Visite à Nîmes de François Ier

 en 1533.

 

 

 

RAPPEL : En 1516, le roi confirma aussi les privilèges des principales villes de la province, entre autres , de celle de Nismes, qu'il appelle le siège royal de la province, et le chef de la sénéchaussée de Beaucaire, dans ses lettres datées du mois de Février suivant. 

Ce prince étant à Lyon au mois d'Avril de l'an 1516 accorda aux consuls et habitants de Nismes, et à leur prière, d’avoir pour armes :

 

 

un taureau d’or en champ de gueules,

 

 

mais ayant découvert depuis, plusieurs médailles de leur colonie, sur lesquelles on voit :

 

 

 

un crocodile avec un palmier,

 

ils demanderont au roi de changer leurs armes et de leur donner ces dernières, comme plus anciennes; sçavoir, le crocodile qu’ils prirent d'abord pour une couleuvre, et le palmier, ce que le roi leur accorda par des lettres du mois de Juin de l’an 1535. Le roi marque dans les dernières lettres qu'il donne ces nouvelles armes à la ville de Nismes, tant en considération de la vénérable antiquité dont il avoit toujours été amateur, que pour l’estime qu'il avoit pour la ville de Nismes.

 

Dom Vaissete, 1730

 

-oOo-

 

LA VISITE A NÎMES DE FRANCOIS Ier

par ALBIN MICHEL, 1876

 

François Ier visite les monuments romains -  Tableau de Colin, collection musée des beaux Arts Nîmes.

 

Le roi François I°`, venant de Toulouse, arriva à Nimes le 30 août 1533. La réception qui lui fut faite ne laissa rien à désirer pour le luxe des décorations et des cadeaux offerts aux princes et aux principaux seigneurs de sa cour.

 

On envoya à sa rencontre un corps de bourgeoisie formé de cinq ou six cents hommes armés d'arquebuses et autres armes. Le roi fit son entrée par la porte des Jacobins, aujourd'hui rue de la Couronne, et les rues par lesquelles il passa furent tapissées et sablées. Quant à la reine, elle prit son logement à Besouce. Parmi les cadeaux faits aux principaux personnages de la famille ou de la suite du roi, nous voyons que dans l'Assemblée des commissaires de la ville tenue le 15 juillet 1533 pour régler les préparatif de l'entrée, le premier consul avait été d'avis de donner au dauphin deux chevaux de main du pays ; à chacun des deux autres princes, ses frères, un pareil cheval ; au grand maure et maréchal de Montmorency, gouverneur de Languedoc, une médaille de prix de soixante-dix écus d'or, et au légat du Saint Siège, qui était le cardinal du Prat, archevêque de Sens et chancelier de France, des torches de cire blanche et deux pièces de vin clairet.

 

Quant au présent destiné au roi, il mérite une mention spéciale: il consistait en un plan relevé de l'amphithéâtre de Nimes en argent massif. Les maîtres argentiers ou orfèvres de Nimes, chargés du travail, s'obligèrent par contrat :

 

« de représenter tous les dehors de cet édifice en élévation avec autant d'arcades et de colonnes qu'il y en avait, et d'y suivre la même forme d'architecture ; de distribuer l'intérieur en degrés, comme il y en avait autour de l'arène ; de le faire de forme ovale et d'y mettre au milieu un palmier, auquel serait enchaînée une couleuvre et attaché un chapeau de laurier ; de faire quatre portes à l'amphithéâtre, à chacune desquelles serait placé un chevalier armé et monté sur un cheval. » (1)

 

(1) Voir Ménard, preuves titre, LXIX

 

Le prix en fut fixé à deux cent cinquante livres, outre trente marcs d'argent que les commissaires s'obligèrent à leur fournir.

 

On érigea aussi sur la place de la Couronne, aujourd'hui place de la Salamandre, une colonne en belle pierre blanche, au-dessus de laquelle était une salamandre de même matière, avec l'inscription suivante

 

FRAN. F. RE.

PP. M. P. Q.

NEMAVSI

DD.

 

Ce qui signifie : François, roi de France, père de la patrie, les magistrats et la peuple de Nimes ont élevé cette colonne.

 

L'idée de ce monument était heureuse, car on sait que François 1er avait choisi la Salamandre pour son symbole avec ces mots Nutriscor et extingvo ; je m'y nourris et je l'éteins, pour marquer sa fermeté et les adversités dont sa vie fut traversée.

