Le Vidourle et ses Vidourlades

de Ivan Gaussen, 1936

 

Le pont neuf de Sauve, inondations 1933

 

PREMIERE PARTIE

 

Le XIXe Siècle - Deux dates : 1812 - 1858

 

Avec le XIXe siècle et le développement de la presse quotidienne, les moyens d'information sont plus nombreux et sans doute aussi, plus précis.

 

La collection des gazettes de l’époque, offre une documentation précieuse. Le Journal du Gard qui devint le Courrier du Gard et le Messager du Midi figurent parmi les périodiques qu'il faut consulter pour saisir au jour le jour, les diverses phases de la vie quotidienne de nos pères.

 

6 OCTOBRE 1812.

Si les registres du conseil municipal de Sommières ne portaient à la date du 18 octobre 1812, un arrêté du maire invitant la population; à faire enlever dans un délai de deux jours le limon et toutes les ordures qui se trouvaient au devant des maisons, aucune trace ne resterait à Sommières, de la grosse inondation du 6 octobre de cette même année.

 

Et cependant, le maire de Sommières fit alors une relation de la vidourlade. Mais au lieu de la confier à ses archives, il la donna au Journal du Gard, qui la publia trois jours après dans les termes qui suivent :

 

« Aujourd'hui, 6 octobre 1812, à 4 heures du matin, une inondation de la rivière du Vidourle a jeté l'alarme dans cette ville. Les eaux n'ont cessé d'augmenter jusqu'à 6 heures du matin avec une rapidité si extraordinaire que, dans un instant, la consternation est devenue générale. Presque, toutes les maisons ont été inondées, les eaux sont entrées au premier étage de plus de cent d'entre elles. Plusieurs réverbères ont été submergés et ont éprouvé des dégâts. Des chevaux, dés mules, des ânes ont été noyés ; presque toutes les murailles des enclos renversées ; une maison écroulée des charrettes, des voilures, des meubles, des marchandises ont été emportées. Presque tout le vin et beaucoup d'huile s'est perdu. Des moulins établis sur cette rivière ont été en partie renversés et entraînés.

 Plusieurs personnes qui s'y trouvaient n'ayant pu sortir, n'ont dû leur salut qu'à la dernière ressource qui leur restait de se placer sur le couvert, et ont été heureuses pour se mettre au seul endroit qui n'a pas été emporté. Les murailles de presque toutes les propriétés de la plaine ont été renversées, les terres emportées, les arbres de toute espèce et les ceps de vigne déracinés. Heureusement personne n'a péri. On pourra avoir une idée de ce désastre et de l'alarme des habitants, quand on saura qu'aucun être existant n'a vu les eaux du Vidourle s'élever à un aussi haut degré, puisqu'elles ont été jusque sur le Pont même de cette ville, où l'on avait été obligé de placer, malgré le mauvais temps, des mules et des chevaux pour n'avoir pu les faire retirer ailleurs. Les pertes et les dommages que les habitants ont éprouvés sont immenses. Enfin, il est 6 heures du soir et les eaux s'étant retirées ont laissé tout dans la plus grande confusion. »

 

Ce récit appelle quelques commentaires.

 

Le Vidourle en 1812 serait passé sur le pont. La chose n'a rien d'impossible puisque nous avons vu ses eaux le 26 septembre 1933, franchir le parapet du pont et se rejoindre des deux côtés des quais. Au surplus, pareille chose notait-elle pas arrivée en 1723 ?

 

Cependant, nous nous montrons sceptique quant à cet exploit en 1812. En 1858 en effet, date de la deuxième grande vidourlade du siècle, les gazettes dirent que les eaux avaient dépassé en hauteur de 0 m 40 celles de 1812.

 

Or, à Sommières, sur le quai du Dr. Cléon Griolet et sur l'immeuble Boissier, du Café de l'Univers, une plaque indique le niveau des eaux en 1858. Ce niveau est inférieur de 20 cm à celui de 1933. La crue de 1812 aurait donc été inférieure elle-même, de 0 m 60 a celle de 1933. Dans ces' conditions, il semble difficile de croire que le pont fut entièrement couvert. Tout au plus, les eaux passèrent-elles sur la dernière arche visible du côté du Faubourg.

 

Pendant cette crue, le Vidourle n'atteignit à Quissac que la cote de 5 m 82, inférieure de près d'un mètre à celle de 1858.

 

17 SEPTEMBRE 1858.

Le registre de l'état civil de Sommières porte à la date du 17 septembre l'annotation qui suit :

 

17 Septembre à 11 heures du matin. L'eau est venue avec une rapidité telle que toute la partie basse de la ville a été envahie avant qu'on eût pu prendre la première précaution d'usage pour garantir les marchandises de toutes natures où les bestiaux qui se trouvaient dans les magasins et écuries sujets à l'inondation, presque tout est perdu.

 

L'eau s'est élevée à une hauteur prodigieuse, elle a dépassé de beaucoup la trop fameuse inondation de 1812.

 

Aujourd'hui comme alors, une comète se montre dans la direction du nord-ouest. (Les pertes sont incalculables).

11 heures du matin. 17 septembre.

 

Malgré son laconisme, cette inscription est intéressante, car à la lumière des souvenirs de témoins oculaires encore vivants et des textes comparés de la presse régionale. Messager du Gard et Courrier du Gard, reproduits dans le Moniteur Universel de Paris on peut se rendre compte de ce qui caractérisa ce dramatique débordement de 1858.

