avec le Capitaine LOUIS La traversée de la Gaule par Annilbal IV Scipion, général Romain On doit se demander
qu'elle est la raison de l'attitude observée par les habitants de la région
s'étendant entre l'Hérault et le Rhône, qui à l'approche d'Annibal passèrent
le fleuve, s'unirent aux Salyens et tentèrent d'empêcher le franchissement du
Rhône par Annibal, alors que les Volkes Tectosages autorisèrent le général à
traverser leur pays, après avoir débouté de leurs prétentions les envoyés de
Rome qui leur demandaient de s'opposer à ce passage. Du temps de Polybe
on ignorait tout de la géographie de notre région l'auteur grec le dit tout
simplement (III 38) : Les contrées qui
s'étendent vers le nord, entre le Tandis, (le Don) et la rivière de
Narbonne nous sont jusqu'ici complètement inconnues ; peut être dans l'avenir
en multipliant nos recherches en apprendrons-nous quelque chose, mais on peut
affirmer que ceux qui en parlent ou écrivent à ce sujet le font à la légère,
sans rien avoir et ne débitent que des fables. On ne savait pas
grand chose non plus sur les populations qui habitaient notre pays, et Polybe
appelle simplement barbares les indigènes qui habitent le territoire qui, a
été plus tard le Pagus Némausensis et qui se sont soulevés contre Annibal. Polybe qui écrivait
soixante ans après le passage du Carthaginois ne prononce le nom de Gaulois
qu'en ce qui concerne les peuples voisins des Pyrénées, et qu'Annibal savait
devoir y rencontrer (III 40). II précise (III 37)
que « tout le pays situé entre la rivière de Narbonne et la région qu'elle arrose,
d'une part, la chaîne des Pyrénées de l'autre, est habité par des Gaulois ». Tite-Live, venu cent
cinquante ans après Polybe, parle au contraire expressément des Volkes «Nation puissante
qui habite les deux rives du Rhône ». C'est grâce à cette
phrase de Tite-Live qu'on a attribué aux Arécomiques, la résistance au
passage d'Annibal, mais nous croyons que si l'historien latin a nommé un
peuple qui occupait de son temps le pays de Nîmes, il ne savait pas à quelle
race appartenaient exactement les hommes qui se sont opposés au passage du
Rhône par le général carthaginois. On admet
généralement que les plus anciens peuples connus du sud de la Gaule ont été
les Ibères qui au temps de Strabon (Ier siècle avant J. C.), étaient
confinés dans la péninsule ibérique. Le périple de Scylax rédigé au Ve siècle
av. J. C. (au Temps des guerres Médiques) dit qu'après a les Ibères
viennent les Ligyes, mêlés à ces derniers et s'étendant jusqu'au Rhône ».
C'est aussi ce que raconte Hérodote. Ce sont donc des Ibéro-Ligures
qui peuplaient à cette époque la partie orientale de la future Narbonnaise
transrhodanienne. Ces Ligures venaient de l'est, car pour Hésiode (IXe ou
VIIIe siècle avant notre ère) les barbares du couchant sont des Ligures,
tandis que Festus Aviénus indique (au vers 608) le Rhône comme
séparant les Ligures des Ibères, qui auraient alors occupé le Languedoc. Cette répartition du
pays entre les deux peuples doit donc remonter au delà du vil, siècle,
puisque Hécathée de Milet qui vivait au temps de Darius et le Péryle de
Scylax déjà cité, nous montrent les Ligures comme ayant déjà envahi la rive
droite du Rhône dont ils avaient dû chasser les Ibères, et où ils s'étaient
plus ou moins mêlés à eux. On pense actuellement que les Ligures devaient
avoir de grandes affinités avec les Gaulois bien qu'ils en soient
parfaitement distincts. Certains pensent que
les Ligures se sont étendus sur toute la Gaule, mais d'autres estiment que leur
berceau a été la région de Gènes et qu'ils ont précédé en Provence les
Gaulois et les Grecs. Au sujet de la fondation de Marseille Hécathée qui en
donne le plus ancien témoignage, place cette ville en Ligurie et il ajoute
que les Celtes en étaient proches. Le pseudo-Scymnus ne parle pas des Celtes
et dit que la grande colonie phocéenne a été fondée en Ligurie. A la lumière de ces
repères, nous voyons des Ligures en Provence et sur la rive droite du Rhône,
peut-être plus ou moins mêlés à des Ibères, et des Ibères jusqu'aux Pyrénées.
