Le Vidourle et ses Vidourlades

de Ivan Gaussen, 1936

 

TROISIEME PARTIE

 

LA PROTECTION DE SOMMIERES

 

L'étude du problème de la protection, ne doit pas être limité au bas Vidourle. Sans doute toutes les mesures prises dans cette partie du cours du petit fleuve, auront leurs répercutions en amont. Mais cette répercution, pour aussi grande qu'elle soit, ne sera pas suffisante pour garantir Sommières, Quissac et les localités inondées habituellement. II faut envisager pour cette partie du bassin d'autres mesures, certaines se limitant à une ville bien déterminée, d'autres présentant un caractère d'ensemble.

 

Au nombre des premières figureront toutes celles qui auront pour objet la protection de Sommières.

 

Pourquoi Sommières est inondée ?

Sommières, est certainement parmi les localités traversée par le Vidourle, celle qui est la plus vulnérable.

 

Construite partiellement dans le lit même du fleuve, des qu'une crue, si petite qu'elle soit, se produit, les quartiers bas de la ville sont inondés.

 

Le problème de la protection se trouve donc, particulièrement difficile à résoudre.

 

A la vérité, l'historien de Sommières, et son visiteur, se demandent pourquoi une ville de cet ordre, a été construite à cet endroit, d'une façon si paradoxale.

 

Les origines lointaines de l'agglomération répondent à cette question.

 

Sommières doit son existence à son pont. Sans vouloir s'attarder ici sur les origines des communes, il faut rappeler que la plupart des agglomérations s'expliquent par leur situation géographique. Un carrefour de routes, une vallée, un plateau, sont des lieux de prédilection.

 

Dans cette région, l'agglomération première se trouvait sur le plateau actuel de Villevieille. L'oppidum de Midrium occupait une situation stratégique de premier ordre, dominant la vallée du Vidourle et le beau pont de 17 arches, que les romains avaient construit à ce point de la vallée plus particulièrement étroit.

 

La place du Marché à Sommières est située dans le lit du Vidourle.

 

La décadence de Rome, les invasions du Bas-Empire, ont ouvert une période de moindre autorité d'abord, d'anarchie ensuite. L'oppidum de Midrium disparu, la population dispersée, se groupa autour du pont, lien de passage et de négoce. Aucune autorité ne faisant respecter la police, chacun s'installa où il voulut, selon sa force et son désir. Les barbares eux-mêmes, comme leurs prédécesseurs, reconnaissant la valeur stratégique de la place, furent certainement les premiers à jeter les bases nouvelles de la cité.

 

Mais faisant preuve de prudence, nos ancêtres procédèrent par construction sur pilotis en bâtissant la plupart de leurs maisons sur des arcades, suffisantes pour protéger les populations contre les crues subites du Vidourle.

 

Avec le Moyen-Age, l'agglomération prit corps. Un château, d'origine vraisemblablement wisighote fut construit pour dominer le pont et commander la vallée. La suzeraineté des comtes de Toulouse et de leurs vassaux les seigneurs d'Anduze, se consolida. Pour protéger la ville on l'entoura de remparts et dès lors, la communauté prit l'aspect que nous lui connaissons aujourd'hui.

 

Hormis les portes qui ont changé de place et les quais, de construction plus récente (milieu du XVIIIe siècle), l'enceinte est maintenant ce qu'elle était autrefois.

 

En voulant protéger leur ville contre les dangers extérieur, les sommiérois méconnurent le danger du Vidourle. La construction du faubourg du pont faisant barrage sur la rive droite, l'établissement des quais consignant une arche du pont, la constance des atterrissements et les empiétements des propriétaires riverains firent le reste. Enfin, le système d'égout facilita, d'après le principe des vases communiquants, rentrée des eaux dans la ville.

 

LES ATTERRTSSEMENTS ET L’AFFAIRE MONTGRANIER

Sur la main mise par les riverains, sur le lit de la rivière, le témoignage le plus ancien remonte à 1553.

 

A la hauteur du pont, le courant du Vidourle, a une tendance à creuser la partie gauche du lit et à laisser des atterrissements sur la rive droite. Depuis les temps les plus reculés, il en est ainsi. Au XVIe siècle, un propriétaire du nom d'Etienne Crès, riverain de droite, planta des arbres à l'extrémité de son jardin et agrandit ainsi la superficie de son domaine d'un tiers, fermant par surcroît deux caches au pont. La communauté s'émut de cette occupation ; elle attaqua le dit Crès et à la suite d'un compromis survenu le 13 août 1553, la limite du jardin fut fixée d'une façon définitive.  Crès consentit ? payer, pour justifier son usurpation de terrain, une censive annuelle au profit de la communauté.

 

Aux XVIe et XVIIe siècles, nos archives ne gardent la trace que de réparations faites aux écluses des moulins détérioré:; par les crues. Mais au début du XVIIIe siècle, survint une affaire fort caractéristique des difficultés qu*à toute époque, \\ ville a eu avec les riverains du Vidourle.

 

Après la terrible vidourlade de 1723, un conflit éclat entre la communauté et M. de Montgranier, propriétaire d'une saulaie en aval de la ville. On sait quels furent les dommages causés par cette inondation. Il est probable qu'à la suite de ce désastre, la population sinistrée rechercha les moyens de protéger la ville contre de tels débordements. Au nombre des obstacles qui arrêtaient les eaux, fut comprise la saulaie de M. de Montgranier, empiétant dans le lit de la rivière et constituant un barrage naturel en temps de crue.

 

M. de Montgranier, malheureusement pour la ville, était homme puissant. Il sut se défendre et le mémoire qui nous est conservé à ce propos, apporte la preuve qu'à tout époque de l’histoire, il a été difficile de lutter contre quiconque a eu les bras trop longs.

 

Le rapporteur de l'affaire, l'ingénieur du roi. La Blottière, vint sur place enquêter le 27 août 1725.

 

Accompagné du premier consul Nougarède et de plusieurs membres du Conseil, il se transporta sur les lieux. Là, officiellement, il remarqua que la communauté n'était pas en droit d'intenter un procès à M. de Montgranier parce que sa saulaie ne portait aucun dommage à la ville.

 

Cependant en lui-même, l'ingénieur devait être, moins certain de l'exactitude de ses affirmations car, ainsi qu'il l'ajouta dans le rapport qu'il adressa à l'intendant de Bernage de Saint-Maurice, il jugea utile de faire une seconde démarche, officieuse, dirions-nous, auprès de M. de Montgranier.

 

« ...Le même jour, écrit-il, à six heures du soir, il va voir M. de Montgranier pour lui dire qu'il avait remarqua que sa saulaie qui luy rapporte un revenu annuel de 50 livres estoit dans l'ancien lit de la rivière, qu'on luy prouverait par le cadastre qu'il avait la contenance de son terrain indépendant de la saulaie qui estoit un rempart impénétrable qui faisoit retomber les eaux qui causaient un amas très considérable de sable dans l'endroit N, et que la rivière dans toute la longueur de la saulaie n'avait que 13 à 15 toises de long et que dans la partie supérieure elle en avait 30, que dans les grandes crues un grand volume ne pouvait passer qu'avec un courant furieux qui minoit le terrain, et que pour un bien de paix il jugeait qu'il faudrait qu'il consentit qu*on déracinât les arbres de la saulaie dans toute sa longueur qui est de 95 toises sur 4 à 5 toises de largeur, seulement la largeur entière estant de plus de 15 toises, observant de donner une pente fort douée afin que les inondations ne pussent endommager son terrain. »

Mais à ce discours fort raisonnable, M. de Montgranier répondit :   « qu'il n'y voulait point consentir, et qu'il savoit que dans tous les tems, il estoit permis à tous ceux qui avoient des terres sur les bords des rivières, de faire des plantations, même dans les endroits, où elle formait des dépôts, que ses prédécesseurs avaient planté sa saulaie sans que la communauté, n'y aucun particulier s'y oppose ».

 

L'ingénieur expert n'insista pas et nous le voyons conclure son enquête, en certifiant que, pas plus la ville de Sommières, que le terrain lui appartenant, n'avait à souffrir de la saulaie de M. de Montgranier.

 

La ville y fut pour ses frais d'expertise, heureuse encore de n'être redevable d'aucune indemnité à ce puissant riverain qui d'ailleurs figure en bonne place parmi les sinistrés de la vidourlade de 1723.

 

LE PROJET PITOT DE 1746 ET LES TRAVAUX QUI EN RÉSULTÈRENT

Si chaque grande vidourlade, aux dires des sinistrés est toujours la plus forte qu'on n’ait jamais vue, il semble bien que celle de 1745 figure parmi celles qui produisirent le plus d'effet moral sur la population sommiéroise.

 

Quelques semaines après ce débordement, le 28 décembre, l’ingénieur Henri Pitot, directeur des travaux publics de la province, vint à Sommières pour étudier sur place, le problème qu'il posait.

 

A la suite de cette visite, il rédigea un rapport qu'il déposa le 29 janvier 1746. Ce rapport fut en 1747, suivi d'un deuxième fixant le devis des réparations à faire au pont de Sommières, assez malmené par l'inondation.

 

Les lenteurs administratives sont proverbiales. En 1754, rien encore n'avait été fait, hormis quelques travaux de consolidation au pont, lorsque le 12 novembre, la ville fut à nouveau fortement inondée.

 

La communauté se fâcha. Le maire après avoir convoqué son conseil adressa une requête pressante à « nos Seigneurs des Etats ».

