NOTES SUR ALAIS
auteur et édition inconnus, 1841
Ses origines, jusqu'au début du XIXe siècle.



La ville d'Alais était jadis considérée comme la capitale des Cévennes ; c'était, en effet, la plus grande, la plus riche et la plus peuplée de ce pays montagneux. Sa population a doublé de nos jours (1841) ; l'agriculture, le commerce et l'industrie lui ont donné la plus haute importance.


Il suffit d'indiquer ici la vaste exploitation de nos houillères, une usine considérable pour la fonte et le laminage du fer , et des ateliers de moulage ; de nouvelles filatures de cocons perfectionnées, comme les mécaniques pour le moulinage ou l'ouvraison des soies; toutes ces fabriques mises en jeu par des roues hydrauliques, ou des machines à vapeur que des ouvriers intelligents construisent dans le pays même ; un chemin de fer de 88 kilomètres de longueur, qui se déroule à travers les montagnes, sous des tunnels, sur des viaducs d'un travail immense, et plus beaux que tout ce que nous avons vu dans ce genre en Angleterre et en Belgique, qui, partant des mines de la Grand'Combe, à 15 kilomètres au dessus d'Alais, vient se joindre à la ceinture de nos boulevards, se dirige sur Nismes, et communique à Beaucaire avec la route de la Provence, le canal du Midi, le Rhône, et par conséquent avec tout le littoral de la Méditerranée.

La facilité de ces moyens de transport nous fait aller trop vite et trop loin ; retournons vers l'ancienne capitale des Cévennes, et plus haut encore, montrons Alais du temps des Romains. Il est hors de doute que leur colonie puissante de Nismes s'étendait dans les campagnes environnantes , et que les bords riants du Gardon, la fraîcheur des vallons des Cévennes , devaient les attirer et les fixer : quelques restes d'antiquités viennent à l'appui de ces conjectures. Nous avions jadis, au nord d'Alais, une portion de voie romaine, que nous appelions las Calados, parce qu'elle était pavée de blocs de grès bien ajustés. En 1791, une inondation l'ayant excoriée, nous observâmes que ce pavé reposait sur des couches épaisses de pierres et de gravier, ce que les Romains pratiquaient pour donner plus de solidité et de durée à leurs routes dans les plaines. On retrouvait celle-ci à la montée de Portes, près des ruines d'une chapelle que M. de Mandajors, de l'Académie des inscriptions, regardait comme un temple de Janus, d'où il tirait le nom du village. Cette voie romaine est devenue la route royale n.° 106.

Lorsqu'on fit le nouveau chemin d'Alais à Anduze, en 1773, il fallut couper une terre dite las faissos, et l'on y rencontra de vieux murs, des tuiles carrées à rebord, et d'autres creuses pour en recouvrir les joints, et un pavé en mosaïque, dont le dessin, en petits cubes de marbre noir et blanc, indiquait une belle habitation ; j'en conserve un morceau, comme un vase à anse destiné à quelque usage domestique, une soucoupe et une lampe. Plus loin, dans la même tranchée, étaient deux pierres tumulaires. On en a recueilli plusieurs autres aux environs d'Alais ; nous donnerons les inscriptions que nous croyons inédites.

Le hasard fait quelquefois trouver des meules de moulin, des débris de poterie, des lampes , de ces fioles dites lacrymatoires, des ustensiles de fer et de bronze, et quantité de médailles. Nous nous sommes procuré quelques-uns de ces objets, dont le mérite à nos yeux est d'avoir été trouvés à Alais. Nous sommes persuadés que des fouilles bien dirigées ne seraient pas infructueuses ; il n'y aurait rien d'étonnant, au surplus, que les Barbares, dont la dévastation marque le passage, et ceux qui ne croient pas l'être en détruisant pour employer les matériaux , ou parce qu'ils imaginent des trésors enfouis, eussent fait disparaître les traces des monuments qu'avaient pu laisser les Romains. Combien n'y a-t-il pas de lieux célèbres de l'antiquité , où nous ne voyons plus une pierre en place !
Les faibles indices qui nous restent, seraient donc des preuves suffisantes de l'ancienneté de notre ville ; trois de nos concitoyens nous en fourniront de nouvelles dans les écrits que nous allons examiner.