Desjardins croit que les Umbranici, rameau des Ligures s'étaient établis ans
le Bas-Languedoc où leurs oppida principaux auraient été Murviel et Nages. Une fois fondée par
les Phocéens, Marseille étendit son influence autour d'elle, en créant des
filiales et en établissant sa suprématie sur les peuples voisins. Cette
influence était considérable au point de vue moral et linguistique comme le
constate Strabon. Au temps de sa splendeur, avant l'arrivée des Romains, le
territoire soumis à l'hégémonie massaliote s'étendait au-delà des Alpilles
jusqu'à Cavaillon (Cabellio) et Avignon (Avenio), l'ancien nom
d'Arles, la Théliné de Festus Aviénus, est grec, comme celui de St-Gilles (Héraclée),
de Beaucaire (Rhodanusia) et d'autres encore. D'Arbois de
Jubainville dit que la présence des Celtes en Gaule antérieurement au VIe
siècle n'est qu'une hypothèse, aucun texte ne permettant de précision. Au Ve
siècle les Gaulois n'avaient pas encore fait leur apparition dans le
Bas-Languedoc, car ni Scylax, ni Hérodote n'ont eu connaissance de la
conquête celtique. Mais vers 336 au dire d’Ephore (IVe siècle avant J. C.)
la Celtique s'étendait sur la majeure partie de la Gaule et de l'Espagne. La venue des Celtes
dans le pays qui fut plus tard la Narbonnaise est donc un fait relativement
récent et cette arrivée n'a pu dater, dit Desjardins que d'une époque
postérieure à la retraite des Ibéries devant les Ligures. Les Celtes n'ont pu
conquérir ce pays qu'en refoulant les peuples déjà installés ou en
s'infiltrant parmi eux. Les premiers arrivés
dans notre région parmi les Celtes semblent être les Volkes Tectosages qui
occupèrent une étendue de pays considérable depuis l'Hérault jusqu'aux
Pyrénées et absorbèrent facilement sans doute les Ibères avec lesquels ils
ont formé dans les vallées pyrénéennes les Celtibères dont parle Tite-Live. Sur la rive gauche
du Rhône à l'apparition des Gaulois la situation était la suivante : Grecs sur la côte, Ligures
à l'intérieur. Il semble que les Ligures aient mieux résisté aux Gaulois que
les Ibères et il est certain que même après la conquête celtique, les Ligures
ont conservé jusqu'à l'époque romaine leur vivante individualité ethnique. Le
mélange des deux peuples a dû s'opérer partiellement comme semblent le
montrer les dénominations de Celto-Ligures ou de Gallo-Salluvii que les
géographes ont donné au principal groupe de ces peuples, mais c'était là sans
doute une exception. Il est donc possible
qu'à l'époque du passage d'Annibal, (IIIe siècle avant notre ère) la
pénétration celtique dans le Pagus Nemausensis n'ait pas encore été chose
faite et que les Ligures autochtones aient contenu les Volkes aux limites de
leur territoire. Nous n'en voulons comme preuve que le passage déjà cité de
Polybe qui applique aux seuls habitants des régions pyrénéennes la qualité de
Gaulois et appelle « Barbares » les habitants de Nîmes et ceux d'outre
Rhône. Par contre la pénétration gauloise dans le pays de Nîmes était un fait
accompli au temps de Tite-Live qui donne, â tort, croyons-nous, aux «
Barbares » de Polybe le nom de Gaulois. On s'explique dès
lors aisément que les « Barbares Ligures » de Nîmes n'aient pas eu vis-à-vis
d'Annibal la même conduite que les Gaulois vivant de l'autre côté de
l'Hérault. Car les Ligures tout comme les Gaulois, et bien que comprenant des
peuples différents mais de commune origine, formaient entre eux de vastes
confédérations aux liens plus ou moins lâches, confédérations à la fois de
sang et d'intérêts communs. Si l'Histoire a pu enregistrer quelques trahisons
et quelques dérobades entre les membres de ces confédérations, nombreux sont
aussi les exemples de coopération et de soulèvement contre l'ennemi commun. Lorsque les envoyés
de Rome se sont présentés aux chefs Tectosages pour leur demander de prendre
les armes contre Annibal, il leur fut opposé un refus formel appuyé, en
particulier, sur les traitements indignes que les Romains faisaient endurer
aux Gaulois transalpins. Si donc le pays entre Rhône et Hérault avait été
occupé dès cette époque des Gaulois Arécomiques, ceux-ci, dont le territoire
était bien petit comparé à celui occupé par les Tectosages, auraient tout
naturellement marché dans les traces de leurs grands frères de l'ouest. Et s'ils n'en a rien
été c'est sans doute parce que l'Hérault marquait encore la frontière entre
les Volkes et les Ligures, ces derniers étant peut-être les puissants