 

Il fit un historique de l'affaire, rappela le désastre de 1745 les rapports de l'ingénieur Pitot, et il insista sur « la nécessité indispensable d'exécuter sans délai le devis dudit ingénieur pour éviter la ruine prochaine de la ville et du Pont ».

 

Qu'avait proposé l’ingénieur Pitot ? Voici le résumé de ses conclusions : redonner à la rivière une partie du large passage que la sagesse des romains lui avait préparé pour les temps de débordements. Pour cela, il fallait ouvrir deux des arches bouchées et obliger les riverains qui avaient rétréci le lit de la rivière, à se désister de ce qu'ils avaient usurpé.

 

Ainsi, d'après Pitot, le problème immédiat était de dégager les arches du pont et de nettoyer, de curer, le lit du Vidourle.

 

Comme suite à la requête du maire, Pitot revint à Sommières le 1er mai 1755. Il fit une nouvelle vérification des lieux en présence de Monseigneur l'évêque de Nîmes, de M le marquis de Calvisson, de M. de Joubert, syndic général d la Province et de M. Ginhoux, syndic du diocèse. Puis, le 24 mai 1755, il déposa un nouveau rapport confirmant les termes du précédent en donnant les précisions suivantes.

 

1 - déboucher .les deux arches du côté du faubourg, en baissant les murs, et le terrain, devant les arches jusqu'au niveau de la chaussée du moulin de la Grave, appartenant à l'évêque d'Alès.

 

2 - protéger les murs de l'église Saint-Amand attenante à la rampe du pont, par un contre mur d'environ 40 toises (80 m. ) en le fortifiant, au dessus de l'église, par des buttées et contreforts espacés de deux en deux toises. Ce mur ainsi fortifié devait servir à diriger le cours des eaux.

 

3 - faire arracher les plantations faites par les riverains avides, travaillant toujours « à augmenter leurs possessions aux dépens du lit de la rivière » ; plantations qui ne rapportent pas le « millième et dix millième partie des dommages qu'elles causent » car elles resserrent et étranglent le lit de la rivière, et empêchent le libre cours des eaux faisant pour ainsi dire regonfler et inonder le païs.

Les propriétaires visés étaient notamment Madame de Masselin, M. de Montgranier, Chevallier, Flaissier, la Malandrerie d'Aubero et Chrétient.

Il était bien entendu, que seule serait enlevée à ces propriétaires, l'étendue des terrains représentant les atterrissements qu'ils avaient acquis d'après le compoix. Si des indemnités devaient leur être versées, elles seraient à la charge de la Communauté ; seuls les travaux à exécuter au pont, restant supportés par le diocèse.

 

4 - enlever les atterrissements situés sur les quais du côté de la ville, qui étranglent le passage des eaux, et les faire emporter par le courant. Pour cela, faire une tranchée au-dessus; d'environ 100 toises (200 m) six pieds de largeur, et six a sept pieds de profondeur. Cette tranchée prolongée sous l’arche du pont de la ville, pouvait donner prise aux eaux pour emporter les atterrissements.

 

L'ensemble des déblais était évalué à 6865 toises cubes, soit à trente sols la toise, 10.297 livres.

 

Tel était le projet Pitot. Si nous avons insisté sur ce projet, c'est parce qu'il est à notre connaissance, le seul qui ait jamais vu le jour sur cette question et parce que le bon sens et la sagesse qui l'ont inspiré, le rendent aujourd'hui encore digne d'être étudié attentivement.

 

A l'inverse de beaucoup de projets qui restent inexécutés, celui de Pitot fut réalisé en grande partie. Le fait vaut d'être noté. Du point de vue historique, il est intéressant de suivre les diverses phases de l'exécution des travaux.

 

Le financement de l'entreprise fut en principe assuré par les Etats du Languedoc, qui demandèrent et obtinrent une remise sur le don gratuit, fait annuellement au roi. Un arrêt du Conseil d'Etat du 12 Octobre 1756, sanctionna la chose. Sommières eut 4.000 livres pour sa part qui furent suivies d'autres subventions.

 

En ce qui concerne la réalisation pratique du projet, il fut procédé successivement à un arpentement, et à une adjudication des travaux. Mais ainsi qu'il arrive fréquemment, des difficultés s'élevèrent. L'exécution des travaux en fut retardée.

 

L'arpentement fut fait sur la rive du Vidourle, depuis le moulin de Bragavesse (Gravevesse aujourd'hui) jusqu'à moulin d'Alary (moulin d'Hilaire aujourd'hui).

 

La communauté avait demandé cet arpentement, le 14 octobre 1756 ; il fut confié à Jacques Nogaret, de Montpellier, architecte, directeur des Travaux Publics, qui l'exécuta ave une exactitude parfaite.

 

Le Conseil de Sommières accepta le devis Pitot, par délibération du 6 Novembre 1757, et l'adjudication des travaux fut annoncée par affiches apposées à Montpellier, Aigues-Mortes, Anduze, Sauve, Lunel et Alès.

 

L'adjudication divisée en cinq lots, eut lieu le 12 juin 1758, et « l'offre du sieur Saussines, l'heure de cinq ayant sonné et les trois bougies allumées étant éteintes » fut acceptée pour les cinq lots.

 

La ville confirma le 20 juin suivant, son acceptation, et demanda rectification de ce choix à l'intendant, qui approuva le 16 juin.

 

Les travaux commencèrent peu après. Nous n'insisterons pas sur les divers incidents qui les marquèrent. Notons au passage que Saussines s'était engagé à jeter les déblais du côté opposé de la rivière, aux endroits les plus profonds et qu'il contrevint à cet engagement par économie. Notons encore les difficultés qui survinrent avec les riverains du côté du moulin d'Hilaire et du Fossat et qui motivèrent l'intervention de l'intendant de Saint-Priest. Une enquête fut alors prescrite sur l'ensemble des travaux, par décision du 13 avril 1760 et confiée au sieur Danyzy, qui déposa deux rapports, les 3 février et 13 juillet 1761.

 

Danyzy insista surtout sur les travaux du côte du Fossat. Reconnus inutiles à certains endroits, ils furent réduits à la construction d'un talus pavé, de deux mètres sur un, à la hauteur de 9 pieds (3 m. environ) au-dessus du bas-fond de la rivière. Il précisa les conditions dans lesquelles les arches de l'église Saint-Amand seraient déblayées ainsi que les terrain du jardin de la maison curiale.

 

« Ce devis, ajoutait Danyzy, est un devis de conciliation. Il n'est préférable aux précédents qu'en ce qu'il tient un certain milieu entre l'intérêt public et l'intérêt particulier ».

 

Entre temps, la communauté fut en difficulté avec l’arpenteur Nogaret au sujet du règlement de ses honoraires. Mais l'intendant invita la ville à payer 648 livres, imputables sur les fonds de la subvention destinée aux ouvrages dont il s'agissait.

 

L'autorisation de continuer les travaux  selon le projet Danyzy fut accordée à la ville, le 29 avril 1762 qui, par une décision de même date, se trouva autorisée à faire déblayer la rive du côté de la promenade.

 

Encore un incident avec le fermier du moulin de la Grave au sujet des déblais jetés en amont de l'écluse comblant le fuyant du moulin ; et quelques difficultés avec l'entrepreneur lui-même mis en demeure par exploit au nom de la ville de reprendre les travaux sans délai parce qu'ils traînaient en longueur.

 

En 1763 seulement, la fin des travaux approchait.

 

Le 16 août de cette année, la ville invita le sieur Vignat, inspecteur des travaux, à venir les recevoir. Cette opération eut lieu le 17 octobre, et donna lieu au procès-verbal ci-dessous :

« Nous, soussigné Inspecteur pour l'élargissement du lit de la rivière, certifions que l'entrepreneur a fait enlever toutes les terres qui avaient été jetées et amoncelées au bas du talus, dans la partie de Saint-Laze en sorte que depuis le jardin de M. Blanc jusqu'au fossé de Bonnaure et au dessus du pont depuis le pavillon de M. de Montgranier jusqu'au moulin de Gravevesse il ne reste en aucun endroit des terres jectisses au devant des dits talus ».

 

A Montpellier, le 28 Septembre 1763. Signé : VIGNA.

 

L'ensemble des opérations avait coûté 30 mille livres à la communauté. Sacrifice important pour l'époque, consenti dans l'intérêt de toute la population.

 

La nécessité de veiller à l'entretien des travaux  exécutés était impérieuse, car les riverains selon une tradition égoïste, continuèrent comme par le passé à empiéter sur le lit de la rivière. Une délibération du 4 septembre 1766, signala l'obligation d'empêcher les riverains « de planter » et de laisser le lit dans la forme, où il avait été mis par l'élargissement du côte de Saint-Laze.

 

Ce ne devait pas d'ailleurs, être la dernière fois que la ville aurait à se plaindre des riverains du Vidourle. La question rebondit au début du XIXe siècle, dans des conditions que nous allons rappeler en détail.

 

LA VILLE CONTRE LES RIVERAINS DU VIDOURLE

Si de 1754 jusqu'à la fin du siècle, les ravages du Vidourle n'ont, semble-t-il, mérité aucun communique, il n'en fut pas de même après 1810. Encore que nos archives restent quasi-muettes sur cette vidourlade, il n'est pas douteux qu'elle rappela les sommiérois aux réalités et qu'elle incita la ville à étudier à nouveau la question de la protection des habitants.