M. de Mandajors, que nous avons déjà cité, a publié de nombreuses recherches sur l'ancienne Gaule, et pensait qu'Alès était l'Alesia dont parle César, ce qu'il veut prouver d'après Strabon, qui place cette ville entre l'Auvergne et la Provence ; d'après le texte des Commentaires de César, et la route qu'il tint dans les Gaules ; il tire aussi de nouvelles inductions des noms de plusieurs localités voisines ; nous avons, par exemple, la Cadière ou le Siège de César, le Plan des Allemands, les Batailles près de St-Julien-de-Valgalgue, qui est évidemment Vallin Gallorum ; le terroir d'Alensac diffère bien peu d'Alesas. Canet ou Canié dans le vieux compois, serait l'endroit qu'occupait Caninius ; les Seinans ou paysans de Seines, lui paraissent avoir des rapports avec les Sequani ; et les historiens qui ont cru que ceux-ci étaient à Langres ou en Franche-Comté , n'ont pas fait attention, qu'on donnait ce nom à des peuples différents, de même qu'il y avait divers Lingones.
César dit qu'Alesia était sur une colline dont deux ruisseaux lavaient les racines ; qu'on voyait d'autres collines d'une égale hauteur de tout côté, excepté de celui de la plaine devant la ville. Cette description s'accordera parfaitement avec la topographie, si l'on admet avec M. de Mandajors, qu'Alais était bâti, dans l'origine , sur Conillère, qui en est tout proche : on y voit seulement quelques restes de murailles ; notre auteur répond que César brûla la ville, construite en bois selon l'usage des Gaulois, et qu'il ne faut donc pas en chercher les ruines.
Il s'appuye encore sur l'histoire de Saint Germain d'Auxerre, qui, en allant visiter St. Hilaire à Arles, guérit, en passant à Alesia , la femme d'un sénateur. Nous avons, à côté de la ville, les ruines d'un couvent fondé en l'honneur de St. Germain, pour lequel nos aïeux avaient une grande vénération ; tandis qu'il ne paraît pas vraisemblable que St. Germain soit passé par Alyse, ni qu'il y eût, dans ce temps-là, des sénateurs romains dans cette dernière ville, les Bourguignons en étant les maitres.

Nous n'examinerons pas jusqu'à quel point est fondé M. de Mandajors. L'amour du pays a pu lui montrer une sorte de célébrité à nous faire assiéger par César. Les historiens et les géographes ont jugé les prétentions d'Alyse eu Bourgogne, et d'Ales en Languedoc.

M. l'abbé Teissier, dans un mémoire imprimé il y a soixante ans, cherche, comme M. de Mandajors, à rendre célèbre sa ville natale. Il a suivi une autre route, mais qui tend au même but de prouver l'ancienneté de notre ville. S'ils se sont fourvoyés, si nous ne partageons, pas leurs opinions, nous n'en devons pas moins apprécier leur zèle, et, comme Alésien, conserver le souvenir des travaux de nos concitoyens.

M. Teissier établit qu'Alais est le berceau des rois de France, en faisant descendre Hugues Capet de Tonnance Féréol, né à Prusianus, près notre ville. Sans rapporter cette généalogie, et sans l'admettre, nous dirons que les Féréol étaient d'une ancienne et illustre maison, qu'ils occupèrent dans l'Empire romain les premiers emplois de l'armée et du sénat ; que , pendant trois générations, ils exercèrent la préfecture dans les Gaules, s'y rendirent recommandables par leur bravoure et leur caractère, se firent chérir des peuples par leurs vertus; et qu'ils seraient par conséquent une digne souche de nos rois.

