St Gérard de Lunel, Seigneur de Rochefort

avec l’aimable collaboration de Patricia Rouvière

 

Gérard et son frère déguisés en mendiants

 se décident à mener une vie solitaire au Pont du Gard

 

5 versions : Dom Vaissette, Mège, les frères Maristes de Notre Dame, André Laget, et le chanoine Petitalot

 

VERSION 1

- Dom Vaissette – Histoire Générale du Languedoc, 1730.

 

En 1295, Géraud d’Ami seigneur de Castelnau de la maison de Sabran, et Raymond Gaucelin seigneur d’Uzèz prétendoient succéder à Rousselin seigneur de Lunel, mort depuis peu sans postérité, de Béatrix de Genève sa femme, qui lui survécut. Rousselin avoit institué pour Héritier, dans son testament Raymond Gaucellin seigneur d’Uzèz en partie qui descendoit de Guillemelle, fille de Raymond Gaucelin seigneur de Lunel, ayeul paternel du même Rousselin qui l’avait substitué. Enfin ils convinrent de partager la succession, et d’échanger chacun sa portion de la baronnie de Lunel avec le roi Philippe le Bel. Ils réglèrent cet échange avec Alphonse de Rouvroi Sénéchal de Beaucaire, et le Roi ratifia par des lettres données à Vincennes le samedi après la S. Denys de la même année. Ils cédèrent donc à ce village  de Marsillargues, et quatorze autres villages qui dépendoient de la baronnie de Lunel, la suzeraineté sur le lieu du Port, le village de S. Just, le château de Gallargues, etc. Le roi, qui étoit bien aisé d’unir tous ces domaines à la couronne, à cause du voisinage du port d’Aigues-mortes et de la côte de la mer, donna un fief en échange, à Géraud d’Ami, le château de Rochefort, qui est en-deça du Rhône, et d’autres domaines à Raymond Gaucellin seigneur d’Uzès, sous le service chacun des trois chevaux armez.

 

VERSION 2

- Histoire Générale du Languedoc, Alexandre de Mège, 1840.

 

Les bollandistes nous ont donné ces actes écrits par frère Mathieu Masi religieux Ermite de saint Augustin, qui les avait recueillis dit-il, tant du rapport des anciens que de quelques écriture. Suivant ce légendaire, S. Géri (Gérius) était d’une ancienne famille Française et de la race du comte de Lunel. Il se joignit dans sa jeunesse avec son frère nommé Effrendus ou Effrénandus. Et ayant résolu ensemble de se consacrer à J.C. et de se retirer dans la solitude, ils vinrent habiter dans deux grottes séparées, et situées l’une à droite et l’autre d’un pont d’une structure admirable, construit sur ce fleuve. Ils menèrent là pendant quelque temps une vie cachée. Mais les inondations fréquente du fleuve les ayant obligés à quitter ce séjour, ils se rendirent dans un château situé à une lieue du pont, et ils résolurent d’aller faire un pèlerinage à la Terre Sainte. Dans ce dessein ils s’embarquèrent en un port de Provence. Mais la tempête les ayant surpris dans la mer toscane, ils furent obligés de relâcher à Cornèto, d’où ils furent à Rome visiter le tombeau des saints Apôtres. Ils prirent ensuite la route d’Ancône pour aller voir Libère qui s’était acquis dans le pays une grande réputation de sainteté. Géri tomba malade en chemin auprès du château de Montorsi où il mourut. On transféra son corps à Monté-santo (à cinq mille de Lorette et à autant de Récanati) où il se fait tous les ans, en son honneur, un grand concours de peuple le 25 de mai jour de sa fête.

 

Tel est le précis de la vie de saint Géri, qu’on accompagne d’un grand nombre de prodiges opérés soit dans sa vie, soit après sa mort, sans marquer le temps où il a vécu. Les Bollandistes conjecturent qu’il vivait au XIIIe Siècle, dans le temps que les chrétiens conservaient encore une partie de la Terre Sainte, et qu’on y faisait de fréquents pèlerinages. Aussi, selon eux, S. Géri mourut vers l’an 1270. Quant à ces actes, ils conviennent qu’ils sont fort récents, et que Ferrari, qui en a rapporté un extrait dans son catalogue des saints d’Italie, remarque qu’ils contiennent des choses peu vraisemblables, et sujettes à la critique. Mais ajoute, le P. Henschenuis, auteur du commentaire préliminaire, je n’y retrouve rien qui mérite une si grande censure. Nous n’entrerons pas dans cette décision, nous nous contenterons d’observer par rapport à la naissance de S. Géri, que le légendaire fait de la race des comtes de Lunel en Languedoc.