 

Ce n'est d'ailleurs que quatorze ans après l'inondation, en septembre 1824, qu'on trouve trace de travaux exécutés dans le lit du Vidourle. Mais ce qui est plus curieux, c'est que ce sont les archives de la Justice de Paix, qui gardent le témoignage de ces travaux.

 

Pourquoi la Justice de Paix ?

 

Parce que, une fois de plus, la ville eut à plaider contre des riverains récalcitrants.

 

En l'occurrence les choses se passèrent de la façon suivante.

 

En vue de permettre l'écoulement rapide des eaux dans la traversée de Sommières la commune reprit les travaux de I754 qui à la faveur des événements  révolutionnaires, n'avaient certainement fait l'objet d'aucun entretien. Elle décida de faire nettoyer le lit du Vidourle en aval du pont.

 

Un groupe d'ouvriers était à l'œuvre lorsque par exploit d'huissier du 18 septembre 1824, les propriétaires riverains Descous, Bonnaure, et Castan de Saint-Christol, enjoignirent aux terrassiers de cesser le travail.

 

Le lendemain même le maire de Sommières, M. de Lamonie, écrivit au préfet pour protester contre cet exploit.

 

Il rappelât en premier lieu, les précédents du XVIIIe siècle, devis Pitot du 24 mai 1755, nomination des experts, autorisation de l'intendant du 17 août 1757 adjudication au sieur Saussines et délibération du 27 septembre 1758 autorisant les travaux dont le montant s'élevait à trente mille livres.

 

Puis, il ajoutât que ces atterrissements s'étaient depuis cette date, précisément formés aux endroits qui furent déblayés et que le Conseil Municipal avait cru pour assurer la sécurité de la ville, devoir faire enlever ces atterrissements.

 

Il conclut en protestant contre les allégations des propriétaires riverains, invoquant les droits que leur conférait l'article 556 du code civil, alors qu'il n'était pas douteux qu'ils avaient été justement indemnisés lors des travaux précités.

 

Le préfet écouta la protestation de la Commune et sur rap port de l'ingénieur de l'arrondissement de Nimes : il déclare par arrêté du 24 novembre 1824, que les travaux exécutés n'étaient que la continuation de ceux faits au XVIIIe siècle, visibles encore devant les propriétés des riverains protestataire ci qu'en conséquence leur plainte était irrecevable.

 

Comme il fallait s'y attendre, ces derniers ne se tinrent pas pour battus et le 5 décembre, ils adressèrent une requête motivée au préfet, requête qu'il est intéressant d'analyser.

 

La Ville, en premier lieu, disaient-ils, était mal fondée d'invoquer les indemnisations qui auraient dépossédé les riverains de leurs droits, puisque la ville n'avait jamais fait acte de propriétaire sur ces terrains depuis cette date. Les produits de ces terrains n'avaient jamais été affermés, ni compris dans la ferme de ceux situés sur la rive de la promenade.

 

Au contraire les riverains avaient toujours joui paisiblement des récoltes de ces rives, pendant plus de cinquante ans.

 

Sur le compoix, on ne trouvait aucune trace de fonds appartenant à la ville, les actes de vente passés depuis 1771, ne faisait aucune mention à ce sujet.

 

Seule, l'application de la loi du 8 mars 1810, sur les expropriations pour cause d'utilité publique pourrait atteindre le droit de propriété des riverains.

 

A la suite de cette pétition, le préfet prit un nouvel arrêt du 4 décembre 1824 déclarant qu'il serait « sursis à l'exécution du précédent jusqu'à ce qu'il aurait été prononcé par les tribunaux compétents ».

 

Citation fut donnée à la ville à la requête des riverains et la ville par délibération du 10 février 1825, sollicita l'autorisation de plaider.

 

Elle n'omit pas dans sa demande de rappeler la genèse de l'affaire et notamment, le procès-verbal du sieur Vignal, du 6 octobre 1771 rappelant l'autorisation délivrée à la ville par les Etats du Languedoc, à prendre moyennant indemnité préalable, qui s'éleva à 19.908 livres, allouée aux riverains le terrain qu; lui était nécessaire pour l'élargissement du lit du Vidourle.

 

L'affaire évoquée devant le juge de paix, aux audiences des 5 et 19 février, fut successivement renvoyée aux n et 31 mai.

 

Pourquoi ces renvois ?

 

Parce que, le fait paraît assez étrange, la préfecture qui avait fait diligence jusqu'alors dans cette affaire, ne donnait désormais aucune réponse à la demande d'autorisation de plaider faite par la commune.

 

Mieux encore, par arrêt du 11 mai du Conseil de préfec-ture, cette autorisation fut refusée à la Commune.

 

Pour quel motif ?

 

« Attendu, dit l'arrêt, qu'il est reconnu par le maire et le Conseil Municipal lui-même, que ces propriétaires ont joui paisiblement pendant plus d'une année antérieurement aux entreprises faites par la commune.

Considérant que la commune n'aurait pas un meilleur droit, soit à défendre, soit à intenter elle-même, l'action au pétitoire attendu que les titres produits par elles prouvent seulement le besoin, qui existait déjà en 1756, de faire les déblais nécessaires à l'élargissement du Vidourle, et le commencement de leurs travaux en 1771, mais ne prouva pas que l'achat du terrain ait été fait, et l'indemnité payée aux riverains, qu'aucune pièce n'est produite pour prouver que le paiement a été fait, la commune ne démontrant pas que les faits de jouissance allégués par les adversaires n'ont pas le caractère voulu par la loi, pour prescrire cette jouissance non interrompue pendant plus de trente ans, assurait aux sieurs Descous, Bonnaure et Castan, la propriété des terrains ».

 

L'épilogue de cette affaire était dès lors facile à prévoir La ville fut condamnée par défaut, par jugement du 31 mai 1825 à payer 120 frs, de dommage à Castan, 25 à Descous et 6 a Bonnaure.

 

Les frais de dépens du jugement, les rapports de l'ingénieur 60 frs et la consultation de l'avocat 66 frs s'élevèrent au total à 150 frs et l'ensemble coûta à la ville 408 fr 20.

 

Le 18 juin suivant M. de Lamonie adressa une longue lettre au préfet dans laquelle il marquait son étonnement :

 

« Qu'y a-t-il à faire aujourd'hui ? Demandait-il. Faire appel pour obtenir une réduction de l'indemnité ? Exécuter le jugement ?

 

Et le maire à juste titre, laissait exhaler sa rancœur.

 

« II est très désagréable de voir les intérêts de la commune aussi fortement froissés dans une affaire où elle est si grandement fondée, sinon en droit, au moins en fait, et de rencontrer des êtres qui ne se trouvant pas assez satisfaits de l'assurance que je leur ai donnée, d'engager le Conseil Municipal à toute poursuite ultérieure, ont cherché à augmenter les frais autant qu'il a dépendu d'eux, tout en ayant l'air de vouloir les éviter ».

 

Le préfet laissa la requête sans réponse et la ville pays les indemnités et les frais.

 

A la vérité, il y aurait beaucoup à dire sur cette affaire et les conclusions à tirer de ce curieux procès ne seraient pas sans enseignement aujourd'hui.

 

L'arrêté du Conseil de préfecture empêchant la ville à plaider et motivant en quelque sorte le jugement du juge de paix laissait entière la question.

 

Sans doute, la ville n'avait pas pu produire les actes de vente et des quittances d'indemnité, sans doute depuis plusieurs années, par tolérance, les propriétaires riverains avaient-ils joui des revenus de leur rive. Il n'en reste pas moins, nous l'avons vu en suivant pas à pas l'affaire, qu'en 1756, les travaux avaient été régulièrement exécutés après arpente que les digues à cette date, étaient visibles comme elles le sont, qu'ils avaient été reçus par le géomètre de l'intendance et encore aujourd'hui.

 

Que valait le fait d'invoquer la prescription trentenaire en matière de domaine communal ? On se le demande.

II est étonnant au surplus que le Conseil de Préfecture en présence de tels faits, ait empêché la ville de se défendre et l'ait de la sorte, automatiquement fait condamner.

 

Puisque c'est au nom de la tutelle administrative qu'il a agi, n'eût-il pais été plus logique, puisque la ville allait être fatalement condamnée, qu'il la laissât plaider sa cause. Aurait-elle perdu plus de 408 francs dans l'insistance ? C'est peu probable.

 

Quel aurait été, dans l'hypothèse de débats contradictoires, le point de vue du juge de paix ? On l'ignore. Mais il aurait eu l'avantage de s'étayer sur une argumentation réelle et non sur de simples présomptions.

 

Quoiqu'il en soit; la ville n'insista pas et le lit du Vidourle resta obstrué. Plus rien ne fut tenté dans la suite, pas plus à Sommières qu'en aval et le chroniqueur du Courrier du Gard du 21 septembre 1858, pouvait encore non sans raison, écrire :

 

«Si on veut bien considérer que la crainte d'un pareil malheur se renouvelle depuis des siècles toutes les années à la même époque, on regrettera vivement qu'on ait négligé jusqu'ici d'essayer d'un endiguement mieux étendu pour remettre les riverains à l'abri du fleuve destructeur.»

 

LES MÉFAITS DE PISSESAUME - COMMENT LES ÉVITER

Dans le récit du désastre de 1723, le lecteur aura certainement retenu les quelques lignes relatives à l'incursion de Pissesaume dans Sommières.

 

Qu'est-ce que Pissesaume ? Un ruisseau.