Tonnance Féréol, troisième du nom, que nous nous honorons de compter au nombre de nos concitoyens, effaça, s'il est possible, la gloire de ses ancêtres. Préfet des Gaules vers le milieu du 5e siècle, lorsque Attila inonda ce pays d'une armée de Barbares, ce furent ses dispositions qui facilitèrent la jonction des Francs et des Visigoths avec les armées romaines, et mirent Aétius en état de repousser ce féroce conquérant. Ce fut par sa sagesse et son éloquence persuasive que Féréol éloigna Térésimène, qui assiégeait la ville d'Arles. Guerrier, homme d'État, il était aussi renommé par ses connaissances variées et son goût éclairé. Il fut le protecteur des lettres et des arts ; la bibliothèque qu'il avait formée à Prusianus était remarquable par le nombre et le choix des livres, et leur arrangement en trois grandes divisions ; et ce n'était pas une vaine parade chez lui , ceux qui la fréquentaient, dissertaient ensuite, dans leurs réunions, sur leurs lectures et leurs méditations. Les renseignements sur Tonnance Féréol et la position de Prusianus nous sont fournis par Sidoine Apollinaire, qui, après avoir été préfet de Rome, patrice, ambassadeur, avait été élevé, malgré lui, sur le siège épiscopal de Clermont. Parent et ami de Tonance Féréol, il le visita en se rendant en Auvergne, en 472, fut retenu et fêté plusieurs jours dans sa belle campagne, qu'il dit être à sept lieues de Nismes, sur les bords du Vardo. Il la décrit dans ses lettres, ainsi que la maison de plaisance d'un sénateur de leurs amis, appelée Voronogus, qui était sur la rive opposée. La distance qui les séparait, était, selon Sidoine, une promenade trop longue pour un homme à pied, et trop courte pour un homme à cheval. Ces deux magnifiques demeures, ajoute-t-il, étaient dominées par des coteaux couverts de vignes et d'oliviers ; au-devant de l'un s'étendait une vaste et riche plaine ; la vue de l'autre donnait sur des bois. Le Vardo séparait les deux domaines ; ses eaux coulaient claires et tranquilles sur un lit de sable et de cailloux, excepté lorsqu'elles étaient enflées par la fonte des neiges, ou les torrents rougis par le limon des montagnes ; et, selon Sidoine, cette rivière fournissait d'excellents poissons.

Nous croyons , avec M. Teissier, que Prusianus était au quartier appelé Brési , au S. S. O. d'Alais , et Voronogus à Veringueri ou Beringueri, derrière Conillère. La route que prit Sidoine Apollinaire en partant de Nismes, la distance de cette ville, la situation de Brési et de Beringueri sur les deux rives opposées du Gardon, les coteaux qui les avoisinent, encore en olivettes et en vignes, la perspective qu'ils offrent, l'une vers notre prairie et la plaine de St-Christol, l'autre vers les bois de Mons et de Trespaux, une certaine analogie dans les dénominations des lieux, s'accordent parfaitement avec les récits de l'auteur que nous avons cité.

Quelques-uns de nos concitoyens placent Prusianus à Brousen, ce quartier est, comme Brési, sur la droite du Gardon ; mais la vue dont on jouit du dernier, et son voisinage de Beringueri, semblent se rapporter davantage à la description de Sidoine.

Il nous reste à parler de la description d'Alais, publiée en 1788 par M. Bonnal-Ollive, qui, regardant comme des conjectures les faits rapportés par MM. de Mandajors et Teissier, se borne à ceux appuyés sur des titres bien authentiques. Il ne remonte pas aussi haut, mais il relate toutes les fondations nouvelles et tous les événements survenus dans ce pays.

Dans un demi-siècle , il s'est opéré bien des changements ; le livre de M. Bonnal est d'ailleurs épuisé ; nous avons cru intéresser la génération actuelle et les étrangers curieux qui visitent notre pays, en leur retraçant les principaux événements des siècles passés, en leur faisant connaître les anciennes institutions qui ont disparu, les établissements dont il reste à peine des traces, et l'origine de ceux qui existent.

