Les Sarrasins chassés de la
Vallée du Rhône
par Charles Martel en 736.
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Les Sarrasins Chassent les moines nîmois de leurs couvents - Enluminure de Pertus.
 
VERSION III - Dom Vaissette – Histoire générale du Languedoc, 1730.
(736). Cinquième irruption des Sarrasins dans les Gaules, Jusif Abdérame gouvernait pour les Sarrasins la Gaule Narbonnaise. Ce seigneur arabe résolut de se signaler par quelques actions d'éclat. La situation ou se trouvait la Provence lui en fournit l'occasion. Mauronte et ses confédérés formaient une ligue secrète avec Jusif  gouverneur de la Septimanie pour les Sarrasins. Ils lui promirent à leurs tour de l'introduire au de là du Rhône, ce qu'ils firent.

 

Mauronte et les autres rebelles que la présence de Charles Martel avait intimidés, furent à peine informé que ce prince avait passé le Rhône pour faire la guerre aux Saxons, qu’ils reprirent aussitôt les armes, et en exécution du traité secret qu’ils avaient fait avec les Sarrasins, ils leurs livrèrent la ville d’Avignon. Il y a lieu de croire qu’ils les introduisirent aussi dans celle d’Arles, car ces infidèles y entrèrent dans le même temps, et malgré la soumission volontaire de cette ville qui se rendit par composition, ils la livrèrent au pillage. Les Sarrasins s’emparèrent d’autant plus aisément de cette place, qu’ayant été du domaine du duc Eudes, les successeurs de ce prince qui ne s’attendaient pas à cette surprise, n’étaient pas en état alors d’en prendre la défense.

 

Ces peuples eurent à peine franchis les barrières du Rhône, qu’ils portèrent la désolation dans tous les pays situés des deux côtés de ce fleuve. Les villes d’Uzès, Viviers, Valence, Vienne, Lyon est plusieurs autres, éprouvèrent ainsi que celle d’Arles et d’Avignon, la fureur de ces infidèles appelés Vandales par quelques anciens historiens, parce que la plupart d’entre eux étaient originaires d’Afrique où ces derniers peuples s’étaient anciennement établi. Pendant un séjour de quatre ans que les Sarrasins firent au de là du Rhône, ils renouvelèrent tous les ans leurs courses dans la province d’Arles, et portèrent partout le fer le feu sous la conduite de Jusif gouverneur de la Septimanie, mais avec tant d’excès et de fureur, que suivant le récit d’un ancien auteur on voyait de toutes parts des églises détruites, des monastères ruinés, des villes pillés, des maisons saccagées, des châteaux démolis, et un nombre infini de personnes massacrées, sans que personne n’osât s’opposer ou cours de tant de maux, ni arrêter la fureur des barbares.

 

On pourrait entendre de cette irruption des Sarrasins au-delà du Rhône sous le commandement de Jusif surnommé Abdérame, ce que Rodéric de Tolède raconte du général Abdérame qui fut tué à la bataille de Poitiers. Cet historien prétend que ce dernier étant occupé au siège d’Arles, défit une armée de Français qui marchaient au secours de cette place, mais il paraît certain que ce général ne passa jamais le Rhône, et qu’il n’en approcha pas même. Si donc les Français furent battus en allant secourir la ville d’Arles assiégé par le général Sarrasin nommé Abdérame, ce fut sans doute par Jusif Abdérame gouverneur de la Septimanie qui porta ses armes au-delà du Rhône, et Rodéric de Tolède peut aisément avoir confondu l’un avec l’autre. Cet historien ajoute que les corps de tous les chrétiens tués dans cette occasion furent jetés dans le Rhône ou inhumés dans le cimetière d’Arles, où l’on voyait encore de son temps leurs tombeaux. Il en reste un grand nombre de pièces creusées dans le roc près de l’abbaye de Montmajour. Mais nous n’oserions assurer qu’ils aient été construits pour les chrétiens qui périrent par le glaive des infidèles. C’est sans doute dans cette irruption qui dura quatre années de suite, que ces barbares ruinèrent le monastère de Lérins situé dans une îles sur les côtes de Provence où ils martyrisèrent environ cinq cents religieux. On peut rapporter aussi à ce temps là les ravages que les Sarrasins commirent dans la partie de la Bourgogne à la gauche du Rhône et de la Saône.

