Catherine
Sicard, âgée de sept mois seulement, travaillée d'un
tremblement de tête continuel est présentée à la Vierge en
1664. L'enfant fut instantanément et parfaitement guérie. Dans la
salle
des Ex-Voto on peut voir, un ancien tableau, peint à l'huile et
bien conservé, où se trouve représenté l'accomplissement du
miracle.
xL'antique
église de Notre-Dame va sortir de ses ruines, un nouveau
couvent sera construit auprès d'elle, le pèlerinage deviendra plus
florissant que jamais. Et tout cela va s'accomplir de la manière la
plus inattendue.
Un
vœu a été fait par un habitant de Rochefort, nommé Jacques
Sicard, notaire royal. Ce personnage avait promis d'aller en
pèlerinage à Notre-Dame de Lorette, en Italie ; mais il arriva, par
un secret dessein de Dieu, qu'il fut toujours empêché de faire
ce voyage. La distance et surtout les incessantes occupations de
sa charge le retenaient.
Sur
ces entrefaites, en 1629, le pape Urbain VIII publia un jubilé
extraordinaire afin d'obtenir la cessation des maux qui
affligeaient l'Église. Pour diverses causes, ce jubilé fut prorogé
à trois reprises les années suivantes, et chaque fois le Souverain
Pontife accorda aux confesseurs des pouvoirs très étendus.
Dans
l'embarras où il était, Sicard se décida à consulter le
directeur de sa conscience, sur ce qu'il avait à faire pour
s'acquitter de ses engagements sacrés. Celui-ci, usant de ses
pouvoirs extraordinaires, le dispensa, ou plutôt commua son vœu en
toute autre œuvre pie à sa volonté, avec la condition d'y
consacrer l'argent qu'il eût dépensé pour faire le voyage de
Lorette.
Quelle
bonne œuvre choisira Sicard ? Il cherche, il prie, il réfléchit.
Un jour enfin, en 1631, il jette comme par hasard les yeux sur la
montagne et sur la chapelle de Sainte-Victoire. Soudain, une
inspiration vient frapper son esprit, des réparations au sanctuaire
sont résolues et exécutées bientôt après.
Il
fait fermer les trous des murailles, poser une porte avec serrure,
afin d'empêcher les bergers et leurs troupeaux de pénétrer
désormais dans cette enceinte.
Il
est probable que Sicard voulut travailler uniquement pour sainte
Victoire, dont le nom seul était resté attaché à la chapelle. Il
n'en devint pas moins le premier instrument dont Dieu se servit
pour relever le culte de sa Mère ; ces réparations sont peu
importantes, mais elles sont un commencement, une pierre
d'attente.
Maintenant,
voici venir un pieux jeune homme sur ta sainte montagne. Il est
suscité, lui aussi, par la divine Providence pour avancer grandement
l'œuvre de la restauration, à peine commencée. Nous lui devons une
large place dans notre récit ; car le bien immense opéré par son
zèle et par ses exemples en fait un des personnages les plus
intéressants de cette histoire.
Notre
pieux jeune homme, natif d'Avignon, se nommait Jean-Baptiste
Louis. Consacré dès son enfance à la
Sainte Vierge, par ses bons parents, il l'avait prise lui-même,
devenu grand, pour sa protectrice spéciale. Il fit, à l'âge de
quinze ans, le pèlerinage de Lorette, et c'est là qu'il forma le
dessein d'embrasser la vie solitaire et religieuse. Il entra
d'abord, comme simple serviteur, dans un monastère de Chartreux au
diocèse de Modène. Plus tard, à l'âge de dix-neuf ans, il prit
l'habit de novice lai, dans l'ordre de Saint-Dominique.
Mais
une maladie très grave l'ayant alors réduit à l'extrémité,
il fit vœu, s'il recouvrait la santé, de se faire ermite et
d'élever, dans son ermitage, un autel à Marie sous le titre de
Notre-Dame de Grâce.
Jean-Baptiste
Louis revint donc à .Avignon, tout préoccupé de l'accomplissement
de son vœu. Or, il arriva, au mois de juin de l'année 1633, .
qu'il fit la rencontre de deux jeunes étudiants, placés dans
son voisinage, et avec lesquels il se lia d'une étroite amitié.
