Toutes
les péripéties de cette histoire
par
Adolphe Pieyre.
Histoire
de la Ville de Nîmes, 1873.
tome III - pages 180 à 183
Mais les
préoccupations de la politique, si grosses qu'elles fussent, ne détournaient
pas les regards des Nîmois d'une question fort gave et dont nous avons dit
quelques mots au chapitre précédent,
celle de l'établissement de l'artillerie dans notre ville. Depuis la
délibération prise par le Conseil municipal en réponse à lettre du général
Ouvrier de Villegly, le ministre de la guerre n'avait pris aucune décision,
Cependant de toutes les villes qui s'étaient mises sur les rangs, deux
seulement restaient à choisir, Nîmes ou Perpignan. Mais la position
topographique de cette dernière, placée près de la frontière, était un grave
obstacle. Nîmes pouvait se flatter de l'emporter dans cette affaire et de
triompher des hésitations du ministre. Les négociations habilement menées par
la municipalité, les démarches de M. de Chabaud-Latour, les sacrifices que la
ville se déclarait disposée à faire, militaient en sa faveur et lui faisaient
la partie belle. Dans sa séance du 8 février 1873, le Conseil municipal eut
précisément à s'occuper de cette question, devenue pour la cité une des plus
importantes en cours.
Le chef
d'escadron Mathieu avait été envoyé par le ministre pour procéder aux
dernières études, et dans une lettre qu'il adressait au Maire cet officier
supérieur faisait connaître les conditions exigées par l'Etat et qui étaient
les suivantes :
1°
Cession de l'hospice d'humanité, situé au chemin d'Uzès.
2°
Cession de quinze hectares de terrain autour de l'hospice et de deux hectares
compris entre l'Ecole normale primaire et les docks.
3°
Cession de raille hectares de terrain dans la garrigue.
4°
Installation d'un local, pour le général commandant la brigade.
5°
Etablissement d'un champ de manœuvre dans la plaine, d'une superficie
d'environ quarante-cinq à quarante-huit hectares.
6° Une
quantité d'eau suffisante.
Le
Conseil accepta ces diverses conditions, en faisant toutefois cette réserve
que l'installation des deux régiments d'artillerie ne nuirait en rien au
maintien du régiment de ligne.
Mais il
restait à obtenir du Conseil général la subvention que réclamait la ville et
l'Etat, s'élevant à 200 000 francs. On n'a pas oublié que, dés l'année
précédente, les membres républicains de l'Assemblée départementale se
montraient hostiles à la ville de Nîmes, coupable selon eux, de mal voter.
Placé cette fois au pied du mur, ne pouvant décemment inventer Beaucaire
comme l'avait fait le colonel Meinadier en 1872, il fallut bien que le
Conseil général se prononçât. Il vota les 200 000 francs demandés, mais en
imposant comme condition de son vote que le Lycée de Nîmes serait transféré à
l'Hôpital général. C'était un refus déguisé. En effet, le plan de la
municipalité était de restituer aux bâtiments inoccupés de l'hospice du
boulevard Saint-Antoine une autre destination.
La
restriction imposée par le Conseil général obligeait donc la ville à bâtir un
nouvel hôpital pour y loger les infirmes dépossédés de celui du chemin d'Uzès
et à disposer l'ancien hospice pour y installer le Lycée. C'était obliger nos
finances municipales à une énorme dépense de 800 000 francs environ à
laquelle une administration prévoyante ne pouvait se résoudre.
Mais
dans leur rage contre le préfet du Gard et la municipalité conservatrice, les
radicaux usaient de tous les moyens, sans se préoccuper d'ailleurs de
l'intérêt public, et l'on assista, lors de la séance du 2 mai, où le Conseil
général s'occupa clé cette question, à ce curieux spectacle d'un conseiller,
M. Costecale, nommé pour défendre les intérêts de son canton, voter contre
l'établissement de l'artillerie à Nîmes. MM. de Larcy et Bézard, mandataires
des deux autres cantons de Nîmes, M. Balmelle, qui se souvint d'avoir
administré notre cité, prononcèrent d'énergiques discours en faveur du
projet, et recueillirent les applaudissements d'un nombreux public venu pour
suivre ces intéressants débats. Le président s'émut de cette manifestation
qui retombait de tout son poids sur ses collègues de la gauche et menaça de
faire évacuer la salle.