Nous suivrons l'ordre chronologique pour les principaux faits d'histoire que nous allons rapporter, d'après M. Bonnal, ou d'après les documents que nous avons puisés dans nos archives ; mais nous réunirons à certains articles les événements qui s'y rattachent , quoique plus rapprochés de nous.

En 1093, Raymond Pellet, seigneur d'Alais, fut de la première croisade ; il se distingua, six ans après, à l'assaut de Jérusalem.
Après quatre générations, son successeur étant mort ab intestat, la seigneurie d'Alais fut partagée entre un fils et une fille qu'il laissait. La quotité du baron Pellet passa successivement à J. du Vergier, premier président du parlement de. Normandie, aux maisons de Latger et de Montfaulcon, fut acquise par. Dominique de Cambis, d'une famille originaire de Florence, établie en France au commencement du 15e siècle, et parvint aux Montalet et aux Lafarre, qui avaient épousé deux demoiselles de J. de Cambis, général de cavalerie, mort au siège de Gironne.

La fille de Raymond Pellet épousa Pierre Bermond, seigneur d'Anduze, qui, en 1243, se ligua avec le comte de Toulouse dans la guerre contre les Albigeois. Louis XI, pour le punir, confisqua ses biens d'Anduze et sa part de la seigneurie d'Alais, et ordonna la démolition de la tour du château, dite tour Peletine. Les fondations en étaient à découvert il y a une trentaine d'années, à droite des glacis du fort dominant la Roque.

Le duc de Normandie, au nom du roi, son père, céda cette moitié de la baronnie d'Alais à Humbert, dauphin du Viennois, qui la vendit, peu de temps après au vicomte Roger de Beaufort, frère du pape Clément VI. Philippe de Valois, pour favoriser ce seigneur, érigea cette seigneurie en comté en 1345, obligea le baron à lui rendre hommage, et la province lui accorda la première place. J. de Montboissier avait succédé à son oncle J. de Beaufort, mort sans enfants, en 1560. Un neveu de ce Montboissier, qui en avait hérité, la céda, en 1584, à Henri de Montmorency, en échange de la terre de St-Cierge en Auvergne. Anne de Montmorency, connétable de France, ayant marié sa fille avec Charles de Valois, duc d'Angoulème, fils naturel de Charles IX, lui donna en dot le comté d'Alais. Morte sans enfants en 1657, ses neveux, puis Anne de Joyeuse, puis les princes de Condé et de Conti , furent seigneurs d'Alais ; le maréchal de Castries avait acquis du prince de Conti.

Cet aperçu nous paraît suffisant pour des notes de statistique ; plusieurs des noms que nous citons ont une juste renommée : nous les retrouverons dans la biographie de nos concitoyens.

En 1115, le pape Gelase, allant en Auvergne, passa dans notre ville et y sacra P. Nouvel archevêque de Saragosse. Quelque temps après, le pape Alexandre III y passa aussi , en se rendant en Gevaudan.

En 1175, dame Cibille d'Alais fit donation aux hospitaliers de St-Jean de Jérusalem, pour fonder une église, dont nous avons vu les ruines à l'entrée des prés de St-Jean qui appartenaient à cet ordre. Il y avait en face un pont qui fut emporté par les inondations vers 1260 ; deux piles restaient encore debout il y a quelques années. C'est pour le remplacer qu'on bâtit le pont du marché, qui a été rompu plusieurs fois, et que l'on reconstruit en ce moment.

En 1190 , les Cordeliers occupaient un immense emplacement. Ils en cédèrent pour faire la Maison-de-ville et la place qui est devant ; puis pour le premier palais épiscopal et ses jardins, et le collège, et le cimetière. Après leur suppression, l'église fut convertie en salle de spectacle ; le couvent forma plusieurs maisons bourgeoises ; un grand enclos, borné par le mur de la ville et la rue du collège, donné d'abord à l'hôpital, a été partagé par une rue et bâti de tout côté.