 

Cette colonne est restée en place jusqu'en 1793 ; démolie alors, le fut seul a été conservé et se trouve aujourd'hui dans l'enceinte de la Maison-Carrée, couché à terre à droite de la porto d'entrée.

Ne pourrait-on pas, sans gêner la circulation, rétablir ce monument historique sur son ancien emplacement en l'entourant d'une petite grille en fer. Cette idée devrait sourire à notre municipalité actuelle qui met des grilles partout. (Cette déclaration de l’auteur, Albin Michel, date de 1876)

 

La dépense générale de l'entrée du roi, nous dit Ménard, monta d'un côté à la somme de cinq mille cent quatre vingt livres fournie par la ville et à celle de trois mille quatre-vingt-quatre livres douze sols six deniers, qui fut avancée par le receveur du diocèse. Ces deux sommes réunies faisant la totalité de huit mille deux cent soixante-quatre livres, reviennent, suivant l'évaluation de la livre minérale, à celle de cent cinquante-quatre mille deux cent soixante une livres six sols huit deniers de la monnaie d'aujourd'hui. (1758, époque de Ménard)

 

Le roi demeura quelques jours à Nimes, il y donna, pendant son séjour, des preuves si particulières et si glorieuses de son goût pour l'antiquité, que ce serait ravir à sa mémoire un des traits les plus honorables dont l'histoire de sa vie puisse être ornée, que de n'en pas fixer ici le souvenir.

 

Ce grand prince visita tous nos monuments avec une attention particulière, il entra dans les plus bas caveaux de l'Amphithéâtre et monta sur les masures de la Tourmagne afin d'en mieux concevoir la forme et la symétrie. On le vit un genou en terre, nettoyer lui-même avec son mouchoir la poussière qui couvrait les lettres des inscriptions romaines, afin de les déchiffrer et de les lire avec plus de facilité.

 

(C'est cette scène qui a été reproduite par M. Colin, ancien directeur de l'école de dessin de Nimes, et dont l'on voit le tableau au musée des Beaux-Arts de Nîmes).

 

Plein d'admiration pour toutes ces grandes et anciennes merveilles de l'art, François 1er parut comme indigné du peu de soin qu'on apportait à les conserver et il témoigna publiquement la déplaisir qu'il ressentait de cette négligence. De sorte qu'avant son départ, il ordonna la démolition de quelques bâtiments qu'on avait laissé construire dans les deux portiques de l'amphithéâtre et qui coupaient et masquaient l'ordre et la suite des galeries. Il ordonna aussi la démolition de certains bâtiments modernes qu'on avait ajoutés à la Maison-Carrée, soit dans l'intérieur, soit au dehors de ce superbe édifice, dont les beautés se trouvaient par là comme anéanties et ensevelies dans un tas de mauvaise maçonnerie qui le défigurait.

 

Le plan de l'Amphithéâtre ne fut livré, par les orfèvres, à la ville de Nîmes qu'en 1535, et le premier consul Antoine Arlier, docteur ès droits, fut chargé de se rendre à la Cour pour le présenter au roi.

 

François 1er, nous dit encore Ménard (1) reçut le présent avec de grands témoignages de satisfaction ; il eut. la complaisance de s'entretenir avec le député sur tout ce que contenait le plan ou la représentation de l'amphithéâtre. Il lui demanda entre autres, l'explication du symbole et des figures du palmier, ainsi que du crocodile et de la couronne de laurier qui y étaient attachés.

 

(1) Ménard, tome 4, livre 12, chapitre 43

 

Le docteur Arlier la lui donna, mais avec des erreurs qui marquent le peu de connaissance qu'on avait alors du vrai sens des monuments de l'antiquité, appelant le crocodile une couleuvre et interprétant les mots COL. NEM par ceux de Coluber Nemauseusis.

 

Ce symbole néanmoins frappa le roi, surtout lorsqu'il apprit que c'était le type d'une ancienne médaille de Nimes. L'amour de François 1er pour l'antiquité lui fit naître le dessein de donner ces figures pour armoiries à la ville de Nîmes, au lieu du taureau d'or qu'elle avait pris depuis peu.

 

Ce fut en effet par les lettres patentes de Juin 1535 données à Coucy que cette concession fut faite et que la ville de Nimes a pris pour armoiries, sur son ancien champ de gueules, les figures du crocodile enchaîné à un palmier avec une couronne de laurier et les mots COL. NEM. qui signifie Colonia Nemausensis.

