Église
et Paroisse Saint-Charles de Nîmes
Extrait de la Paroisse Saint-Charles, pages 113 à 150, de M. l'Abbé Goiffon, 1872 Chapitre premier - Premier établissement du service divin. Pendant de longs siècles, la ville de Nîmes, privée de faubourgs, n'avait eu qu'une seule paroisse administrée par les prêtres du bas-chœur de la Cathédrale ; cependant les habitants de la campagne recevaient les sacrements et les secours religieux des divers desservants des prieurés et des églises rurales ; ceux du nord-est de la ville dépendaient sous ce rapport des moines du prieuré de Saint-Baudile et, de ce côté au moins, nous devons constater l'existence d'une ancienne paroisse rurale, totalement indépendante du Chapitre cathédral et dont le centre se trouvait dans l'église de Saint-Julien, située auprès de l'enclos du vieux prieuré. Nous n'ignorons pas que les prévôts du Chapitre se sont toujours prétendus seuls curés de Nîmes et de son territoire, surtout après le XVIe siècle ; mais les pièces découvertes depuis cette époque ne laissent aucun doute sur l'existence d'un ancien titre paroissial à Saint-Julien. L'église de Saint-Julien existait dès le VIIe siècle ; ce fut, en effet, en 640, le lieu que l'évêque de Nîmes, saint Rémessaire, choisit pour sa sépulture (1) ; elle est encore nommée, en -149, Ecclesia sancti Juliani, que est juxta muros civitatis (2), et en 1150, dans l'acte d'accord entre l'évêque de Nîmes et les religieux du prieuré (3). (1) Ménard, I, pages 84 et 211. (2) Ménard, VII, page 719 (3) Gall. Christ., t. VI, instrum, col. 441. Or, cette église parfaitement distincte de celle du prieuré était un centre paroissial ; cela résulte de l'acte d'accord passé en 1150 entre le prieur et l'évêque de Nîmes, et plus clairement d'une transaction ou plutôt d'une sentence arbitrale du 12 des calendes de novembre (21 octobre) 1303, que l'on trouve dans les notes de Bernard Orson, notaire royal de Nîmes (1). (1) Archives du Gard. - H, 201 Cette sentence fut rendue par messire Pierre de Saint-Georges, docteur, prieur de Caissargues, nommé a cet effet par l'évêque de Nîmes, et le prieur de Saint-Baudile. En vertu de cette sentence : 1° L'évêque avait le droit de faire deux visites par an, l'une au prieuré de Saint-Baudile, l'autre à l'église de Saint-Julien, de la même manière que l'évêque fait dans les autres paroisses de son diocèse. 2° Le prieur était obligé de présenter tous les ans, audit seigneur évêque, un prêtre séculier pour la cure de Saint-Julien, lequel devait lui obéir en la manière des autres prêtres séculiers de son diocèse. 3° Le prieur de Saint-Baudile ne pouvait présenter un vicaire perpétuel, mais seulement un vicaire annuel et amovible, sans que l'évêque pût forcer le prieur à lui présenter un prêtre comme vicaire perpétuel, mais seulement comme annuel. 4° Le prieur de Saint-Baudile n'était tenu de donner audit prêtre et curé amovible que le salaire dont ils seraient convenus entre eux, sans que ce prêtre pût rien prétendre, ni exiger au-delà. 5° Il était enjoint au prieur de rétablir les fonts baptismaux de l'église Saint-Julien, ainsi qu'il y était tenu. Remarquons que, dans l'ancien droit, la marque la plus certaine d'un titre paroissial était l'existence de fonts baptismaux. Les autres points de la sentence arbitrale ne regardant que les rapports de soumission et de respect entre le prieur de Saint-Baudile et, l'évêque de Nîmes, nous ne les rapporterons pas ici ; mais il est aisé de conclure de ce qui précède, qu'il existait une ancienne paroisse dans l'étendue de la dîmerie de Saint-Baudile. Cet acte fut ratifié par l'évêque de Nîmes, Bertrand II de Languissel, le Chapitre cathédral, les prieurs de la Chaise-Dieu et de Saint-Baudile, et les moines de ce dernier monastère. Lorsque les guerres de religion eurent ruiné cet antique prieuré et que l'augmentation de la population eut créé le faubourg des Prêcheurs, au nord de la