 

 (737). Mort du roi Mérovingien Thierry III, Charles Martel se sent assez puissant pour ne pas lui donner de successeur sans oser toutefois se proclamer roi. Charles Martel informé des désordres que les Sarrasins commettaient au de là du Rhône à la faveur de son éloignement et de la guerre qu'il faisait alors aux Saxons, résolut d'en arrêter la course. Il assembla une armée, et l'année suivante il se met en marche. Il détacha d'abord Childebraud son frère, pour investir Avignon. Il suivit de près ce détachement, il assiégea cette ville et la pris d'assaut. Tous les Sarrasins furent passé au fil de l'épée et la ville livrée au pillage et ensuite réduite en cendres pour la plus grande partie. Ce prince passe le Rhône, entre dans la Septimanie et assiège Narbonne. Après la prise d'Avignon Charles Martel passa le Rhône avec toute son armée et entra dans la Septimanie dont les Sarrasins étaient les maîtres. Il traversa cette province sans que personne ne se présente et ne s'oppose à sa marche, et étant passé comme un éclair au milieu des diocèses d'Uzès, de Nîmes, de Maguelone, d'Agde et de Béziers il arriva devant Narbonne. Il porta la désolation dans tout le pays et fit raser toutes les forteresses pour empêcher les infidèles de s'y fortifier.

 

Les infidèles qui s'étaient cantonnés au de là du Rhône dans la province d'Arles, sous le commandement de Yusuf s'étaient maintenus dans Arles et dans les villes situées dans les montagnes de Provence. Charles Martel se mit en marche pour chasser les infidèles de ce pays.

 

Charles Martel après avoir rassemblé ses troupes aux environs d'Avignon marcha sur Mauronte et les Sarrazins. Tandis que Charles agissait du côté du Rhône et le long de la côte le roi des Lombards attaqua le Duc de Mauronte dans les défilés des montagnes et les mit en fuite jusque dans les cavernes voisines de la mer. Enfin les Sarrasins évitant de se mesurer avec les Français et les Lombards, prirent le parti de repasser le Rhône. L'heureux succès de cette expédition acquit à Charles toute la Provence jusqu'à la mer et Marseille. Il mit fin par-là, aux ravages que les infidèles avaient fait pendant quatre années de suite. Il parait qu'ils n'osèrent plus rien entreprendre par la suite au de là du Rhône, et qu'ils ne passèrent plus les bornes du pays qu'ils conservèrent encore dans la Septimanie et d'où Charles Martel ne se mit pas en peine de les chasser.

 

VERSION IV - Histoire des révolutions de la ville de Nismes.

(737). Si la Septimanie avait perdu de sa magnificence sous les Wisigoths, sa foi reçut de grands échecs sous les Sarrasins. Nîmes, par les conquêtes de Zama, gouverneur d’Espagne, sous le califat d’Omar II, passa au pouvoir des Mahométans. Mais leur règne fut de courte durée. Charles Martel, dans son expédition contre la ligue de quelques seigneurs français avec les Sarrasins, brûla les portes de Nîmes, abattit une partie des murs et mis le feu à l’Amphithéâtre. Bientôt après, les habitants de cette ville, fatigués de tant de révolutions, et profitant des guerres intestines dont les états des Sarrasins étaient déchirés, secouèrent leur joug, érigèrent leurs provinces en fief, et l’offrirent à Pépin, qui nomma un gouverneur qui prit le titre de comte de Nîmes. Quelque puissante que fût la protection de la France, dans cette ville avait fait le choix, elle n’en fut pas moins exposée de temps en temps à d’aussi grands ravages que si elle avait été réduite à se soutenir elle-même. Les Normands portèrent la désolation sur les côtes méridionales.

 

Adolphe de Pontécoulant, 1820.

 

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