Les Comtes de Toulouse

autour du Rhône de 990 à 1249

 

 

Entre la fin du Xe et le milieu du XIIIe siècle, la Provence a joué un rôle capital dans la politique générale des comtes de Toulouse. Cette orientation toulousaine vers le domaine provençal n'est pas le fait d'une exploitation fortuite de circonstances favorables ; elle est intimement mêlée aux projets comtaux d'expansion méridionale et méditerranéenne et, comme telle, présente deux caractères essentiels, d'une part, elle traduit une continuité d'action, opportunément soutenue par les divers représentants de la dynastie ; d'autre part, elle est la raison d'être d'un plan qui dépasse singulièrement les limites étriquées d'un concept féodal.

 

Elle n'est donc pas un simple moyen ; elle comporte une fin en soi. Toutefois elle ne se déroule pas sans vicissitudes et sans aléas. Si, jusqu'à la fin du XIIe siècle, sa progression est assez régulière et reste liée à l'affermissement de la suzeraineté raymondine dans le Midi, les effets de la Croisade albigeoise en bouleversent la trame et obligent les comtes de Toulouse à la reprendre sous une autre forme et contre un adversaire plus redoutable, c'est-à-dire le souverain capétien.

 

Il y a donc dans cette pénétration toulousaine en Provence deux grandes phases, qui peuvent s'établir par rapport à la date de 1215; dont nous justifierons en temps voulu la valeur historique, et ce sont les traits généraux de cette évolution que nous essaierons de dégager dans cette étude.

 

990-1215

 

Le point de départ de l'infiltration comtale en Provence est le mariage, à la fin du Xe siècle (vers 990), du comte de Toulouse Guillaume Taillefer et d'Emma, fille de Roubaud, comte d'une partie de la Provence. La structure féodale de cette région est alors assez complexe. Le comte Boson, mort en 949, a partagé ses biens domaniaux entre ses deux fils : Roubaud et Guillaume le Libérateur (ainsi appelé parce qu'il a contribué à déloger les Sarrasins de la Provence).

 

Tous deux ont donc, exercé leur suzeraineté sur une section des terres provençales et, à la mort de Roubaud, son héritage s'est trouvé réparti entre son fils Guillaume et sa fille Emma. Guillaume étant mort vers 1042, sans laisser d'héritier, Emma peut recueillir l'ensemble de la succession paternelle.

 

Ainsi se trouve constituée la branche Toulouse-Provence, dont les représentants vont s'attacher, parfois avec passion, à ces terres d'outre-Rhône. Guillaume Taillefer lui-même a fait plusieurs séjours en Provence et ses descendants suivront de très près les compétitions baronnales qui se heurtent sans répit sur ces fiefs pleins de promesses.

 

Toutefois la politique provençale des comtes de Toulouse ne s'exprime avec netteté qu'à partir de la fin du Xe siècle. Deux raisons peuvent expliquer cette orientation

 

a) d'une part la réalisation de l'unité domaniale dans la maison comtale, qui permet à Raymond de Saint-Gilles de réunir sous son unique suzeraineté les deux groupes de possessions patrimoniales (groupe toulousain proprement dit, groupe rouergat) jusqu'alors répartis entre branche aînée et branche cadette, et d'étendre son action seigneuriale depuis les confins orientaux de l'Aquitaine jusqu'au delà du Rhône ;

 

b) d'autre part, la renaissance économique qui se dessine dès la fin du Xe siècle sous l'impulsion des Croisades. Les rapports qui deviennent plus réguliers et plus soutenus entre Occident et Orient vont faire de la Méditerranée un foyer actif de négoce, et d'opérations commerciales et orienter vers elle les forces vives des régions riveraines.

 

On conçoit dès lors le désir des comtes de Toulouse d'exploiter ces circonstances favorables pour préparer l'unification de leurs possessions, constituer un Etat méditerranéen et l'associer intime­ment au grand commerce maritime. Quand, en 1088, dans une donation à l'abbaye de Saint-André d'Avignon Raymond IV prend pour la première fois les titres de « Comes Tolosae, dux Narbonae, marchio Provincie », on a l'impression que cette triple intitulatio n'est pas la simple expression d'une suzeraineté féodale, mais qu'elle est significative d'intentions constructives. Le titre de marquis de Provence a d'ailleurs perdu son sens originel et son caractère militaire, et le comte de Toulouse entend lui faire exprimer tout ce qu'il peut comporter de réalisations pratiques.

 

Grâce à la Provence, en effet, il espère non seulement étendre le front maritime de ses possessions dans une zone particulièrement favorable au trafic, ruais encore commander sur ses deux faces le cou­loir rhodanien qui apparaît alors comme le grand axe de relations entre la Méditerranée et le. Coeur du royaume. Avec la politique provençale, s'affirment nettement les préoccupations méditerranéennes des comtes de Toulouse. Raymond IV et ses successeurs, et c'est là à notre avis une idée fondamentale, n'ont jamais songé à une extension du côté de la Guyenne ou de l'Aquitaine, alors que la position géographique de leur comté aurait pu justifier un semblable dessein. Vers l'Ouest, ils se sont surtout bornés à contenir les ambitions des ducs d'Aquitaine et des Plantagenets, normalement tournées vers le Toulousain et ses annexes occidentales ; leur attitude a été strictement défensive. Tous leurs efforts se sont au contraire fixés vers l'Est, vers cette mer intérieure qui, à partir du XIIe siècle, coordonne tous les éléments d'activité et d'échanges. Ainsi s'explique l'importance que les comtes de Toulouse attribuent aux territoires languedociens placés au voisinage du Rhône ou à son contact immédiat (Melgueil, Nîmes, Saint-Gilles), ces territoires ne pouvant que favoriser l'installation toulousaine en Provence. Dans un sens, leur acquisition est la condition nécessaire de son succès.

