NOTRE DAME DE ROCHEFORT Les préparatifs du XIe centenaire Extrait
de Notre-Dame de Rochefort-du-Gard
depuis Charlemagne jusqu'à nos jours. Récit du Chanoine J. -B. Petitalot, 1910 Avertissement
: Le livre du Chanoine de Notre-Dame de Rochefort, Jean Baptiste
Petitalot, doit être abordé comme un livre pieux écrit par un
homme partagé entre la rigueur de l'historien et la foi de l'homme
d'église. Il n'en reste pas moins très intéressant et
incontournable. G.M. XXXVII Le pèlerinage de Rochefort datant de l'année 798, l'année 1898 amenait le XIe centenaire de sa fondation. Cet anniversaire, onze fois séculaire, méritait d'être célébré par des fêtes exceptionnellement solennelles. Mgr Béguinot, qui occupait depuis deux ans le siège épiscopal de Nîmes, saisit avec joie une si belle occasion de montrer son ardente dévotion pour la très sainte Mère de Dieu, et résolut de donner à ces fêtes un éclat inouï, en les célébrant tout à la fois dans le sanctuaire de Rochefort et dans la basilique-cathédrale de Nîmes. Prés d'un an d'avance, le 31 octobre 1897, la Semaine Religieuse les annonçait en ces termes : « L'année prochaine on célébrera le onzième centenaire de la fondation de la pieuse chapelle. Tout nous fait espérer, à cette occasion, une recrudescence d'élan et de dévotion envers l'auguste Mère de Dieu, qui a voulu que le diocèse de Nîmes fût doté d'un de ses plus beaux sanctuaires du midi de la France. Nous savons que Mgr l'Évêque tient à honneur de se mettre lui-même à la tête de ce mouvement de reconnaissance et de dévotion. « Le culte de Notre-Dame de Rochefort est, du reste, de tradition parmi les glorieux évêques qui se sont succédé, depuis prés d'un siècle, sur le siège de Nîmes. Mgr de Chaffoy a relevé de ses ruines le béni sanctuaire au lendemain de la Révolution. Mgr Cart l'a confié aux RR. PP. Maristes. Mgr Plantier aimait à venir y prier tout seul et à s'y reposer de ses fatigues. Mgr Besson et Mgr Gilly lui ont donné des marques nombreuses de leur vive et profonde sollicitude. Mon-seigneur notre évêque actuel l'a honoré d'une de ses premières visites.... » Bientôt Mgr Béguinot pria le Souverain Pontife de vouloir bien ouvrir, à l'occasion du centenaire, le trésor des grandes indulgences jubilaires; et le 5 février 4898, le Pape Léon XIII répondit par un Bref très glorieux, pour notre sanctuaire, et dont voici la traduction : Léon
XIII Pape
À tous les fidèles de Jésus-Christ qui liront les présentes lettres Salut et bénédiction apostolique. C'est avec la plus douce et la plus agréable satisfaction que Nous avons appris la célébration prochaine de pieuses solennités séculaires, en mémoire de l'érection du sanctuaire de la Bienheureuse Marie Vierge Immaculée de Grâce, situé dans les limites du diocèse de Nîmes, prés de la ville vulgairement appelée Rochefort. Comme très souvent les fidèles se rendent, même de pays éloignés, en pèlerinage à ce sanctuaire, non moins illustre par son antiquité que par les faits remarqués de son histoire, et que la prochaine solennité accroîtra le nombre de ces pèlerins, désireux de faire retirer de cette heureuse solennité les fruits les, plus féconds dans le Seigneur, plein de confiance en la miséricorde du Dieu tout-puissant et appuyé sur l'autorité de ses bienheureux apôtres Pierre et Paul, Nous accordons une indulgence plénière à tous et à chacun des fidèles de l'un et de l'autre sexe qui assisteront chaque jour aux prières du Triduum célébré à cette heureuse occasion, dans la Cathédrale de Nîmes, qui, vraiment repentants et s'étant confessés, feront la communion, l'un des trois jours du Triduum, à leur choix et prieront dans ladite Cathédrale, pour la concorde des princes chrétiens, l'extirpation des hérésies, la conversion des pécheurs, et l'exaltation de notre sainte Mère l'Église ; mais, aux fidèles qui, également repentants, s'étant confessés et ayant communié, visiteront pieusement le sanctuaire de Notre-Dame de Rochefort, un jour á