ville (les Bourgades actuelles et une partie de l'Enclos-de-Rey), les évêques de Nîmes durent se préoccuper des soins spirituels à donner aux habitants de ce nouveau faubourg, ainsi qu'à ceux de la dîmerie de Saint-Baudile. Mgr Cohon, à qui le diocèse de Nîmes doit surtout sa restauration après les troubles du XVIe et du XVIIe siècles, aurait bien désiré faire revivre dans son antique splendeur le monastère dédié sous l'invocation de l'Apôtre de Nîmes et y rétablir le service divin ; mais il dut renoncer à cette pensée, lorsqu'il eut vu, dans sa visite du 23 mars 1659, le triste état et le délabrement de l'église du prieuré. Cette église démolie et profanée n'avait plus qu'une partie de ses murailles ; dans l'intérieur on avait construit une petite chapelle, mais l'évêque n'y trouva ni ornements, ni prêtre pour la desservir. Considérant l'éloignement de cette chapelle, située en un lieu désert et loin de toute habitation, et le besoin de créer un service pour le nouveau faubourg des Prêcheurs, Mgr Cohon rendit, le même jour une ordonnance par laquelle il transférait le service du prieuré de Saint-Baudile, dans ce faubourg déjà rempli de catholiques et encore privé d'église et des consolations spirituelles, surtout la nuit, où la fermeture des portes empêchait les habitants de réclamer, au besoin, les secours de la Religion (1). (1) Archives de l'évêché - Visite de Mgr Cohon. En vertu de cette ordonnance, le prieur commendataire de Saint-Baudile fut obligé de faire bâtir une chapelle convenable dans le nouveau faubourg et d'y entretenir un prêtre pour y faire le service divin et administrer les sacrements « aux gages annuels de 200 livrés. » Le prieur, Georges Létus, s'empressa d'acquiescer à l'ordonnance épiscopale, dès qu'elle lui fut signifiée, et il se mit aussitôt en mesure de l'exécuter. À cette époque, les Augustins, renonçant à s'établir dans leur ancien couvent ruiné des environs de la Porte de la Couronne, cherchaient un logement dans le faubourg des Prêcheurs. - Aussi, acceptèrent-ils l'offre qui leur fut faite de se charger du service de la nouvelle église et, le 15 novembre 1660, le Père de la Pause, prieur des Augustins, muni de pouvoirs suffisants de son Chapitre et de son Provincial, se présenta à l'évêque avec Georges Létus. Ce dernier s'engagea à payer, tous les ans, au prieur des Augustins, la somme de 200 livres portée par l'ordonnance épiscopale et le Père de la Pause déclara qu'il se chargeait à ces conditions du service divin, à la décharge du commendataire. En conséquence, Mgr Cohon ordonna que, moyennant cette somme de 200 livres, les religieux Augustins seraient tenus de desservir l'église du faubourg et de remplir les fonctions curiales dans toute l'étendue du prieuré de Saint-Baudile. Ils devaient, en outre, chanter, tous les ans, une messe dans la chapelle de Saint-Baudile, le jour du patron, et la tenir eu état pour y recevoir la procession générale le troisième jour des Rogations (1). (1) Archives de l'évêché. Visites. - Archives du Gard, H, 179 ; G, 437. - Ménard, VI, preuves 66 Cette clause des fonctions curiales avait besoin du l'approbation du Chapitre cathédral à qui appartenait le droit de commettre à la desserte des cures situées dans la dîmerie des chanoines, attendu qu'une partie de la nouvelle paroisse y était comprise. - C'est pourquoi le Chapitre s'assembla, le mardi 7 décembre suivant, sous la présidence de Mgr Cohon. Celui-ci fit aux chanoines un récit succinct de toutes les négociations engagées jusqu'à ce moment et le Chapitre consentit à ce que les Augustins se chargeassent des fonctions curiales dans la nouvelle église du faubourg des Prêcheurs ; mais il ne leur fut assigné aucune congrue, attendu que ces religieux avaient offert de se contenter, pour toute récompense, des baise-mains ou casuels de l'église. Ce consentement fut donné pour tout le temps qu'il plairait au Chapitre. Dans la même