 

Raymond IV, de Saint-Gilles, à partir de 1088, suit de très près les questions rhodaniennes, comme le prouvent ses passages à Saint-Gilles, à Nîmes, à Avignon, ainsi que ses diplômes en faveur des abbayes de Psalmodi, de Saint-André d'Avignon, de Saint-Gilles, de Saint-Victor de Marseille, auprès desquelles il espère sans doute trouver d'utiles appuis. Mais, pas plus que son fils aîné Bertrand, il n'arrive à fixer les grandes lignes d'une action continue ; tous deux se laissent en effet entraîner successivement dans la croisade orientale à laquelle ils consacrent la plus grande partie de leurs forces et de leurs revenus, et ils meurent en Palestine à quelques années de distance : Raymond en 1105, Bertrand vers 1112.

 

C'est le plus jeune fils de Raymond IV, Alfonse-Jourdain, qui s'attache avec plus d'esprit de suite et d'opiniâtreté à la réalisation des projets paternels. L'échiquier provençal se complique alors d'une compétition nouvelle, celle des comtes de Barcelone.

 

En 1112, le comte de Barcelone Raymond-Bérenger III a épousé Douce de Provence, représentante de la branche cadette issue de Boson. Le mariage facilité par l'influence de l'abbaye de Saint-Victor, qui a de puissants intérêts en Catalogne, incite Raymond Bérenger à envisager la constitution d'un Etat araganais-provençal, dont l'élément de soudure ne peut être que le Languedoc méditerranéen !

 

Aussi bien à la maison de Toulouse qu'à celle de Barcelone, la Provence impose en quelque sorte un programme d'action et suscite les mêmes réflexes commandés par les mêmes fins. Dans ces conjonctures, l'Etat méditerranéen en gestation relèvera-t-il de la souveraineté toulousaine ou catalane ?

 

Le point d'interrogation est posé. Entre les deux dynasties comtales, il n'y a pas simplement choc d'influences, mais véritable antagonisme de politique, dont la Provence est l'enjeu essentiel.

 

La rupture n'est pas cependant immédiate et, après quelques passes d'armes, la négociation l'emporte en inspirant aux compétiteurs l'accord du 16 septembre 1125, qui est à la fois un traité de partage de la Provence entre. Alfonse-Jourdain et Raymond-Bérenger, et une convention destinée à étouffer les revendications provençales d'un prétendant plus modeste : le comte de Forcalquier. Aux termes de cet acte :

 

Le comte de Barcelone abandonne au comte de Toulouse le château de Beaucaire et la terre d'Argence (rive droite du Rhône), le château de Vallabrègue (île du Rhône) et toute la partie de la Provence située entre l'Isère et la Durance, avec tout ce que ses vassaux possèdent dans ces pays (villes, châteaux, évêchés, etc ...).

 

Le comte de Toulouse cède au comte de Barcelone toute la terre de Provence depuis les sources de la Durance et le long de cette rivière, jusqu'au Rhône et à la mer, avec tout ce que ses vassaux possèdent dans ces régions, Avignon ainsi que les châteaux du Pont de Sorgues, de Caumont et du Thor restant indivis.

 

Les comtes s'engagent mutuellement à ne rien aliéner (excepté en faveur de leurs propres enfants) du domaine provençal, qu'ils se substituent l'un à l'autre à défaut de postérité.

 

Ainsi se trouvent délimités, de part et d'autre de la Durance, le domaine toulousain et le domaine provençal. Le domaine toulousain (correspondant aux diocèses d'Avignon, en partie, de Vaison, de Cavaillon, de Carpentras, d'Orange, de Saint-Paul-Trois-Châteaux, de Valence, de Die) constitue le marquisat de Provence. La portion provençale relevant du comte de Barcelone, forme le Comté d'Arles ou de Provence.

 

Le traité de 1125, dont on aurait pu attendre de légitimes apaisements, n'inaugure pas une période de calme ; il juxtapose au contraire deux ambitions rivales qui ne se révèleront jamais satisfaites. Désormais, les comtes de Toulouse et de Barcelone-Provence saisissent toutes les occasions pour améliorer leurs positions respectives, pour prendre des garanties durables, non seulement en Provence, mais sur ses confins plus ou moins immédiats, et ce jeu d'intrigues et de compétitions est la raison de chocs ininterrompus.

 

Il ne saurait être question de suivre dans les détails les phases de cette rivalité, marquée par des oscillations fréquentes de fortunes ; mais à travers la complexité des faits, nous essaierons de fixer l'orientation et les jeux de la maison de Toulouse, dont les animateurs restent, pour ce Xe siècle, le comte Alphonse-Jourdain (1112-1148) et son fils, le comte Raymond V (1148-1194).