Umbranici que nous signale Desjardins. Ces Ligures vivaient alors dans
l'orbite de Marseille et ils ont eu tout naturellement la même conduite que
leurs frères ligures d'outre-Rhône ,soumis à la même hégémonie. Devant le
danger représenté par Annibal et se sentant incapables de résister sur leur
territoire, ils se sont réfugiés sur le sol de leurs frères de race, qui
n'auraient certainement pas accueilli des Gaulois, les Barbares Ligures
réunis ont essayé de résister à l'ennemi de Marseille. Cette théorie très
simple nous expliquera encore bien des choses, par exemple le fait
qu'au-dessus d'Avignon, Annibal n'a plus été inquiété parce qu'il était alors
chez des Gaulois ennemis de Rome, que les Romains n'aient pas osé le
poursuivre sur ces territoires hostiles et aient rebroussé chemin ; que le
Carthaginois ait préféré remonter vers le nord pour voyager en pays ami
plutôt que de s'enfoncer dans les vallées des Alpes méridionales où les
Lygies féroces d'Aviénus l'auraient attaqué comme ils l'ont fait du reste
après qu'il eut quitté les terrés amies de Brancus, etc… Dans cette partie de
l'histoire d'Annibal, tout démontre la sympathie gauloise pour le
Carthaginois, depuis celle témoignée par les Tectosages, jusqu'à celle des
Gaulois d'Italie exprimée par Magile, en passant par celle de Brancus. .Aussi
est-il naturel qu'Annibal ait fui les itinéraires liguro-massaliotes, semés
des embûches suscitées par Rome pour rechercher les itinéraires gaulois, amis
et sûrs. On conçoit en outre
que si notre hypothèse était vérifiée, elle donnerait une donnée
chronologique particulièrement importante pour l'étude du peuplement de notre
région aux époques protohistoriques. Les Anciens
rapportent qu'Annibal établit soit camp sur les rives du Rhône qu'il avait
atteint à quatre jours de marche de la mer, et qu'il se disposa aussitôt à le
traverser en cet endroit où il n'avait qu'un lit. Certains auteurs ont voulu
voir dans cette précision, la désignation d'un point où le fleuve ne présente
pas d'île dans son cours ; mais est-on certain que les emplacements des îlots
du Rhône et des divers atterrissements qu'on rencontre dans son lit n'ont pas
varié depuis 2.000 ans ? D'autres prétendent
au contraire que si les historiens de l'antiquité ont eu soin de préciser
qu'au point de passage le Rhône n'avait qu'un seul bras, c'est parce, que non
loin de là il en avait plusieurs; ce point ne saurait donc être qu'à
proximité du delta. On a également
longuement discuté sur cette notion de « à 4 ,jours de marche de la mer » ;
mais jour qu'elle ait une réelle valeur, il faudrait, nous avons déjà insisté
sur ce point, connaître la longueur de la journée de marche. Aussi, étant
donné cette imprécision, a-t-on pû placer le point où Annibal a franchi le
Rhône, tout le long du fleuve depuis Arles ou Fourques, jusqu'à Loriol. Hypothèses du franchissement du Rhône par Annibal Voici les
principale-, (1) qui ont été émises à ce sujet ; - à Loriol
(`Whitaker)• - à Montélimar (Gal
Rogniat), - à St
Paul-Trois-Châteaux (Marquis de Saint-Simon) - entre Orange et
Pont-Saint-Esprit (Dom Vic et Dom Vaissette) - vis-à-vis d'Orange
(Napoléon et Giraud) - à Tarascon (De
Maarca, MAandajors, C. Jullian), - entre l'Ardèche et
la Durance (Desjardins) - à Arles ou aux
environs immédiats (Quinqueran, Donjat, P. Fabre, Colin, etc…) - un peu au-dessous
d’Avignon (Bouche) - campement établi avant
le passage à Villeneuve-les-Avignon et passage dans l'île de la Barthelasse
(Cambis) - à une demi-lieue
au-dessus d'Avignon (Imbert-Desgranges) - immédiatement
au-dessous de Roquemaure (Du Puy, Fortia d'Urbain) - un peu au-dessus
de Roquemaure, à 17 ,km. au nord d'Avignon (Letronne) - entre Roquemaure
et Caderousse (Am. Thierry) - dans le voisinage
de Montfaucon (Lavalette) - à une lieue
au-dessus de Roquemaure, à l'Ardoise en face de Caderousse (Martin de
Bagnols, Hennebert), etc… On voit que, d'une
manière générale, la plupart des écrivains ont limité le lieu du passage
entre Orange et Avignon, et que tous les endroits possibles ont été
successivement proposés. Nous pensons encore
qu'il y a eu des points de passage multiples, s'étendant sur une zone assez
large. Polybe dit, qu'au moment du franchissement Annibal fit embarquer
toutes les troupes, le front occupé devait être assez considérable. Ce
procédé avait du reste l'avantage d'entrainer parallèlement une extension du
front ennemi, et de lui imposer une. dispersion favorable à l'opération