 

La crue s'étendit sur tout le bassin du Vidourle depuis son origine jusqu’à son embouchure.

 

Les pluies furent torrentielles dans les montagnes sur la partie Est de l'arrondissement du Vigan et les eaux tombées en trombe se précipitèrent dans le Vidourle. L'orage éclata le matin, à Lasalle notamment, et dura de 4 h. à 10 heures, avec une violence telle que plusieurs maisons furent submergées et que la route de Lassalle à Anduze fut coupée.

 

A Sauve, c’est entre 9 et 10 heures que la crue atteignit son maximum, renversant quelques maisons et déracinant des arbres. Dans les quartiers bas, il y avait un mètre d’eau au premier étage. Les usines, fabriques et ateliers furent envahis, des voitures et des charrettes chargées emportées. Le pont de la route nationale fut fortement dégradé.

 

A Quissac, les eaux atteignirent le point dit « croisée de la route impériale » (nationale aujourd'hui) et endommagèrent fortement le pont sur le Vidourle. Après avoir décharné la chaussée du pont, les eaux emportèrent les parapets et laissèrent sur la voie deux arbres d'une grosseur prodigieuse « signe évident, dit le chroniqueur, de leur impétuosité et de la dévastation certaine subie par les terrains traversés par le torrent ».

 

Après Quissac, aux environs d’Orthoux, la route (D 999) fut coupée sur 30 mètres de longueur environ au-dessus et au-dessous du pont jeté sur la rivière de Crieulon. Les parapets du pont et les murs de soutènement de la route, furent emportés, interrompant les communications entre Nîmes et le Vigan. Plus bas, même dégradation du pont de Courme.

 

A Sommières, la crue se produisit à 11 heures du matin, alors qu'il n'avait pas plu (l'orage était tombé uniquement sur la partie nord) et que le ciel était ensoleillé.

 

Les témoins oculaires racontent que les lessiveuses étaient groupées comme à l'ordinaire, sur les rives du Vidourle, rien d'anormal n'étant à craindre.

 

Il ne fallut que quelques minutes pour troubler leur quiétude. L'eau arriva sans que la «plus petite averse n'ait fait présager rien de pareil ». En une demi-heure la ville fut entièrement sous les eaux et les lessiveuses n'eurent pas toutes le temps d'enlever le linge qu'elles avaient étendu sur la grave de Garanel.

 

Dans la ville, le Vidourle atteignit 5 mètres par endroit, battant ainsi, semble-t-il, tous les records d'étiage.

 

On voyait à la surface du torrent déchaîné et furieux, surnager entraînés pêle-mêle et avec une effrayante rapidité, des meubles, des marchandises, des animaux de toute espèce surpris eux aussi par les eaux.

 

A cinq heures du soir seulement, les eaux commencèrent à se retirer, bien lentement d'ailleurs.

 

La décrue eut les conséquences habituelles : ouverture de force des portes et des portails à contre sens, avec bris des gons et effet d'aspiration, vidant l'intérieur des boutiques et des écuries de tout leur contenu.

 

Une véritable désolation s'offrit aux yeux des populations lorsque le Vidourle fut complètement rentré dans son lit. Ce sinistre a laissé des souvenirs tels qu'encore aujourd'hui et même après ceux du 27 septembre 1933, ils ne sont évoqués que comme des souvenirs dramatiques.

 

Après Sommières, les effets de la vidourlade furent d'autant plus terribles que l'inondation, en raison du beau temps, n’était pas prévue,

 

Sur la rive gauche du Vidourle, la désolation fut jetée sur le territoire des communes de Gallargues, Aimargues, Le Cailar et Saint-Laurent-d'Aigouze.

 

Les vendangeurs étaient dans les vignes lorsque les digues rompues du côté du domaine de Saint-Rémy et de Saint-Michel permirent aux eaux d'envahir la plaine. En un laps de temps très court, tout fut submergé et la plus belle récolte connue dans le pays depuis longtemps, fut détruite.

 

Environ deux ou trois cents personnes coupaient le raisin. Elles échappèrent avec peine à la fureur des eaux. « On cite quelques retardataires, raconte Le Courrier du Gard du 21 septembre, qui ont été obliges de passer la nuit sur leurs charrettes amenées sur les parties les plus élevées du terrain submergé et dont le salut n'a dépendu que de quelques centimètres d’eau ».

 

A Gallargues seulement, les pertes dépassèrent deux cent mille francs.

 

Du côté du pont de Lunel, la grande route fut emportée sur plus de deux kilomètres.

 

Sur la rive droite, à Marsillargues notamment, les effets de la crue ne furent pas moins terribles.

 

La digue fut rompue aux environs de Marsillargues sur une largeur de 30 à 35 mètres et les eaux firent irruption renversant tout sur leur passage,

 

Le Messager du Midi insiste sur les dommages causés aux jardins de MM. Teissonnière, Anglas, Gachon, Camp et de M. le Baron de Calvière. Il raconte les actes de courage de plusieurs citoyens- notamment de MM. François Camp, batelier, Adrien Granier, agent de police, Siméon Camp, ainsi que du commissaire de police Morelli, qui organisèrent des secours en bateau dans les rues où les eaux s'élevèrent en peu de temps a 1 m 50 de hauteur. Morelli put avec sa barque dégager et sauver une femme malade. Au milieu de la nuit, il se porta au secours à deux reprises, du courrier d’Aigues-Mortes à Lunel.

 

Ce qui frappa l'imagination du public, à en croire le registre de Sommières qui en garde la trace, ce fut l'apparition d'une comète, comme il était arrivé en 1812.