 

Au lendemain du traité de 1125, les vues d'Alfonse-Jourdain vont se fixer sur le comté de Melgueil. Le comte Bernard IV de Melgueil est mort en 1132, ne laissant de sa femme, Guillemette de Montpellier, qu'une fille, Béatrice, âgée de sept ans. L'occasion parait opportune, pour le comte de Toulouse, de se glisser dans l'affaire melgorienne et de rattacher directement ce domaine comtal aux possessions toulousaines ; une intéressante acquisition serait ainsi réalisée aux confins du Languedoc oriental et dans le voisinage de Nîmes et du Rhône. Mais Alfonse-Jourdain se heurte au comte de Provence Bérenger-Raymond, de la maison de Barcelone, habilement gagné par le seigneur de Montpellier Guilhem VI.

 

Les menaces d'intervention dans le comté de Provence ne donnent pas de résultat et, en 1135, le comte de Provence peut épouser Béatrice de Melgueil, ruinant ainsi les projets de son adversaire. Alfonse-Jourdain réplique aussitôt en soutenant contre Bérenger Raymond les prétentions turbulentes des seigneurs des Baux. Ces guerres baussenques, qui se poursuivent pendant une vingtaine d'années, se terminent finalement par une victoire complète des comtes de Provence. Ces succès, joints à l'investiture que l'empereur Frédéric Barberousse consent à leur accorder, fortifient leur situation en Provence et contrarient l'infiltration toulousaine.

 

Alfonse-Jourdain aie réussit pas mieux dans ses tentatives vis-à-vis de la vicomté de Nîmes qui; depuis 1129, et à la suite de la politique de partage appliquée par Bernard-Aton IV entre ses trois fils, s'est trouvée dissociée du bloc domanial et isolée, sur les confins orientaux du Languedoc, sous l'autorité fragile de Bernard-Aton V. D'ailleurs, le comte de Toulouse, après avoir conduit pendant près de trente-cinq ans une action vigoureuse dans les terres méridionales, se laisse, comme ses prédécesseurs, gagner par l'attrait de l'Orient et, en 1147, fait voile vers la Palestine, où il meurt dès son arrivée (1148).

 

Ces questions méridionales sont reprises avec vigueur et ténacité par le comte de Toulouse Raymond V qui, par sa très forte personnalité et par la longueur de son principat, qui couvre la seconde moitié du XIIeme siècle (1148-1194), incarne au plus haut degré toutes les vues, toutes les ambitions et toute la puissance de la maison comtale. Ce qui donne beaucoup de relief â son activité, c'est son attachement au Midi et à une politique méridionale ; il s'abstient de toute intervention en Orient et oriente tous ses efforts vers la Provence, qu'il ne dissocie pas de ses projets rho­daniens et languedociens. Dans ce sens, deux idées peuvent être dégagées, qui traduisent le fond de sa pensée

 

a) le désir d'étendre son action en Provence, avec infiltration dans le comté (pour limiter les ambitions de la maison de Barcelone) ;

 

b) le souci de constituer une charnière entre domaines langue­dociens et provençaux pour assurer entre eux une liaison plus étroite. Ainsi sont repris les projets d'annexion de Melgueil et de Nîmes, dont l'acquisition est surtout liée à des fins provençales, et que Raymond V poursuit à la fois par la diplomatie et par les armes, à travers des démêlés continuels avec les représentants provençaux de la maison de Barcelone.

 

Démêlés complexes, d'où ne sont pas exclues les négociations intéressées,  le comte de Toulouse sait en effet transiger avec ses adversaires, substituer pour un temps la négociation au choc des armes et préparer aussi d'utiles points d'appuis pour de futures progressions. Tel est le sens de son rapprochement provisoire avec le comte de Provence Raymond-Bérenger III (1144-1166), lequel, sous le prétexte de contraindre à l'hommage le comte de Forcalquier Guillaume IV, envisageait avant tout la saisie de ses domaines et souhaitait, pour la conduite d'une opération assez contestable, le concours de la complicité toulousaine.

 

A l'entrevue de Beaucaire (octobre 1165), les comtes de Toulouse et de Provence se promettent une aide réciproque, prévoient le partage du comté de Forcalquier, et cette alliance est complétée par un projet de mariage entre le futur Raymond VI, âgé de neuf ans, et Douce, fille de Raymond-Bérenger III, âgée d'à peine deux ans. Mais, en 1166, le comte de Provence ayant été tué au siège de Nice, qu'il essayait d'enlever au comte de Forcalquier, et ne laissant, comme héritière, que sa fille Douce, Raymond V, s'autorisant des stipulations de Beaucaire, se pose en défenseur de la jeune héritière et de sa mère Richilde, nièce de l'Empereur ; puis il épouse Richilde, après avoir répudié sa propre femme Constance, avec l'espoir de pouvoir disposer du comté de Provence.