assemblée, en considération des sacrifices que s'imposait le prieur commendataire de Saint-Baudile, le Chapitre renonça au procès qu'il lui avait intenté, à raison des novales de son prieuré, et cela, sur la demande de ce bénéficier (1). (1) Archives de l'évêché, n° 72. - Délibérations du Chapitre. La fondation du nouveau service curial semblait assurée par toutes ces mesures ; il n'en fut pas malheureusement ainsi et, peu de temps après, nous voyons les Augustins l'abandonner pour aller s'établir à la Maison-Carrée. Mgr Cohon avait trop de persévérance dans ses projets de restauration catholique pour renoncer à un dessein si pieux et si utile à une grande partie de la population nimoise ; privé des services des Augustins, qui, d'ailleurs, allaient concourir au bien dans un autre quartier de la ville, l'évêque se tourna du côté des prêtres de la Congrégation de la Doctrine chrétienne, et il parvint, avec eux, à assurer le service religieux du faubourg, en 1666. Mais il importe ici de remonter à quelques années pour nous rendre compte de l'établissement des Doctrinaires. En 1642, vivait à Nimes un zélé et pieux chanoine. Honoré Hospitaléry. Ce saint ecclésiastique, frappé de l'insuffisance de l'instruction et de l'éducation des pauvres catholiques, désireux, en outre, de retirer des ténèbres de l'erreur ceux qui étaient engagés dans le protestantisme, non-seulement à Nimes, mais dans les environs, conçut le louable projet de fonder une maison de missionnaires. A cet effet, il traita, le 2 octobre 1642, avec le recteur de la maison des Doctrinaires d'Avignon, fondé de pouvoirs des Pères de la Doctrine chrétienne de la province de France. Par ce traité, le chanoine Hospitaléry offrait à la Congrégation une somme de 11000 livres, dont 1000 devaient servir à l'achat d'une maison pour le logement des missionnaires et le reste devait être placé en capitaux dont les intérêts, 625 livres, serviraient à l'entretien de deux prêtres et d'un coadjuteur ou frère-clerc de la Congrégation. De leur côté, les Pères de la Doctrine chrétienne s'engageaient à travailler toute l'année à la prédication de la vérité catholique, à l'extirpation de l'hérésie et à l'augmentation de la foi ; leurs missions devaient durer deux mois dans la ville de Nimes, et les autres dix mois dans les lieux du diocèse dépendant de la mense capitulaire. Le fondateur se réservait, sa vie durant, l'indication des lieux où la mission devait se faire ; après lui, ce choix devait passer à l'évêque de Nimes, conjointement avec le Chapitre de la cathédrale ; et, en cas d'inexécution ou de négligence de la part de ces derniers, Hospitaléry voulut que le droit de choisir les paroisses à évangéliser vint par dévolution à l'archevêque et au Chapitre métropolitain de Narbonne. Le chanoine fondateur obligeait; eu outre, les Doctrinaires à célébrer une messe, toutes les semaines, pour le repos des âmes de sou père et de sa mère, et pour la sienne propre après sa mort ; if voulait de plus que les autres messes, ainsi que les exercices de piété de la communauté, fussent appliqués pour la prospérité et la conservation des rois de France et de la famille royale. Cette dernière condition était un acte de reconnaissance du pieux chanoine pour les bienfaits qu'il avait reçus de Louis XIII ; il possédait, en effet, le titre de chapelain du roi et d'aumônier de son Hôtel et Grande Prévôté de France. A une époque aussi tourmentée, la nouvelle fondation devait produire un bien immense dans le pays ; malheureusement les Doctrinaires ne purent pas longtemps exécuter les intentions du chanoine Hospitaléry, des difficultés survinrent bientôt qui obligèrent ces Pères à renoncer à la fondation. Un accord, conclu le 11 avril 1645, délia les parties de tous leurs engagements mutuels. Le chanoine Hospitaléry ne s'était cependant pas trompé dans ses premières appréciations ; pendant quelques années, il fit bien faire les