 

De là, à croire qu'il y avait une relation de cause à effet entre la comète et l'inondation, il n'y avait pas loin et il est même probable que pour beaucoup d'esprits superstitieux cela ne fit aucun doute.

 

Ou'était cette comète ? Le Messager du Midi et le Moniteur Universel signalèrent l'apparition de ce météore et de Montpellier, M. L. Ricque de Mouchy, directeur de l'Observatoire, envoya à ces deux journaux le résultat de ses observations. Il est curieux de les noter.

 

C'était surtout le matin qu'il était possible de la voir. « Elle se lève à trois heures, dit l'astronome, vers le nord-est et se trouve à une certaine élévation au-dessus de l’horizon avant l’apparition de l’aurore... Sa queue s'est allongée considérablement en se rétrécissant, la tête qui est beaucoup plus brillante s’est aussi rétrécie. Hier marin, écrit encore l'observateur, une étoile de 8° ou 9° grandeur, était visible au travers de la queue à une distance moyenne de la tête ».

 

Mais là où les considérations de l’astronome montpelliérain sont plus curieuses, c’est lorsqu'il déclare que si la comète était observée avec une oculaire système Dawes, elle se réduirait « peut être à un point, peut-être à rien ce qui tiendrait a confirmer que le brillant noyau apparent des comètes n’est qu'une illusion. »

 

Ce phénomène météorologique n'était pas le seul visible à cette époque. A côté de la comète, on pouvait alors observer le phénomène de la lumière zodiacale « cet autre mystère qui intrigue tant les astronomes » et notre observateur ajoutait quelle allait « se perdre au milieu de la voie lactée dans la direction des Pléïades ».

Le public peu versé en astronomie, ne vît pas sans doute la lumière zodiacale. Mais la présence de cette comète dut certainement intriguer beaucoup et ce météore fut considère en cette année de vidourlade mémorable, comme un signe certain de mauvaise augure.

 

-oOo-

 

Ainsi le XIX° siècle, fut marqué par deux grosses vidourlades, celles de 1812 et de 1858. Mais on ne sera pas étonné si nous ajoutons qu'elles ne furent pas les seules et que ce siècle comme les antres, dut supporter les fantaisies et les originalités de notre fleuve côtier. Cependant, il n'apparaît pas que le Vidourle, aux époques de grandes pluies qui ont marqué ce siècle, rappelons en passant les désastreuses inondations du Rhône en 1840 et 1856 et de la Loire en 1866, se soit fait plus particulièrement remarquer.

 

En 1809, la paisible commune de Marsillargues fit entendre ses doléances. Elle jugea utile de faire connaître au Gouvernement dans une délibération du 12 mai, que le Vidourle, causant « actuellement » des dégâts sur son territoire, apportait un préjudice extrêmement considérable aux habitants. Ce préjudice à raison de 15 à 25.000 francs de perte moyenne par an, s'élevait à cette date à 90.935 francs. Comme il portait sur une époque où les annales communales ne signalent pas particulièrement de crues mémorables on imagine combien les riverains du Vidourle redoutaient ses débordements.

 

En fait, deux ans après, en 1811, le 19 octobre, Quissac signalait une crue de 6 m 72 (qui pourrait peut être se confondre avec celle d'Octobre 1812) et le 23 septembre 1821, une autre de 6 m 52 (dont on ne trouve aucune trace par ailleurs).

 

Les travaux d'aménagement de l'embouchure du Vidourle furent interrompus par un débordement en 1840. A cette occasion, le Vidourle dont on voulait assurer le débouché à la mer par la passe du Grau-du-Roi, creva les rives de l'étang et se fit, sans autre avis, une embouchure directe. Il serait téméraire de ne pas affirmer qu'à cette date, le Rhône, qui inonda Aigues-Mortes, n'ait pas une part de responsabilité dans cet exploit.

 

En 1846, c'est le Gardon qui tint l'actualité. A nouveau, en juin 1852, le Mémorial d'Alès et le Messager du Midi, signalent les débordements du Gardon et du Lez, sans s'étendre plus longuement sur le Vidourle qui cota cependant 5 m 15 à Quissac le 8 juin et 5 m 45 le 14 décembre.

 

En 1857, la période des pluies permit au Gardon et à l’Ardèche de faire parler d'eux. L’Aigle des Cévennes que cite le Moniteur du 15 septembre, donne de longs détails sur ce sinistre et le Courrier du Gard ajoute que le Vidourle déborda sans occasionner cependant de gros dommages.

 

En 1862, d'après la Gazette du Midi, le 30 novembre, le Vidourle envahit Sommières avec 2 mètres d'eau dans les quartiers bas, simple peccadille, semble-t-il !

 

En 1866, le 18 octobre, nouvelle inondation, l’étiage du pont de Quissac note les crues de moyenne importance du 8 Juin 1887 et 20 septembre 1890. Puis vers la fin du siècle, deux dates à retenir d'après un mémoire du Préfet du Gard, celle du 21 décembre et du 12 octobre 1891. Mais ces dernières vidourlades ne méritent qu'une simple mention. Nous en voyons personnellement la preuve dans le fait que notre maison familiale de Sommières, construite après 1858, ne reçut son premier baptême qu'en 1907, Le Vidourle ne fit plus preuve d'autant de retenue dans la suite.