 

Cette combinaison désinvolte et audacieusement réalisée provo­que la réaction immédiate d'Alfonse Ier, roi d'Aragon et comte de Barcelone, cousin germain de Raymond-Bérenger III. Il prétend avoir droit au comté de Provence, en vertu de l'inféodation impériale, s'intitule duc de Provence, et arrive sur les bords du Rhône en 1166, soutenu par Guilhem VII de Montpellier, Raymond Trencavel, le vicomte de Narbonne et quelques autres vassaux de Raymond V qu'il a su gagner à sa cause.

 

C'est donc une véritable coalition de barons qui s'organise, entre 1166 et 1167, contre Raymond V. Nous laisserons de côté les péripéties d'une lutte qui nous est mal connue ; qu'il suffise d'indiquer qu'elle n'est pas favorable au comte de Toulouse et qu'Alfonse Ier peut, en 1168, retourner dans ses Etats, en laissant la Provence à son frère Raymond-Bérenger IV qui la gouverne par délégation.

 

Raymond V ne se tient pas pour battu et sait réunir sans retard les éléments d'une réplique. Son rapprochement avec la branche de Forcalquier, la reconnaissance en 1173 de la suzeraineté du roi d'Angleterre Henri II Plantagenêt, les négociations engagées avec les Gênois, dont l'issue est la signature du très important traité de 1174, bouleversent les positions de ses anciens coalisés. Le comte de Toulouse peut ainsi exploiter â nouveau l'affaire de Melgueil ouverte depuis 1170 par la mort de Bernard Pelet d'Alès, second mari de la comtesse Béatrix, et assurer à son fils, le futur Raymond VI, par un mariage avec Ermesinde, fille de Béatrix, la possession du comté de Melgueil. Ce comté reste l'élément fondamental de la dot constituée à Ermesinde, et la mort de celle-ci, en novembre 1176, laissera définitivement cet important domaine à la maison de Toulouse.

 

Alfonse Ier d'Aragon, inquiet de la tournure des événements; avait jugé prudent d'engager de nouveaux pourparlers avec Raymond V qui aboutissent, le 18 avril 1176, à la signature d'une amicale composition, dans l'île de Jarnègues, entre Tarascon et Beaucaire : Raymond V consent à renoncer à toute prétention sur le comté de Provence, tel que l'avait délimité le traité de 1125, contre une somme de 3100 marcs d'argent promise par le roi d'Aragon, avec, comme garantie de paiement, la cession du château d'Albaron et de l'île de Camargue.

 

Cet arrangement, qui donne satisfaction au comte de Toulouse, n'apporte qu'un apaisement relatif et la crise est à nouveau ouverte, en 1179, par la menace que Raymond V fait peser sur la vicomté de Narbonne. C'est l'origine de la formation contre lui d'une nouvelle coalition féodale à laquelle participent la vicomtesse de Narbonne, le vicomte de Nîmes Bernard Aton VI, le vicomte Roger de Béziers, et qui se cristallise autour du roi d'Aragon, désireux sans doute d'exploiter les embarras de son adversaire pour reprendre à son profit l'affaire provençale.

 

Effectivement, les opérations les plus importantes se déroulent en Languedoc oriental et sur les bords du Rhône. Alfonse vient assiéger le château de Fourques, sur le Rhône, dont il s'empare, tandis que son frère, Raymond-Bérenger IV, comte de Provence, agit dans les environs de Montpellier, où il est tué dans une embuscade. Alfonse le remplace à la tête de la Provence par son autre frère Sanche, et, pour venger cette mort, ravage le Toulousain. Cette diversion est sans effet ; d'ailleurs Raymond V, grâce au concours de quelques barons du Languedoc oriental, dont Gaucelm, seigneur de Lunel, peut accabler Bernard-Aton VI, lui enlever la vicomté de Nîmes et la placer sous sa suzeraineté effective, réalisant ainsi une acquisition de tout premier ordre au contact de la Provence. Mais il ne peut prendre pied dans le comté et, une nouvelle fois, des transactions apaisent la rivalité tolosano-catalane.

 

L'accord de février 1185 renouvelle celui de 1176 et à la suite de ce pacte, Alfonse Ier, suspectant sans doute la fidélité de son frère Sanche, le relève de son gouvernement du comté et le remplace par son fils cadet Alfonse II. Par un nouveau traité, conclu le 26 janvier 1190, Raymond V et Alfonse Ier s'engagent à vivre désormais en bons et loyaux amis, à oublier le passé, et à recourir à l'arbitrage de quelques seigneurs (nominativement désignés) en cas de désaccord ou de contestations.

 

Ainsi se trouve apaisé ce long conflit. S'il n'apporte pas de modifications majeures à la question provençale, et si les comtes de Toulouse et de Barcelone conservent respectivement leurs positions de part et d'autre de la Durance, il semble cependant que la situation de Raymond V soit assez favorable. Par l'acquisition du comté de Melgueil et de la vicomté de Nîmes, par les progrès de Saint-Gilles, directement liée à la politique comtale, il peut s'imposer fermement sur les deux rives du Rhône. D'autre part, il sait étendre avec opportunisme son influence à l'intérieur du marquisat de Provence. Ses habiles concessions à l'épiscopat, que traduisent les diplômes de 1155 et de 1160 en faveur de l'évêque de Carpentras ; de 1171 en faveur de l'évêque de Cavaillon ; de 1193 en faveur de l'évêque de Viviers ; la déférence dont il fait preuve à l'égard de l'archevêque d'Arles auquel il fait hommage en 1178 pour le château de Beaucaire et la terre d'Argence ; l'extension d'une suzeraineté assez souple sur le barons du Languedoc oriental, dont Gaucelm, seigneur de Lunel, peut accabler Bernard-Aton VI, lui enlever la vicomté de Nîmes et la placer sous sa suzeraineté effective, réalisant ainsi une acquisition de tout premier ordre au contact de la Provence.