missions par d'autres prêtres ; mais bientôt il conclut pour le même objet un nouveau traité avec la Congrégation de la Doctrine chrétienne. Le 9 octobre 1652, les conditions primitives furent renouvelées, à la différence que le temps des missions à faire dans les lieux circonvoisins fut réduit à six mois, dont deux pourraient être employés à prêcher et à catéchiser dans les terras du comte du Roure ; les pères reçurent les 11000 livres promises et la partie de cette somme qui était destinée à l'entretien des missionnaires fut placée sur le Chapitre de Nimes. Dès ce moment la pieuse fondation fut très-ponctuellement exécutée ; les Pères de la Doctrine chrétienne s'établirent d'une manière définitive dans une maison qu'ils achetèrent au faubourg des Prêcheurs. Cependant leur établissement resta encore plusieurs années dans une situation précaire n'étant muni d'aucune des confirmations nécessaires. - Ce fut Mgr Cohon qui assura leur stabilité en leur confiant la succession des Augustins dans le service curial du prieuré de Saint-Baudile, les substituant à cet effet au traité passé, en 1660, avec ces religieux. L'engagement de l'évêque fut autorisé par les chanoines de la cathédrale dans le chapitre général de l'Invention de la sainte Croix, le 4 mai 1666 (1). (1) Archives du Gard, G, 404. Dans ce chapitre, sur l'exposé que l'évêque fit de ses négociations avec les Doctrinaires, les chanoines révoquèrent toutes les permissions données aux Augustins et autorisèrent les Pères de la Doctrine chrétienne à exercer les fonctions curiales et à administrer les sacrements en faveur des habitants du faubourg et des métairies situées au-dessus. L'étendue de leur juridiction fut fixée à partir du ruisseau de la Jusiole, qui coulait au-dessous du jardin des Récollets jusqu'à l'ancien enclos des Frères-Prêcheurs inclusivement, pour le faubourg, et depuis le chemin d'Avignon jusqu'à un autre chemin peu éloigné pour les métairies ; un peu plus tard, on ajouta à ces délimitations- les maisons qui se bâtirent dans l'espace situé entre les rues qui portent aujourd'hui les noms de Notre-Dame, Séguier et Chemin-d'Avignon ; mais cette partie fut de nouveau distraite de la paroisse des Doctrinaires, lors de la fondation définitive de la paroisse Saint-Charles. En outre, le Chapitre décida que les Doctrinaires ne pourraient, à raison de leur service, réclamer ni dîmes, ni novales, ni portion congrue, ni aucune espèce de salaire, gages ou droits quelconques, mais qu'ils auraient tous les baise-mains ou casuels de leur église. Cette délibération terminée, on introduisit dans la salle capitulaire, le Père François Barrault, provincial d'Avignon, et le Père François de Fabry, religieux de la Congrégation ; lecture leur fut faite de tout ce qui venait d'être réglé, et les deux Doctrinaires déclarèrent qu'ils acceptaient la délibération dans toutes ses clauses et conditions et promirent de rapporter, dans l'espace de six mois, l'acte de ratification de leur Général et du Chapitre provincial. - Cet acte fut fait le 23 septembre 1666 (1). (1) Archives de l'évêché, n° 72, délibérations du Chapitre. - Archives du Gard, G, 437. De son côté, Mgr Cohon donna des lettres datées de Nimes, le 11 mai 1666, par lesquelles il approuva et confirma l'établissement de la Mission, que le chanoine Hospitaléry avait confiée à la Congrégation de la Doctrine chrétienne, et permit aux Doctrinaires de s'établir à Nimes, d'y bâtir une église; de faire tous les exercices de la mission dans son diocèse, d'administrer les sacrements, d'enseigner la doctrine chrétienne et de prêcher la parole de Dieu, à condition, toutefois, que les prêtres qui formeraient la communauté de Nimes, seraient approuvés par lui et ses successeurs. Pour assurer l'établissement, il manquait encore l'approbation de la ville ; le zèle de Mgr Cohon ne pouvait laisser l’œuvre inachevée et, dès le 15 du même mois, il obtint le