 

LES VIDOURLADES DE CE SIECLE

 

Nous avons à peine franchi le tiers de ce siècle et déjà cinq grosses vidourlades sont inscrites au tableau. Cinq qui certainement sont comparables aux plus célèbres du temps passé. Encore que les comparaisons soient le plus souvent difficiles à établir, on peut affirmer que 1907 qui compte double, 1932, 1933 et 1934, sont de l’ordre de 1858, 1812, 1753. 1745 et de 1723. Peut-être même celle de septembre 1933 tient-elle la tête, à Sommières tout au moins. Puissent de nouvelles crues ne point vouloir battre ce dernier record !

 

Dans la nuit du 25 au 26 septembre 1907, avec le décalage habituel observé en la matière, la vallée du Vidourle, des Cévennes à la mer, fut alertée par le son lugubre du tocsin.

 

Des averses de pluies torrentielles se succédèrent sur tout le bassin du petit fleuve. Du 25 au 27 septembre, la trombe ne cessa pas et les chiffres des stations hydrographiques et météorologiques donnent de ce déluge, une forte impression.

 

A l’Aigoual, en 24 heures, le pluviomètre recueillit 99 mm d’eau, à Montpellier 83. La pression barométrique qui depuis quelques jours baissait sans cesse, passa du 23 septembre au 28 septembre (six heures du soir) de 766 à 753,8. La dépression classique s'étendit sur tout le Bas-Languedoc qui fut peut-on dire, uniformément inondé par les débordements de ses fleuves côtiers et de leurs affluents.

 

A la vérité, la grosse vidourlade fut précédée d'une sorte de lever de rideau.

 

Le 25 septembre avait été une journée particulièrement chaude et lourde. La vendange battait son plein. L’orage éclata dans les Cévennes d'abord, lorsque la nuit fut venue et immédiatement tout l'amont du Vidourle fut embouteillé par les masses d^eau qui dévalaient, avec plus d’insistance et d'impétuosité, semble-t-il, du côté du Gardon.

 

A Sommières, le tocsin sonna à 2 heures 15. La ville endormie et sans méfiance se réveilla inondée dans ses quartiers bas. L'eau monta sans interruption jusqu'à l’étiage de 5 m 40 et le niveau ne s'abaissa dans la suite que très lentement. Le ciel était resté sombre et la pluie par moment torrentielle, ne cessait de tomber.

 

C'était le lendemain 27 septembre que la catastrophe devait se produire, Elle fut terrible parce que la chute d’eau ininterrompue depuis deux jours, se termina à la manière d'un bouquet de feu d'artifice, par un épouvantable orage sillonnant plus particulièrement la basse vallée du Vidourle de ses éclairs et de ses coups de foudre infernaux.

 

A Quissac les eaux s'élevèrent à 5 m. 20.

 

Mais à Sommières elles atteignirent 6 m. 20 à 9 heures 30 du soir.

 

Ici, encore, la crue fut compliquée d’une invasion de Pissesaume du côté nord, et de la Grand’Fontaine du côté sud. Les deux torrents coupèrent les communications avec la ville des deux côtés et rendirent ainsi plus difficile la protection de la population.

 

En rappelant que les parties basses de l'agglomération n'avaient pas vu le Vidourle les quitter depuis la veille, on saisit mieux encore la tristesse des réflexions d'un chroniqueur.

 

« Cruelles et douloureuses furent les heures passées par ceux qui étaient bloqués chez eux, ayant de l'eau jusqu'au premier étage et qui constataient avec effroi qu'une à une, les marches de leurs escaliers disparaissaient sous l'eau boueuse ».

 

A minuit, le niveau n'avait baissé que de 70 centimètres Le Vidourle rentra dans son lit vers 5 heures du matin.

 

Les journaux relatèrent le courage de plusieurs sommiérois et notamment celui du pécheur Béchard, qui parcourut la ville dans sa méchante petite barque (un négachin) apportant des nouvelles aux uns (la montée des eaux avait été telle que bon nombre d'habitants n'avaient pu rentrer chez eux) et des vivres aux autres (particulièrement à ceux qui étaient restés bloqués dans leurs maisons depuis plusieurs heures).

 

Le 28 septembre au matin, la ville entière était dans un état pénible à voir et il faudrait de longues pages pour la décrire.

 

A l’esplanade, les arènes construites en bois, avaient été emportées, les rues de la ville étaient ravinés par le courant, obstruées d'épaves les plus diverses, ou parfois transformées en cloaques marécageux.

 

 

Chevaux noyés à Sommières

 

Au Faubourg du pont, les maisons avaient été éventrées par les troncs que charriaient les eaux et qui formant bélier, avaient eu raison des fermetures les plus solides. Sept chevaux et une vache avaient trouvé la mort. Bref, c'était partout la désolation que rendaient encore plus tragique l'absence d'eau potable et le manque de gaz, l’usine ayant été inondée.

 

Le Préfet du Gard venu par train spécial à 20 h 30, n'avait pu entrer dans la ville. Il envoya un détachement de 126 hommes d'artillerie pour aider au rétablissement de la circulation.

 

Le Conseil Municipal se réunit à 11 heures, vota un premier secours de quatre mille francs et prit les mesures que la situation précaire dictait.

 

En aval de Sommières, la poussée des eaux n'avait pais été moins terrible. Et d'abord toute la plaine viticole depuis Gallargues jusqu'à la mer, s'était trouvée submergée alors que la récolte encore était presque partout sur pied,

 

Si la première crue, celle du 26 septembre, avait jeté l'alarme celle du 27 dépassa de beaucoup dans les pays bas, les prévisions les plus pessimistes.