 

Mais il ne peut prendre pied dans le comté et, une nouvelle fois, des transactions apaisent la rivalité tolosano-catalane. L'accord de février 1185 renouvelle celui de 1176 et, à la suite de ce pacte, Alfonse Ier, suspectant sans doute la fidélité de son frère Sanche, le relève de son gouvernement du comté et le remplace par son fils cadet Alfonse II. Par un nouveau traité, conclu le 26 janvier 1190, Raymond V et Alfonse Ier s'engagent à vivre désormais en bons et loyaux amis, à oublier le passé, et à recourir à l'arbitrage de quelques seigneurs (nominativement désignés) en cas de désaccord ou de contestations.

 

Ainsi se trouve apaisé ce long conflit. S'il n'apporte pas de modifications majeures à la question provençale, et si les comtes de Toulouse et de Barcelone conservent respectivement leurs positions de part et d'autre de la Durance, il semble cependant que la situation de Raymond V soit assez favorable. Par l'acquisition du comté de Melgueil et de la vicomté de Nîmes, par les progrès de Saint-Gilles, directement liée à la politique comtale, il peut s'imposer fermement sur les deux rives du Rhône. D'autre part, il sait étendre avec opportunisme son influence à l'intérieur du marquisat de Provence. Ses habiles concessions à l'épiscopat, que traduisent les diplômes de 1155 et de 1160 en faveur de l'évêque de Carpentras ; de 1171 en faveur de l'évêque de Cavaillon ; de 1193 en faveur de l'évêque de Viviers ; la déférence dont il fait preuve à l'égard de l'archevêque d'Arles auquel il fait hommage en 1178 pour le château de Beaucaire et la terre d'Argence ; l'extension d'une suzeraineté assez souple sur le Diois et le Valentinois sont la preuve d'une politique conduite avec esprit de suite et clairvoyance qui vaudra, en temps utile, à Raymond V, de précieux concours.

 

Si, à la fin du XIIe siècle, l'Etat méditerranéen tel que l'a conçu Raymond IV de Saint-Gilles n'est pas encore parfaitement constitué, son édification est cependant assez avancée et il apparais nettement que le marquisat de Provence, étayé par les acquisitions récentes de la rive droite du Rhône, en 'constitue la partie la plus originale et la plus prometteuse. L'essor économique qui anime ces régions, la prospérité des villes, la constitution d'une bourgeoisie désireuse d'exploiter sa richesse par l'acquisition de libertés municipales et par l'organisation d'un régime consulaire sont la preuve d'un dynamisme réel, capable d'étayer les intentions du comte de Toulouse.

 

1215-1249

 

Les projets des comtes de Toulouse sont profondément ébranlés par les effets de l'hérésie albigeoise dont les progrès provoquent en 1209 le déclanchement sur le Midi de la croisade. Entre 1209 et 1215 les possessions toulousaines sont progressivement submergées et, à la fin de 1215, le Concile de Latran, présidé par le pape Innocent III, prononce contre Raymond VI, successeur de Raymond V depuis 1194, une sentence particulièrement sévère. Raymond VI; reconnu coupable, est déposé, ses biens lui sont enlevés et Simon de Montfort reçoit tous les domaines conquis par les croisés sur les hérétiques. C'est en fait l'effondrement de toutes les conceptions raymondines.

 

Toutefois, et c'est là une remarque importante, si le pape Innocent III n'a pas transigé avec l'hérésie, il a hésité à dépouiller entièrement la maison de Toulouse et à frustrer définitivement de son héritage une grande famille princière.

 

Grâce à son intervention, a été introduite dans la sentence conciliaire une atténuation sérieuse : il était en effet stipulé que les régions qui n'avaient pas été conquises par les croisés seraient placées sous la garde de gens capables de maintenir les intérêts de la paix et de la foi, afin d'en pourvoir le fils légitime du comte de Toulouse; après qu'il serait parvenu à l'âge de majorité, si toutefois il s'en montrait digne.

 

La délimitation géographique de ces régions reste vague ; il semble bien cependant qu'il faille comprendre parmi elles les terres provençales, bien que Simon de Montfort, après avoir reçu l'investiture de ses nouveaux domaines, ait joint assez cavalièrement le titre de marquis de Provence à ceux, moins contestables, de comte de Toulouse et de duc de Narbonne.

 

Or Raymond VI n'ignore pas les sentiments à son égard de la population du marquisat et des pays rhodaniens. L'attitude qu'il a eue vis-à-vis d'elle lui permet d'espérer son concours, et les réserves faites par Innocent III en 1215, l'impopularité dont jouit Simon de Montfort, les maladresses qu'il a commises et qu'il continue de commettre lui font envisager la possibilité d'une recon­quête des domaines perdus.

