La ville d'Alais était jadis
considérée comme la capitale des Cévennes ; c'était, en effet, la
plus grande, la plus riche et la plus peuplée de ce pays montagneux.
Sa population a doublé de nos jours (1841) ; l'agriculture, le
commerce et l'industrie lui ont donné la plus haute importance.
Il suffit d'indiquer ici la vaste
exploitation de nos houillères, une usine considérable pour la
fonte et le laminage du fer , et des ateliers de moulage ; de
nouvelles filatures de cocons perfectionnées, comme les mécaniques
pour le moulinage ou l'ouvraison des soies; toutes ces fabriques
mises en jeu par des roues hydrauliques, ou des machines à vapeur
que des ouvriers intelligents construisent dans le pays même ; un
chemin de fer de 88 kilomètres de longueur, qui se déroule à
travers les montagnes, sous des tunnels, sur des viaducs d'un travail
immense, et plus beaux que tout ce que nous avons vu dans ce genre en
Angleterre et en Belgique, qui, partant des mines de la Grand'Combe,
à 15 kilomètres au dessus d'Alais, vient se joindre à la ceinture
de nos boulevards, se dirige sur Nismes, et communique à Beaucaire
avec la route de la Provence, le canal du Midi, le Rhône, et par
conséquent avec tout le littoral de la Méditerranée.
La facilité de ces moyens de
transport nous fait aller trop vite et trop loin ; retournons vers
l'ancienne capitale des Cévennes, et plus haut encore, montrons
Alais du temps des Romains. Il est hors de doute que leur colonie
puissante de Nismes s'étendait dans les campagnes environnantes , et
que les bords riants du Gardon, la fraîcheur des vallons des
Cévennes , devaient les attirer et les fixer : quelques restes
d'antiquités viennent à l'appui de ces conjectures. Nous avions
jadis, au nord d'Alais, une portion de voie romaine, que nous
appelions las Calados, parce qu'elle était pavée de blocs de
grès bien ajustés. En 1791, une inondation l'ayant excoriée, nous
observâmes que ce pavé reposait sur des couches épaisses de
pierres et de gravier, ce que les Romains pratiquaient pour donner
plus de solidité et de durée à leurs routes dans les plaines. On
retrouvait celle-ci à la montée de Portes, près des ruines d'une
chapelle que M. de Mandajors, de l'Académie des inscriptions,
regardait comme un temple de Janus, d'où il tirait le nom du
village. Cette voie romaine est devenue la route royale n.° 106.
Lorsqu'on fit le nouveau chemin
d'Alais à Anduze, en 1773, il fallut couper une terre dite las
faissos, et l'on y rencontra de vieux murs, des tuiles carrées à
rebord, et d'autres creuses pour en recouvrir les joints, et un pavé
en mosaïque, dont le dessin, en petits cubes de marbre noir et
blanc, indiquait une belle habitation ; j'en conserve un morceau,
comme un vase à anse destiné à quelque usage domestique, une
soucoupe et une lampe. Plus loin, dans la même tranchée, étaient
deux pierres tumulaires. On en a recueilli plusieurs autres aux
environs d'Alais ; nous donnerons les inscriptions que nous croyons
inédites.
Le hasard fait quelquefois trouver des
meules de moulin, des débris de poterie, des lampes , de ces fioles
dites lacrymatoires, des ustensiles de fer et de bronze, et quantité
de médailles. Nous nous sommes procuré quelques-uns de ces objets,
dont le mérite à nos yeux est d'avoir été trouvés à Alais. Nous
sommes persuadés que des fouilles bien dirigées ne seraient pas
infructueuses ; il n'y aurait rien d'étonnant, au surplus, que les
Barbares, dont la dévastation marque le passage, et ceux qui ne
croient pas l'être en détruisant pour employer les matériaux , ou
parce qu'ils imaginent des trésors enfouis, eussent fait disparaître
les traces des monuments qu'avaient pu laisser les Romains. Combien
n'y a-t-il pas de lieux célèbres de l'antiquité , où nous ne
voyons plus une pierre en place !