 

A Marsillargues, à. 8 heures du matin, le barrage de bois qui protégeait la ville fut soulevé et l'eau passa par l'escalier latéral, ce qui au dire des chroniqueurs, ne s'était jamais vu.

 

La plaine d'Aimargues, du Cailar, de Saint-Laurent, fut recouverte et sur la rive droite, du côté de Cogul, le flot emporta la digue, noyant la partie sud de la commune de Marsillargues.

 

Des pontonniers d'Avignon participèrent au sauvetage et au rétablissement de la circulation.

 

 

L’écluse mastodonte qui ferme le canal de la Radelle

 

A Aigues-Mortes, les écluses de La Radelle cédèrent et les eaux s'étendirent à perte de vue sur les terres et dans les marais.

 

La répercussion de cette inondation se fit sentir jusqu'à Lunel où le canal lui-même sortit de ses quais. Cette catastrophe, sans précédent, par sa violence et par son étendue, puisque les plaines de l'Hérault et de l'Aude étaient également ravagées, jeta la consternation dans tout le pays. La presse de Paris en enregistra les échos. Le Petit Parisien résumait la situation du Midi en écrivant ;

 

« Les habitants de cette malheureuse région, qui souffraient depuis si longtemps de la mévente des vins, se trouvent dans une situation lamentable. Il faut que l'Etat qui représente la collectivité française leur vienne en aide par tous les moyens possibles en raison de la solidarisé nationale.»

 

Le Président de la République, Armand Fallières, se trouvait dans sa propriété du Tarn-et-Garonne. Dès le premier octobre, la presse annonça qu'il allait visiter les régions inondées.

 

Entre temps, M. Gaston Doumergue, Ministre du Commerce, dès le 30 septembre, s'était rendu dans les communes atteintes de sa circonscription.

 

A Gallargues, à Sommières, au Cailar, à Aimargues, Saint-Laurent, Aigues-Mortes, que le train ne put atteindre, le Ministre se rendit compte de l'étendue du désastre.

 


Inondations de 1907

Arrivée du Président de la république à la gare de Sommières

 

La visite présidentielle à Sommières eut lieu le 2 octobre. La foule était dense. Sommières n'avait jamais eu, hormis peut-être celle de Saint-Louis lors des Croisades et de Louis XIII, lors du siège de 1627, la visite du Chef de l'Etat. Le Vidourle lui valait cet honneur, dont à la vérité, la population se serait certainement passée.

 

Le train du Ministre du Commerce et celui du Président de h République se retrouvèrent à la gare, où le Maire de Sommières, M. Charles Guérin, reçut les visiteurs. Parmi les personnalités présentes, il faut citer M. Barthou, Ministre des Travaux Publics et M. Millies-Lacroix, Ministre des Colonies.


Erreur dans la légende, le foudre ne faisait que 30 hecto, soit 3000 litres

 

Le cortège comprenait onze voitures, plus huit pour la presse. Les journaux de l'époque s'étendirent sur l’itinéraire dans la ville et sur les détails de cette visite, sang omettre au Faubourg du pont le spectacle de ce foudre de 30 hectolitres juché par les eaux, sur un mur de 2 m. de hauteur.

 

A la Mairie, le Maire entouré de son Conseil Municipal, assura le Président de la République que « sa présence serait pour la vaillante population sommiéroise, si cruellement éprouvée pur les dernières inondations, un précieux encouragement » et le Président de la République répondit par quelques mots de circonstance.

 

A 6 heures 40, le train présidentiel repartait pour Montpellier.

 

Quand les éléments sont déchaînes, ce n'est point sans à coups qu'ils retrouvent leur équilibre. Le mois d'octobre 1907 figura sans doute parmi ceux qui connurent le plus d'incidents hydrographiques. Les orages se succédèrent, transformant en rivières à débit continu, les torrents Le plus souvent à sec. Les fossés eux-mêmes prirent l'aspect de véritables cours d'eau.

 

A la mi-octobre, Sommières avait été inondée cinq fois. St-Hippolyte, Sauve, Quissac, avaient subi le même sort.

 

Cependant le Vidourle réservait encore à ses riverains une nouvelle épreuve. Elle s'abattit sur eux le 17 octobre.

 La partie nord de la vallée souffrit peut-être plus qu'au 27 septembre.

 

A Saint-Hippolyte le Vidourle et l'Argentesse débordèrent tous deux; après une trombe remarquable.

 

A 16 heures, les écluses célestes s'ouvrirent toutes grandes à nouveau.

 

« Le Vidourle, relate la chronique du Petit Méridional, a franchi la digue au pont de la gare envahissant ainsi la rue basse. L'Argentesse recouvrait tout le boulevard du Temple : elle montait à plus d'un mètre environ du côté des écoles. Toutes les maisons de ce boulevard ont eu le rez-de-chaussée envahi. A l'hôpital il y avait 1 mètre 50 d'eau. Au Fort, où se trouve la gendarmerie, les caves et les écuries étaient inondées. Croix-Haute et le Faubourg étaient aussi sous l'eau ».

 

A Sauve, la crue fut terrible. Le bureau de poste fut envahi, le mur du cimetière renverses et les caveaux profanés par les eaux. La buvette de la gare céda à la pression des eaux.

 

A Quissac, il était une heure de l'après-midi lorsque le débordement commença. L'étiage marquait quatre mètres : à 3 heures il passait à 5 mètres et à 4 heures 30 il cotait 6 m 60, chiffre record. La plupart des maisons de la rue du pont étaient envahies et les communications interrompues.