 

MM. Simon Durant, Henri Durand et Eugène Laval, dans leur album archéologique du Gard, nous donnent, sur l'ancienne médaille de Nimes qui frappa l'attention de François 1er, les renseignements suivants :

 

L'Empereur Auguste, traversant les Gaules, composa la Colonie Nîmoise de ses vétérans qu'il avait ramenés des bords du Nil, c'est ce qu'indique la médaille de moyen bronze que la ville de Nîmes fit frapper en son honneur. Elle rappelle la bataille d'Actium, qui avait assuré à César la conquête de l'Egypte et l'empire du monde. Un côté de la médaille représente la tête de César-Auguste couronné de laurier , et celle de M. Vipsanius Agrippa, qui avait puissamment contribué au succès de cette mémorable journée. Cette dernière est ornée d'une couronne rostrale, l'exergue porte

 

IMP

P   P

DIV. F.

 

Sur le revers on voit an crocodile enchaîné à an palmier d'où pend une couronne avec cette légende

 

COL. NEM

 

MM. Grangent, Ch. Durand et Simon Durand, dans leur description des monuments antiques de la France (page 19, introduction) disent que cette médaille fut trouvée en 1517 en fouillant le tombeau de St Baudile.

 

Extrait de Nîmes et ses rues, Albin Michel, page 315 à 320, édition Clavel Nîmes, 1876.

 
-oOo-
 
HISTOIRE DE LA VILLE DE NIMES
Livre douzième.
Léon Ménard, 1758.
 
XXXIII. - Le roi François ler vient en Languedoc, ainsi que la reine, sa femme, et les trois princes, ses enfants. Préparatifs qu'on fait à Nîmes pour leur entrée. (An de J.-Ch. 1533.)
 
Cette année 1533, le roi François Ier fit un voyage dans les provinces méridionales du royaume : voyage qui avait pour objet une entrevue à Marseille, dont ce prince était convenu avec le pape Clément VII, pour la conclusion du mariage entre le duc d'Orléans, son second fils, et Catherine de Médicis, nièce du pape.
 
On eut avis à Nîmes, par une lettre du seigneur de Clermont aux consuls, que le roi devait partir de Lyon le lendemain de la fête de saint Jean-­Baptiste, pour s'en aller au Puy, et de là à Toulouse ; que la reine, qui était Eléonor d'Autriche, femme du roi, partirait de Lyon le même jour, avec les trois princes ses enfants, savoir le dauphin et les ducs d'Orléans et d'Angoulême, et viendrait, en côtoyant le Rhône, jusqu'en Languedoc, pour aller trouver le roi à Toulouse.
 
Sur cet avis, on tint un conseil extraordinaire, le 26 de juin, à l'évêché, où présida Jean Albenas, lieutenant du sénéchal, afin de déterminer la pompe de l'entrée et du roi, lorsqu'à son retour il passerait par Nîmes, et de la reine et des princes ses enfants.
 
On voulait faire l'entrée du roi des plus magnifiques, parce que c'était la première fois que ce prince honorait la ville de sa présence. Le conseil chargea de donner ordre à tout quelques commissaires qu'il nomma pour cela, qui furent les quatre consuls, le juge royal ordinaire, le prévôt de la cathédrale ; Antoine Arlier, docteur ; Tanneguis le Vallais, contrôleur du domaine ; Pierre de Malmont, licencié ; Léonard Teissier, maitre des monnaies et Aimé Boffard.
 
Quant à la dépense, il fut délibéré d'inviter l'évêque de Nîmes, les béné­ficiers, les nobles et les officiers du roi. d'y contribuer, et cependant d'im­poser ou d'emprunter jusqu'à concurrence de la somme de trois mille livres Tournois et davantage, s'il le fallait.
 
En conséquence de ce dernier article de la délibération, Jean d'Airebaudouse, receveur particulier du diocèse de Nîmes, se rendit avec le premier consul et le contrôleur du domaine du roi au Vigan, où se trouvait alors l'évêque de Nîmes, pour prier ce prélat de prêter à la ville la somme de trois mille livres, dont elle avait besoin dans cette occasion.
 