 

Ce ruisseau, nous ferions mieux de dire, ce fossé, au nom si symbolique, en langue d'oc, reçoit en temps de pluie, les eaux tombées au nord-est de Sommières, dans la région la plus proche de la ville. Il est composé lui-même de plusieurs fossés se réunissant peu avant l'embouchure unique dans le Vidourle. Un de ces fossés sert de limite aux communes de Villevieille et de Sommières.

 

La topographie du terrain traversé montre que ces ruisseaux viennent, le plus proche de Sommières, des hauteurs de Villevieille où les ruissellements sont rapides dès qu'il pleut, l'autre des environs du lieu dit de Pondres où il traverse un terrain argileux peu perméable, dont la capacité d'absorption est très limitée.

 

Le débit de ce ruisseau est quasi nul dans la saison sèche.

 

Il devient plus abondant en hiver, il est parfois d'une extrême violence après les gros orages du printemps et surtout de l'automne.

 

Ce qui accroît le danger de Pissesaume, c'est l'étroitesse du lit de ses ruisseaux ? Étroitesse aggravée par le non entretien des rives sur lesquelles poussent arbres de toutes sortes et massifs de ronces, constituant chacun, de véritables obstacles au libre passage des eaux.

 

Pissesaume traverse la route nationale, N120 de Montpellier au Puy, en deux endroits.

 

Sur l'un de ces passages, se trouve un ponceau ; l'autre se présentait jusqu'à ces derniers mois sous l'aspect d'un caniveau dont le service des Ponts et Chaussées avait diminué sensible ment la pente pour éviter sans doute d'accuser le cassis légitimement redouté des automobilistes.

 

Qu'advient-il en temps d'orage ?

Les fossés mal curés qui constituent Pissesaume, sont très vite engorgés en amont et en bordure de la route nationale

 

Les eaux ne s'écoulent qu'avec peine dans le lit naturel, longeant la route encaissée entre deux murs.

 

Un courant s'établit sous la poussée des eaux et au lieu de prendre la direction du Vidourle, elles courent vers Sommières par la route aboutissant à la rue Emilien Dumas et a la place du Bourguet. Puis, lorsque les égouts sont obstrué ou lorsque le Vidourle en crue, refuse de recevoir les eaux pluviales, elles continuent leur chemin vers la Grand'Rue, inondant les boutiques et les magasins pris, peut-on dire, à revers par l'inondation.

 

C'est ainsi que nous avons vu Pissesaume inonder Sommières en 1723 et plus près de nous en 1907 et en 1932.

 

Peut-on éviter ce danger ? qui n'est pas le moindre pour le quartier nord de la ville ?

 

Cet état de choses étant dû en grande partie, à l'insuffisance des moyens d'écoulement des eaux de pluie; le seul remède est de veiller au curage des fossés qui constituent Pissesaume.

 

Ce curage est le fait des riverains et de l'Administration des Ponts et Chaussées.

 

En ce qui concerne les premiers, il appartient à l'Administration préfectorale de les mettre en demeure.

 

Quant aux seconds, il devrait être inutile d'insister car le curage et Fapprofond'ssemen1: d»'s fossés sont ou devraient être, le fait normal d'un service des Ponts et Chaussées.

 

Le remède ne paraît pas être au-dessus des possibilités de ce service. Il a déjà transformé le caniveau de la route 120, en ponceau qu'il veille à l'élargissement du fossé de Pissesaume et le danger sera sinon en totalité, tout au moins en grande partie conjuré.

 

Le problème de Pissesaume n'est certainement pas au-dessus des forces humaines et il semble qu'il ne devrait même pa: être question de l'évoquer.

 

COMMENT PROTÉGER SOMMIÈRES CONTRE L’INONDATION DU VIDOURLE

Si l'on demande à un sommiérois son avis sur la protection de sa bonne ville contre le Vidourle, il répondra avec franchise, que Sommières ayant été bâtie dans le lit de la rivière, il est normal qu'elle soit inondée quand il vient de l’eau.

 

Les sommiérois sont habitués à la Vidourlade, ce qui ne veut pas dire qu'ils la souhaitent, à l'exception sans doute de enfants, qui ne vont pas à l'école ce jour-là !

 

Ils supportent Vidourle comme une fatalité devant laquelle il n'y a qu'à s'incliner périodiquement. La ville est dans l'eau. Qu'y faire ? On ne peut pas la déplacer. Il en est ainsi. Sic est.

 

Passe encore la petite vidourlade, celle qui ne dépasse pas le marché bas ? Les boutiquiers déménagent sans mal leurs marchandises et tout se traduit par un nettoyage exceptionnel.

 

Mais l'autre, la grosse ! Cela est une autre affaire. Le sommiérois débonnaire se fâche et devant l'étendue de ses pertes, il s'étonne qu'on ne puisse pas empêcher cela. Qui, on ? Les ingénieurs, l'Administration, l'Etat, peu lui importe. Il est contribuable et à ce titre, il entend ne pas être oublié par ceux qu'il contribue à entretenir.

 

Il s'est longtemps demandé par exemple, s'il était vraiment difficile d'être relié télégraphiquement par ligne directe, avec Vie le Fesq, Quissac et Sauve, qui le préviendrait.

 

Il voit le lit de la rivière peu à peu obstrué par des atterrissements de toute nature. II compte les arches de son pont et il note que trois seulement servent à l'écoulement des eaux.

 

Alors, comme il doute qu'un tel état de chose, soit normal, il s'adresse à son Maire, qui signale ces anomalies aux autorités supérieures. Mais le temps passe. La vie reprend ses droits. Le travail l'occupe et notre sommiérois attend avec patience car la patience est une vertu bien rurale.

 

Et cependant, sont-elles vraiment excessives, ces revendications ?

 

La Signalisation

La mise au point d'un système de signalisation, est une de ses revendications principales. C'est le télégramme que reçoit !a ville de Sommières de Quissac et de Sauve qui met en principe la population en éveil. En principe évidemment, car le guetteur sommiérois sonne l'alarme dès qu'il juge qu'il y a réellement péril.

 

Le sommiérois au reçu de la nouvelle, faire son petit calcul pour déduire la hauteur d'étagères qu'il devra déménager.

 

Le télégramme est donc essentiel. On se rappelle qu'en septembre 1933, le télégramme n'étant parvenu que lorsque la ville était partiellement inondée la population commerçante méconnut l'importance du sinistre qui la menaçait et perdit ainsi la plupart de sa marchandise.

 

Comment le télégramme est-il transmis ? En principe, disons à nouveau ; ce sont les guetteurs du service des Ponts et Chaussée qui, à Vic le Fesq, Quissac et Sauve notent les étiages. En fait, les maires le plus souvent se préviennent mutuellement.

 

Mais comment fonctionne ce service ? Il est évidemment facteur des consignes données aux guetteurs et de la diligence du service des Postes. Or, n'oublions pas que Sommières n’était pas jusqu'à ces derniers mois, relié a Vic le Fesq, Quissac et Sauve et qu'ainsi les communications devaient, de nuit comme de jour, passer obligatoirement par Nîmes.

 

Comment s'étonner alors que le télégramme du maire de Quissac mit une heure trois quarts pour parvenir à Sommière : au matin du 27 Septembre 1933. Aux siècles passés, c'était un cavalier qui apportait la nouvelle de la crue et la transmission n'était pas moins rapide !

 

Depuis des années, Sommières réclamait une liaison directe entre les villes riveraines du Vidourle. Après l'inondation de 1932, le maire de Sommières était revenu à la charge. L'Administration des P.T.T. se livra à une nouvelle étude et après mûres réflexions, refusa d'accorder le crédit d'environ quarante mille francs nécessité par cette ligne. Ceci se passait en l’été 1933. Quelques semaines après, Sommières non prévenue recevait le Vidourle et le bureau des P.T.T. de la ville ne fut pas épargné. Il en coûta quelques centaines de mille francs à l'Administration.

 

Il est inutile d'ajouter qu'après 1933, les réclamations furent plus violentes. Les maires des Communes sinistrées réunis à Sommières, le 7 Octobre 1933, mirent au nombre de leurs revendications les projets ci-dessous :

 

1 - Compléter la ligne téléphonique de la vallée en reliant Pompignan à Saint-Hippolyte, Sauve, Quissac et Sommières, par un circuit direct établi de façon à éviter l'interruption par une pose judicieuse de poteaux.

 

2 - Maintenir en service un second circuit par Nîmes et pouvant relier Sauve à Sommières et Quissac à Sommières.

 

3 - Permettre au maire de Sommières deux fois par an, avant l'époque des équinoxes, d'alerter les divers bureaux pour se rendre compte du fonctionnement du service.

 

Enfin ils ajoutèrent :

 

4 - Installer à Sauve, Quissac et Sommières des sirènes, du genre de celles employées dans la marine, entrant en fonction sous l'effet des eaux elles-mêmes à un étiage inférieur à l’étiage du débordement.

 

Le Conseil général de son côté et le Conseil d'arrondissement de Nîmes ensuite, confirmèrent ces vœux en réclamant une enquête sérieuse sur les retards causés par les services compétents dans la signalisation de la crue du 27 Septembre 1933.

 

Qu'est-il advenu à la suite de cette action ?

 

Une première satisfaction a été obtenue.

 

Le service des P.T.T. ne voulant pas persévérer dans un entêtement ridicule, diabolicum perseverare, s'est décidé à accorder la liaison directe entre les villes riveraines.

 

Sous l’action du préfet, le service des Ponts et Chaussée a bien voulu lui aussi abroger les consignes non moins, ridicules, données à ses guetteurs et aux termes desquelles, nous a-t-on assuré, aucune surveillance n'était exigée d'eux de onze heures du soir à six heures du matin.