On conserve dans les archives d'Alais la charte donnée par les seigneurs aux habitants en 1200, en langue romane et en latin. C'est une des pages les plus curieuses de notre histoire.

En 1254 , Saint Louis , à son retour de la Terre-Sainte, ayant débarqué à, Aigues-Mortes, vint à Alais.

Il assigna sur le péage de la ville 30 livres de rente à l'abbaye des Fonts, qui était dans la paroisse de St Julien-de-Valgalgue, une lieue au nord de cette ville. Cette abbaye de femmes, de l'ordre de Citeaux ou de St. Bernard, fut transférée à Alais vers la fin du 13me siècle. Le couvent ou le jardin occupaient tout le quartier coupé maintenant par les rues d'Artois et de l'Abbaye ; la maison curiale en faisait partie. Le couvent des Fonts fut acquis par un négociant, qui en a fait une belle campagne. Des eaux abondantes lui donnent beaucoup d'agrément, fertilisent ses terres et servent de moteur à une grande fabrique pour l'ouvraison des soies.

Entre les Fonts et la ville, on avait établi une sorte d'hospice pour les lépreux qui revenaient de la Palestine. La métairie qui l'a remplacé, s'appelle , depuis, las Malaoutières. On veut faire remonter à cette époque la fondation de l'hôpital d'Alais. De vieux actes de ses archives témoignent qu'en 1300 il était vis-à-vis le moulin du Paradis, où nous avons vu le jardin et le cimetière de l'établissement, où l'on construit le nouvel hôpital. Ce ne fut qu'en 1669, que , par lettres-patentes , l'hôpital d'Alais fut créé hôpital-général ; mais il l'était de fait antérieurement, les pauvres y étaient reçus sains ou malades, et l'on faisait des distributions en ville de pains, de bouillons et de médicaments, comme l’œuvre appelée la Miséricorde.

Autrefois, notre hôpital possédait des seigneuries et des fiefs, chose assez singulière pour être remarquée ; les pauvres jouissaient de droits mobiliers et de pensions féodales ! Lors de leur suppression, l'hôpital très-pauvre, fut soutenu par des âmes charitables, jusqu'à ce que le gouvernement le dédommageât de ses pertes.

En 1285 , Philippe-le-Bel, passant à Alais, accorda une pension de 8 deniers tournois par jour à la dame Hervet, en reconnaissance des services de son mari, mort à sa suite en Aragon.

En 1302, les assises de la sénéchaussée de Beaucaire furent convoquées à Alais par le comte de Poitiers, commandant du Languedoc ; et , quatre-vingts ans après, l'assemblée des trois états de la même sénéchaussée s'y tint par ordre du duc de Berry. Le registre des délibérations étaient dans les archives de l'hôtel-de-ville. On y conserve des actes notariés de 1290, dans lesquels il est question d'un cours public de droit fait à Alais.

En 1472 , l'église fut érigée en collégiale par le pape Sixte IV, à la prière de J. de Vergier, baron d'Alais, ambassadeur du roi Louis XI à Rome. Cette même année, on refit la nef de l'église ; elle fut agrandie, et le chœur fut rebâti, en 1771, tel qu'il est à présent. Ces réparations furent achevées seulement en 1780, et Mgr de Balore en fit la consécration avec beaucoup de pompe.

En 1557, la majorité des habitants ayant embrassé la religion réformée, et pris le parti au prince de Condé, s'emparèrent de la ville, mais elle fut bientôt reprise par les catholiques.

En 1569 , les protestants tentèrent de la prendre par escalade ; les assiégés, qui avaient reçu des secours du commandant de la province, les repoussèrent. Quelque temps après, elle fut de nouveau prise et reprise.

En 1579, Alais fut donné par la reine Catherine de Médicis, pour place de sûreté, au roi de Navarre. Il y convoqua une assemblée générale de son parti, et le zèle que lui témoignaient les habitants des Cévennes, leur fit donner le surnom de Rayols, qui est la traduction de royaux, et par conséquent un titre d'honneur plutôt qu'un sobriquet injurieux, comme le croient quelques personnes.