Les faibles indices qui nous restent,
seraient donc des preuves suffisantes de l'ancienneté de notre ville
; trois de nos concitoyens nous en fourniront de nouvelles dans les
écrits que nous allons examiner.
M. de Mandajors, que nous avons déjà
cité, a publié de nombreuses recherches sur l'ancienne Gaule, et
pensait qu'Alès était l'Alesia dont parle César, ce qu'il veut
prouver d'après Strabon, qui place cette ville entre l'Auvergne et
la Provence ; d'après le texte des Commentaires de César, et la
route qu'il tint dans les Gaules ; il tire aussi de nouvelles
inductions des noms de plusieurs localités voisines ; nous avons,
par exemple, la Cadière ou le Siège de César, le Plan des
Allemands, les Batailles près de St-Julien-de-Valgalgue, qui est
évidemment Vallin Gallorum ; le terroir d'Alensac diffère bien peu
d'Alesas. Canet ou Canié dans le vieux compois, serait l'endroit
qu'occupait Caninius ; les Seinans ou paysans de Seines, lui
paraissent avoir des rapports avec les Sequani ; et les historiens
qui ont cru que ceux-ci étaient à Langres ou en Franche-Comté ,
n'ont pas fait attention, qu'on donnait ce nom à des peuples
différents, de même qu'il y avait divers Lingones.
César dit qu'Alesia était sur une
colline dont deux ruisseaux lavaient les racines ; qu'on voyait
d'autres collines d'une égale hauteur de tout côté, excepté de
celui de la plaine devant la ville. Cette description s'accordera
parfaitement avec la topographie, si l'on admet avec M. de Mandajors,
qu'Alais était bâti, dans l'origine , sur Conillère, qui en est
tout proche : on y voit seulement quelques restes de murailles ;
notre auteur répond que César brûla la ville, construite en bois
selon l'usage des Gaulois, et qu'il ne faut donc pas en chercher les
ruines.
Il s'appuye encore sur l'histoire de
Saint Germain d'Auxerre, qui, en allant visiter St. Hilaire à Arles,
guérit, en passant à Alesia , la femme d'un sénateur. Nous avons,
à côté de la ville, les ruines d'un couvent fondé en l'honneur de
St. Germain, pour lequel nos aïeux avaient une grande vénération ;
tandis qu'il ne paraît pas vraisemblable que St. Germain soit passé
par Alyse, ni qu'il y eût, dans ce temps-là, des sénateurs romains
dans cette dernière ville, les Bourguignons en étant les maitres.
Nous n'examinerons pas jusqu'à quel
point est fondé M. de Mandajors. L'amour du pays a pu lui montrer
une sorte de célébrité à nous faire assiéger par César. Les
historiens et les géographes ont jugé les prétentions d'Alyse eu
Bourgogne, et d'Ales en Languedoc.
M. l'abbé Teissier, dans un mémoire
imprimé il y a soixante ans, cherche, comme M. de Mandajors, à
rendre célèbre sa ville natale. Il a suivi une autre route, mais
qui tend au même but de prouver l'ancienneté de notre ville. S'ils
se sont fourvoyés, si nous ne partageons, pas leurs opinions, nous
n'en devons pas moins apprécier leur zèle, et, comme Alésien,
conserver le souvenir des travaux de nos concitoyens.
M. Teissier établit qu'Alais est le
berceau des rois de France, en faisant descendre Hugues Capet de
Tonnance Féréol, né à Prusianus, près notre ville. Sans
rapporter cette généalogie, et sans l'admettre, nous dirons que les
Féréol étaient d'une ancienne et illustre maison, qu'ils
occupèrent dans l'Empire romain les premiers emplois de l'armée et
du sénat ; que , pendant trois générations, ils exercèrent la
préfecture dans les Gaules, s'y rendirent recommandables par leur
bravoure et leur caractère, se firent chérir des peuples par leurs
vertus; et qu'ils seraient par conséquent une digne souche de nos
rois.