 

1) qu’il n’y a jamais eu de comtes de Lunel ni dans le XIIIe Siècle ni dans les suivants et que ceux qui ont possédé le domaine de cette ville n’ont jamais pris que le titre de simples seigneurs, quoiqu’ils tinssent un rang considérable dans la province.

 

2) Que le nom de Gérius et celui d’Effrendus, que l’on prétend être la même chose que Fernand, sont étrangers dans la maison de ces seigneurs, pour ne pas dire à toute la province. Mais quand même celui de Gérius aurait été abrégé par aphérèse de celui de Rogérius qui était véritablement fort connu dans le pays nous ne trouvons pas non qu’i ait été en usage dans la maison de Lunel. Et il n’y a d’ailleurs aucune preuve que S. Géri et son frère fussent de cette maison. Tout ce qu’on peut dire de plus vraisemblable de ce saint et de ces actes, écrits très longtemps après sa mort, sur une tradition éloignée, à laquelle il se mêle toujours beaucoup de fables, c’est qu’il était natif de Lunel, au diocèse de Maguelonne, et si l’on veut d’une famille noble. Que lui et son frère se retirèrent d’abord dans deux grottes situées auprès du Pont du Gard, qui est sans doute d’une structure admirable, dont il est parlé dans les mêmes actes, et qui est en effet situé dans une solitude à cinq lieux de Lunel. Qu’il passa de là en Italie avec son frère, et qu’il mourut en odeur de sainteté.

 

VERSION 3

- Sanctuaire de Notre-Dame, Son histoire, son couvent, écrit par les Frères Maristes en 1861.

 

, André LagetSt Gérard, Baron de Lunel et de Rochefort. La vie si belle mais trop peu connue de ce jeune Seigneur, mérite bien d'être rapportée ici au moins dans les détails qui se rattachent le plus à notre histoire. Ils ont été tous puisés dans les actes du Saint.

 

Gérard naquit à Lunel, de Géraud Amicy, Seigneur de Castelnaud, issu de la maison de Sabran et de Thérèse Gaucelin, fille de Raymond Gaucelin, baron de Lunel.

 

Rempli de l'esprit de Dieu, dès sa plus tendre enfance, sans cesse appliqué à l'oraison, et fidèle à l'attrait de la grâce, il croissait chaque jour en vertus, aussi bien qu'en âge. Le ciel lui avait donné sans on frère nommé Effrenaud, un confident sûr et un modèle parfait. Ils s'aimaient tendrement l'un l'autre, et ils s'animaient réciproquement au bien et à la perfection.

 

Gérard n'avait pas encore atteint sa 20ème année, lorsque mourut Rosselin Gaucelin son oncle maternel. C'était en 1294. Par cette mort, il devint possesseur de la moitié de la baronnie de Lunel, de laquelle dépendaient 15 villages. Ce domaine s'étendait jusqu'à la mer, et d'un autre côté, il touchait aux murailles d'Aigues-Mortes.

 

Le roi Philippe Le Bel nourrissait alors la pensée d'agrandir cette ville et son bassin, le seul port que la France possédât sur la méditerranée. Il fit donc proposer à Géraud Amicy, administrateur des biens de son fils, encore mineur, de lui céder ses possessions, offrant d'autres terres en échange. Géraud acquiesça volontiers aux désirs du monarque, il céda la baronnie de Lunel, et reçut en compensation, celle de Rochefort créée à cette occasion, avec plusieurs villages et châteaux en dépendant (1).

 

Voici quels étaient les lieux qui dépendaient de la Baronnie de Rochefort :

 

Villa de Strazanieis et de Domazano

Castrum et villa Sancti Hilarii

Tenementum de Sadons

Castrum et Turris de Valleaquaria

Dominium Castri et Villa de Fornesio

Dimidia pars jurisdictionis de Tavellis

Pedagia de Rupeforti, de Cabana et de Tavellis

Pedagium de Podio-Alto, cum dimidia porte

Pedagii de Saranaco et Traversa de Clausona

Trésor des Chartres - Coffre du Languedoc

 

Le contrat fut passé en 1295, par l'intermédiaire d'Alphonse de Rouvroy sénéchal de Beaucaire. Philippe le Bel le ratifia la même année, par lettres patentes datées de vincennes, le samedi après la fête de St Denis, qui se célèbre le 9 octobre.