Le
mauvais vouloir du Conseil général se révélait donc encore, mais heureusement
ses projets étaient déjoués et ses intrigues percées à jour. Le 19 septembre,
M. de Chabaud-Latour pouvait écrire au Maire de la ville :
« Notre cause est enfin gagnée pour l'établissement à
Nîmes d'une brigade et d'une école d'artillerie. Je suis sûr que ce sera une
source de fécondité et de prospérité pour notre ville et que la présence de
ces beaux régiments et de ces nombreux corps d'officiers élèvera les cours
vers cette noble carrière des armes qui est la brande école du devoir. »
M. de
Chabaud-Latour pouvait en effet dire que cette cause était aussi la sienne et
il n'est ni démarches, ni sollicitations qu'il épargna pour assurer le
triomphe de Nîmes. Aussi ne faudra-t-il pas s'étonner que le nom de celui qui
contribua à doter Nîmes de la brigade d'artillerie fut plus tard donné à un
boulevard par une municipalité reconnaissante. Un détail prouvera alors,
quelle irritation animait les protestants à l'encontre de cette affaire. Le
premier soin du premier maire protestant que les républicains portèrent à la
mairie sera de faire arracher les plaques portant le nom de Chabaud-Latour et
d'y substituer le nom de Hoche.
Malgré
la lettre de Chabaud-Latour et précisément à cause d'elle les protestants ne
se tinrent pas pour battus.
Les plus
mauvaises nouvelles arrivaient en effet de Paris. L'affaire marchait mal. De
hauts employés du ministère de la guerre se montraient réfractaires à
l'établissement d'une brigade d'artillerie à Nîmes. Tous les arguments, que
le colonel Meinadier et ses coreligionnaires politiques avaient invoqués
devant le Conseil général, trouvaient un écho auprès du gouvernement, et cela
ne saurait rien avoir d'étonnant quand on songe que le colonel Meinadier ne
cessait de fréquenter les antichambres du ministère, colportant à tous ces
bureaux ses rancunes et ses inventions mensongères.
Cet
homme, pour qui le Gard réserva un siège de sénateur, s'était fait le promoteur
de cette odieuse campagne contre le chef-lieu, n'obéissant qu'à sa haine de
sectaire contre les catholiques de Nîmes. Aidé par d'autres personnages
influents, notamment par les deux députés Laget et Cazot, tous les deux
protestants aussi, il paraissait prés de réussir. Sa voix était écoutée, et
le général de Chabaud-Latour pouvait écrire au Maire que l'ouvre qu'ils
avaient entreprise était fort menacée peut-être irrémédiablement perdue.
Sur-le-champ, M. Blanchard, accompagné de M. Laurent, se rend à Paris et à
Versailles. Il veut avoir le cour net des obstacles que l'on multiplie à
dessein, des fins de non recevoir et du mauvais vouloir de certains. Il
trouve l'affaire plus gravement menacée qu'il ne le soupçonnait et qu'on ne
le croyait à Nîmes. Le colonel Coste, le colonel Meinadier, MM. Laget et
Cazot avaient réussi à faire écarter Nîmes et à faire désigner Valence comme
siège de brigade d'artillerie.
M.
Blanchard eut une entrevue avec le maréchal de Mac-Mahon, avec le ministre de
la guerre, général du Barrail, et, partout, il se heurta à un thème unique
imaginé par les adversaires du projet. Néanmoins le général du Barrail
promettait une compensation, c'est-à-dire soit un régiment de cavalerie, soit
un bataillon de chasseurs à pied, soit même un autre régiment d'infanterie.