Au reste, les commissaires nommés par le conseil extraordinaire s'assemblèrent le 13 de juillet suivant, non point à l'hôtel de ville, parce qu'il y avait dans ce quartier quelque danger de peste, mais dans la maison du prévôt de la cathédrale, où ils appelèrent Jean Albenas, lieutenant du sénéchal et l'avocat du roi de la sénéchaussée.
 
Avant que de; rien arrêter, chacun fit serment entre les mains du prévôt de tenir secret tout ce qui aurait été délibéré, par la crainte qu'on avait que les villes par où devait passer le roi avant que de venir à Nîmes, n'en fissent usage pour elles-mêmes.
 
Au surplus, le résultat de l'assemblée fut qu'on ferait présent au roi d'un plan de l'amphithéâtre de Nîmes en relief et en argent fin, du poids de trente marcs, ce qui ne pouvait que lui être extrêmement agréable, par le goût particulier que ce prince avait pour les choses antiques ; qu'on donnerait à la reine une coupe d'or fin, de la valeur de cent vingt écus, et que pour les présents des princes et des principaux seigneurs de la cour, on verrait comme les autres villes auraient fait.
 
Quant à l'entrée du roi, il fut arrêté qu'elle se ferait par la porte des jacobins ; qu'on ornerait cette porte de figures et d'emblèmes, dont on laissa le soin et la direction au docteur Arlier, et que pour travailler aux décorations on emploierait le nombre de peintres nécessaire. On délibéra enfin d'appeler les diocésains pour leur communiquer le tout ; et les faire contribuer à la dépense.
 
XXXIV.- La reine Eléonor arrive à Nîmes avec les princes ses enfants. La ville lui fait présent d'une coupe d'or. (An de J.-Ch. 1533.)
 
Peu de jours après, et non point au mois de juin , comme le dit un moderne, la reine Eléonor arriva à Nîmes, avec les princes ses enfants. Son entrée fut solennelle et pompeuse. On n'oublia rien pour lui rendre tous les honneurs qui lui étaient dus.
 
Les consuls lui présentèrent la coupe d'or qu'on avait délibéré de lui donner. De Nîmes, la reine continua sa route, et se rendit à Toulouse, où elle fit son entrée le samedi 2 d'août de cette année 1533. Le roi y avait fait la sienne la veille.
 
XXXV.- On continue les préparatifs pour l'entrée du roi. On fait marché avec des orfèvres pour un plan de l'amphithéâtre en relief et en argent que la ville devait présenter au roi.
 
On continuait cependant à faire des préparatifs à Nîmes pour y recevoir le roi, à son arrivée du Haut-Languedoc. Les commissaires nommés par le conseil de ville extraordinaire, assistés d'un consul d'Alais, et d'un envoyé pour le consul d'Anduze, firent marché, le 7 de ce mois d'août, avec deux maîtres argentiers ou orfèvres de Nîmes, pour faire le plan relevé de l'amphithéâtre en argent, dont on était convenu de faire présent au roi. Par le contrat qu'ils passèrent avec ces orfèvres, ceux-ci s'obligèrent de représenter tous les dehors de cet édifice en élévation, avec autant d'arcades et de colonnes qu'il y en avait, et d'y suivre la même forme d'architecture ; de distribuer l'intérieur en degrés, comme il y en avait autour de l'arène ; de le faire de forme ovale, et d'y mettre au milieu un palmier, auquel serait enchainée une couleuvre, et attaché un chapeau de laurier ; de faire quatre portes à l'amphithéâtre, à chacune desquelles serait placé un chevalier armé, et monté sur un cheval. Ils promirent d'avoir entièrement achevé cet ouvrage dans l'espace d'un mois ou environ, et de le faire aussi somptueux et parfait qu'on pouvait le désirer, au jugement de maitres experts, tant d'Avignon que de Lyon et de Paris.
 
Le prix en fut fixé à deux cent cinquante livres, outre trente marcs d'argent que les commissaires s'obligèrent de leur fournir.
 
D'un autre côté, le 10 du même mois, le conseil délibéra d'envoyer au­devant du roi un corps de bourgeoisie, formé de cinq ou six cents hommes, armés d'arquebuses, et autres armes, avec des enseignes et en bon ordre, de faire porter par les consuls le dais destiné pour le roi, de leur faire faire des chaperons neufs, et de leur donner quatre valets à leur suite, qui seraient habillés de drap de couleur fine.
 