consentement du Conseil de ville ordinaire. Chapitre II - La paroisse sous les Doctrinaires. - Le Séminaire. L'établissement des Doctrinaires prit bientôt de nouvelles forces et un magnifique accroissement. - Déjà la ville leur avait donné, pour joindre à la maison et au jardin qu'ils avaient achetés au faubourg des Prêcheurs, l'enclos où était auparavant le cimetière des protestants ; cet enclos se trouvait auprès des fossés de la ville convertis depuis en Cours. Bientôt, en 1668, Mgr Cohon donna à la Congrégation la direction et la supériorité perpétuelle du Séminaire qu'il venait d'établir dans la ville, par son ordonnance du 4 juillet 1667. - Voulant concourir à une si louable fondation qui assurait l'avenir du clergé Illinois, l'assemblée du clergé du diocèse, par une délibération prise, le 7 novembre 1668, vota volontairement une pension perpétuelle de 200 livres en faveur de l’œuvre, et un Synode général, tenu le 5 juin 1669, approuva cette allocation (1). (1) Archives de l'évêché, délibérations du clergé. - Archives du Gard, G, 1079. Instruit de tous ces faits, Louis XIV, par lettres-patentes données à Saint-Germain-en-Laye, le 3 novembre 1670, confirma l'établissement des Doctrinaires à Nimes et celui du Séminaire, dont il donna à leur Congrégation la direction perpétuelle. Ces lettres-patentes furent enregistrées au Parlement de Toulouse, le 14 février 1671 (1). (1) Archives du Gard, G, 1079 Les Doctrinaires se livrèrent avec ardeur à la double mission dont ils étaient chargés. Le Séminaire se plaça bientôt à la hauteur des meilleurs du royaume et la paroisse fut, dès les premiers jours, florissante. Par permission du Chapitre, du 24 avril 1668, les Doctrinaires établirent dans leur église, du titre de la Nativité de la Sainte-Vierge, la confrérie du Saint-Sacrement qui leur procura des fidèles pour porter le dais lorsqu'on allait administrer le Saint-Viatique aux malades (1). 1) Archives de l'évêché, L° 72, délibérations du Chapitre. - Archives du Gard, H, 179. Les registres curiaux, conservés aux archives de la ville de Nimes, commencent le 6 avril 1667 ; le premier curé fut le doctrinaire Balthazar Clérion ; il eut pour successeur, dès le commencement du mois de juin suivant et jusqu'en décembre, François Barrault ; nous le retrouvons souvent remplaçant les curés qui vinrent après lui, pendant leurs absences. Le 2 décembre 1667, le Père Marc-Antoine Arsson est chargé des fonctions curiales et les remplit jusqu'au 13 juin 1670. A cette époque, il les interrompt pendant trois mois, et est remplacé, d'abord par François d'Arnaud, et ensuite par François Martin. Arsson reparaît le 29 septembre et régit la paroisse jusqu'au 2 août 1676, ayant pour aide, d'abord le Père Jean Gros, et plus tard le Père Antoine Goudailh, qui eut le titre de curé, en remplacement d'Arsson, du 16 août 1676 au 11 septembre 1678, Philippe d'Aumelas lui fut adjoint pendant quelque temps, en 1676. Cependant, à peine fondée, la paroisse périclita dans son existence, le successeur de Georges Létus, Artbus de Lyonne, poussé par un goût particulier pour les missions étrangères, négligea de payer les 200 livres qu'il devait pour le service paroissial. Aussi les Pères de la Doctrine chrétienne s'en démirent en décembre 1671 ; sur les instances du Chapitre, ils restèrent encore un an chargés de la paroisse, mais la même cause les forçant à la quitter, ils le signifièrent au Chapitre cathédral par lettre du 27 décembre 1672. Ils continuèrent cependant leurs fonctions jusqu'au mois de septembre 1678 et ne les reprirent ensuite qu'au mois de novembre 1682. Les habitants, menacés d'être privés du service divin, en portèrent leurs plaintes à l'abbé de la Chaise-Dieu dont dépendait le prieuré de Saint-Baudile ; un religieux de ce monastère fut aussitôt envoyé pour faire valoir les droits de l'abbaye contre le prieur commendataire, et celui-ci fut condamné par les tribunaux