 

A onze heures trente, le 26 septembre, il y avait à Sauve, six personnes de noyées.

 

Un nouveau règlement de signalisation a été élaboré par la préfecture. Il prévoit, ce qui est logique, l'interruption du téléphone par temps d'orage et la création d'émissaires chargés de transmettre les observations toutes les fois qu'il se produit une chute abondante de pluie. Trois émissaires à Saint-Hippolyte et à Vie le Fesq, emprunteront si besoin est, une automobile pour aller, en personne, alerter les maires des communes inondables. La dépense sera supportée par les départements et les communes intéressées.

 

Il ne reste maintenant qu'à souhaiter que les nouvelles consignes soient appliquées en temps opportun. Mais il sera prudent, croyons-nous, de la part des maires de procéder aux époques des équinoxes, à des essais vérificateurs.

 

La question des atterrissements

Elle préoccupe, à juste titre les sommiérois ; la croissance, régulière des atterrissements tant en amont qu'en aval du pont romain, devient en effet inquiétante.

 

Le bassin du Vidourle en amont du pont, a perdu sa profondeur et sera guéable à pieds secs d'ici peu. Le temps n'est plus où le 2e génie de Montpellier venait faire en ces lieux, ses exercices de ponts !

 

Quant à la partie située après les écluses du moulin de la Grave, elle se transforme en réserve de graviers, qu'amalgame une abondante végétation.

 

Que peut faire la ville ? Demander le curage de ce lit. C'est ce qu'elle a fait avant la crue de 1932. Mais jusqu'à maintenant elle s'est heurtée à la loi du 8 avril 1898 sur les rivières non flottables.

 

Cependant, un rapport a été rédigé dès le 28 septembre 1932 par l'ingénieur du service hydraulique qui évaluait les dépenses à 500 mille francs environ. La ville vota le 18 novembre 1932, le principe d'une contribution et le projet fut transmis à nouveau au service compétent pour étude complémentaire.

 

Qu'est-il devenu depuis ? Nous l'ignorons.

 

Cependant en songeant que la loi et les circulaires explicatives exigent un décret pour autoriser la dépense, nous devenons sceptiques.

 

Restent donc les initiatives privées. Nous ne les citerions que pour mémoire si grâce à l’action du maire de Sommières, le service vicinal de l'Hérault n'avait demandé l'autorisation de prendre du gravier en aval du moulin de la Grave, pour l'empierrement de ses routes.

 

Il y a là, à n'en pas douter, un moyen très intéressant d'utiliser ces atterrissements si dangereux.

 

Sommières a donné un exemple qui peut être précieux et qui mérite certainement d'être attentivement considéré.

 

La question du pont et du faubourg

Une dernière question inquiète la population sommiéroise.

 

Faut-il démolir le pont de Sommières et le remplacer par un pont suspendu ou par un pont à une seule arche en ciment armé ?

 

Et d'abord pourquoi le démolir ? Parce qu'il est un obstacle d'autant plus sérieux au passage des eaux qu'à mesure que leur niveau s'élève, il leur laisse de moins en moins de place pour passer.

 

Le fait est d'autant plus certain qu'en 1933, il y avait une différence de niveau très sensible entre l’étiage en amont et en aval du pont sur les quais.

 

Le pont constitue certainement un gros obstacle. Mais est-ce un argument suffisant pour souhaiter sa disparition ?

 

 

Le pont de Sommières constitue un obstacle au passage

des eaux à mesure que leur niveau s’élève…

 

Il n'est pas douteux que peu de sommiérois l'auraient regretté au matin du 27 Septembre 1933, si le Vidourle, dans sa furie, l'avait emporté. Ne parlait-on pas de le faire sauter ?

 

Certes, les vieux sommiérois, dans la suite, l'auraient regretté, car tout compte fait, le pont, c'est l'âme de la ville.

 

Romain ? Il le fut, s'il ne l'est plus encore. De multiples opérations l'ont transformé au cours des âges, et certainement si on dégageait un jour les arches (toujours existantes) qui servent de base aux maisons de la rue du Pont, on ne saurait les comparer à celles qui enjambent le fleuve.

 

Eh bien ! Que ceux qui partagés entre deux sentiments, respect du passé et protection de la ville, balancent leur jugement se posent une question préalable.

 

Qui sera compétent pour décider cette démolition ?

 

Qui dressera le plan du futur pont ?

 

Qui supportera la dépense ?

 

Dans combien de temps l'opération sera-t-elle terminée ?

 

Qu'ils soient désormais tranquilles... Avant qu'ils aient une réponse, il en sera passé de l'eau sous le vieux pont...

 

Et maintenant que ne dit-on pas aussi sur le faubourg.

 

Loin de nous de vouloir le supprimer ce faubourg où d'après la légende, se seraient donné rendez-vous les réboussiers.

 

Sans doute il eut été prudent de ne pas le construire... Tout au moins dans son état actuel.

 

Le faubourg arrête les eaux. C'est l'évidence. A cela il n'y a plus rien à faire.

 

La ville après les inondations de 1907, a prévu à juste titre, un chemin partant de la route du Petit Gallargues vers la route de Montpellier.

 

L'entrée de ce chemin ouvre aux eaux un passage, il n'y qu'à l'entretenir.

 

Conseillons aux sommiérois d'éviter dans ce quartier les constructions en forteresse et lorsqu'ils reconstruiront leurs murs emportés par les eaux qu'ils remplacent par des grilles amovibles, leurs « hugés » et leurs ciments.

 

LA PROTECTION EN AMONT DE SOMMIÈRES

En amont de Sommières, le Vidourle traverse, les deux chefs-lieux de canton de Quissac et de Sauve. Ces deux petite!!! villes, comme Sommières. souffrent des débordements de la rivière, l'une dans les quartiers dits de la Vabre, l'autre dans le quartier du pont.

 

Si en étendue, la partie inondée est moins grande qu'à Sommières, dans chacune de ces villes, le souvenir des inonda-tions de 1933, rappelle que les crues du Vidourle peuvent être très dangereuses dans ces deux localités.

 

Alors qu'il faut remonter à 1723, pour enregistrer à Sommières des victimes de l'inondation, à Quissac et à Sauve six personnes noyées ont été comptées après la crue catastrophique de l'automne 1933.

 

La violence des eaux à Sauve notamment, a balayé la pin part des maisons de la Vabre, détruisant quasi complètement en quelques heures ce quartier coquet et plaisant.

 

Est-ce possible d'éviter ici de pareils désastres ?

 

Les eaux dévastatrices arrivent avec une rapidité telle, que b question de la signalisation des crues passe ici au second plan.

 

Sans doute est-il indispensable que les villes de Saint-Hippolyte. Sauve et Quissac soient reliées entre elles afin qu'elle» aient la possibilité de se mettre en garde contre l'inondation

 

Mais une telle organisation  soulève de grosses difficultés d'organisation dans les bassins des affluents torrentiels en amont de Sauve.

 

En septembre 1933, la trombe d'eau est tombée sur le Rieu Mazel, habituellement sans eau et qui traverse une région quasi désertique et peu habitée.

 

Au surplus, la signalisation n'évite pas l'arrivée des eaux. Il faut envisager d'autres moyens.

 

A n'en pas douter, pour que les eaux courent avec moins de vitesse sur les terrains rocailleux, il faudrait que quelque chose les retint et modérât ainsi leur course.

 

Cela, c'est d'abord le fait du reboisement.

 

QUESTION DU REBOISEMENT

Le reboisement en effet est seul capable de créer une couche spongieuse sur le sol, couche qui retiendra les eaux pluviales et empêchera qu'elles ne ruissellent entraînées par la pente du torrent.

 

Que les grandes inondations soient, pour reprendre l'expression de M. Roger Ducamp, « filles bâtardes de la déforestation », cela n'est contesté par personne.

 

Il faut donc reboiser, pour améliorer et étendre la masse absorbante. D'où la nécessité de constituer de très vastes masses forestières et créer des forêts pleines « sans vides ni clairières couvrant le sol d'une couche épaisse d'humus au pouvoir absorbant ».

 

Ce qui par surcroît, aggrave la situation présente c'est que sur la plupart des régions intéressées, poussent des chênes verts, dont les feuilles au sol ne constituent que des éponges de fort mauvaise qualité.

 

Comment remédier à cet état de choses ? En reboisant. Sans doute. Mais, d'abord, peut-on reboiser ?

 

Il ne semble pas à priori que la question puisse présenter de grosses difficultés. Il est toujours possible de planter des arbres.

 

En fait les conditions sociales interviennent et leur rôle est bien souvent prépondérant.

 

M. Flaugère estime, et nous partageons son avis- que le morcellement de la propriété dans ce pays d'économie essentiellement agricole et pastorale, est un gros obstacle.

 

La forêt suppose de vastes étendues sur lesquelles ne doit pas aller le troupeau, car le troupeau est le grand ennemi de l'arbre. Ce sont ces étendues forestières qu'il faudrait reconstituer en dépit, n'en méconnaissons pas l'existence, du danger d’incendie au cours des étés secs.

 

Or, la propriété est très morcelée, les grands domaines ont souvent disparu et parfois même, les biens communaux ont été vendus.

 

L'idéal serait comme le préconise M. Ducamp « de mettre sur pied un vaste programme d'acquisition facile aujourd'hui et cela sous forme de masses trapues, installées là où elle conviendra le mieux ; acquisition à la cadence de 2,000 ha par année. Dans un quart de siècle les pays d'en haut comme les pays d'en bas seraient assurés contre le pire ».