tentée par les Carthaginois. Il est donc bien
vain de chercher sur les bords du fleuve un point mathématique d'embarquement. Parmi les 12 à 13.000
hommes signalés comme perdus depuis le passage des Pyrénées. jusqu'après le
franchissement du fleuve, il y a eu certainement beaucoup de noyés, car la
traversée du Rhône, fleuve très rapide, dont le courant présente de dangereux
remous, était une opération délicate si on considère les moyens matériels de
l'époque. Les barbares
riverains du Rhône, probablement les Salyens auxquels s'étaient joints les
habitants du pays de Nîmes, tous poussés par les Massaliotes qui les tenaient
sous leur dépendance, se massèrent sur la rive gauche du fleuve pour disputer
le passage à Annibal dont l'armée était rassemblée en face sur la rive
droite. Pendant ce temps le
Carthaginois faisait acheter toutes les embarcations deus riverains
indigènes, et ils en possédaient dit Polybe une grande quantité parce qu'ils
pratiquaient le commerce par mer. Il fit aussi acheter tout le bois
disponible pour construire des embarcations: en deux jours il en fut fait un
nombre incalculable, car chacun s'efforçait de n'avoir pas à compter sur
autrui, mais sur lui seul. Ces préparatifs durèrent deux jours. La troisième nuit,
Annibal envoya en secret, sous la conduite de guides indigènes et sous le
commandement de Hannon, fils de Bomilcar, un détachement chargé de passer le Rhône
en amont, et de se rabattre -sur le camp barbare au moment ou l'armée
amorcerait la traversée du fleuve. Ainsi fut-il fait, et à un signal donné
par une colonne de fumée, convention marquant l'arrivée d'Hannon sur les
derrières gaulois, le passage commença tandis. que les barbares pris à revers
fuyaient en désordre. Le lendemain Annibal
fit traverser ses éléphants et ses bagages. Puis apprenant que Scipion venait
de débarquer à l'embouchure du Rhône, il envoya de ce coté, en
reconnaissance, cinq cent de ses cavaliers numides. Ces derniers eurent le
dessous dans leur premier engagement avec la cavalerie romaine, qui pût
s'avancer jusqu'à proximité du camp carthaginois et en relever la position. Pendant ce temps une
députation de Boïens cisalpins, avant à leur tête un roitelet nommé Magile,
vint assurer Annibal de l'enthousiasme que son approche suscitait parmi les
Gaulois de l'Italie septentrionale, et lui proposer de le conduire en Italie
par des chemins rapides et sûrs. confia-t-il
spontanément à ses guides, ou encore voulut-il éviter à tout prix Scipion et
disparaître dans une direction où il espérait que le Romain ne le suivrait
pas ? Pourquoi Annibal qui
ne reculait jamais devant un ennemi, qui savaient son adversaire tout proche,
qui possédait sur les Romains une supériorité numérique incontestable, à qui
les plaines de la Crau assuraient l'avantage dans l'emploi de la cavalerie.
pourquoi donc, n'a-t-il pas écrasé au débarquement les 30.000 Romains (dont
une légion fraîchement levée et peu aguerrie et 1.600 cavaliers seulement),
affaiblis par la fatigue récente d'un voyage maritime ? Les Latins battus,
Annibal n'aurait plus eu d'obstacle devant lui, et il lui aurait été loisible
de passer en Italie par la Voie Herculéenne de la vallée de la Durance, ou
par la route de la côte, où il aurait au besoin hiverné dans d'excellentes
conditions. C'eut été là un plan
digne de lui, susceptible de changer complètement les destinées de la
campagne. Au contraire,
probablement poussé par les raisons que nous avons exposées plus haut,
Annibal fit faire à la direction de marche qu'il avait suivie jusqu'alors un
coude brusque vers le nord et remonte la rive gauche du Rhône. La précaution
qu'il prit de placer en queue de colonne sa cavalerie et les éléphants montre
bien qu'il craignait d'être poursuivi et attaqué par les avant-gardes
romaines. Scipion se porta en
avant vers le nord et après avoir constaté avec stupéfaction qu'Annibal avait
levé le camp, renonça à la poursuite, regagna sa flotte et fit embarquer à
nouveau son armée. Il s'en était fallu
de peu que notre région ne soit le champ d'une grande bataille dans laquelle
se seraient peut-être jouées les destinées des deux plus grands empires du
monde antique. NOTA CHAPITRE IV (1)
Nous n'avons en aucune façon la prétention d'être complet, aussi
bien en ce qui concerne l'énumération des points proposés, que pour les
auteurs qui les ont préconisés. (2)
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