Tonnance Féréol, troisième du nom,
que nous nous honorons de compter au nombre de nos concitoyens,
effaça, s'il est possible, la gloire de ses ancêtres. Préfet des
Gaules vers le milieu du 5e siècle, lorsque Attila inonda ce pays
d'une armée de Barbares, ce furent ses dispositions qui facilitèrent
la jonction des Francs et des Visigoths avec les armées romaines, et
mirent Aétius en état de repousser ce féroce conquérant. Ce fut
par sa sagesse et son éloquence persuasive que Féréol éloigna
Térésimène, qui assiégeait la ville d'Arles. Guerrier, homme
d'État, il était aussi renommé par ses connaissances variées et
son goût éclairé. Il fut le protecteur des lettres et des arts ;
la bibliothèque qu'il avait formée à Prusianus était remarquable
par le nombre et le choix des livres, et leur arrangement en trois
grandes divisions ; et ce n'était pas une vaine parade chez lui ,
ceux qui la fréquentaient, dissertaient ensuite, dans leurs
réunions, sur leurs lectures et leurs méditations. Les
renseignements sur Tonnance Féréol et la position de Prusianus nous
sont fournis par Sidoine Apollinaire, qui, après avoir été préfet
de Rome, patrice, ambassadeur, avait été élevé, malgré lui, sur
le siège épiscopal de Clermont. Parent et ami de Tonance Féréol,
il le visita en se rendant en Auvergne, en 472, fut retenu et fêté
plusieurs jours dans sa belle campagne, qu'il dit être à sept
lieues de Nismes, sur les bords du Vardo. Il la décrit dans ses
lettres, ainsi que la maison de plaisance d'un sénateur de leurs
amis, appelée Voronogus, qui était sur la rive opposée. La
distance qui les séparait, était, selon Sidoine, une promenade trop
longue pour un homme à pied, et trop courte pour un homme à cheval.
Ces deux magnifiques demeures, ajoute-t-il, étaient dominées par
des coteaux couverts de vignes et d'oliviers ; au-devant de l'un
s'étendait une vaste et riche plaine ; la vue de l'autre donnait sur
des bois. Le Vardo séparait les deux domaines ; ses eaux coulaient
claires et tranquilles sur un lit de sable et de cailloux, excepté
lorsqu'elles étaient enflées par la fonte des neiges, ou les
torrents rougis par le limon des montagnes ; et, selon Sidoine, cette
rivière fournissait d'excellents poissons.
Nous croyons , avec M. Teissier, que
Prusianus était au quartier appelé Brési , au S. S. O. d'Alais ,
et Voronogus à Veringueri ou Beringueri, derrière Conillère. La
route que prit Sidoine Apollinaire en partant de Nismes, la distance
de cette ville, la situation de Brési et de Beringueri sur les deux
rives opposées du Gardon, les coteaux qui les avoisinent, encore en
olivettes et en vignes, la perspective qu'ils offrent, l'une vers
notre prairie et la plaine de St-Christol, l'autre vers les bois de
Mons et de Trespaux, une certaine analogie dans les dénominations
des lieux, s'accordent parfaitement avec les récits de l'auteur que
nous avons cité.
Quelques-uns de nos concitoyens
placent Prusianus à Brousen, ce quartier est, comme Brési, sur la
droite du Gardon ; mais la vue dont on jouit du dernier, et son
voisinage de Beringueri, semblent se rapporter davantage à la
description de Sidoine.
Il nous reste à parler de la
description d'Alais, publiée en 1788 par M. Bonnal-Ollive, qui,
regardant comme des conjectures les faits rapportés par MM. de
Mandajors et Teissier, se borne à ceux appuyés sur des titres bien
authentiques. Il ne remonte pas aussi haut, mais il relate toutes les
fondations nouvelles et tous les événements survenus dans ce pays.
Dans un demi-siècle , il s'est opéré
bien des changements ; le livre de M. Bonnal est d'ailleurs épuisé
; nous avons cru intéresser la génération actuelle et les
étrangers curieux qui visitent notre pays, en leur retraçant les
principaux événements des siècles passés, en leur faisant
connaître les anciennes institutions qui ont disparu, les
établissements dont il reste à peine des traces, et l'origine de
ceux qui existent.