 

Cette œuvre, dit-il, doit être celle de l'Administration des Eaux et Forêts sous l'égide du Conseil Général « se constituant ainsi pour lui-même, un beau domaine forestier de protection ».

 

A priori, il ne parait pas que cette tâche soit irréalisable.

 

Cependant la question du déboisement n'est point une question d'actualité. Il y a bien longtemps qu'elle a été posée, sans connaître de solutions !

 

Grangent dans la description abrégée du Département du Gard, qu'il rédigea en l'An VIII, a destination du Ministre de l'Intérieur, notait déjà avec une certaine mélancolie :

 

« Le défaut de surveillance des gardes, les entreprises des propriétaires qui conduisent leurs troupeaux dans les forêts, où ils commettent des dégâts immenses en dévorant les jeunes pousses, la fureur des défrichements mal entendus, tout semble concourir à la destruction du bois de chauffage et à nous priver totalement des bois de service et de construction. Il serait très important que ces dévastations eussent un terme, et que les forêts du département qui  n offrent plus aujourd'hui que de vastes garrigues, peu propre même à la dépaissance, fussent reboisées et rigoureusement surveillées ».

 

La question se pose toujours de la même façon. Mais pour l'immédiat, il faut se borner à deux choses : enrayer le déboisement et améliorer la forêt qui existe.

 

Enrayer le déboisement, ce n'est pas seulement une question d'ordre agricole. Il est un côté psychologique qu'il ne faut point oublier, dans cette action. Il se résume par ces mots : apprendre aux populations rurales l'amour et le respect de l'arbre.

 

On dit couramment : le paysan n'aime pas les arbres.

 

C est malheureusement plus vrai qu'il ne faudrait. Le paysan trouve l'arbre improductif et il l'arrache. L'arbre fait de l'ombre et si le touriste la recherche, le paysan constate qu'elle est néfaste à la culture et il la maudit.

 

Chacun sur cette terre juge selon son point de vue personnel. En l’occurrence, il y a certainement des moyens de conciliation possible. Il faudrait que l'arbre trouvât dans le paysan un défenseur naturel. Que dès l'école, un enseignement adéquat soit donné à l'enfant appelé à vivre à la campagne, et que plus tard, les organes de  vulgarisation, la presse et surtout les pouvoirs publics régionaux ne manquent jamais l'occasion de célébrer et d'honorer l'arbre. Ainsi se créera peu à peu une ambiance  favorable dont les effets seront certainement plus heureux qu'on ne peut l'espérer à priori.

 

Cependant le reboisement ne peut résoudre entièrement le problème. Il n'offre qu'une solution lointaine.

 

Pour pallier au mal présent, et qui menace désormais de plus en plus à chaque automne, d'autres moyens peuvent être envisagés.

 

RÉSERVOIRS ET BASSINS ARTIFICIELS

Puisque les eaux pluviales dévalent avec une rapidité torrentielle pourquoi ne pas essayer de ralentir leur course par des barrages appropriés ?

 

Le problème est séduisant.

 

Pour certains, M. Eugène Pintard a bien des fois préconisé ce projet, la création de vastes réservoirs, un peu sans doute à l'image de ce magnifique lac artificiel des Settons, dans l’Avallonais, ou des réservoirs prévus pour régulariser le débit de la Seine, pourrait être mise à l'étude.

 

Pourquoi ne pas examiner le problème ? A la vérité, il soulève de gros obstacles, car le bassin du Vidourle proprement dit n'est pas particulièrement propice à une tentative de cette nature. Au surplus est-il techniquement possible de réaliser une telle entreprise ?

 

Il faut tenir compte d'abord du cube d'eau qui, en un temps minimum, descend de nos montagnes et surtout de la nature du sous-sol. Nous sommes ne l'oublions pas, sur du calcaire qui n'offrirait peut-être pas une assise suffisante à l’élévation d'un barrage. Il appartient à des techniciens de donnée leur avis. Pour notre part, comme la question a été souvent posée il faudrait de toute nécessité que les hommes de l’art une fois pour toutes, condamnent ou approuvent l'entreprise afin que l'opinion publique fut définitivement fixée sur son sort. (1)

 

(1) II n'est pas sans intérêt de noter ici que l’intercommunication des bassins de l’Hérault et du Vidourle par la ville de Ganges a été envisagée en 1825, ainsi que la communication des bassins du Vidourle et du Gardon, comme des solutions pour la régularisation de ces cours d’ eau.

 

BARRAGES

A l'inverse de la solution qui préconise la création de lacs artificiels, celle du barrage n'ayant pour mission que de retenir la course des eaux, paraît plus réalisable.

 

Ici le but est limité. Sur le Vidourle et sur ses affluents, en des lieux où le terrain le permettrait, il serait dressé un barrage ouvert partiellement, régularisant le débit des eaux.

 

On imagine facilement la solution.

 

Si pareil barrage avait existé par exemple sur le Rieu Mazel, la trombe d'eau au lieu de passer à Sauve, en une heure à peine, aurait mis quelques heures. Le niveau eut été moins élevé, la violence moins grande et le désastre arrivé, ne se serait pas produit.

 

La présence dans cette partie du bassin du Vidourle de région ravinée quasi désertique, et de peu de valeur justifie la conception d'un tel projet. Au surplus l’étroitesse du bassin du Vidourle en amont de Sommières, au pied du Mont Redon, pourrait donner lieu par exemple, à un intéressant examen d'une telle solution.

 

Si à l'étude, ce mode de protection, ou tel autre, se révélait possible et utile, sa réalisation ne devrait, répétons-le encore, se heurter à aucun obstacle financier.

 

-oOo-

 

Enfin, il ne faut pas méconnaître comme élément certain jouant dans la fréquence de nos inondations, l'abandon par le paysan cévenol des terres du pays haut. Le paysan cultivait en « faysses » les pentes de nos montagnes. Avec une patience et une ténacité remarquables, il avait construit au cours des siècles ces espaliers qui retenaient la terre, et en temps d'orage, ralentissaient la course des eaux.

 

Le paysan est descendu vers la vallée, abandonnant son champ. Son fils n'a plus entretenu les mas qui se sont effondrés peu à peu. La pluie a fait son œuvre. A chaque tempête elle a complété ses effets et désormais les pentes qui se présentaient autrefois sont aujourd'hui désertes. Les mas sont maintenant en ruine et la terre, anciennement source de petite richesse et de vie, a été entraînée dans le ravin.

 

Comment remédier à cet état de choses ?

 

Et d'abord est-ce  possible ?  C'est tout un problème social qui se pose et nous nous garderons de l'aborder ici.

 

LA QUESTION DU CURAGE

ET DE L'AMÉLIORATION DES COURS D'EAU NON NAVIGABLES

En bien des endroits de sa course, et surtout dans son cour» inférieur, le lit du Vidourle est largement obstrué. A l'embouchure même, le petit fleuve n'entre plus qu'avec peine, dans l'étang du Repausset. Cette situation est évidemment fâcheuse pour l'écoulement des eaux qui débordent sous la poussée des masses descendantes.

 

Pour régulariser le cours de la rivière, il faut donc avant toute chose, s'assurer que dans le lit même, rien ne vient obstruer le passage des eaux. Se pose alors la question du curage des cours d'eau non navigables ni flottables, question qui à l'heure actuelle,  est résolue par la loi du 8 avril 1898, récemment modifiée par un décret-loi.

 

On sait en effet, qu'en principe aux termes de cette loi, le eu rage incombe aux seuls riverains et usiniers qui disposent à leu gré de la moitié du lit de la rivière. Leurs pouvoirs ne sont limités que par des servitudes anciennes qui d'ailleurs, sont le plus souvent sources de nombreux conflits.

 

Il n'est pas besoin de se livrer à une étudie critique approfondie de ce texte, pour mettre en lumière les inconvénients d'une telle législation.

 

Les riverains immédiats ne sont pas les seuls à être intéressés au sort de la rivière. Sans doute tous ceux qui possèdent des moulins et des usines mues par la force hydraulique, apportent-ils tous leurs soins au curage des cours d'eau.

 

Mais outre que l'industrie moderne, notamment en ce qui concerne les moulins, se passe facilement de la force hydraulique, la cherté de la main-d'œuvre grève fortement les riverains chargés de l'entretien du lit. En sorte que, même sur le bord de la rivière dont l'énergie était utilisée, on ne trouve plus comme autrefois, cet ensemble de moulins et d'usines, pittoresques le plus souvent, qui Constituaient une source appréciable de profits pour les populations rurales.

A plus forte raison la situation des cours d'eau torrentiels traversant des régions pauvres et  dénudées, est-elle devenue de plus en plus précaire.

 

Sans curage, la rivière ne se dirige plus dans son bassin qu'au gré de sa fantaisie.

 

On voit les conséquences de cet état de choses,  surtout dans le cas de rivières, qui à l'image de notre Vidourle, sont sujettes à de fréquentes inondations.

 

Cette question est apparue d'une gravité extrême et le législateur s'est soucié de ses répercussions sur l'économie rurale du pays.

 

Plusieurs propositions de loi ont été déposées en vue de remédier à cette situation. L'aide de l'Etat a naturellement été demandée, car dans notre pays  fortement centralisé, l’Etat est devenu le grand confident de ses communes. Les conseils généraux et les chambres d'agriculture ont suggéré certaines mesures comme par exemple l'assimilation des cours d'eau aux chemins vicinaux dont l'entretien est assuré par les communes.