 

La Provence lui apparaît déjà comme le point de départ éventuel de cette reconquête et l'accueil qu'il reçoit dans la région ne tarde pas à confirmer cette opinion. Au début de 1216, en effet, Raymond VI et son jeune fils, à leur retour de Rome, où ils étaient allés implorer la miséricorde pontificale, débarquent à Marseille. La ville leur fait un accueil chaleureux et promet de soutenir leur cause. Avignon et Tarascon manifestent le même état d'esprit et leur offrent des contingents. La cause raymondine est partout gagnée et c'est grâce à la Provence que Raymond VI peut reprendre la lutte contre Montfort.

 

A partir de 1216, la question provençale se présente donc sous un nouvel aspect, puisque c'est elle qui va conditionner le relèvement de la maison de Toulouse. Tandis que Raymond VI gagne le Languedoc occidental en vue de lever des troupes et de marcher sur Toulouse, les opérations du côté du Rhône sont conduites par son fils, le jeune comte, le futur Raymond VII, dont la personnalité inspire beaucoup de sympathie.

 

Celui-ci franchit le Rhône est reçu à bras ouverts par la population de Beaucaire et, aveu son appui, assiège le château défendu par les troupes de Simon de Montfort, sous la direction du sénéchal Lambert de Limoux. Simon se hâte, avec d'importants renforts, de venir soutenir la garnison de Beaucaire, et il ne manque pas, au passage, de s'assurer des bonnes dispositions de Nîmes, en confirmant, le 19 juillet 1216, les privilèges de la ville. Ses efforts sont vains ; dans la seconde quinzaine d'août, le château de Beaucaire capitule ; le jeune Raymond reste solidement établi 'sur le Rhône et, en se repliant, Simon de Montfort ne peut que renouveler la confirmation des privilèges nîmois. Mais, dans cet acte du 26 août 1216, il est curieux de constater qu'il ne prend pas le titre de marquis de Provence et qu'il s'intitule seulement duc de Narbonne, comte de Toulouse et de Leicester, vicomte de Béziers et de Carcassonne. Cela signifie vraisemblablement qu'il renonce à la Provence, sur laquelle il ne peut plus compter.

 

Raymond VI, par une habile surenchère, ne ménage pas les concessions aux villes qui l'ont soutenu ou les avances à celles qu'il veut gagner ; si Nîmes se montre réticente, Beaucaire et Saint-Gilles lui sont acquises, et ce sont là d'intéressants appuis sur la rive droite du Rhône. Simon, bien qu'inquiété du côté de Toulouse, tente de relever le défi.

 

Il intervient à nouveau dans la zone rhodanienne et provençale. Ne pouvant occuper Saint-Gilles, dont les habitants lui refusent l'entrée, il se venge par de sauvages opérations contre les châteaux de Posquières et de Bernis qu'il enlève, sans pouvoir s'imposer dans la région ; puis il franchit le Rhône à Viviers pour mettre à la raison le comte de Valentinois, Aymard de Poitiers, allié du jeune Raymond. Mais il doit en hâte regagner Toulouse en pleine révolte. La sommation que le pape Honorius III adresse à la fin de 1217 aux habitants de Toulouse, Avignon, Marseille, Tarascon, Beaucaire et Saint-Gilles, pour les exhorter, sous peine d'excommunication, à rompre leurs ligues contre Simon reste sans effets, et la mort de celui-ci, sous les murs de Toulouse, le 25 juin 1218, consacre le relèvement de Raymond VI.

 

La femme du jeune Raymond, Sancie, peut rétablir à Nîmes l'influence de son mari en confirmant le 12 novembre 1218 les privilèges de la cité et les engagements qu'elle prend sont ratifiés par Raymond lui-même le 23 mai 1219. Le bloc rhodano-provençal est dès lors étroitement lié à la dynastie comtale, et c'est sans doute cet état de choses qui explique l'itinéraire suivi par le prince Louis en 1219, lors de son expédition dans le Midi, en vue de soutenir la cause singulièrement compromise d'Amaury de Montfort. Evitant la vallée du Rhône, où il redoute une réaction trop vive des adversaires de Montfort, il aborde le Languedoc par le Limousin, pour se replier bientôt vers le nord après une campagne sans éclat. Raymond VII, qui succède à son père en 1222, peut songer une nouvelle fois à la reconstitution de l'état méditerranéen.

 

Mais cette éventualité ne présente-t-elle pas un danger pour la politique provençale de la maison de Barcelone ? Le marquisat ne va-t-il pas s'efforcer d'absorber le comté ? Crainte d'autant plus justifiée que depuis 1209 le comté connaît un régime extrêmement flottant. Alfonse II étant mort en 1209 en ne laissant comme héritier qu'un jeune enfant, Raymond- Bérenger V, l'autorité comtale n'est assurée que par délégation et, le plus souvent, de loin ; en fait, le comté est livré à lui-même, et il en résulte un état de désarroi et de troubles qui encourage la turbulence des petits seigneurs et l'émancipation des villes. Cet interrègne prend fin en 1216, mais Raymond-Bérenger subit encore pendant quelques années la tutelle de sa mère Garsinde, et ce n'est qu'à partir de 1220 qu'il prend effectivement la direction de ses domaines. S'il s'efforce, dès ce moment, de mieux asseoir son autorité, il se préoccupe aussi de neutraliser la menace toulousaine sur son comté, et c'est ce souci qui explique sa ligne de conduite au moment ;où le roi de France Louis VIII se décide à intervenir militairement dans le Midi pour briser définitivement l'hérésie et mettre un terme à la prépondérance toulousaine. Lorsque l'armée royale, qui cette fois descend la vallée du Rhône pour frapper directement Raymond VII dans ses forces vives, vient assiéger Avignon.