leur choix, depuis le mois de mai, jusqu'au mois de septembre inclusivement, et y prieront aux intentions ci-dessus indiquées, Nous accordons en forme de Jubilé, une indulgence plénière et la ré-mission de tous leurs péchés. Nous accordons que toutes et chacune de ces indulgences et rémissions des péchés puissent être appliquées aussi en manière de suffrage aux âmes des fidèles qui ont émigré de ce monde, unis à Dieu par la charité. En outre, Nous accordons à tous les confesseurs légitimement approuvés dans le diocèse de Nîmes, en vue de faciliter les moyens de gagner ce jubilé, tous les pouvoirs que Nous accordâmes, par les Lettres Apostoliques Pontifices Maximi datées du XV février MDCCCLXXIX, excepté toutefois les pouvoirs qui ont été exceptés dans ces Lettres. Nonobstant tout ce qui pourrait être contraire à ces Lettres. Ces présentes Lettres valables seulement pour cette année. Donné à Rome, prés de Saint-Pierre, sous l'anneau du Pêcheur, le V février MDCCCXCVIII, de Notre Pontificat la vingtième année. Aloys. Card. MACCHI. Mgr Félix-Auguste Béguinot, évêque de Nîmes 1896-1921 Le 12 avril suivant, Mgr l'Evêque, Felix-Auguste Béguinot, portait ce Bref à la connaissance de tout son diocèse, et l'accompagnait d'une magnifique Lettre Pastorale, dont voici le Dispositif : Afin de nous conformer aux intentions du Saint-Père, les fêtes solennelles du onzième anniversaire séculaire de la fondation de Notre-Dame de Rochefort, comprendront donc deux ordres de solennités religieuses. La première et la plus notable partie des fêtes sera célébrée, comme de justice, au sanctuaire même de Notre-Dame de Rochefort, selon un programme détaillé qui sera dressé par les RR.. PP. Maristes et approuvé par Nous. D'une manière générale, les fêtes du Centenaire s'ouvriront à Rochefort le 1er mai 1898 et se termineront le 31 septembre de la même année. Pendant cette période de cinq mois, tous les fidèles qui visiteront le sanctuaire pourront gagner l'indulgence plénière en forme de Jubilé, accordée par le Souverain Pontife, suivant les conditions énoncées dans le bref du 5 février 1898. Ces démonstrations religieuses au sanctuaire même de Rochefort, nous en avons la certitude, seront des plus brillantes ; toutefois, par suite de l'étroitesse des locaux et de l'insuffisance des terrains, elles devront être forcément restreintes à des pèlerinages de paroisses ou tout au plus à des réunions par canton. Nous avons donc pris la liberté de représenter au Souverain Pontife, qu'il convenait à la dignité suréminente de Celle que nous avions à cœur d'honorer, non moins qu'à l'enthousiasme religieux du Clergé et du peuple de choisir, pour la célébration de fêtes spéciales, un lieu plus vaste, plus accessible aux multitudes comme par exemple, dans notre ville épiscopale à Nîmes, la Basilique Cathédrale dédiée à Marie. Là, il nous serait possible, en présence des évêques et du peuple assemblés, de déployer plus à l'aise les splendeurs du culte, durant la célébration d'un Triduum solennel. Le Pape a daigné également approuver et bénir ce projet et en favoriser l'exécution par la concession d'une indulgence plénière. Les 5, 6, 7 juillet, ont été choisis pour la célébration du Triduum solennel de Notre-Dame de Rochefort à la Cathédrale de Nîmes. Le programme détaillé des fêtes vous sera communiqué ultérieurement. Mais dès maintenant, il m'est consolant de vous annoncer que rien ne sera négligé pour donner à ces fêtes le plus grand éclat. Saluons donc, Nos Très Chers Frères, avec une joie vraiment filiale l'annonce de ces grandes solennités, qui, en dehors du contentement intime inhérent à la célébration de nos fêtes catholiques, nous donneront la certitude de plaire au divin Jésus, notre très aimable Sauveur, en honorant Marie, sa Sainte Mère. A ces causes, le saint nom de Dieu invoqué, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit : ARTICLE PREMIER - Conformément au Bref qui nous est adressé par le Souverain