 

Mais cette dernière solution est notamment en désaccord avec l'esprit de la législation actuelle qui assure aux riverains la propriété de la rivière et de ses produits (matériaux extraits et poissons) et qui d'autre part, lui confère le droit à l'usage des eaux.

 

Au surplus, il ne peut être question de prévoir une solution uniforme pour tous les cours d'eau de France. Certains sont encaissés et n'atteignent jamais, même en temps de crue, que les seuls riverains, d'autres coulent en plaine et leurs débordements s'étendent sur de larges espaces.

 

Dans cette dernière hypothèse l'intervention de la commune, même si elle n'est pas propriétaire de terres riveraines, se conçoit, car c'est elle qui au point de vue administratif, a à charge les intérêts dé tous les habitants.

 

Cependant la législation de 1898,  lui  interdit  toute immiscion et c'est pourquoi nous voyons nos communes riveraines, du Vidourle désarmées devant l'inaction ou le mauvais vouloir des propriétaires riverains.

 

Les diverses propositions parlementaires faites pour remédier à cet état de choses ont été groupées d'ans un projet de loi qui été déposé à la Chambre des Députés le 7 juillet 1932.

 

Voici l'économie de ce projet :

 

Facilité accordée aux communes de procéder à des travaux de curage ou d'amélioration des cours d'eau traversant leurs territoires. Si la rivière traverse plusieurs communes celles-ci seront autorisées à se constituer en syndicat pour l'exécution de ces travaux qui devront toujours être justifiés par la salubrité, la défense entre les inondations ou la conservation et le développement de la production agricole.

 

Les opérations seront faites sous le contrôle de l'Administration comme les entreprises de même nature exécutées par des associations syndicales autorisées.

 

Elles conféreront aux communes qui les exécuteront, tous les droits et toutes les servitudes dont disposent à l'heure actuelle, soit en vertu de la loi de 1898, soit de par la jurisprudence, les associations autorisées.

 

Ce texte a été voté par la Chambre des Députés en octobre 1933.

 

Il est resté longtemps en instance au Sénat et il y serait probablement encore, s'il n'avait fait l'objet d'un des multiples décrets-lois qui ont inondé, le terme est de circonstance, Journal officiel du 31 octobre 1935. Car contrairement à toute attente, c'est au nom de la défense du franc que le gouvernement a tiré d'un sommeil de deux ans, ce texte auquel nul ne songeait plus.

L'article 1er de ce décret précise les points suivants :

 

« Les départements et les communes sont autorisés à exécuter et à prendre à leur charge, soit isolément, soit après constitution d'institution inter départementales ou de syndicats de Communes, le curage et l'amélioration de cours d'eau non navigables et non flottables situés sur leur territoire et qu'ils désigneront lorsque ces travaux présenteront pour eux un intérêt général au point de vue de la salubrité, de la défense contre l’inondations, ou de la conservation et du développement de la production agricole ».

 

L'article 2 prévoit notamment pour l'exécution de ces travaux, la participation obligatoire aux frais de curage des riverains. Mais il faudra à cet effet l'autorisation d'un décret pris après accomplissement d'une instruction dont les formes seront déterminées par un règlement d'administration publique.

 

Tel est le nouveau texte qui modifie sensiblement les dis positions de la loi du 8 avril 1898.

 

Cette dernière loi ne permettait pas, en effet, et il parait utile de le rappeler encore, aux collectivités locales d'assuré l'exécution des travaux de curage. Elle prévoyait seulement la participation des communes lorsque les travaux intéressaient-la salubrité publique et encore ces dispositions ne faisaient el-les pratiquement l'objet que de bien rares applications.

 

Désormais dès que les opérations présenteront une utilité générale indiscutable, l'intervention des départements et or communes pourra procurer des moyens plus efficaces pour rétablir le libre cours des eaux.

 

Ce texte est important. Il confère le droit aux collectivités d'agir sur leur territoire même si les propriétaires riverains s'y opposent à la manière de feu M. de Montgranier dont on voulait détruire la saulaie. Il y a là à n'en pas douter, une sorte d'expropriation pour cause d'utilité publique, qui porte atteinte aux droits des riverains qui en principe, ont la libre propriété de la moitié du lit de la rivière.

 

Si l'on envisage l'application de ce décret à notre Vidourle; il laisse la possibilité a une Commune d'intervenir, soit isolément, soit en groupant ses efforts avec d'autres collectivités riveraines. Aujourd'hui la ville de Sommières par exemple triompherait de la résistance de MM. Descous, Bonnaure et Castan. Il permet en outre l’action du département du Gard agissant seul, ou avec la collaboration de celui de l'Hérault dans l'étude, pour fixer les idées, du problème de l'embouchure et du détournement vers l'étang de Mauguio, par la branche dite de Cogul.

 

Ces points sont intéressants à préciser en vue- d'une action éventuelle et il appartient aux administrations intéressées de pousser plus à fonds leurs investigations à ce sujet.

 

Sans doute des difficultés pourront être soulevées par quelques propriétaires récalcitrants, attachés aux droits qu’ils avaient coutume d'exercer sur leurs rives. Mais elles n'arrêteront pas l'action commune qui en la circonstance doit nécessairement triompher d'un individualisme trop étroit.

 

Au surplus l'article 2 du décret-loi va plus loin encore. Il stipule que les propriétaires eux mêmes pourront être contraints à contribuer aux frais. A la vérité, c'est logique puis qu'ils seront les premiers à en tirer profit.

 

Mais il faudra dans ce cas l'approbation d'un décret. Pour être précis, car nous attachons une importance capitale à tous ces textes dont nous demanderons l’application au Vidourle ajoutons que le décret portant règlement d'administration publique prévu par le décret-loi du 30 octobre 1935 est paru le 2 juin 1936 (Journal officiel du 12 juin 1936) et qu’il a été suivi de deux circulaires du Ministre de l'Agriculture en prévoyant les modalités d'application, l'une publiée an Journal officiel du 26 Juin 1936 et l'autre en date du 19 juillet 1936, parue au Journal officiel du 28 juillet 1936.

 

Les riverains victimes périodiquement des inondations, attendent maintenant que l'on passe aux actes.

 

Les dispositions ci-dessus dont la mise en vigueur peut certainement être bienfaisante, surtout en ce qui concerne le eu rage proprement dit du lit du Vidourle, ne doivent pas faire perdre de vue les solutions subsidiaires. Le curage peut être partiellement obtenu en adoptant des procédés, moins réglementaires.

 

Il en est un relativement facile qui dépend de la seule initiative des Ponts et Chaussées.

 

Le Vidourle dans son cours moyen tout au moins, transporte dans chacune de ses crues, des graviers et du sable fin L'un et l'autre sont utilisés dans la construction. Mais ils trouvent actuellement un usage sur les routes, après le goudronnage, et les Ponts et Chaussées du département de l'Hérault l'emploient couramment.

 

A Sommières, nous l'avons noté, la Ville a donné gratuitement à ce service les graviers lui appartenant et certains propriétaires riverains comprenant l'intérêt de l'entreprise, en ont fait autant. En sorte que pendant plusieurs mois, en aval du pont, un grand chantier est resté ouvert. Il ne fait aucun doute que cette entreprise, si elle est poursuivie, aura pour effet de contribuer à donner au Vidourle un lit normal.

 

Sur plusieurs centaines de mètres en effet, les atterrissements sont tels que le Vidourle doit se contenter pour couler d'un filet de quelques mètres, alors que le lit total atteint 80 m. environ.

 

Sur la rive droite, les anciennes digues construites après 1754, visibles encore, n'apparaissent qu'à leur sommet. Les graviers, le sable, la terre constituent une sorte de plan incliné sur lesquels les arbres ont poussé et le tout forme un obstacle certain au passage des eaux, dès qu'il y a commencement de crue.

 

Le milieu du lit après le pont submersible de Villetelle

 

Libérer dans toute la mesure du possible le lit du Vidourle des entraves qui s'y sont amoncelées, est faire œuvre utile et nous croyons pour notre part que Sommières éviterait les petites inondations si le lit du Vidourle était parfaitement libre en amont et surtout en aval du pont romain.

 

Le curage de tout le lit jusqu'à la mer et l'entretien de' berges est-il un projet si chimérique ?

 

Le lit du Vidourle en amont du pont de Saint-Laurent-d’Aigouze

 

Quand on constate l'importance des atterrissements, non seulement après Sommières, mais encore après le pont de Ville telle, au pont de Lunel et au pont de St Laurent d'Aigouze, l'entreprise parait vaste. Il y en a des mètres cubes dé terre à enlever !

 

II faut espérer, sans plus attendre, que les services du département du Gard, imiteront ceux de l'Hérault, et c'est dans ce but que le Conseil Général du Gard lors de sa session de 1934, a émis le vœu ci-dessous :

 

Vœu de MM. Mabelly, Boucoiran et Revest :

 

« Le Conseil considérant que rien ne doit être négligé de ce qui peut diminuer l'importance des crues en facilitant l'écoulement des eaux dans le lit des rivières dont les crues sont à redouter, que l'extraction des graviers est une de ces mesures, qui sans aucune dépense, peuvent faciliter cet écoulement, et d'autant plus que cette extraction porte sur de quantités importantes que les entreprises d'extraction trou vent des débouchés plus nombreux pour l'emploi de ces matériaux :

Considérant que les graviers concassés du Vidourle notamment sont employés couramment et avec succès pour le gravillonnage des chaussées goudronnées par le département de l'Hérault, qui en extrait actuellement 30.000 mètres cubes  dans la seule région de Sommières :

 

Demande au Service Vicinal de remplacer, dans la plus large mesure possible, et toutes les fois que son emploi n'est pas plus onéreux, le gravillon de carrière par le gravillon concassé des rivières.