 

Raymond-Bérenger prend position. Il s'allie à Louis VIII (juin 1226) et s'engage à mettre ses forces à la disposition du roi de France dans les régions de la Provence à l'est du Rhône et à défendre ce que le roi occuperait dans le voisinage du fleuve. De son côté, le souverain capétien promet de ne signer ni paix ni trêve avec Raymond VII sans y comprendre le comte de Provence. L'attitude de celui-ci facilite la soumission des villes comme Orange et Tarascon et, après la capitulation d'Avignon, le roi, comptant sur Raymond-Bérenger pour maintenir l'ordre dans les régions rhodaniennes, peut se diriger sur Toulouse et soumettre le Languedoc.

 

Louis VIII

 

Le comte de Provence contribue donc au succès de la croisade royale, et, si Louis VIII meurt en novembre 1226, les résultats acquis sont suffisamment nets pour obliger le comte de Toulouse à accepter l'ouverture de négociations et â donner sa signature a« traité de Paris de 1229. Le traité paraît devoir porter le coup de grâce non seulement au projet d'état méditerranéen, mais encore aux espoirs que la maison de Toulouse avait fondés sur la Provence. Raymond VII, en effet, ne conserve, et encore à titre viager, que le comté de Toulouse et ses annexes immédiates ; le Languedoc méditerranéen, depuis les confins orientaux du Toulousain jusqu'à la rive droite du Rhône, sont cédés au roi de France ; quant au marquisat de Provence, il est cédé à perpétuité, avec ses droits, à l'église, romaine, entre. les mains du légat pontifical. Ainsi la maison de Toulouse est non seulement démembrée dans son patrimoine, mais elle est encore reléguée en Languedoc occidental et privée de tout contact avec la Méditerranée. Elle doit enfin subir le voisinage immédiat de la royauté capétienne, désormais solidement établie dans le Midi.

 

Malgré cette dislocation territoriale et cet ébranlement politique, Raymond VII ne se résout pas à la défaite. Tous ses efforts vont tendre désormais à réduire les effets du traité de Paris, à récupérer peu à peu les avantages et les domaines perdus, et c'est par la Provence qu'est amorcée cette oeuvre de reconquête. Les raisons de cette détermination paraissent être les suivantes

 

a) Raymond VII sait qu'il peut compter en Provence sur un certain nombre de sympathies qui n'ont jamais cessé de se manifester ;

 

b) il a conscience aussi que la saisie du marquisat revêt un caractère d'illégalité, que l'Eglise l'a suggérée par représailles particulière, et que la garde des domaines provençaux que le capétien a accepté d'assurer est une marque d'hostilité à son égard ;

 

c) il ne lui est pas indifférent d'agir tout de suite contre le comte de Provence Raymond-Bérenger, qui a directement contribué à sa défaite.

 

Dès 1229, Raymond VII réclame le marquisat et, dans une charte d'octobre 1229 en faveur du comte de Foix, il prend le titre de marquis de Provence, montrant ainsi qu'il se refuse à légaliser cette spoliation. Puis il engage délibérément une politique provençale qui lui vaut le concours de quelques villes (Marseille, Tarascon). A l'occasion de la rivalité qui met aux prises Marseille et le comte de Provence, il intervient en faveur de la cité et les habitants le remercient en lui accordant, par le diplôme du 7 novembre 1230, la ville basse ou vicomté de Marseille (civitatem inferiorem Massilie, qui vicecomitalis vulgariter seu publice nuncupatur). Le comte de Toulouse peut exploiter cette situation pour rallier à lui les mécontents du comté et étendre les opérations de guerre autour d'Arles et de Tarascon. Le 17 août 1231, les habitants de Tarascon concluent avec lui une ligue contre Raymond-Bérenger.

 

Il n'hésite pas enfin à se faire le champion de la politique impériale en Provence, et l'empereur Frédéric II, dès 1229, lui cède en fief la terre de l'Isle, les villes de Carpentras et de Pierrelatte, ainsi que les comtés de Forcalquier et de Sisteron.

 

Mais, dans cette politique provençale, Raymond VII, malgré les concours dont il peut disposer, va se heurter à un obstacle sérieux, la concurrence capétienne. Depuis que Blanche de Castille a assuré, par le traité de Paris de 1229, le mariage entre son fils Alphonse de Poitiers et Jeanne de Toulouse, unique héritière de la maison comtale, elle s'efforce non seulement de contenir les projets de revanche de Raymond VII, mais encore de préparer la mainmise des Français sur la rive gauche du Rhône. Sans doute, intervient-elle à plusieurs reprises auprès de la papauté pour l'inviter à remettre le marquisat aux mains de Raymond VII, son cousin germain. Mais, ce faisant, elle songe plutôt à apaiser des ressentiments qu'à encourager une pénétration en Provence.