En 1600 , une grande inondation détruisit le couvent des Dominicains, qui était dans l'enclos de Présicadou (dérivé de leur nom de Frères Prêcheurs), à gauche au bout du pont du Marché. Ce couvent avait été fondé du vivant de St. Dominique, et ses religieux furent commissaires pour interroger les Templiers emprisonnés au château. Ils rebâtirent, en 1606, un nouveau couvent maintenant occupé par les Sœurs des écoles.

En 1620 , toutes les églises protestantes de France envoyèrent des députés à un synode national qui se tint à Alais, dans la maison de M. Larboux, prieur de St-Privat, lequel embrassa la réforme, et fut fait capitaine de cavalerie.

En 1623, Alais ayant pris le parti du duc de Rohan, ses fortifications furent augmentées. On fit des remparts et des terrassements entre la porte de Berthole et celle du Pont-vieux, avec des fossés devant. On bâtit le fort de la Menudière, sur le coteau de Rochebelle, et celui du Moulin à vent, au sud-sud-ouest ; celui du Puech-de-Fabre, qui existait déjà, fut réparé, ainsi que le château, et on les garnit de canons.

En 1629 , le 8 juin , Louis XIII, après la conquête de la Savoie, vint faire le siège d'Alais : son quartier-général était entre le mas du Boua et Cauvel. Après un blocus de neuf jours, la ville se rendit ; la garnison, composée d'environ 4,000 hommes, en sortit avec les honneurs de la guerre, et le roi y entra le même jour, 17 juin ; il logeait dans la maison n°104, à la grand'rue, et y resta jusqu'au 27. Il y signa la paix avec le duc de Rohan et son frère Soubise, reçut la soumission des villes qui avaient pris le parti de ces princes, et ordonna la démolition des fortifications.

C'est pendant le siège que l'on coupa l'aqueduc qui amenait les eaux de la fontaine de Russau sur la place du Marché. On n'a pas cherché à le rétablir, parce que ces eaux charient du tuf en quantité.

En 1645, la comtesse d'Alais, veuve du duc d'Angoulême, fit cadeau à la ville d'une horloge qui fut placée sur la porte du Marché. Elle accorda aux Alésiens le droit de chasse et de pêche ; mais elle se fit chèrement payer, en exigeant des consuls l'abandon du terrain qui était entre la ville et la rivière, sur lequel avaient été les fortifications rasées depuis quinze ans. Elle l'inféoda aussitôt à divers particuliers, pour des jardins ou des calquières, sous de fortes redevances. Le quai de ceinture les a recouverts.

L'ancien château des seigneurs d'Alais était en très-mauvais état depuis la démolition de la tour Peletine. En 1623, on fit quelques réparations au bâtiment appartenant au baron, pour le fortifier et y loger des troupes ; ces ouvrages avaient été démolis six ans après, et il ne restait que des ruines, lorsque Louis XIV, en 1689, fit construire notre fort par Vauban, sur le même emplacement. Il acquit le couvent des Capucins, qui se trouvait au sud-ouest, moyennant une rente annuelle de 500 livres, et ces religieux firent un nouveau couvent entouré de vastes jardins, qui sont occupés à présent par des fabriques de tuiles, de briques et de pavés, des chantiers de charpentiers et de tailleurs de pierres,.des magasins de poutres, de planches, de ferrures, de plâtre, en un mot, de tous les matériaux nécessaires pour construire des maisons. La gendarmerie, une guinguette, des bains les plus propres et les mieux tenus, et des jardins potagers, sont aussi dans le même enclos. L'église, convertie d'abord en magasin, puis en fonderie, a été acquise par la confrérie des Pénitents, et sert de succursale.