C'étaient les fils du notaire Sicard de Rochefort. Un jour, comme il
leur parlait de son dessein de vie religieuse, ceux-ci lui
dirent dans quel état leur père avait mis, depuis deux ans, la
chapelle de Sainte-Victoire, le pressant en même temps d'aller la
visiter et de s'y fixer. Louis céda aisément à ces instances.
L'endroit lui parrut très propre à l'exécution de ses projets
et de ses engagements, et il se décida à venir habiter sur la
montagne.
En
conséquence, le 13 du même mois de juin; il demanda et reçut
des mains du curé de Rochefort, avec autorisation de Torquatus,
vicaire général d'Avignon, l'habit des ermites du Tiers-Ordre de
Saint-François, et le 12 juillet il s'établissait sur le Mont
sacré; avec le titre de Frère Ermite, que lui conféraient ses
lettres d'approbation. Le saint jeune homme avait alors vingt-trois
ans.
La
chapelle elle-même lui servit d'abord d'habitation, pour le
jour et la nuit. Il en fit une maison de pénitence et de
prière, car il y vivait austèrement et y priait sans cesse. Il se
levait de grand matin, mendiait sa nourriture de porte en porte, et
consacrait tous ses instants de loisirs à purifier le lieu saint de
la grande quantité d'immondices qui le souillaient encore et à le
parer de son mieux. Ainsi ce bon Frère commençait-il à
accomplir le vœu qu'il avait fait en Italie.
Mais
il avait promis aussi d'élever un autel en l'honneur de Marie, et
c'est principalement ce qu'il avait à cœur de réaliser. Privé de
toute ressource, il mettait toute sa confiance en la Sainte Vierge,
et son attente ne fut pas trompée. Comme il achevait d'enlever les
immondices, il découvrit entre les deux portes de la chapelle, un
dépôt considérable de chaux fusée, cachée dans la terre.
Cette chaux avait été déposée là, sans doute, par les
Bénédictins, lorsqu'ils voulurent tenter quelques réparations,
après les ravages des Protestants.
-
« Voilà,
se dit le bon ermite, un signe inattendu que Dieu et sa divine Mère
sont favorables à mon entreprise.
» Transporté de joie, il courut annoncer à Sicard son heureuse
trouvaille, le priant de l'aider à élever un autel à Marie. Sicard
et tous les habitants de Rochefort se prêtèrent volontiers à ses
désirs, et sans tarder on se mit à l'œuvre.
Frère
Louis, disent nos Annales, fit pétrir sa chaux avec d'autres chaux
et sable, dont les habitants lui firent l'aumône, et d'une grande
pierre de taille qu'il obtint de la charité d'un habitant, il édifia
un autel dans le chœur de l'église. Ensuite il fit aplanir le
chemin qui conduisait à la chapelle, lequel était si rude
auparavant qu'une bête aurait eu peine à y monter. Enfin, il
répara une partie du toit entièrement ruiné de la chapelle.
Le
nouvel autel fut élevé rapidement. On le mit à l'endroit même où
se trouvait le piédestal de l'ancienne statue. C'est là aussi que
se trouvent maintenant le maître-autel, le dôme et l'image
miraculeuse de Notre Dame. Nos ancêtres tenaient
scrupuleusement à conserver toujours le même emplacement.
La
chapelle et le nouvel autel furent bénis solennellement, le 24
mars 1634. Marius Philonardi, archevêque d'Avignon, autorisant
cette bénédiction, accorda quarante jours d'indulgence à tous ceux
qui, contrits et communiés, visiteraient dévotement ce sanctuaire
le jour de l'Annonciation. Le lendemain, jour de cette fête, la
messe fut célébrée et chantée avec pompe par le curé de
Rochefort. La cérémonie ayant été annoncée à l'avance dans
les environs, une foule de personnes y accoururent, au point que
l'étroite enceinte avait peine à contenir tous les assistants.
Ce
jour fut une grande fête sur la montagne ; et dès lors la sainte
chapelle, appelée communément autrefois Sainte-Marie ou
Sainte-Victoire, ne porta plus que le titre de Notre-Dame de Grâce,
sous lequel elle fut dédiée de nouveau à la Sainte Vierge,
conformément au vœu fait par Jean-Baptiste Louis. Voilà
pourquoi la première messe, célébrée dans cette église
après sa restauration, fut fixée au jour même où Marie a été
saluée par l'ange pleine de grâce.