 

Devenu baron de Rochefort, St Gérard ne tarda pas à venir se fixer dans sa nouvelle demeure. Mais, loin de se laisser éblouir par les richesses et les honneurs, il parut plus que jamais détaché de la terre, et fervent dans le service de Dieu. La prière faisait ses délices. , André LagetLa vertu et par dessus tout la chasteté, était toute son ambition. Il mettait cette belle et délicate vertu, sous la sauvegarde de l'humilité, disent les auteurs de la vie. Sans doute, il la confiait aussi à la plus humble et à la plus pure des vierges. Tous les saints ne se sont-ils pas distingués par une dévotion singulière à l'auguste Marie ?

 

Aussi Gérard s'estimait-il très heureux de posséder sur ses terres, tout près de son habitation, un sanctuaire spécialement dédié à la divine mère, et célèbre par les miracles qu'elle y opérait depuis des siècles.

 

Que de fois, il gravit le Mont sacré, et vint se mêler à la foule agenouillée aux pieds de Notre-Dame, faysant force prières et oraisons, pour employer le naïf langage de l'époque, sy que les gens, qui oyoient ses gémissements et dévotes lamentations en estoient du tout ravys. Tant de piété ornait richement le sanctuaire dans lequel, on peut le dire, ce jeune Saint brillait comme une perle précieuse.

 

Lui-même d'ailleurs, se dépouillant de ses joyaux, travaillait de ses propres mains, à en décorer l'autel de Marie : Pourquoy il aymait la benoiste vierge, comme ung enfanctelet ayme sa mère.

 

Le plus souvent, pour trouver la solitude, dont il faisait ses délices, il s'échappait seul, ou avec son frère, et s'enfuyait vers ce lieu désert. C'est là apparemment, que prosterné durant de longues heures contre le pavé, il méditait dans le secret du cœur, des projets de haute sainteté, et qu'il recevait les lumières et la force de les exécuter.

 

Gérard avait été reçu, dès l'âge de six ans, dans la confrérie des pénitents blancs, établie par St François d'Assise lui-même, lors de son passage à Lunel, en 1214. Dans leur primitive institution, les membres de cette dévote association étaient des tierçaires franciscains, c'est à dire des religieux vivant dans le monde et observant autant qu'il était en eux, la règle de pauvreté et de pénitence du Saint patriarche d'Assise. Notre jeune saint avait revêtu non seulement l'habit, mais encore le véritable esprit de Pénitents. Chaque jour, il mortifiait son corps et usait de ses biens comme n'en ayant pas, se privant lui-même et répandant d'abondantes aumônes. Bien plus, il songeait sérieusement à quitter le monde, à embrasser les plus rudes austérités et même à faire plus tard le voyage de la Terre Sainte.

 

Il communiqua ses desseins au pieux Effrenaud. Celui-ci, loin de le désapprouver, s'engagea à suivre partout son bien aimé frère.

 

Un jour donc, les deux héros chrétiens, après s'être recommandés à Notre Dame la Brune, quittèrent secrètement le Château de Rochefort. Pleins de confiance en Dieu, et dans la Sainte Mère, ils s'en allèrent disent les actes du Saint jusqu'auprès d'un pont d'une construction remarquable. On croit que c'est le fameux pont du Gard à trois lieues environ de Rochefort.

 

Deux cavités profondes se trouvaient au pied même du Pont. Ils y établirent leur séjour, s'y livrèrent à la prière, aux exercices de la pénitence, et ne sortirent plus que pour mendier leur pain de porte en porte, ou pour assister aux offices de l'Eglise.

 

Cependant leur vertu ne tarda pas à être soumise à une rude épreuve. Des pluies continuelles et très abondantes occasionnèrent en ce lieu, une inondation extraordinaire. Les deux solitaires virent les eaux arriver jusqu'au seuil de leurs cavernes, d'où il leur fut impossible de sortir durant plusieurs jours. Manquant de provisions, et ne recevant aucun secours, ils allaient périr de faim. Mais leur confiance demeura ferme. Ils invoquèrent Marie, et ils furent secourus d'une manière vraiment miraculeuse.