Le journal le Midi (1) enregistrait avec une satisfaction non déguisée
l'échec du projet et du voyage du maire à Paris. Organe protestant, il se
réjouissait du succès des siens qu'il savait ardemment opposés au projet et,
prêts à tout pour l'empêcher de réussir.
Le
Conseil municipal dans sa séance extraordinaire du 29 décembre, après avoir
écouté le rapport du maire sur son voyage à Paris, exprima dans sa
délibération sa reconnaissance au premier magistrat de la ville et vota
l'impression de son exposé. Ainsi près de deux ans s'étaient écoulés déjà
depuis que cette question qui intéressait non seulement Nîmes, mais encore la
défense nationale était soulevée, et par la faute de quelques envieux, elle
n'avait pas fait un pas. Il nous faudra attendre la fin de 1874 avant qu'un
résultat définitif puisse être obtenu: et que notre ville puisse enfin
triompher de résistances coupables.
Histoire
de la Ville de Nîmes, 1874.
Ces
divers changements de portefeuilles n'avaient pas été préjudiciables à notre
ville, tout au contraire. La question clé l'artillerie était toujours pendante,
même après l'insuccès des démarches tentées l'année précédente par la
municipalité, et malgré les propositions faites au ministère de la guerre par
la ville d'Aix. Dans la séance du Conseil municipal du 2 février, le maire
annonçait que le gouvernement croyait pouvoir donner comme compensation à la
ville de Nîmes un régiment du train des équipages.
Un
moment, notre municipalité se heurta encore à de nouveaux obstacles. La
compensation promise fut retirée sans autre raison qu'un caprice. Le train
des équipages irait se fixer ailleurs et l'artillerie désirée serait
définitivement casernée à Versailles. Ces nouvelles furent communiquées au
Conseil municipal dans sa séance du 6 février. Sur-le-champ en présence de
ces tergiversations, on prit un parti définitif.
L'hospice
du chemin d'Uzès, à peine achevé, on résolut d'y transporter les infirmes de
l'Hôpital général. On sait que c'était ce bâtiment qui devait former le noyau
de la nouvelle caserne d'artillerie. Par voie de conséquence, il fut décidé
que l'Hôpital Général, devenu vacant, serait transformé en Palais des
Beaux-Arts. Cette détermination était d'autant plus louable, que notre Musée
était notoirement insuffisant, que nous ne pouvions plus abriter nos
collections, et que notre Bibliothèque, elle-même, était devenue trop exiguë.
Du reste, avant d'opérer la transformation projetée, un vote du Conseil donna
mandat à M. Germer-Durand de dresser le catalogue de toutes nos richesses
artistiques. Une somme de 1000 francs lui fut allouée dans ce but.
De son
côté, le maire fut chargé de dresser un rapport sur la question, et le 20
avril, sur ses propositions, le Conseil vota tout d'abord une somme de 80 000
francs pour l'aménagement de l'hospice du chemin d'Uzès et une somme de
150,000 francs pour approprier d'une façon convenable les locaux de l'Hôpital
Général, et leur permettre de recevoir : la Bibliothèque publique, le Musée
de peinture, le Musée lapidaire, l'Ecole de dessin et le Conservatoire de
musique, avec une salle destinée aux conférences littéraires et aux concerts,
« sans préjudice de quelques services
municipaux qui pourraient s'y installer » Il était du reste
convenu qu'on n'enlèverait rien de la surface de cet immeuble (13000 mètres
carrés environ) comme on en avait eu l'intention première pour alléger la
dépense à effectuer.
Par un
de ces brusques retours dont le ministère avait donné plus d'un exemple
depuis qu'était posée cette question d'artillerie, le projet de
l'installation à Nîmes d'un régiment du train des équipages revint sur l'eau.
Toujours prompt à saisir un moyen de résoudre cette question dans le sens des
intérêts de la ville, le Maire proposa au Conseil de voter 150,000 francs
pour le casernement demandé. Mais presque en même temps, l'avènement au
pouvoir du général de Cissey, (22 mai) et peu après du général de
Chabaud-Latour (22 juillet) rendait quelque espoir à la municipalité. Il
était sûr que ce dernier triompherait des obstacles élevés non seulement par
la concurrence, mais encore par les rancunes politiques.