 

A Sommières, même tableau. Pissesaume et la Grand Fontaine dévalèrent à nouveau dans la ville. A 21 heures, les eaux montaient à la cadence du 27 septembre. Elles devaient atteindre sensiblement le même étiage dans la Ville, C’est dire que cette vidourlade a été au même ordre de grandeur que la précédente.

 

Après Sommières, jusqu'à la mer, même spectacle. Un fait cependant a ajouter aux précédents : le train de voyageurs de 18 heures se dirigeant vers Aigues-Mortes resta en panne peu après Saint-Laurent-d'Aigouze. Les eaux l'entourèrent et il fallut le secours de bateaux pour rapatrier les voyageurs.

 

1907 laissa le souvenir le plus triste. Il n'y eut pas de victimes du fait des inondations, mais à Sommières cependant, une explosion d'essence fit, chez M. Nicolas, quincaillier au Marché, trois malheureuses victimes qui périrent affreusement brûlées alors qu'elles nettoyaient le magasin après le départ des eaux. Quant aux pertes matérielles, elles s'élevèrent à un chiffre de millions difficile à évaluer puisqu'aucun inventaire régional ne fut jamais dressé.

 

En 1908, pour marquer l'anniversaire de la venue à Sommières du Président Armand Fallières, le Maire, en ouvrant la séance du Conseil Municipal du 2 octobre, prononça une allocution couchée sur les registres de la Communauté.

 

Retenons en ce rappel émouvant « des témoignages de sympathie qui arrivèrent des quatre coins de la France » et de la spontanéité avec laquelle toutes les mains se tendirent, tous les cœurs s'élancèrent sans distinction de parti et de classe » vers la malheureuse contrée méridionale si cruellement éprouvée.

 

L'adversité appelle la solidarité. Quant à la solidarité nationale invoquée par la presse de Paris, elle se manifesta beaucoup plus par des paroles et par des écrits débordant de lyrisme que par des faits matériels et précis.

 

-oOo-

 

Après 1907, le Vidourle laissa quelque répit à ses riverains. Sans doute, presque chaque année, une vidourlade de moyen style, obligea-t-elle les habitants des quartiers bas à déménager plusieurs fois préventivement.

 

En 1915, en pleine guerre, une crue de juin envahit la vallée en quelques heures. Au marin, le soleil se leva et la journée finit; superbe dans Sommières inondée.

 

Autre alerte en octobre 1920 dans la vidourlenque, dont le Parlement garde l'a trace par une demande d'indemnités déposée à la Chambre par la députation du Gard.

 

Mais arrivons à 1932. Avec cette année devait commencer une période d'agitation hydrographique exceptionnelle, puisque depuis cette date, l'équinoxe d'automne a valu à la vidourlenque une sérieuse inondation.

 

Les journaux du 22 septembre 1932 publièrent les communiqués de Saint-Hippolyte, Sauve, Quissac, Vic-le-Fesc, Sommières, Saint-Laurent d'Aigouze.

 

A Sommières, l'orage s'abattit à 19 h 30, coupant toutes communications avec l'extérieur, Pissesaume pénétra comme en 1907, dans la ville, envahit les boutiques de la Grand' Rue, prenant à revers, en quelque sorte, les commerçants alertés par la crue croissante du Vidourle. L'étiage maximum fut atteint à 21 h 30 avec 5 m 80 d'eau, chiffre fort significatif,

 

Préfet, Ingénieurs des Ponts et Chaussées et du Service Vicinal vinrent contempler le désastre et se rendre compte sur place des mesures les pins urgentes à prendre pour sauvegarder l'avenir,

 

A Marsillargues, Aimargues, Saint-Laurent, les digues ayant été détruites, ce fut vers deux heures du matin que la population fut alertée.

 

Les vendanges se trouvèrent subitement interrompues et fort compromises dans cette vaste plaine, presque totalement submergée.

 

La ligne du chemin de fer d'Aigues-Mortes et la route furent également envahies à la suite de la rupture d'une « martelière » du côté du môle.

 

Les pertes de toutes natures se révélèrent sérieuses. Le Conseil Général du Gard vint aussi largement qu'il le pouvait en aide aux sinistrés et les maires des communes riveraines, pour lia première fois, se réunirent à Sommières pour délibérer sur la situation créée par cette inondation et celles qui restaient à prévoir, si la question de l'aménagement du cours du Vidourle, n'était pas sérieusement posée.

 

Cette question était encore à l'étude lorsqu'on automne 1933, un nouveau désastre s'abattit sur la vidourlenque,

 

Le 27 septembre 1933 marque certainement la date la plus mémorable dans les annales vidourlaises des temps modernes.

 

Tant de vidourlades ont été décrites depuis le début de cet historique, qu'il paraît superflu d'ajouter à toutes les autres une nouvelle relation. Les termes employés se retrouvent avec leur même force, aussi bien pour donner idée de la violence de l'orage que des conséquences de la crue. Toujours même spectacle de désolation et de ruines, toujours mêmes lamentations !

 

Vidourle en 1933 fut cependant plus inhumain qu'à l'ordinaire. Il ne se contenta pas de dégâts, il eut aussi ses victimes et parmi elles, les plus innocentes, des enfants.

 

 

Le vieux pont de Sauve après les inondations du 27 septembre 1933

 

A Sauve, à la suite d'un débordement inqualifiable du Rieu-Mazel de Pompignan, le Vidourle s'enfla avec une telle violence qu'il emporta, peut-on dire, vers 23 h 30, tout le quartier coquet de la Vabre, avec ses immeubles et ses habitants. C'est là que six habitants trouvèrent la mort et parmi eux deux jeunes enfants soulevés par les eaux dans leur lit, sans qu'aucune aide put leur être apportée.