 

La pluie commençait à cesser. Les serviteurs de Dieu, ajoutent les mêmes actes, se trouvant par hasard à l'entrée de leurs demeures, aperçurent tout à coup deux serpents qui nageaient sur le courant du fleuve. Ces animaux se dirigeaient vers les grottes, ayant chacun un pain dans la gueule. Arrivés à quelque distance, ils se séparèrent. L'un s'approche de Gérard l'autre d'Effrénaud, et ils leur donnèrent ce qu'ils portaient. Les solitaires reçurent cette nourriture miraculeuse en rendant mille actions de grâce à la divine bonté, qui les sauvait si merveilleusement de la mort.

 

Les eaux rentrèrent enfin dans leur lit ordinaire. Nos jeunes Saints, étant venus au bourg voisin ne purent s'empêcher de raconter au curé du lieu, le prodige arrivé en leur faveur. Ils pensaient seulement à divulguer la gloire de Dieu. Mais la réputation de leurs vertus se répondit au loin, aussi rapidement que le bruit du miracle. De suite, on accourut en foule, pour les visiter et pour implorer le secours de leurs puissantes prières.

 

Gérard rempli d'humilité et de confusion à cette vue et craignant d'ailleurs les atteintes de l'orgueil, résolut de se dérober pour toujours à ce concours de peuple. Ce fut alors qu'il exécuta son dessein de visiter le tombeau du sauveur, et tous les saints lieux de la Palestine.

 

Il partit donc accompagné d'Effrénaud, s'embarqua pour l'Italie et vint à Rome prier sur le tombeau des apôtres Pierre et Paul, et devant les reliques du

Martyrs. Ayant ainsi satisfait sa piété et sa foi, dans la ville éternelle, il prit la route de la Terre Sainte. Mais le Saint jeune homme était mûr pour le ciel. Une maladie très grave l'atteignit et le força à s'arrêter près de Monte-Santo, non loin de la ville d'Ancône. Il y mourût plein de mérites devant Dieu, et à peine âgé de 25 ans.

 

Bien des merveilles s'étaient opérées en sa faveur, pendant la traversée sur la mer et dans ses voyages. A sa mort, disent encore les actes, les cloches de Monte-Santo s'ébranlèrent d'elles-mêmes et sonnèrent durant plusieurs heures.

 

De grands miracles se sont faits sur son tombeau et on a élevé en son honneur une magnifique église dans laquelle on conserve et on honore ses précieuses reliques.

 

Tel fut le Saint personnage dont nous tenions à révéler l'existence et les vertus à nos pieux pèlerins. Nous nous estimons heureux de l'avoir fait car il les touche de près ayant été un de leurs devanciers à Notre-Dame. C'est aussi une des figures les plus radieuses et les plus douces qui aient paru autrefois sur la sainte montagne. Elle appartient à nos annales et nous l'avons fait connaître afin de manifester pleinement toutes les gloires de notre vénéré sanctuaire.

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 VERSION 4

- Histoire générale de la commune de Rochefort, par M. A. Laget, 1907.

 

(1295). En 1295, Philippe le bel échange avec Gérard de Amici, Seigneurs de Châteauneuf et Baron de Lunel la terre de Rochefort contre la moitié de la baronnie de Lunel ou se trouvait le port d’Aigues-Mortes.

 

Cette échange, par lequel Gérard Amici devint seigneur de Rochefort fut une calamité par la vexation dont accablaient les habitants de Rochefort et tous ses autres vassaux qu’il prenait tout jusqu’à leur lit. En 1307, le 9 juin, Gérard Amici signa un acte où il était accordé dit et ordonné aux consuls, manants et habitants du dit Rochefort que si l’étang du dit lieu se mettait à sec, il serait payé par les dits consuls et habitants au dit seigneur baron, la 7eme partie des fruits provenant des terres desséchées.

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VERSION 5

- N.-D. de Rochefort, Chanoine J. B. Petitalot - Supérieur du sanctuaire, 1910.

> Saint Gérard de Lunel, baron de Rochefort - Extrait du chapitre VII

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