Il
faisait en même temps connaître les nouvelles propositions faites par la
ville à l'Etat en vue de ce résultat. Par suite de l'installation du nouvel
Hospice d'humanité et des nouvelles négociations engagées avec le ministère,
les anciennes propositions devaient recevoir quelques modifications. En ce
moment la ville offrait à l'Etat :
- Un
terrain de quatorze hectares, compris entre l'Hospice d'humanité, la route
d'Uzès et la voie ferrée.
- Un
champ de tir d'une longueur de dix kilomètres, dans les garrigues, et reconnu
par le service de l'artillerie.
- un
champ de manœuvre d'une contenance de quarante-cinq à cinquante hectares
situé entre la route d'Avignon et le chemin de Courbessac. Ce terrain avait
été déjà accepté par le service d'artillerie.
- un
immeuble pour l'école d'artillerie après acceptation du service technique.
- Une
somme de 800 000 francs payable par tiers aux mêmes époques que les avances
du surplus de la dépense que la ville devait faire à l'Etat.
Ces
avances étaient garanties et remboursables dans un délai de douze à quinze
ans. La ville s'engageait encore à loger provisoirement les hommes et les
chevaux de la brigade d'infanterie dans les bâtiments de l'ancien hôpital et
la caserne des passagers. Le surplus des hommes et des chevaux devait être
logé dans un baraquement construit à cet effet aux frais de la ville. Les
objets mobiliers, destinés soit au baraquement, soit à l'hôpital, devaient
être construits par le Génie aux frais de la ville, à la condition que l'Etat
en fît le remboursement lors de l'évacuation des locaux provisoires. Enfin,
il était convenu que la somme de 150 000 fr. votée au courant de l'année par
le Conseil pour l'installation du train des équipages du 15° corps serait
comprise dans les 800 000 francs donnés par la ville à l'Etat. Le Conseil
municipal adopta ces propositions qui avaient déjà reçu la sanction
nécessaire du ministère de la guerre.
La
question de l'artillerie était résolue. Nous verrons dans les années
suivantes la réalisation définitive du projet. C'était là tout aussi bien le
travail de la nouvelle que de l'ancienne municipalité. Cette dernière avant
de quitter la Mairie était loin d'être restée inactive.
Histoire
de la Ville de Nîmes, 1875.
Le
nouveau conseil municipal, continuant les excellentes traditions de l'ancien,
soutenait énergiquement le Maire dans ses démarches auprès du gouvernement
pour obtenir la brigade d'artillerie du 15°le corps.
Ce fut
le 30 mai que la question, depuis si longtemps en discussion, fut enfin
résolue par la lettre suivante adressée par M. le maréchal de Mac-Mahon,
président de la République, au général de Chabaud-Latour.
MON CHER GÉNÉRAL,
Je puis vous annoncer que j'ai examiné consciencieusement
la question de l'établissement d'une brigade d'artillerie à Nîmes, et que
j'ai invité le ministre de la guerre à me présenter un décret pour donner
définitivement cette destination à cette brigade. Je suis très heureux que
l'intérêt du service ait été d'accord avec votre désir et m'ait permis ainsi
d'être agréable à un de nos anciens ministres qui a donné tarit de preuves
d'entente et de dévouement à la cause publique.
Veuillez agréer, mon cher Général, la nouvelle assurance
de ma haute considération et de mes sentiments les plus affectueux.
Maréchal MAC-MAHON.
Le 9
juin, arrivèrent à Nîmes trois officiers supérieurs d'artillerie pour traiter
avec le maire au sujet de l'installation de la brigade d'artillerie. Les
conditions, déjà acceptées par l'Etat, ne reçurent aucune modification,
seulement on stipula quelle somme la ville devait avancer à l'Etat, et on
s'arrêta de part et d'autre au chiffre de 3 800 000 fr. L'Etat garantissait
du reste l'intérêt et l'amortissement de cette somme. Dans sa séance du 14
juin, le Conseil municipal accepta la convention intervenue entre les deux
parties (2) datée du 17 juin 1875 et portant d'une part la signature de M.
