à opérer même d'éclatants miracles.

L'un de ces prodiges ou de ces bienfaits fut l'in­vention miraculeuse de la statue en bois, datant de Charlemagne, laquelle avait été cachée dans une an­fractuosité de la montagne, au moment de l'invasion des Hongrois, et n'avait point été retrouvée depuis. Vers le milieu du XIIe siècle, dit-on, Dieu voulut la res­tituer aux hommages des peuples. Un jour donc, un violent orage ayant éclaté, la foudre tomba sur l'en­droit même où se trouvait la statue, déchira violem­ment et lança au loin les énormes masses de rochers qui la dérobaient aux regards. Un berger se tenait abrité, assez près de là. Effrayé des terribles effets de la foudre, il ne fut pas moins étonné en apercevant la statue, qui venait d'être mise à découvert. Il s'appro­che, s'assure du fait, et va en toute hâte au village faire part de la merveille qui vient d'arriver. On accourt, on reconnaît l'antique statue de Notre-Dame, qui est recueillie avec empressement et rendue au vénéré sanc­tuaire qui en était privé depuis si longtemps.

Tel est le récit donné par une tradition bien connue dans toute la contrée. D'ailleurs, l'existence de cette tradition est suffisamment constatée d'année en année, par la dévotion d'un grand nombre de pèlerins qui visitent dévotement le lieu dit de l'invention, bien qu'il soit d'un accès assez difficile. Plusieurs même détachent des parcelles du rocher, et les emportent comme des préservatifs contre les atteintes du ton­nerre.

Nous pourrions signaler d'autres pratiques pieuses dont quelques-unes provoqueront, sans doute, le sou­rire des incrédules de notre temps ; mais la foi vive dont elles étaient accompagnées et les grâces obtenues par elles, les rendent respectables. C'est ainsi que, pour les maux de tête, après avoir prié Notre-Dame-la -Brune (1), le patient appuyait sa tête sur la statue de la Vierge ; et maintes fois, par cet attouchement, on obte­nait une entière guérison. C'est ainsi encore que, dans les accouchements laborieux, pour obtenir la déli­vrance des femmes en danger, on faisait monter à ge­noux la colline à neuf jeunes filles. Cette pratique si touchante et si méritoire de monter la sainte montagne à genoux a persévéré pendant des siècles et s'ob­serve encore quelquefois à notre époque.

Le mouvement des croisades servit également à rehausser la gloire du pèlerinage. Les premières, en effet, nos religieuses populations du midi avaient en­tendu les récits lamentables de Pierre l'Ermite, arri­vant de Jérusalem, et ensuite la voix éloquente d'Ur­bain II, qui visita le monastère de Saint-Gilles, parcou­rut les campagnes et les villes de ces contrées, lors de son voyage à Clermont, et à son retour s'arrêta à Avi­gnon et à Saint-André de Villeneuve.

Avant de traverser les mers, les pieux croisés ne manquaient pas de faire un pèlerinage aux sanctuaires de Marie. Plus d'un chevalier vint demander à la Vierge autrefois victorieuse des Sarrasins, sur les collines du voisinage, de le prendre sous ses auspices et de le ren­dre à son tour triomphant des mêmes ennemis.

Et tandis que ces vaillants guerroyaient sur les ri­vages lointains, leurs parents, leurs amis venaient prier la divine Mère de ramener sains et saufs ces objets de leurs affections.

Et enfin, quand les croisés arrivaient d'outre-mer, ils montaient de nouveau au sanctuaire vénéré. Redevables à Marie d'avoir échappé à tant de périls, ils tombaient pleins de reconnaissance à ses pieds, lui offraient de riches présents, suspendaient aux voûtes de la chapelle des armes conquises sur les musulmans, et quelquefois les chaînes d'une dure captivité, dont ils s'étaient vus délivrer par un vœu à la Vierge mira­culeuse de Rochefort.

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> Lors d'une invasion, les religieux cachent la statue de la vierge au Xe Siècle

(1) Une série d'articles sur les Vierges Noires

> L'énigme des Vierges Noires


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