XXXVI. - Le roi François Ier fait son entrée à Nîmes. On y érige une colonne en son honneur. (An de J.-Ch. 1533.)
 
Le roi, ayant demeuré quelques jours à Toulouse, continua sa route par Narbonne, Béziers, Pézenas et Montpellier. Il demeura neuf jours en cette dernière ville. Il y donna le 21 de ce mois d'août une déclaration pour faire tenir les grands jours à Tours. Il vint ensuite à Nîmes où on lui fit une entrée des plus pompeuses. On fit tapisser et sabler toutes les rues où il devait passer. Il entra dans la ville par la porte des Jacobins, comme l'on en était convenu.
 
La ville avait eu soin de faire préparer et meubler les logements des prin­ces ses enfants et de toute la cour. La reine prit son logement à Bezouce. On fit des présents aux princes et aux seigneurs les plus distingués de la suite du roi. Nous ne savons pas précisément en quoi consistèrent ces pré­sents, mais je vois que dans l'assemblée des commissaires de la ville, tenue le 15 de juillet précédent, pour régler les préparatifs de l'entrée, le premier consul avait été d'avis de donner au dauphin deux chevaux de main du pays ; à chacun des deux autres princes ses frères, un pareil cheval ; au grand­ maître et maréchal de Montmorency, gouverneur de Languedoc, une médaille du prix de soixante-dix écus d'or ; au légat du Saint-Siège, qui était le cardi­nal du Prat, archevêque de Sens et chancelier de France, des torches de cire blanche et deux pièces de vin clairet.
 
Quant au présent du plan relevé de l'amphithéâtre en argent, qu'on avait destiné pour le roi, la ville ne put pas le lui donner en cette occasion. L'ou­vrage n'était pas alors achevé ni perfectionné. Elle le lui envoya dans la suite, comme nous le verrons bientôt.
 
Outre les décorations et la pompe éclatante d'une entrée somptueuse, les habitants de cette ville érigèrent alors, en l'honneur du roi, une colonne de pierre, presqu'aussi belle que le marbre, au dessus de laquelle était une salamandre de Nîmes matière, avec une inscription latine, telle que je la figure ici :
 
FRAN. F. RE.
PP. M. P. Q.
NEMAUSI
DD.
 
(c'est à dire Franscisco Francorum regi. patri patriœ, magistratus, populusque Nemausi dediicaverunt.)
 
Cette colonne fut érigée dans une des places de Nîmes qui se trouve près de la porte de la Couronne, et qui a depuis porté le nom de la place de la Salamandre.
 
L'idée de ce monument était heureuse. On sait que Fran­çois Il, avait choisi la salamandre pour son symbole, avec mots : Nutriscor et extinguo : Je m'y nourris et je l'éteins, pour marquer sa fermeté et les adversités dont sa vie fut traversée.
 
Remarquons au reste, que la dépense générale de cette entrée monta d'un côté à la somme de cinq mille cent quatre-vingts livres, qui fut d'abord la première somme employée, et de l'autre côté, à celle de trois mille quatre-vingt-quatre livres douze sols dix deniers, qu'il fallut y ajouter, et qui fut avancée par le receveur du diocèse ; ce qui était bien considérable, et annonce une fête somptueuse, puisque ces deux sommes jointes, faisant la totalité de huit mille deux cent soixante-quatre livres, reviennent, suivant l'évaluation de la livre numérale, à celle de cent cinquante-quatre mille deux cent soixante une livres six sols huit deniers de la monnaie d'aujourd'hui. Ces sommes furent réparties et imposées sur le diocèse de Nîmes.

XXXVII. - Le roi visite les monuments anciens de Nîmes. Il ordonne des réparations à l'amphithéâtre et à la Maison Carrée. (An de J.-Ch. 1533.)
 
Le roi demeura quelques jours à Nîmes. Il y donna, pendant son séjour, des preuves si particulières et si glorieuses de son goût pour l'antiquité, que ce serait ravir à sa mémoire un des traits les plus honorables dont l'histoire de sa vie puisse être ornée, que de n'en pas fixer ici le souvenir.
 
Ce grand prince, avide des beautés du règnent dans les anciens monu­ments de cette ville, les visita tous avec une attention particulière. II entra dans les plus bas caveaux de l'amphithéâtre. Il monta sur les masures de la Tourmagne, afin d'en mieux concevoir la forme et la symétrie. Il n'y eut, en un mot, rien de remarquable en édifices et en monuments anciens, qu'il ne parcourût.
 