Blanchard, de l'autre celle de MM. A Mathieu et C. Fulcrand, officiers
supérieurs délégués par le ministre de la guerre.
Le
Journal officiel du 17 juin contenait ensuite le décret suivant :
Le Président de la République Française,
- Vu le
décret du 4 décembre 1874, relatif aux commandements de l'artillerie,
- Vu les
articles 2 et 6, de la loi du 6 juillet 1873, relative ci organisation
générale de l'armée,
-
Considérant que la ville de Valence. garnison actuelle de la 15° brigade
d'artillerie et siège de l'Ecole d'artillerie affectée à cette brigade n'est
pas comprise dans la circonscription du 15° corps d'armée,
Sur le
rapport du ministre de la guerre,
-
Décrète :
-
Article premier. - L'article 2 du décret du 4 décembre 1873 est rapporté en
ce qui concerne le maintien de l'Ecole d'artillerie de Valence.
- Art.
2. - Il sera crée une Ecole d'artillerie à Nîmes (département du Gard).
Fait à Versailles, le 12 juin 1875.
Maréchal de MAC-MAHON, DUC DE MAGENTA.
Si la
ville triomphait enfin des multiples résistances qu'elle avait rencontrées,
elle avait le devoir pour la réalisation du projet, d'examiner et de fixer
les charges financières. C'est à quoi s'employa le Conseil municipal dans sa
séance du 28 juin. Il fut arrêté que l'on emprunterait 6 800 000 francs, dont
3 800 000 francs étaient avancés à l'Etat qui garantissait le remboursement
en capital et intérêts en cinq ans de 1875 à 1880. Le solde s'élevant à 3 000000
francs devait être remboursé par la ville, dans une période de vingt années,
de 1881 à 1900. Il n'était ainsi rien ajouté jusqu'en 1881 à la charge des
contribuables et l'on se bornait à maintenir de 1881 à 1900 une imposition de
0,15 centimes additionnels déjà votée en 1870 pour la libération de l'emprunt
de la guerre.
Une
enquête fut ouverte par arrêté préfectoral du 6 juillet, sur le projet, à
l'effet d'obtenir l'acquisition par voie d'expropriation pour cause d'utilité
publique des terrains et bâtiments inscrits dans les conventions (3) M.
Laffitte, membre de la Chambre de commerce, fut nommé commissaire enquêteur.
Vers la
fin de ce même mois de juillet, le maire et son premier adjoint partirent
pour hâter les dernières négociations relatives à l'emprunt voté par le
Conseil municipal, et enfin le 29 juillet, la Chambre, sur la proposition de
M. La Rochethulon autorisa la ville à contracter cet emprunt. Le maire signa
à cet égard un traité avec la maison Sée, traité que ratifia le Conseil dans
sa séance du 11 août.
Histoire
de la Ville de Nîmes, 1876.
Adolphe Pieyre, 1887
Le
lycée Daudet, ancien hôpital général
NOTA :
La situation
de l'époque, un gouvernement Radical favorable à l'école laïque contre une
municipalité cléricale qui s'accroche à une éducation religieuse.
Le
gouvernement veut imposer la construction d'un établissement scolaire, dans
le centre ville, Lycée Daudet, contre l'affectation d'un régiment
d'artillerie à Nîmes, route d'Uzès.
Une des
questions qui tenait le plus au cour des adversaires de l'administration
communale était celle du Lycée. Ce n'était pas sans une mauvaise humeur
marquée que ceux-ci avaient vu la ville se décider à créer dans l'ancien
hôpital général un palais des Beaux-arts et se disposer à y placer nos
services municipaux en souffrance dans maints locaux épars et insuffisants.