Nous suivrons l'ordre chronologique
pour les principaux faits d'histoire que nous allons rapporter,
d'après M. Bonnal, ou d'après les documents que nous avons puisés
dans nos archives ; mais nous réunirons à certains articles les
événements qui s'y rattachent , quoique plus rapprochés de nous.
En 1093, Raymond Pellet, seigneur
d'Alais, fut de la première croisade ; il se distingua, six ans
après, à l'assaut de Jérusalem.
Après quatre générations, son
successeur étant mort ab intestat, la seigneurie d'Alais fut
partagée entre un fils et une fille qu'il laissait. La quotité du
baron Pellet passa successivement à J. du Vergier, premier président
du parlement de. Normandie, aux maisons de Latger et de Montfaulcon,
fut acquise par. Dominique de Cambis, d'une famille originaire de
Florence, établie en France au commencement du 15e siècle, et
parvint aux Montalet et aux Lafarre, qui avaient épousé deux
demoiselles de J. de Cambis, général de cavalerie, mort au siège
de Gironne.
La fille de Raymond Pellet épousa
Pierre Bermond, seigneur d'Anduze, qui, en 1243, se ligua avec le
comte de Toulouse dans la guerre contre les Albigeois. Louis XI, pour
le punir, confisqua ses biens d'Anduze et sa part de la seigneurie
d'Alais, et ordonna la démolition de la tour du château, dite tour
Peletine. Les fondations en étaient à découvert il y a une
trentaine d'années, à droite des glacis du fort dominant la Roque.
Le duc de Normandie, au nom du roi,
son père, céda cette moitié de la baronnie d'Alais à Humbert,
dauphin du Viennois, qui la vendit, peu de temps après au vicomte
Roger de Beaufort, frère du pape Clément VI. Philippe de Valois,
pour favoriser ce seigneur, érigea cette seigneurie en comté en
1345, obligea le baron à lui rendre hommage, et la province lui
accorda la première place. J. de Montboissier avait succédé à son
oncle J. de Beaufort, mort sans enfants, en 1560. Un neveu de ce
Montboissier, qui en avait hérité, la céda, en 1584, à Henri de
Montmorency, en échange de la terre de St-Cierge en Auvergne. Anne
de Montmorency, connétable de France, ayant marié sa fille avec
Charles de Valois, duc d'Angoulème, fils naturel de Charles IX, lui
donna en dot le comté d'Alais. Morte sans enfants en 1657, ses
neveux, puis Anne de Joyeuse, puis les princes de Condé et de Conti
, furent seigneurs d'Alais ; le maréchal de Castries avait acquis du
prince de Conti.
Cet aperçu nous paraît suffisant
pour des notes de statistique ; plusieurs des noms que nous citons
ont une juste renommée : nous les retrouverons dans la biographie de
nos concitoyens.
En 1115, le pape Gelase, allant en
Auvergne, passa dans notre ville et y sacra P. Nouvel archevêque de
Saragosse. Quelque temps après, le pape Alexandre III y passa aussi
, en se rendant en Gevaudan.
En 1175, dame Cibille d'Alais fit
donation aux hospitaliers de St-Jean de Jérusalem, pour fonder une
église, dont nous avons vu les ruines à l'entrée des prés de
St-Jean qui appartenaient à cet ordre. Il y avait en face un pont
qui fut emporté par les inondations vers 1260 ; deux piles restaient
encore debout il y a quelques années. C'est pour le remplacer qu'on
bâtit le pont du marché, qui a été rompu plusieurs fois, et que
l'on reconstruit en ce moment.
En 1190 , les Cordeliers occupaient un
immense emplacement. Ils en cédèrent pour faire la Maison-de-ville
et la place qui est devant ; puis pour le premier palais épiscopal
et ses jardins, et le collège, et le cimetière. Après leur
suppression, l'église fut convertie en salle de spectacle ; le
couvent forma plusieurs maisons bourgeoises ; un grand enclos, borné
par le mur de la ville et la rue du collège, donné d'abord à
l'hôpital, a été partagé par une rue et bâti de tout côté.