En 1692 , l'évêché d'Alais fut érigé, sur la demande de Louis XIV. Le premier évêque fut François de Saulx, abbé de Psalmodi, et tous mes contemporains ont connu le dernier, Mgr de Bausset, cardinal, commandant de l'ordre du St-Esprit, pair de France, membre de l'Académie française, encore plus distingué par ses vertus et ses talents que par ses titres.

En 1700, la place de la Maréchale fut commencée et nommée ainsi en mémoire du maréchal de Montrevel, qui commandait les troupes du roi dans les Cévennes. Elle fut élargie ; les parapets et les escaliers du côté de l'hôtel-de-ville et de celui de la Roque, ne furent achevés qu'en 1760. C'est de nos jours qu'on a fait le perron du côté de la place d'armes.

En 1704, le 12 mai , le général Lalande , commandant à Alais sous les ordres du maréchal de Vilars, qui avait remplacé le maréchal de Montrevel, eut une conférence avec Cavalier, chef des Camisards, sur le pont d'Avène, à une lieue d'Alais. Ils laissèrent leur escorte à deux portées de fusil, et s'entretinrent ensemble près de deux heures. Le général Lalande témoigna, au nom du Roi, le désir de voir cesser la guerre civile ; Cavalier demanda, pour les protestants, la liberté de conscience ou de quitter le royaume, et la délivrance de leurs prisonniers. La suite de ces négociations serait ici déplacée, attendu qu'elles n'eurent pas lieu à Alais.

En 1721, la peste apportée à Marseille dans des ballots de coton, se déclara dans notre ville. Mgr d'Avejan, qui venait d'être nommé évêque d'Alais, se trouvant encore à Paris, sollicita et obtint des secours du monarque, et vint aussitôt dans nos murs prendre avec l'autorité les mesures les plus efficaces contre ce terrible fléau, qui dura près d'un an.

En 1724 , ce digne prélat fonda notre collège, qui a toujours joui d'une haute réputation, méritée par les avantages qu'offrent la localité, une direction paternelle, d'habiles professeurs et des écoliers qui se sont distingués dans le monde.

Mgr d'Avejan avait dressé le plan du palais épiscopal et le fit commencer en 1730. Disons à ceux qui le voient morcelé, que sa façade extérieure régnait sur toute la largeur de la place St-Jean, que les bâtiments intérieurs sont réduits des trois quarts, que la rue Taisson et les maisons qui la bordent des deux côtés, sont faites à travers ses vastes jardins, etc.
Nous devions aussi à notre évêque le plan de l'hôtel-de-ville, l'alignement de la ville neuve, le couvent de St-Charles, et le Refuge pour les Madelaines pénitentes. Nous renverrons à la biographie bien des détails sur d'Avejan, occupé sans relâche de la prospérité de son diocèse ; mais, à propos du collège, titre éminent de sa gloire, et de notre reconnaissance, nous mentionnerons l’École royale de la marine, créée en 1786, qui devait être de la plus grande importance pour l'établissement et pour la ville, parce qu'elle nous procurait de nouveaux moyens d'instruction, et une affluence considérable d'étrangers de toutes les provinces, qui amenaient leurs enfants, ou venaient les visiter. La révolution nous a fait perdre cette école, et, si quelques personnes sont étonnées que nous l'eussions obtenue, quoiqu'elles sachent que les connaissances préliminaires des marins peuvent être acquises loin des ports, nous leur expliquerons que c'était un bienfait de notre dernier évêque, qui réussit d'autant plus facilement, que M. le duc de Castries, seigneur d'Alais, se trouvait alors ministre de la marine.

L'inondation du 15 septembre 1741 est toujours citée comme la plus considérable. Je suis convaincu que celle de 1815 la surpassa , malgré les marques de la hauteur de l'eau aux deux époques tracées en plusieurs endroits. En 1741, Alais était muré et fermé de portes, les eaux, arrivant du côté de l'hôpital, submergèrent toute la partie basse de la ville, et s'élevèrent beaucoup au-dessus de leur niveau extérieur, puisque, le mur d'enceinte vis-à-vis du Luxembourg ayant cédé sous leur poids, elles s'écoulèrent promptement. En 1815, au contraire, nos remparts étant abattus, l'eau entrait par toutes les rues aboutissant à la rivière ; elle était au même niveau que dans la campagne environnante, où elle arriva plus loin et plus haut.