Pontife, à la date du 5 février 1898, l'indulgence du Jubilé, accordée par Notre Saint-Père le Pape Léon XIII, à l'occasion du onzième anniversaire séculaire de la fondation de Notre-Dame de Rochefort, est publiée dans le diocèse de Nîmes. Cette indulgence, dont les conditions formulées dans le bref sont expliquées dans l'instruction ci-annexée, peut être gagnée du 1er mai au 30 septembre 1898. Messieurs les Curés voudront bien s'entendre avec les Révérends Pères de Notre-Dame de Rochefort pour l'organisation des pèlerinages dont le programme sera inséré dans la Semaine Religieuse. ART. 2. - Un triduum solennel, en l'honneur de Notre-Dame de Rochefort, sera célébré dans la Basilique-Cathédrale de Nîmes, le mardi 5, le mercredi 6, le jeudi 7 juillet 1898. Une indulgence plénière est accordée aux fidèles qui suivront les exercices de ce triduum aux conditions énumérées dans le bref du Souverain Pontife et expliquées dans l'instruction ci-annexée. Cette indulgence plénière peut être gagnée par tous les fidèles et ne se confond pas avec l'indulgence Jubilaire accordée au sanctuaire de Notre-Dame de Rochefort. ART. 3. - Nous invitons tous les membres du clergé séculier et régulier, soit de notre ville épiscopale, soit du diocèse, à assister à ce triduum. Les prêtres du diocèse en prévenant à l'avance Monsieur le Supérieur seront reçus au Grand-Séminaire. Nous sollicitons avec confiance le concours empressé de tous nos diocésains, pour donner à ces fêtes tout l'éclat dont notre bien-aimée ville de Nîmes aime à entourer nos solennités religieuses. Et.,sera la présente lettre lue au prône dans toutes les ,églises du diocèse le dimanche qui en suivra la réception. Donné à Nîmes, en notre Palais Épiscopal, sous notre seing, le sceau de nos armes et le contre-seing du Secrétaire général de notre Évêché, le 12 avril 1898. FÉLIX
(1)
Évêque
de Nîmes, d'Uzès et Alais.
(1) Félix-Auguste Béguinot 1896-1921. Encouragés par leur Évêque, les Gardiens du sanctuaire travaillaient avec ardeur aux préparatifs matériels. Ils eurent le chagrin de perdre leur supérieur, le P. Dubruc, enlevé par une mort rapide mais non imprévue. Chargé une première fois, en 1882, de la direction du pèlerinage, il avait eu pour successeur le P. Bonny, à qui il avait lui-même succédé en 1895 pour une seconde période de supériorat. Il faisait peindre la chapelle et avait mis en réserve quelques ressources pour couvrir les dépenses des fêtes du jubilé, lorsque Dieu le rappela presque subitement. Le P. Boisserie, nommé à sa place, se mit activement à l'œuvre pour disposer toutes choses sur la sainte Montagne. Il acheva les peintures de l'église, qui coûtèrent près de 5.000 francs ; redora le baldaquin au-dessus de la statue miraculeuse, pour la somme de 820 francs ; plaça les deux vitraux de l'abside, représentant l'un le couronnement de la Vierge par Mgr Plantier, l'autre une procession du centenaire présidée par Mgr Béguinot. Ces deux vitraux, sortis des ateliers de Lucien Bégule, de Lyon, coûtèrent 1.800 fr. Il fallut replacer tous les ex-voto dans la chapelle rajeunie, acheter un harmonium 642 francs, redorer plusieurs lampes et revernir les quatre brûle-cierges, faire blanchir les chambres, les salles et les corridors de l'asile ; opérer enfin d'autres réparations utiles. Un album du pèlerinage fut imprimé à six mille exemplaires, pour 1680 francs ; une notice historique de Notre-Dame-de-Grâce, écrite par le P. Léon Chapot, éditée par Paillart d'Abbeville, fut tirée à dix mille exemplaires et coûta 700 francs. (1) En un mot, rien ne fut négligé pour solenniser convenablement l'année jubilaire et en perpétuer le souvenir. (1) Par la suite, cette notice historique de Notre-Dame-de-Grâce sera jointe, en annexe, au livre du P. Léon Chapot, "Le Batelier de Notre-Dame", imprimé par J. Lefort à Lille en 1907.) Version intégrale sur Notre-Dame de Léon Chapot > Notice historique de Notre-Dame-de-Grâce du P. Léon Chapot, 1898 |