 

A Quissac, même catastrophe. Un vieillard paralytique trouva la mort chez lui, sans secours possible.

 

Tel fut le triste bilan.

 

Partout ailleurs dans la vidourlenque, il n'y eut que des dégâts matériels. Mais ils furent sévères. Le pont neuf de Sauve et celui de Quissac furent partiellement détruits, celui de- Sommières, invulnérable, fut recouvert par les eaux, sans aucun dommage. La Maison commune fut inondée et une plaque commémorative indique cet événement. Deux cents brebis, vingt chevaux, ânes ou mulets et quatre vaches trouvèrent la mort.

 

A Sommières, les eaux montèrent au plus fort de la crue à 6 m 60, à la cadence de quatre centimètres par minute, soit 2 m 50 à l'heure, allure véritablement inconnue. En 1930, lors des grandes inondations du sud-ouest, le Tarn à Montauban s'éleva de 40 cm par heure et cette vitesse fut qualifiée de « terrifiante ». Que dire alors de la crue du Vidourle !

 

Après Sommières, même tableau. Rupture des digues, invasion de la plaine viticole depuis Gallargues, jusqu'à Aimargues et Saint-Laurent. Du côté de Marsillargues, inondation de la ville et pertes des récoltes non encore rentrées, l'inondation de l'année d'avant, elles pouvaient croire que l'Administration veillait sur leur destinée, partout elles furent prises de court.

 

 

Place du Bourguet à Sommières - Inondations du 27 septembre 1933

(à sa hauteur maxima la crue couvrit le panneau de signalisation)

 

On n'a jamais expliqué pourquoi les transmissions télégraphiques furent si longues à parvenir, notamment de Quissac à Sommières, pourquoi les consignes données aux observateurs furent si inconséquentes, pourquoi le Préfet du Gard fut averti en pleine nuit, non pas par ses services d'alerte, mais par le maire d'une commune sinistrée. Cette inondation, plus que les autres, a révélé les insuffisances administratives et une nécessité d'union, non seulement de la part des communes riveraines, mais encore des sinistrés eux-mêmes.

Les Maires des communes se réunirent à nouveau à Sommières le 7 octobre pour exprimer leurs doléances et les principales décisions qui résultèrent de cette séance méritent d'être consignées.

 

PROCES-VERBAL DE L'ASSEMBLEE DES MAIRES

DE LA VALLEE DU VIDOURLE

 

Réunis le 7 octobre 1933 à la Mairie de Sommières

Sont présidents : MM. Silvestre et Berthézène, députés du Gard; M. Mabelly, conseiller général du canton de Sommières; M. Gaussen Raoul, maire de Sommières, conseiller d'arrondissement du canton ; Dorthe, maire de Sauve; Turc, maire de Quissac; Prades, maire de Fontanès; Cambacérès, maire de Lecques; Runel, maire de Salinelles; Favas, maire de Junas; Fabre, maire d'Aubais; Manse, maire de Gallargues, Fontanieu, maire de Lunel; Jalabert, maire d'Aimargues; Michel, maire d'Aigues-Mortes; Brunel, maire du Cailar: Bonfils, maire d'Aigues-Vives.

 

S'étaient fait excuser MM. les maires des communes de Saint-Laurent-d'Aigouze, Saint-Hippolyte-du-Fort, Sardan, Orthoux, Marsillargues, le Grau-du-Roi.

 

Expression de condoléances

 

« MM. les maires de la vallée du Vidourle, réunis le 7 octobre 1933, dans la salle de l'Hôtel de Ville de Sommières,

Unis dans la même émotion profonde, adressent aux familles en deuil, du fait des inondations' du Vidourle et du Lez, l’expression de leur profonde sympathie.

 

Ils regrettent les errements qui, pour une part, sont cause des pertes humaines pour les villes sinistrées de Sauve et Quissac et de celles presque irréparables pour la ville de Sommières, ravagée deux fois en une année.

 

Ils assurent les populations qu'ils mettront tout en œuvre pour que le problème soit attaqué de face et résolu sans délai.

 

Unis dans un sentiment de profonde solidarité, ils se dressent tous ensemble pour assurer la défense du droit à la vie et au travail des populations qu'ils représentent.

 

Vœu sur la recherche des responsabilités

 

Considérant que les inondations de 1932 et celle de 1933, qui ont revêtu un caractère catastrophique, pourraient être fortement atténuées, si les populations avaient été alertées à temps;

 

Considérant qu'il est inadmissible qu'un pareil manque d'organisation qui vient de coûter des pertes de vies humaines et des pertes matérielles de plus de trente millions puisse être toléré plus longtemps par ceux qui en sont les éternelles victimes.

 

Les maires de la vallée du Vidourle demandent à M. le Préfet du Gard :

 

I - qu'il recherche pourquoi ni Saint-Hippolyte-du-Fort, ni Sauve, ni Quissac n'ont pu s'alerter et alerter la ville de Sommières, la plus menacée de la vallée ;

 

2 - que les responsables soient frappés,

        que soient étudies et réalisés sans aucun délai, les vœux légitimes des populations, vœux qui portent :

        sur l'application des décisions prises par les communes de la réunion des maires à Nimes ;

        sur la réfection des ponts formant barrage;

        sur l’expropriation des rives de façon à rendre au lit une largeur suffisante aux abords des ouvrages d'art ;

        sur l'interdiction à faire aux particuliers de berrer la vallée dans les parties inondables par des digues, chaussées ou murs.