On conserve dans les archives d'Alais
la charte donnée par les seigneurs aux habitants en 1200, en langue
romane et en latin. C'est une des pages les plus curieuses de notre
histoire.
En 1254 , Saint Louis , à son retour
de la Terre-Sainte, ayant débarqué à, Aigues-Mortes, vint à
Alais.
Il assigna sur le péage de la ville
30 livres de rente à l'abbaye des Fonts, qui était dans la paroisse
de St Julien-de-Valgalgue, une lieue au nord de cette ville. Cette
abbaye de femmes, de l'ordre de Citeaux ou de St. Bernard, fut
transférée à Alais vers la fin du 13me siècle. Le couvent ou le
jardin occupaient tout le quartier coupé maintenant par les rues
d'Artois et de l'Abbaye ; la maison curiale en faisait partie. Le
couvent des Fonts fut acquis par un négociant, qui en a fait une
belle campagne. Des eaux abondantes lui donnent beaucoup d'agrément,
fertilisent ses terres et servent de moteur à une grande fabrique
pour l'ouvraison des soies.
Entre les Fonts et la ville, on avait
établi une sorte d'hospice pour les lépreux qui revenaient de la
Palestine. La métairie qui l'a remplacé, s'appelle , depuis, las
Malaoutières. On veut faire remonter à cette époque la
fondation de l'hôpital d'Alais. De vieux actes de ses archives
témoignent qu'en 1300 il était vis-à-vis le moulin du Paradis, où
nous avons vu le jardin et le cimetière de l'établissement, où
l'on construit le nouvel hôpital. Ce ne fut qu'en 1669, que , par
lettres-patentes , l'hôpital d'Alais fut créé hôpital-général ;
mais il l'était de fait antérieurement, les pauvres y étaient
reçus sains ou malades, et l'on faisait des distributions en ville
de pains, de bouillons et de médicaments, comme l’œuvre appelée
la Miséricorde.
Autrefois, notre hôpital possédait
des seigneuries et des fiefs, chose assez singulière pour être
remarquée ; les pauvres jouissaient de droits mobiliers et de
pensions féodales ! Lors de leur suppression, l'hôpital
très-pauvre, fut soutenu par des âmes charitables, jusqu'à ce que
le gouvernement le dédommageât de ses pertes.
En 1285 , Philippe-le-Bel, passant à
Alais, accorda une pension de 8 deniers tournois par jour à la dame
Hervet, en reconnaissance des services de son mari, mort à sa suite
en Aragon.
En 1302, les assises de la
sénéchaussée de Beaucaire furent convoquées à Alais par le comte
de Poitiers, commandant du Languedoc ; et , quatre-vingts ans après,
l'assemblée des trois états de la même sénéchaussée s'y tint
par ordre du duc de Berry. Le registre des délibérations étaient
dans les archives de l'hôtel-de-ville. On y conserve des actes
notariés de 1290, dans lesquels il est question d'un cours public de
droit fait à Alais.
En 1472 , l'église fut érigée en
collégiale par le pape Sixte IV, à la prière de J. de Vergier,
baron d'Alais, ambassadeur du roi Louis XI à Rome. Cette même
année, on refit la nef de l'église ; elle fut agrandie, et le chœur
fut rebâti, en 1771, tel qu'il est à présent. Ces réparations
furent achevées seulement en 1780, et Mgr de Balore en fit la
consécration avec beaucoup de pompe.
En 1557, la majorité des habitants
ayant embrassé la religion réformée, et pris le parti au prince de
Condé, s'emparèrent de la ville, mais elle fut bientôt reprise par
les catholiques.
En 1569 , les protestants tentèrent
de la prendre par escalade ; les assiégés, qui avaient reçu des
secours du commandant de la province, les repoussèrent. Quelque
temps après, elle fut de nouveau prise et reprise.
En 1579, Alais fut donné par la reine
Catherine de Médicis, pour place de sûreté, au roi de Navarre. Il
y convoqua une assemblée générale de son parti, et le zèle que
lui témoignaient les habitants des Cévennes, leur fit donner le
surnom de Rayols, qui est la traduction de royaux, et par conséquent
un titre d'honneur plutôt qu'un sobriquet injurieux, comme le
croient quelques personnes.