Selon eux, l'Hôpital Général était réservé, quoi qu'il en coûtât, à un lycée,
et ils l'ont bien prouvé du reste lorsqu'ils ont été les maîtres des deniers communaux.
photo
d'une scène d'hôpital sur la façade du Lycée Daudet.
Sentant,
pour le moment, que la décision récente du Conseil municipal en ce qui
touchait l'Hôpital Général, rendait impossible le transfert du Lycée, ils
imaginèrent une singulière combinaison. Le Conseil se préoccupant de
l'insuffisance des locaux de l'ancien établissement universitaire, offrait en
prolongeant la rue des Greffes jusqu'au boulevard d'y ajouter cette portion
du bâtiment occupé naguère par la Bibliothèque municipale. Ce n'était pas
paraît-il, suffisant, et sur les indications du parti républicain de Nîmes,
M. Waddington, alors ministre de l'instruction publique, proposa à la ville
de transférer dans un petit collège (4), « les élèves internes jusqu'à la
cinquième inclusivement et les élèves de l'année préparatoire, et de la
première année d'enseignement spécial. »
C'était
une véritable annexe à construire. Or on avait eu la pensée de créer cette
annexe à quatre kilomètres de Nîmes, dans la propriété Arnaud (5), dite des
Rosiers, à Saint Césaire, au point de jonction du chemin de fer
d'Aiguesmortes, de Lunel et de Sommières. De plus, on demandait à la ville de
prendre à sa charge 90,000 francs de dépense, peut-être même le double, avec
obligation pour elle de faire l'acquisition de la propriété des Rosiers (6)
en son nom et de prendre la direction et la surveillance des travaux. Le
Conseil municipal refusa, cela va sans dire, un projet aussi extraordinaire,
qui avait le double tort d'être impraticable et en même temps de soulever
dans une question où elle n'avait que faire les discussions religieuses. Ce
refus jeta le Midi et ses coreligionnaires dans une fureur véritable et la
feuille protestante insinua avec assez d'amertume, que le Conseil n'avait
agi que pour protéger les établissements d'instruction secondaire libres de
la ville. Cela même au moment où le Conseil venait de voter une somme de
6,000 francs pour payer un professeur universitaire de mathématiques
spéciales.
La
municipalité portait non seulement ses soins sur les édifices religieux, mais
elle les étendait à l'embellissement de la ville et à la gestion de ses
intérêts. Malgré de puériles récriminations, elle poursuivait sa tâche. Ses
adversaires ne lui ménageaient pas, comme nous l'avons vu plus haut, les
critiques. Au commencement de l'année 1876, la question de l'artillerie, bien
que résolue, arrêtée, décidée, votée, fut la source d'insinuations
malveillantes. L'adjudication des bâtiments à construire avait eu lieu en
décembre 1875, mais le ministre de la guerre mettait quelque retard à faire
parvenir son approbation. L'explication de ce retard était très simple, la
lettre suivante du général de Rivières au général Chabaud-Latour le
prouve :
Versailles, ce 13 janvier 1876.
Le
dossier de l'adjudication des travaux du quartier d'artillerie à Nîmes vient
seulement de parvenir au ministère. Ce retard provient de ce que le
directeur, en présence du rabais énorme (18%) soumissionné par
l'adjudicataire, a dû prendre de nouveaux renseignements sur sa capacité, sa
solvabilité et celle de sa caution.
L'ensemble
de ces renseignements n'a pas paru suffisant pour courir le risque de
commencer les travaux avec un aussi fort rabais. Le rapport qui va être
soumis au ministre, si toutefois la direction générale du contrôle partage la
même manière de voir, conclut à l'annulation de l'adjudication. Je vais hâter
le plus possible la solution de cette question de façon à couper court à
toute fausse interprétation des causes du retard apporté dans l'exécution des
travaux et à vous épargner de nouveaux ennuis.
Le
colonel Goulier, directeur à Marseille, annonce pour la fin de la semaine
l'envoi des projets et des plans parcellaires nécessaires pour
l'expropriation. Le décret d'utilité publique suivra de très prés cet envoi.
