NOTRE DAME DE ROCHEFORT
Saint Gérard de Lunel baron de Rochefort.

Extrait de Notre-Dame de Rochefort-du-Gard
depuis Charlemagne jusqu'à nos jours.
Récit du Chanoine J. -B. Petitalot, 1910

Avertissement : Le livre du Chanoine de Notre-Dame de Rochefort, Jean Baptiste Petitalot, doit être abordé comme un livre pieux écrit par un homme partagé entre la rigueur de l'historien et la foi de l'homme d'église. Il n'en reste pas moins très intéressant et incontournable.   G.M.



VII


Gérard et son frère, Effrénaud au Pont du Gard

Saint Gérard était donc né à Lunel, et hérita de la baronnie de ce nom à la mort de son oncle maternel. Rempli de l'esprit de Dieu dès sa plus tendre enfance, sans cesse appliqué à l'oraison et fidèle à l'attrait de la grâce, il croissait chaque jour en vertu aussi bien qu'en âge. Il avait un frère, nommé Effrénaud, non moins pieux que lui. Ils s'aimaient tendrement l'un l'autre, et ils s'animaient réciproquement au bien et à la perfection.

Devenu baron de Rochefort, Gérard ne tarda pas à venir se fixer dans sa nouvelle demeure. Mais, loin de se laisser éblouir par les richesses et les honneurs, il parut plus que jamais détaché de la terre et fervent dans le service de Dieu. La prière faisait ses délices. La vertu, et par-dessus tout la chasteté, était toute son ambition. Il mettait cette belle et délicate vertu sous la sauvegarde de l'humilité, la confiant à la plus hum­ble et à la plus pure des vierges.

Aussi Gérard s'estimait-il heureux de posséder sur ses terres, tout près de son habitation, un sanctuaire spécialement dédié à la divine Mère, et célèbre par les miracles qu'elle y opérait depuis des siècles. Que de fois il gravit le Mont sacré, et vint se mêler à la foule agenouillée aux pieds de Notre-Dame, faisant force prières et oraisons, si bien que les gens qui entendaient ses gémissements et dévotes lamentations, en étaient du tout ravis. Se dépouillant de ses joyaux, il travaillait de ses propres mains à en décorer l'autel de Marie ; car il aimait la benoîte Vierge comme un en­fantelet aime sa mère. Souvent, pour trouver la soli­tude dont il faisait ses délices, il s'échappait seul, ou avec son frère, et s'enfuyait vers ce lieu désert, et y restait de longues heures prosterné contre le pavé.

Gérard avait été reçu, dès l'âge de six ans, dans la confrérie des Pénitents blancs, établie par saint Fran­çois d'Assise lui-même, lors de son passage à Lunel en 1214. Dans leur primitive institution, les membres de cette dévote association étaient des tierçaires fran­ciscains. Notre jeune saint avait revêtu, non seulement l'habit, mais encore le véritable esprit des Pénitents. Chaque jour, il mortifiait son corps, et, se privant lui-­même, usait de ses biens pour répandre des aumônes. Il songeait même sérieusement à quitter le monde, à embrasser les plus ri-ides austérités, et à faire le voyage de la Terre Sainte. Il communiqua ses desseins au pieux Effrénaud, qui, loin de les désapprouver, s'en­gagea à suivre partout son bien-aimé frère.

Un jour donc, les deux héros chrétiens, après s'être recommandés à Notre-Dame-la-Brune, quittèrent se­crètement le château de Rochefort. Pleins de confiance en Dieu et dans sa sainte Mère, ils s'en allèrent jus­qu'auprès d'un pont d'une construction remarquable. On croit que c'est le fameux pont du Gard, à trois lieues environ de Rochefort. Deux cavités profondes se trouvaient au pied même du pont. Ils y établirent leur séjour, s'y livrèrent à la prière, aux exercices de la pénitence, et ne sortirent plus que pour mendier leur pain de porte en porte ou pour assister aux offices de l'Église.

Mais voici que des pluies abondantes amenèrent une inondation extraordinaire. Les deux solitaires vi­rent les eaux arriver jusqu'au seuil de leurs cavernes, d'où il leur fut impossible de sortir pendant plusieurs jours. Manquant de provisions, ils allaient périr de faim, mais leur confiance demeura ferme. Ils invoquèrent Marie, et furent miraculeusement secourus. De l'entrée de leurs demeures, ils aperçurent deux serpents, qui nageaient sur le courant du fleuve, se dirigeant vers les grottes, et ayant chacun un pain dans la gueule. Arrivés à quelque distance, ils se séparèrent ; l'un s'ap­procha de Gérard, l'autre d'Effrénaud, et ils leur don­nèrent ce qu'ils portaient. Les solitaires reçurent en bénissant Dieu cette nourriture miraculeuse.

Les eaux étant enfin rentrées dans leur lit ordinaire, nos jeunes saints, venus au bourg voisin, racontèrent au curé le prodige opéré en leur faveur. Ils avaient voulu rendre gloire à Dieu ; mais le bruit du miracle se ré­pandit rapidement et fit connaître leur sainteté. On accourut en foule pour les visiter, et peur implorer le secours de leurs prières.

Gérard, rempli d'humilité et de confusion, résolut de se dérober pour toujours à ce concours de peuple, en exécutant son dessein de visiter le tombeau du Sauveur et tous les lieux saints de la Palestine. Il par­tit donc, accompagné d'Effrénaud, s'embarqua pour l'Italie, vint à Rome prier sur le tombeau des Apôtres et devant les reliques des martyrs.

Ayant satisfait sa dévotion dans la ville éternelle, il prit la route de la Terre Sainte. Mais le pieux jeune homme était mûr pour le ciel. Obligé par la maladie de s'arrêter à Monté-Santo, non loin de la ville d'Ancône, il y mourut plein de mérites devant Dieu, et à peine âgé de vingt-cinq ans. A sa mort les cloches de Monté-Santo s'ébranlèrent d'elles-mêmes, et sonnèrent du­rant plusieurs heures.

De grands miracles se sont faits sur son tombeau, et on a élevé en son honneur une magnifique église, dans laquelle sont conservées et honorées ses précieuses reliques.

Saint Gérard de Lunel devait avoir sa place dans les annales de Notre-Dame de Rochefort. C'est une des fi­gures les plus radieuses et les plus douces qui aient paru autrefois sur la sainte montagne.


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