De
son côté, l'auguste Reine du ciel choisit la même circonstance,
pour montrer, dit son historien dom Mège, « qu'elle voulait
faire en ce saint lieu une libérale effusion de ses plus
précieuses faveurs, comme en ce jour elle avait été remplie de
toutes les grâces, en concevant l'Auteur de tous les biens. »
Elle manifesta donc sa présence dans le sanctuaire, en y
opérant un miracle sous les yeux de tous, pendant la première
messe dite sur le nouvel autel.
Jacques
Sicard, lieutenant de Rochefort, qui venait de réparer la chapelle;
avait une petite fille nommée Catherine Sicard, âgée de sept mois
seulement, travaillée d'un tremblement de tête si violent et
si continuel, qu'il ne cessait jamais, en quelque état et
quelque posture qu'on mît cette petite, pas même durant le peu
de sommeil que ce petit corps abattu pouvait prendre: Les parents
désolés usèrent de tous les soins, de tous les remèdes, niais
inutilement; il fallait un miracle.
On
apporta la petite malade à la chapelle de Notre Dame de
Grâce, le jour où l'on y célébra la première messe ; les parents
offrirent une tête de cire, pour marquer, par leur présent, ce
qu'ils demandaient par leur prière. L'enfant fut instantanément et
parfaitement guérie. La chapelle était remplie d'un très grand
nombre de personnes ; ce miracle eut autant de témoins, et fut
divulgué par autant de bouches ; il se répandit, non seulement dans
les lieux circonvoisins, mais encore dans toutes les provinces
du royaume.
Les
parents de l'enfant, ravis et reconnaissants d'un si grand bienfait,
en voulurent conserver la mémoire à la postérité, et firent en
sorte qu'on en fît une enquête juridique à la requête du
procureur fiscal, devant M. Espessel, prêtre, chanoine de
Roquemaure, et official forain de l'archevêché d'Avignon. Le père
et la mère de la malade guérie, avec un grand nombre de témoins
dignes de foi, ont signé cette enquête, qui est datée du onzième
juillet de l'année 1635.
Parmi
les ex-voto qui décorent la chapelle, on voit encore aujourd'hui
l'ancien tableau, peint à l'huile et bien conservé, où se trouve
représenté l'accomplissement du miracle. En l'opérant, la
Sainte Vierge se montrait reconnaissante envers la famille Sicard, et
voulait aussi récompenser la foi vive et le zèle ardent du Frère
Louis ; car, c'est sur les instances du pieux ermite que la mère
Sicard se détermina à porter ce jour-là sa fille à
Notre-Dame.
Quinze
jours après ce premier miracle, un autre, non moins frappant,
s'opérait dans notre chapelle : la guérison d'un aveugle.
Il
s'appelait Pierre Guigue, était natif de Domazan et habitait la
ville d'Aramon. Il était âgé d'environ cinquante ans, et avait
entièrement perdu la vue depuis trois ans. Tous les remèdes
humains avaient été inutiles, et les plus habiles jugeaient le mal
sans espoir. Dieu lui inspira de se faire conduire à la
chapelle de Rochefort, c'était le 9 avril 1634:
Dès qu'il entra dans le saint lieu, ses yeux s'ouvrirent ; il
aperçut sur l'autel de la Vierge les cierges allumés, et recouvra
parfaitement la vue, en sorte qu'il s'en revint lui-même à
Aramon, sans avoir besoin d'aucun guide. Telles étaient sa joie et
sa reconnaissance qu'il ne pouvait se taire, ni se lasser de raconter
à tout le monde la grâce qu'il avait reçue de la très Sainte
Vierge.
Le
miracle est attesté par une procédure juridique, faite par les
officiers ordinaires de la ville et baronnie d'Aramon, signée par le
curé, par le premier consul, par plusieurs autres personnes
notables, et par M. Alboyn, docteur en médecine, « qu'on ne doit
pas accuser d'être trop facile à croire les miracles ; car ce
n'est pas le péché de messieurs de cette profession. »
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