En 1600 , une grande inondation
détruisit le couvent des Dominicains, qui était dans l'enclos de
Présicadou (dérivé de leur nom de Frères Prêcheurs),
à gauche au bout du pont du Marché. Ce couvent avait été fondé
du vivant de St. Dominique, et ses religieux furent commissaires pour
interroger les Templiers emprisonnés au château. Ils rebâtirent,
en 1606, un nouveau couvent maintenant occupé par les Sœurs des
écoles.
En 1620 , toutes les églises
protestantes de France envoyèrent des députés à un synode
national qui se tint à Alais, dans la maison de M. Larboux, prieur
de St-Privat, lequel embrassa la réforme, et fut fait capitaine de
cavalerie.
En 1623, Alais ayant pris le parti du
duc de Rohan, ses fortifications furent augmentées. On fit des
remparts et des terrassements entre la porte de Berthole et celle du
Pont-vieux, avec des fossés devant. On bâtit le fort de la
Menudière, sur le coteau de Rochebelle, et celui du Moulin à
vent, au sud-sud-ouest ; celui du Puech-de-Fabre, qui existait déjà,
fut réparé, ainsi que le château, et on les garnit de canons.
En 1629 , le 8 juin , Louis XIII,
après la conquête de la Savoie, vint faire le siège d'Alais : son
quartier-général était entre le mas du Boua et Cauvel. Après un
blocus de neuf jours, la ville se rendit ; la garnison, composée
d'environ 4,000 hommes, en sortit avec les honneurs de la guerre, et
le roi y entra le même jour, 17 juin ; il logeait dans la maison
n°104, à la grand'rue, et y resta jusqu'au 27. Il y signa la paix
avec le duc de Rohan et son frère Soubise, reçut la soumission des
villes qui avaient pris le parti de ces princes, et ordonna la
démolition des fortifications.
C'est pendant le siège que l'on coupa
l'aqueduc qui amenait les eaux de la fontaine de Russau sur la place
du Marché. On n'a pas cherché à le rétablir, parce que ces eaux
charient du tuf en quantité.
En 1645, la comtesse d'Alais, veuve du
duc d'Angoulême, fit cadeau à la ville d'une horloge qui fut placée
sur la porte du Marché. Elle accorda aux Alésiens le droit de
chasse et de pêche ; mais elle se fit chèrement payer, en exigeant
des consuls l'abandon du terrain qui était entre la ville et la
rivière, sur lequel avaient été les fortifications rasées depuis
quinze ans. Elle l'inféoda aussitôt à divers particuliers, pour
des jardins ou des calquières, sous de fortes redevances. Le quai de
ceinture les a recouverts.
L'ancien château des seigneurs
d'Alais était en très-mauvais état depuis la démolition de la
tour Peletine. En 1623, on fit quelques réparations au bâtiment
appartenant au baron, pour le fortifier et y loger des troupes ; ces
ouvrages avaient été démolis six ans après, et il ne restait que
des ruines, lorsque Louis XIV, en 1689, fit construire notre fort par
Vauban, sur le même emplacement. Il acquit le couvent des Capucins,
qui se trouvait au sud-ouest, moyennant une rente annuelle de 500
livres, et ces religieux firent un nouveau couvent entouré de vastes
jardins, qui sont occupés à présent par des fabriques de tuiles,
de briques et de pavés, des chantiers de charpentiers et de
tailleurs de pierres,.des magasins de poutres, de planches, de
ferrures, de plâtre, en un mot, de tous les matériaux nécessaires
pour construire des maisons. La gendarmerie, une guinguette, des
bains les plus propres et les mieux tenus, et des jardins potagers,
sont aussi dans le même enclos. L'église, convertie d'abord en
magasin, puis en fonderie, a été acquise par la confrérie des
Pénitents, et sert de succursale.