 

Et émet le vœu que l'Administration des Ponts et Chaussées adopte elle aussi cette pratique qui peut avoir d'heureux effets sur les conséquences des crues ».

 

-oOo-

 

La bienveillance du Gouvernement ne s'est pas contentée de texte, préparé par les services du Ministère de l'Agriculture qui a fait l'objet du décret-loi du 30 octobre 1935. Le Ministère des Travaux Publics de son côté, s'est préoccupé de la question des cours d'eau turbulents, et il a soumis à la signature du Président de la République, un autre décret-loi relatif aux mesures à prendre pour assurer l'écoulement des eaux.

 

Il s'agit bien, l'exposé des motifs le précise, des eaux d'inondation et le but du décret est de « mettre les pouvoirs publics en possession d'un texte leur permettant d'intervenir pour réglementer dans l'intérêt général, l'établissement dans les parties submersibles des vallées, de constructions, plantations, ou tous autres ouvrages ou obstacles, susceptibles de nuire à l'écoulement des eaux ? »

 

Cette mesure doit avoir un double effet : celui de mettre les bâtisseurs à l'abri des risques qu'ils encourent en construisant dans une zone dangereuse, et partant celui de diminuer les charges du Trésor qui vient en aide aux victimes des inondations.

 

L'argumentation du rapport au Président de la République est très judicieuse. L'auteur dit avec raison que « si les remblais des dépôts, des constructions de toute nature, or des plantations établies inconsidérément  sur les champs d'inondation, viennent réduire leur largeur ou si l'écoulé ment naturel de l'eau y est retardé par des obstacles quelconques, le débit reçu d'amont ne pourra s'écouler que moyennant une montée supplémentaire de la crue et cette montée se fera sentir non seulement sur le champ d'inondation lui-même, mais en amont de celui-ci sur une certaine longueur de la vallée ».

 

La nécessité d'étendre le champ d'application de la loi du 28 mai 1858 réglementant la construction des digues ne pouvait être plus opportune.

 

Le nouveau décret-loi serait certainement d'une application utile à la vidourlenque... si l'article 1er de ce décret énumérant limitativement les fleuves et rivières de France dont les digues, remblais dépôts de matières encombrantes, clôtures, plantations, constructions ou tous autres ouvrages, sont susceptibles de faire obstacle à l'écoulement dès eaux, prévoyait l'application de ce texte au Vidourle.

 

Sur la Méditerranée, de l'Hérault la liste passe au Var, sautant le Lez et le Vidourle.

 

Les débordements mémorables de ces deux petits fleuves survenus en 1933, n'ont pas eu d'écho au Ministère des Travaux Publics. Les sinistrés à la vérité, s'en doutaient quelque peu. Peut-être n'ont ils pas fait encore assez de bruit pour que leurs doléances fussent entendues dans les services du Boulevard Saint-Germain.

 

Quoi qu'il en soit, voilà là un beau champ d'activité pou l'initiative parlementaire. Même si le vote d'une proposition de loi de cette nature, ne devait avoir aucune suite immédiate au moins sauvegarderait-il l'avenir ?

 

LE CONSEIL GENERAL DU GARD

ET LA PROTECTION CONTRE LES VIDOURLADES

Le Vidourle dans sa course relativement courte, traverse le territoire dés quantons de Saint-Hippolyte, Sauve, Quissac, Sommières, Vauvert, Aigues-Mortes, et arrose le chef-lieu des quatre premiers cantons.

 

Ces villes figurent parmi les plus importantes du département du Gard tant au point de vue du chiffre de leur population que de leur activité économique.

 

Les vidourlades sont pour leurs habitants des causes c1 pertes souvent sérieuses. Et même lorsque les dégâts sont limités, elles constituent  un  élément  de  perturbation bien fâcheux.

 

De tous temps, les victimes du Vidourle ont fait entendre des doléances. Les particuliers s'adressent à leur commune, et celles-ci, selon l'époque, ont fait appel à l'aide du Diocèse du Département, des Etats ou de l'Etat.

 

Ces appels, il faut le reconnaître, n'ont pas toujours été vains. Des travaux ont été projetés, d'autres exécutés. Ils n'ont pas cependant apporté de solution définitive. Il est difficile aux hommes, même avec l'aide puissante de la science, de lutter contre les forces de la nature avec succès.

 

Le chapitre qui va suivre éclairera sans doute sur les causes de ces échecs, ceux qui ont précédé permettent de mieux comprendre le rôle limité quant à ses effets, de l'Assemblée départementale du Gard, en cette affaire.

 

Certes, la question du Vidourle. a été plusieurs fois évoquée devant le Conseil Général et les Préfets ont bien souvent entendu les doléances des sinistrés.

 

Dans sa séance du 9 février 1810 notamment, le Conseil Général eut à délibérer sur les ravages que causaient le Vidourle dans les plats pays. Il prit à cette occasion une délibération pleine de bon sens et de logique.

 

« Les maux qui résultent de cet état de choses, observa-t-il, peuvent être facilement réparés. Il s'agit de redonner au Vidourle l'embouchure qu'il a eu autrefois et que la nature lui avait tracé dans l'étang de Mauguio.

 

M. le Préfet est prié de vouloir appeler l'attention des Communes intéressées et de MM. les Concessionnaires du Canal sur ce moyen simple et certain et dont les avantages sont incontestables ».

 

Le 9 juin de la même année, il signalait à nouveau l’urgence de cette mesure.

 

Comme si cela devait être une gageure, quinze ans plus tard, l'Administration déviait le Vidourle et lui fermait « ce lit que la nature lui avait tracé dans l'étang de Mauguio ».

 

A la vérité les auteurs de ce projet pensaient comme on l’a vu, plus de la sorte à dégager la passe du Grau du Roi, qu'à lutter contre les inondations et ils s'inquiétaient plus de la navigation dans le canal que de la lutte contre le Vidourle Mais, en laissant l'île Montago s'étendre à l'entrée du Repausset, et en s'abstenant de surveiller l'entretien du nouveau lit, ils ont privé le Vidourle d'embouchure. Résultat certainement contraire à leurs prévisions.

 

Arrivent le XXe siècle, et les inondations catastrophiques de 1907, 1932, 1933, 1934. Sommières, note un rapport du Préfet, de 1934, a demandé en 1907 à la suite de ces désastres, qu'un projet fut étudié par l'Administration. De leur côté les communes en aval ont sollicité l'étude d'un projet général de curage entre Gallargues et le Grau du Roi.

 

« En 1908 et en 1914 notamment, le Conseil GénéraI du Gard, a été saisi, d'une façon instante, d'une demande de subvention pour la mise à l’étude de ce projet. Il a émis à ces deux reprises des vœux qui ont été renouvelés en 1932 et 1933 ».

 

Les ingénieurs consultés chiffrèrent la dépense à 14 millions pour l'aménagement du Vidourle de Gallargues a la mer, permettant ainsi l'écoulement rapide des crues importantes.

 

« Une tentative de création d'un syndicat de communes qui aurait groupé Gallargues, Aimargues, Saint-Laurent d'Aigouze, le Cailar fut faite par l'Administration. Une entente ne put se réaliser ».

 

Au surplus, les ingénieurs étaient d'avis que cette tentative n'aurait aucune chance de réussite. Dès lors, aucune décision ne fut prise et la guerre de 1914-1918 survint sans qu'aucune amélioration n'ait été apportée à la situation.

 

Après la guerre, le danger n'avait fait que s'accroître, et seule une période de sécheresse sauva la situation.

 

La ville de Sommières cependant, la plus vulnérable, ne fut pas dupe de la passivité du Vidourle, et avant l'automne de 1932 souligne le Préfet, son Maire demanda instamment, le curage du Vidourle en amont du pont ainsi que le dégagement de cet ouvrage, en offrant de faire participer la ville à la dépense. Il fallait un décret pour autoriser la chose En septembre 1933, on l'attendait encore...

 

L'initiative préfectorale n'a pas encore eu d'épilogue. Seuls ont été exécutés en 1934, des travaux qui ont dû déboucher l'étang du Repausset à l'entrée du Vidourle. Ils avaient pour mission de donner au Vidourle, libre accès à la côte zéro, dans l'étang. Puissent-ils se révéler efficaces...

Nous nous permettrons cependant d'être sceptique sur leurs effets réels.

 

Au surplus, ceci fait... tout encore restera à faire pour assurer à l'ensemble de la population riveraine du Vidourle quelque tranquillité dans l'avenir.

 

On sait en effet, qu'en octobre 1934, lorsque la crue était à son maximum à Sommières, les grosses eaux n'étaient pas encore arrivées au pont de Lunel.

 

Aux dernières nouvelles, les ingénieurs du Service hydraulique des départements du Gard et de l'Hérault ont fait un rapport qui a été adressé au Ministre des Travaux Publics, r le Conseil général du Gard a voté lors de sa session de mai 1035, un crédit d'étude e trente mille francs;. Espérons qu'il sera judicieusement utilisé.

 

(a suivre)

 

-oOo-

 

LES VIDOURLADES SUITE

Première partie

> Le XIXe siècle

Deuxième partie

> Protection contre les vidourlades

Troisième partie

> La protection de Sommières.


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