 

Vœux concernant les secours

 

Les maires de la vallée du Vidourle demandent à MM. les parlementaires du Gard, les représentants au parlement, de déposer un projet de loi tendant à faire appliquer aux sinistrés la législation spéciale qui a été accordée aux sinistrés du sud-ouest, lors des inondations du Tarn.

 

Ils demandent qu'une loi analogue à celle voté le 8 avril 1930 permette à toute la région qu'ils représentent de se relever de ses ruines et d'assurer le plus rapidement possible la reprise intégrale de la vie économique, seul moyen d'éviter la ruine et le chômage.

 

Ils insistent particulièrement pour qu'une aide efficace soit accordée aux budgets communaux dont l'es charges écrasantes pour le déblaiement et l'assainissement, dépassent toutes les disponibilités et que les dégrèvements accordes aux victimes vont inévitablement rendre déficitaires.

 

Quant aux sinistrés, ils constituèrent une association qui groupa dans la suite, non seulement les sinistrés de Sommières et de la vidourlenque, mais encore ceux de l'Hérault, cruellement éprouvés par les ravages du Lez. Une Fédération se forma peu après pour engager une action unique vis-à-vis des pouvoirs publics. La bataille devait être dure à mener-Les démarches successives faites à Paris auprès du' Président du Conseil, qui fut un temps M. Gaston Doumergue, auprès des ministres intéressés et notamment de M. Germain-Martin, député de l'Hérault et ministre des Finances, ne furent pas sans impressionner les pouvoirs publics. Diverses mesures furent prises en faveur des sinistrés plus particulièrement atteints, quant au paiement de leurs impôts. Enfin un Inspecteur général des services administratifs fut chargé de se rendre sur place pour évaluer les dégâts. La Fédération croyait la partie définitivement gagnée, surtout lorsqu'un projet de loi permettant d'utiliser un reliquat des crédits non employés lors des inondations du sud-ouest, d'environ 25 millions, croyons-nous, fut déposé et voté par la Chambre des Députés. Hélas, il y avait encore l'obstacle du Sénat à surmonter. La crise financière aidant, il n’a pu être franchi.

 

Le groupement des sinistrés est un fait bien significatif. Mais pourquoi faut-il, d’abord que des luttes intestines ne viennent trop souvent paralyser une action qui pourrait être féconde, au sein d’un groupement où tous les intérêts sont solidaires, et surtout pourquoi cette Fédération qui représente une force réelle, borne-t-elle son action à indemnisation des dommages passés ?

 

La protection contre le retour de tels cataclysmes est une fin beaucoup plus importante. Devant la carence des pouvoirs publics, les sinistres groupés pourraient et devraient faire entendre une voix, courtoise sans doute, comme il sied dans une démocratie, mais ferme et résolue. Ils ne devraient pas, au surplus, se lasser de dire que le danger est de plus en plus redoutable et que de nouvelles ruines risquent à chaque instant, de s'ajouter à celles qui existent déjà.

 

Les traces de la vidourlade de 1933 étaient encore visibles lorsque celle de 1934 vint les accroître par endroits.

 

A notre long inventaire de ces vidourlades devenues maintenant historiques, il faut en effet ajouter un chapitre de plus.

 

Le 3 octobre 1934, toute la basse vidourlenque fut à nouveau submergée. La trombe d'eau s'abattit dans les environs de Quissac, Vic-le-Fesc avec la violence accoutumée.

 

Les dépêches (on verra plus loin pourquoi elles parvinrent cette fois en temps opportun) avertirent la ville de Sommières à 5 heures du matin qu'il y avait 5 mètres d'eau à l'étiage de Vic-le-Fesc et aussitôt, toutes les communes des pays bas furent alertées.

 

La crue, dès lors, peut-on dire, se poursuivit normalement. A Sommières, elle atteignait son maximum, avec 5 m 60 à 9 h 30. La ville inondable une fois de plus était à cette heure entièrement sous l'eau. Mais la population prévenue à temps, avait pu prendre ses dispositions pour réduire les dégâts.

 

En aval, l'annonce de cette crue que rien ne pouvait laisser prévoir, tant les eaux étaient basses, mit la population en garde.

 

A Marsillargues, dès 9 heures, le Vidourle coulait à pleins bords; à 14 heures, il passait par dessus les digues du pont, ouvrant une brèche sur la rive droite, un kilomètre avant le pont de Saint-Laurent-d'Aigouze et envahissait la campagne, interrompant la circulation.

 

Les précautions prises permirent de limiter les, dommages en jetant l’alarme chez les viticulteurs dont les vendanges étaient en cette saison, fort heureusement avancées, sinon terminées.

 

Faudra-t-il désormais que chaque année, l'automne venue, la vidourlenque reste sur le qui vive ? Les précédents de ces trois dernières années sembleraient le faire craindre.

 

Raison de plus pour que chacun, dans la mesure de ses moyens, agisse en conséquence.

 

Le chroniqueur voudrait bien qu'un terme fût mis enfin, non seulement à sa propre chronique, mais à celle que les historiens futurs voudront bien consacrer au turbulent fleuve cévenol.

 

A suivre...

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LES VIDOURLADES SUITE

Première partie

> Le XIXe siècle

Deuxième partie

> Protection contre les vidourlades

Troisième partie

> La protection de Sommières.


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