On ne
saurait trop remarquer que cette réponse tournait à la confusion de ceux qui
avaient déjà interprété d'une manière défavorable le silence du ministère.
C'était un témoignage des garanties multiples dont s'entourait, à cette
époque, l'administration, et de sa sollicitude pour les intérêts qui lui
étaient confiés. Ce n'est certes pas à présent qu'on pourrait en dire autant.
Le
retard momentané dont se plaignait la faction républicaine, dans notre ville,
n'empêcha pas le ministère de tenir intégralement l'engagement souscrit par
la lettre que je viens de reproduire. En effet, le 23 février était affiché
le décret d'utilité publique. On se mit immédiatement à l'ouvre et, au mois
d'août, le général de Chabaud-Latour pouvait déjà parcourir les chantiers du
chemin d'Uzès. Le Conseil acquérait le 25 avril de cette même année au prix
de 190 000 francs, la maison Sabran, boulevard du Grand Cours, afin d'y
installer l'école d'artillerie de la 15e brigade.
Histoire
de la Ville de Nîmes, 1877.
L'administration de M.
Blanchard, bien que le Conseil municipal fût arrivé presque au terme de son
mandat, ne cessait de s'occuper des intérêts de la ville.
A ce moment les travaux de
l'artillerie étaient poussés avec une extrême vigueur. Le parc était très
avancé. Les traités pour les achats de parcelles comprises dans le champ de
tir et celui des manœuvres étaient examinés et signés, la construction
du casernement était prés d'être terminée, et l'inspecteur général du génie
militaire venu pour le visiter en octobre ne pouvait qu'en remarquer
l'agencement et en approuver les heureuses dispositions. Quant à l'école
d'artillerie, elle était mise en adjudication au commencement du mois de
septembre, au profit de M. Louis Auméras, entrepreneur. Enfin, après quelques
années de démarches multiples, de sollicitations diverses, le Journal
officiel publia, le vendredi 13 septembre, dans sa partie non officielle, la
note suivante :
Le quartier général de la 15°
brigade d'artillerie sera transféré le 1er octobre à Nîmes, son emplacement
définitif.
Le 26 septembre, la musique de
l'école fit son entrée à Nîmes précédant l'état-major du 19me régiment
d'artillerie, et le 3 octobre, M. le général de Montluisant, commandant la
brigade, vint prendre officiellement possession de son poste. En attendant
que les travaux du casernement fussent achevés, deux batteries furent
désignées pour aller tenir garnison à Uzès. La question de l'artillerie était
définitivement réglée.
Adolphe Pieyre, 1887
(1) Ancien Courrier du Gard transformé. Cette dernière
feuille s'était par trop compromise sous le régime impérial par ses violentes
attaques coutre les républicains et notamment M. Cazot. Elle avait dû, avec
le nouveau gouvernement, faire peau neuve,
(2) Etaient présents : MM. Blanchard maire; Lamarque,
J.-B. Laurent, Aillaud, Arcay, Balmelle, Berger, Bézard, Bonneru, Boyer,
Bruel, Cammal, Chanel, Chardon, Donzel, Fajon, Ginoux, de Gorsse, Huc, de
Mérignargues, Milliarède, Misse, Monteils, A. Pieyre, Puech, Rebuffat, Redon,
Roman, de Surville, Trilles, Viguier.
(3) Le bâtiment formant l'île appartenant à Madame
Lasalle-Sabran était destiné à l'établissement de l'Ecole d'artillerie.
(4) Lettre ministérielle du 29 avril 1876.
(5) M. Arnaud, gendre de M. de Masquard, est aujourd'hui
secrétaire général de la préfecture d'Agen.
(6) Cette propriété mesurait 48 hectares. La superficie du
nouveau Lycée bâti par les républicains et considéré par tout le monde comme
beaucoup trop considérable n'atteint, pas un hectare et demi ; l'ancien Lycée
mesurait .1100 mètres. L'accroissement proposé par le Conseil municipal
l'aurait porté à 6000 mètres.
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