On le vit un genou en terre, nettoyer lui-même avec son mouchoir la poussière qui couvrait les lettres des inscriptions romaines, afin de les déchiffrer et de les lire avec plus de facilité. Plein d'admiration pour toutes ces grandes et anciennes merveilles de l'art, il parut comme indigné du peu de soin qu'on apportait à les conserver, et il témoigna publiquement le déplaisir qu'il ressentait de cette négligence.
 
De sorte qu'avant son départ même, il ordonna la démolition de quelques bâtiments qu'on avait laissé construire dans les deux portiques de l'amphi­théâtre, et qui coupaient et masquaient l'ordre et la suite des galeries. Il ordonna aussi la démolition de certains bâtiments modernes qu'on avait ajoutés à la Maison Carrée, soit dans l'intérieur, soit au dehors de ce superbe édifice, dont les beautés se trouvaient par là comme anéanties et ensevelies dans un tas de mauvaise maçonnerie qui le défigurait.
 
XXXVIII - Il part de Nîmes, va à Avignon et de là à Marseille. (An de J.-Ch. 1533.)
 
De Nîmes, le roi alla à Avignon. Il y était le 5 de septembre de cette année 1533. Il se rendit ensuite à Marseille, où il eut au mois d'octobre suivant, avec le pape Clément VII, l'entrevue dont ils étaient convenus. Le mariage du duc d'Orléans , son second fils , avec la nièce du pape, y fut célébré.
 
-oOo-
 
XLIII. -Le roi François ler donne pour armes à la ville de Nîmes le type de l'ancienne médaille de sa colonie. (An de J.-Ch. 1535.)
 
Dans un conseil ordinaire, assemblé le mercredi 24 de février de l'an 1534 (1535), on annonça que le plan de l'amphithéâtre, en relief et en argent, qu'on avait délibéré de donner au roi, était enfin entièrement fini et perfectionné, et qu'il serait remis le mercredi suivant dans l'Hôtel de Ville.
 
Dès que les consuls l'eurent reçu, on songea de l'envoyer incessamment au roi. Ce fut le premier consul, qui était alors Antoine Arlier, docteur ès­droits, qu'on députa pour le lui aller présenter au nom de la ville. Ce député se mit en chemin, et se rendit bientôt à la cour.
 
Le roi reçut le présent avec de grands témoignages de satisfaction. II eut la complaisance de s'entretenir avec le député sur tout ce qui contenait le plan ou la représentation de l'amphithéâtre. Il lui demanda, entre autres, l'explication du symbole et des figures du palmier, ainsi que du crocodile et de la couronne de laurier, qui y étaient attachés.
 
Le docteur Arlier la lui donna, mais avec des erreurs qui marquent le peu de connaissance qu'on avait alors du vrai sens des monuments de l'antiquité, appelant le crocodile une couleuvre et interprétant les mots COL NEM par ceux de coluber Nemausensis.
 
Ce symbole néanmoins frappa le roi, surtout lorsqu'il apprit que ç'avait été le type d'une ancienne médaille de Nîmes. L'amour de François Ier pour l'antiquité, lui fit naitre le dessein de donner ces figures pour armoiries à la ville de Nîmes, au lieu du taureau d'or qu'elle avait pris depuis peu : circonstance bien glorieuse pour cette ville, puisqu'elle tient du pur mouvement de ce prince les armes qu'elle porte encore.. Ses registres disent en effet que ce changement s'était fait de la propre volonté du roi. La concession en fut faite par des lettres du mois de juin de l'an 1535, que le roi François Ier donna étant à Couci, et non point à Kuc, comme le portent mal à propos les copies qui nous restent.
 
Le roi y donne pour armoiries à la ville de Nîmes, sur son ancien champ de gueules, les figures du crocodile, de palmier et de la couronne de laurier, de sinople, avec ces mots: COL NEM d'or, ainsi que la chaine, représentées de la même manière qu'on les voyait sur le revers des anciennes médailles, armoiries dont il fit faire une empreinte sur les lettres même ; ordonnant la suppression du taureau, avec ordre au sénéchal de Beaucaire de faire jouir les consuls et les habitants de Nîmes de cette concession, et de contraindre les consuls à n'employer désormais que ces nouvelles armes, tant en leurs sceaux que sur les portes de la ville, et autres endroits accoutumés.
 
-oOo-