 

Du reste, elle essaie d'étendre son influence dans cette région, d'abord en répondant aux demandes de médiation et d'arbitrage qui lui sont adressées par Raymond-Bérenger, ensuite en préparant le mariage de son fils Louis IX avec la fille aînée de Raymond-Bérenger, Marguerite. Cette union est réalisée en 1234, au moment où Raymond VII récupère le marquisat (sans que l'Eglise ait renoncé à ses droits), dont il reçoit l'investiture de l'Empereur.

 

Cette acquisition l'entraîne à reprendre la lutte contre le comte de Provence, sous l'impulsion de Frédéric II, ce qui lui vaut de sévères rappels du pape Grégoire IX, alors en désaccord profond avec l'empereur ; la lutte est suspendue à la fin de 1231, car Raymond VII tient à obtenir l'absolution pour l'excommunication dont il a été l'objet ; mais elle reprend en 1239. Cependant, comme l'affaire de Provence paraît vivement mécontenter la royauté capétienne et que le parti impérial tend à se dissocier, Raymond VII croit prudent de se rapprocher de Grégoire IX et de traiter avec le roi de France et Raymond-Bérenger.

 

Le gage de la réconciliation est un projet de mariage entre le comte de Toulouse et Sancie, troisième fille du comte de Provence. Mais l'union ne pourra être réalisée qu'après l'annulation, par l'autorité religieuse, de son union avec Sancie d'Aragon. Cette combinaison s'évanouit bientôt du fait de la longueur des pourparlers, de la mort de Grégoire IX (23 août 1241), de la longue vacance du trône pontifical, enfin des événements qui entraî­nent Raymond VII dans d'audacieuses tractations.

 

C'est le moment, en effet, où s'organisent contre Louis IX des séries de révoltes féodales, dont la plus grave est la rébellion fomentée contre le frère du roi, Alfonse de Poitiers, par le comte de la Marche Hugues de Lusignan, sous l'impulsion de sa femme, l'altière et ambitieuse Isabelle d'Angoulême ; le mouvement est soutenu par la plupart des barons poitevins et par le roi d'Angleterre, Henri III. Raymond VII n'hésite pas, par antipathie contre le roi de France, à se dresser contre son propre gendre Alfonse de Poitiers, à adhérer à la coalition, et à envisager comme gage de soi adhésion, un mariage avec Marguerite de la Marche et d'Angoulême, fille d'Hugues de Lusignan.

 

Les réactions victorieuses de Louis IX ruinent ses espoirs et Raymond VII, renonçant à Marguerite, fixe une nouvelle fois ses vues sur un dernier mariage provençal, comme si de cette terre de Provence devait venir le véritable salut. Le comte Raymond-Bérenger V, a déjà brillamment marié trois de ses filles :

 

- Marguerite à Louis IX (1234),

- Eléonore au roi d'Angleterre Henri III (1236),

- Sancie à Richard de Cornouailles, frère de Henri III (1243).

 

Il meurt lui-même à Aix, le 19 août 1245, laissant par testament ses domaines à sa quatrième fille Béatrix, au détriment des trois autres. Occasion inespérée pour le comte de Toulouse de mettre la main sur le comté de Provence et de tenter à nouveau, par la Provence, son pauvre de reconquête et de reconstruction.

 

Raymond VII, que n'épouvantent pas les fluctuations matrimoniales, prépare de nouvelles négociations pour obtenir la main de Béatrix. Mais il est devancé et déjoué par Blanche de Castille qui, appuyée par la papauté, engage d'actifs pourparlers pour la réalisation d'une union entre son troisième fils, Charles duc d'Anjou; et la comtesse Béatrix. Et tandis que Raymond est retardé dans la poursuite de ses projets, par l'attente d'une dispense pontificale qu'il n'obtiendra jamais, Charles d'Anjou pénètre en Provence, appuyé par de solides troupes, et son mariage est célébré à Aix le 21 janvier 1246. L'habile manoeuvre de la reine mère aboutit à un double résultat : la substitution, à la tête du comté de Provence, d'un frère du roi à un représentant de la maison de Barcelone ; l'effondrement des projets provençaux du comte de Toulouse.

 

L'intervention de la royauté met un terme à toutes les compétitions qui, depuis un siècle, opposaient en Provence deux grandes familles comtales. Raymond VII meurt d'ailleurs en 1249 sans avoir pu renouer les fils de nouvelles combinaisons. Conformément aux clauses du traité de Paris de 1229, les possessions de la maison comtale de Toulouse reviennent à sa fille unique Jeanne, mariée à Alfonse de Poitiers.

 

Le Midi méditerranéen se trouve donc désormais placé sous la coupe du roi qui, maître des terres languedociennes, affirme sa suzeraineté éminente sur ses deux frères :

 

Blason Alfonse de Poitiers

 

Alfonse de Poitiers (le languedocien) et Charles d'Anjou (le provençal). A cette date, ces terres sont déjà incorporées à l'administration générale, avec les deux sénéchaussées de Beaucaire et de Carcassonne et les désirs d'expansion économique de la royauté se sont traduits par la création d'Aigues-Mortes, le premier port français de la Méditerranée.

 

 

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