En 1692 , l'évêché d'Alais fut
érigé, sur la demande de Louis XIV. Le premier évêque fut
François de Saulx, abbé de Psalmodi, et tous mes contemporains ont
connu le dernier, Mgr de Bausset, cardinal, commandant de l'ordre du
St-Esprit, pair de France, membre de l'Académie française, encore
plus distingué par ses vertus et ses talents que par ses titres.
En 1700, la place de la Maréchale fut
commencée et nommée ainsi en mémoire du maréchal de Montrevel,
qui commandait les troupes du roi dans les Cévennes. Elle fut
élargie ; les parapets et les escaliers du côté de
l'hôtel-de-ville et de celui de la Roque, ne furent achevés qu'en
1760. C'est de nos jours qu'on a fait le perron du côté de la place
d'armes.
En 1704, le 12 mai , le général
Lalande , commandant à Alais sous les ordres du maréchal de Vilars,
qui avait remplacé le maréchal de Montrevel, eut une conférence
avec Cavalier, chef des Camisards, sur le pont d'Avène, à une lieue
d'Alais. Ils laissèrent leur escorte à deux portées de fusil, et
s'entretinrent ensemble près de deux heures. Le général Lalande
témoigna, au nom du Roi, le désir de voir cesser la guerre civile ;
Cavalier demanda, pour les protestants, la liberté de conscience ou
de quitter le royaume, et la délivrance de leurs prisonniers. La
suite de ces négociations serait ici déplacée, attendu qu'elles
n'eurent pas lieu à Alais.
En 1721, la peste apportée à
Marseille dans des ballots de coton, se déclara dans notre ville.
Mgr d'Avejan, qui venait d'être nommé évêque d'Alais, se trouvant
encore à Paris, sollicita et obtint des secours du monarque, et vint
aussitôt dans nos murs prendre avec l'autorité les mesures les plus
efficaces contre ce terrible fléau, qui dura près d'un an.
En 1724 , ce digne prélat fonda notre
collège, qui a toujours joui d'une haute réputation, méritée par
les avantages qu'offrent la localité, une direction paternelle,
d'habiles professeurs et des écoliers qui se sont distingués dans
le monde.
Mgr d'Avejan avait dressé le plan du
palais épiscopal et le fit commencer en 1730. Disons à ceux qui le
voient morcelé, que sa façade extérieure régnait sur toute la
largeur de la place St-Jean, que les bâtiments intérieurs sont
réduits des trois quarts, que la rue Taisson et les maisons qui la
bordent des deux côtés, sont faites à travers ses vastes jardins,
etc.
Nous devions aussi à notre évêque
le plan de l'hôtel-de-ville, l'alignement de la ville neuve, le
couvent de St-Charles, et le Refuge pour les Madelaines pénitentes.
Nous renverrons à la biographie bien des détails sur d'Avejan,
occupé sans relâche de la prospérité de son diocèse ; mais, à
propos du collège, titre éminent de sa gloire, et de notre
reconnaissance, nous mentionnerons l’École royale de la marine,
créée en 1786, qui devait être de la plus grande importance pour
l'établissement et pour la ville, parce qu'elle nous procurait de
nouveaux moyens d'instruction, et une affluence considérable
d'étrangers de toutes les provinces, qui amenaient leurs enfants, ou
venaient les visiter. La révolution nous a fait perdre cette école,
et, si quelques personnes sont étonnées que nous l'eussions
obtenue, quoiqu'elles sachent que les connaissances préliminaires
des marins peuvent être acquises loin des ports, nous leur
expliquerons que c'était un bienfait de notre dernier évêque, qui
réussit d'autant plus facilement, que M. le duc de Castries,
seigneur d'Alais, se trouvait alors ministre de la marine.
L'inondation du 15 septembre 1741 est
toujours citée comme la plus considérable. Je suis convaincu que
celle de 1815 la surpassa , malgré les marques de la hauteur de
l'eau aux deux époques tracées en plusieurs endroits. En 1741,
Alais était muré et fermé de portes, les eaux, arrivant du côté
de l'hôpital, submergèrent toute la partie basse de la ville, et
s'élevèrent beaucoup au-dessus de leur niveau extérieur, puisque,
le mur d'enceinte vis-à-vis du Luxembourg ayant cédé sous leur
poids, elles s'écoulèrent promptement. En 1815, au contraire, nos
remparts étant abattus, l'eau entrait par toutes les rues
aboutissant à la rivière ; elle était au même niveau que dans la
campagne environnante, où elle arriva plus loin et plus haut.