En 1743, on rétablit une arche du pont vieux, que l'inondation avait entraînée, et l'on traça, au dessus et au dessous de la ville, un lit large et aligné pour le Gardon. On acheta, pour cela, le terrain nécessaire des riverains, qui ne peuvent plus dépasser ces limites, appelées lignes de Pitot, du nom de l'ingénieur qui vint les fixer. Cette même année, on commença les travaux des quais, qui doivent nous préserver, et qui, depuis un siècle, ne sont pas encore achevés.

Il est inutile d'indiquer où étaient les couvents de religieuses de St-Charles et de Ste-Ursule, dont on a fait des maisons particulières , comme de Ste-Marie, qui appartenait à une congrégation de femmes. Rappelons cependant que, dans le premier, Mgr de Beauteville établit la Providence, transférée, en 1766, dans une maison donnée par M. le Chan-Sugier, à la ville neuve, disposée depuis pour le palais de justice.

Rapportons succinctement qu'avant les tribunaux de première instance et de commerce, et les juges de paix, la justice était rendue, à Alais, par deux juridictions seigneuriales, celle de la Baronnie, et celle de la Comté ; que celle-ci jugeait les appels de la première ; qu'une soixantaine de communautés du diocèse, ou de ceux de Nismes, d'Uzès et de Mende, en ressortissaient, et que cette juridiction de la Comté était elle-même du ressort du parlement de Toulouse, qui, par ordre du roi, envoya des commissaires dans ce pays en 1784. Au sujet de la révolte des Mascaras, du Vivarais, ils tinrent plusieurs séances à Alais.

La pyramide ou obélisque qui est sur la route d'Anduze, fut élevée par les commissaires du diocèse , en 1777, à la mémoire de Mgr de Beauteville, qui, pendant son épiscopat, s'était beaucoup intéressé aux grandes routes.

NDLR : Sa hauteur est de 10 mètres 44 sans la boule qui la coiffe ; celle du socle est de 2 mètres 54, ce qui donne une hauteur totale de l’ordre de 13 mètres. Le socle hexagonal portait sur les 3 côtés des plaques de marbre avec des phrases en latin. Ces marbres furent arrachés en 1793, lors de la révolution. Ils furent replacés en 1868 par M. Decœur, ingénieur des Ponts et chaussées, qui en en profita pour restaurer le monument.

La place St-Jean était toute au même niveau que devant l'évêché. C'est en 1781 qu'on forma les places basses des deux côtés de l'église, afin d'aérer les maisons de ce quartier.

Le chemin dit de l'embranchement, du faubourg St-Vincent à la chaussée, fut fait en 1783. C'est en 1785 qu'on traça celui du faubourg de Rochebelle. Ils sont l'un et l'autre bordés de maisons à présent, ainsi que plusieurs rues nouvellement ouvertes.

Le quai dit du Nord fut tracé en 1788 ; on l'appelait alors quai Bausset jusqu'à la révolution.

Arrivé aux événements de notre âge, aux constructions que nous voyons élever, nous terminerons ces notes ; sur l'ancienne ville d'Alais. Son état présent, les fabriques, le commerce de ses habitants, l'Agriculture et les productions naturelles de son territoire, seront exposés dans la Statistique du département du Gard, actuellement sous presse, et le peu d'articles que nous en connaissons, nous garantissent sa parfaite exécution. Mais le plan d'un ouvrage aussi vaste ne pouvait pas admettre les détails que nous avons recueillis ; nous conserverons donc ces notes historiques, comme celles relatives à l'histoire naturelle et à la météorologie de ce pays, que nous avons publiées déjà.

Alais, 4 février 1841.

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