En 1743, on rétablit une arche du
pont vieux, que l'inondation avait entraînée, et l'on traça, au
dessus et au dessous de la ville, un lit large et aligné pour le
Gardon. On acheta, pour cela, le terrain nécessaire des riverains,
qui ne peuvent plus dépasser ces limites, appelées lignes de Pitot,
du nom de l'ingénieur qui vint les fixer. Cette même année, on
commença les travaux des quais, qui doivent nous préserver, et qui,
depuis un siècle, ne sont pas encore achevés.
Il est inutile d'indiquer où étaient
les couvents de religieuses de St-Charles et de Ste-Ursule, dont on a
fait des maisons particulières , comme de Ste-Marie, qui appartenait
à une congrégation de femmes. Rappelons cependant que, dans le
premier, Mgr de Beauteville établit la Providence, transférée, en
1766, dans une maison donnée par M. le Chan-Sugier, à la ville
neuve, disposée depuis pour le palais de justice.
Rapportons succinctement qu'avant les
tribunaux de première instance et de commerce, et les juges de paix,
la justice était rendue, à Alais, par deux juridictions
seigneuriales, celle de la Baronnie, et celle de la Comté ; que
celle-ci jugeait les appels de la première ; qu'une soixantaine de
communautés du diocèse, ou de ceux de Nismes, d'Uzès et de Mende,
en ressortissaient, et que cette juridiction de la Comté était
elle-même du ressort du parlement de Toulouse, qui, par ordre du
roi, envoya des commissaires dans ce pays en 1784. Au sujet de la
révolte des Mascaras, du Vivarais, ils tinrent plusieurs
séances à Alais.
La pyramide ou obélisque qui est sur
la route d'Anduze, fut élevée par les commissaires du diocèse , en
1777, à la mémoire de Mgr de Beauteville, qui, pendant son
épiscopat, s'était beaucoup intéressé aux grandes routes.
NDLR
: Sa hauteur est de 10 mètres 44 sans la boule qui la coiffe ; celle
du socle est de 2 mètres 54, ce qui donne une hauteur totale de
l’ordre de 13 mètres. Le socle hexagonal portait sur les 3 côtés
des plaques de marbre avec des phrases en latin. Ces marbres furent
arrachés en 1793, lors de la révolution. Ils furent replacés en
1868 par M. Decœur, ingénieur des Ponts et chaussées, qui en en
profita pour restaurer le monument.
La place St-Jean était toute au même
niveau que devant l'évêché. C'est en 1781 qu'on forma les places
basses des deux côtés de l'église, afin d'aérer les maisons de ce
quartier.
Le chemin dit de l'embranchement, du
faubourg St-Vincent à la chaussée, fut fait en 1783. C'est en 1785
qu'on traça celui du faubourg de Rochebelle. Ils sont l'un et
l'autre bordés de maisons à présent, ainsi que plusieurs rues
nouvellement ouvertes.
Le quai dit du Nord fut tracé en 1788
; on l'appelait alors quai Bausset jusqu'à la révolution.
Arrivé aux événements de notre âge,
aux constructions que nous voyons élever, nous terminerons ces notes
; sur l'ancienne ville d'Alais. Son état présent, les fabriques, le
commerce de ses habitants, l'Agriculture et les productions
naturelles de son territoire, seront exposés dans la Statistique du
département du Gard, actuellement sous presse, et le peu d'articles
que nous en connaissons, nous garantissent sa parfaite exécution.
Mais le plan d'un ouvrage aussi vaste ne pouvait pas admettre les
détails que nous avons recueillis ; nous conserverons donc ces notes
historiques, comme celles relatives à l'histoire naturelle et à la
météorologie de ce pays, que nous avons publiées déjà.
Alais,
4 février 1841.
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