à payer la somme de 200 livres convenue avec son prédécesseur. Arthus de Lyonne n'accepta pas cette sentence et fit appel au Grand Conseil du roi. Les Consuls de la ville, au nom des habitants, s'adressèrent alors au monarque, lui demandant d'ordonner l'entier service de l'ancien prieuré avec six religieux pour le desservir. Un arrêt du 28 septembre 1674 décida que trois religieux se rendraient à Nimes à cet effet et que le prieur payerait pour chacun une somme de 200 livres. Les religieux arrivèrent aussitôt, mais ils furent peu après obligés de rentrer à la Chaise-Dieu, à cause des difficultés que Lyonne faisait naitre pour le payement des pensions. Le procès dura jusqu'en 1682 - Pendant ce temps, afin que les habitants de la dîmerie de Saint-Baudile ne fussent pas privés des secours spirituels, un prêtre de la ville, nommé Antoine Dupuy, originaire du diocèse d'Uzès, fut provisoirement chargé de desservir la chapelle bâtie dans l'enceinte de l'ancienne église du prieuré (12 septembre 1678). Dupuy trouva cette chapelle tellement dénuée du nécessaire, qu'il se vit obligé d'emprunter aux églises voisines ce dont il avait besoin pour l'administration des malades. Cependant Mgr Jacques Séguier, évêque de Nimes, voulant se rendre compte de la situation, vint, le 3 novembre suivant, faire sa visite pastorale au prieuré, accompagné de ses vicaires généraux, du promoteur diocésain et de l'official. II fut reçu à la porte de la chapelle par les habitants de la dîmerie qui lui firent entendre leurs doléances au sujet de l'abandon dans lequel ils étaient au point de vue du service religieux ; le territoire du prieuré renfermait cependant vingt-une métairies et un certain nombre de maisons en ville, aux environs du logis de l'Orange. L'évêque voulut ensuite pénétrer dans la chapelle, mais il en trouva la porte fermée et l'agent du prieur en refusa la clef. Un serrurier fut aussitôt mandé et la visite put alors avoir lieu. La chapelle n'avait que les quatre murailles absolument nues, avec quatre ouvertures sans vitres, ni chassis ; le couvert fort bas était mal entretenu et la pluie en pourrissait les bois ; la petite nef n'était pas pavée ; l'autel de pierre était tout nu, à l'exception d'un petit crucifix et de deux chandeliers de bois ; à côté, dans un trou de muraille, se trouvaient deux burettes de verre dans un bassin de fayence, une clochette et quelques bouts de cierge. - Les ornements qui existaient auparavant avaient été distribués aux paroisses dépendantes du prieuré. - A cinquante pas de là ; l'évêque vit les ruines de la chapelle de Saint-Antonin (sic), (probablement Saint-Julien, l'ancienne église paroissiale du prieuré) autour de laquelle était autrefois un cimetière. Mgr Séguier ordonna qu'en attendant qu'on pût rebâtir l'église, la chapelle serait restaurée à neuf, surmontée d'un clocher et fournie des vases sacrés et ornements nécessaires au service divin ; que le prêtre desservant serait logé dans une maison commode et recevrait 200 livres de congrue sur les fruits du bénéfice ; que le clerc aurait 50 livres de gages et les pauvres une aumône annuelle de 4 salmées de blé ; le tout à la diligence des fermiers et conformément a la déclaration du 18 février 1661, relative aux réparations des églises .et presbytères (1). (1) Archives de l'évêché. Visites. - Archives du Gard, H, 181. Dupuy continua le service jusqu'au moment où le procès du Chapitre contre le prieur Arthus de Lyonne eut reçu sa solution. Le père Antoine Goudailh reprit le service curial, au commencement de novembre 1682, et s'en acquitta jusqu'à la fin de janvier 1681 ; on lui donna alors pour successeur le père Louis Tournaire ; Tournaire signa les actes curiaux du 8 février 1684 au 22 septembre 1699 (1). (1) Afin de ne pas interrompre le récit, nous donnons en note la liste des curés successifs : Dès 1687, un second curé fut adjoint au premier, et nous trouvons en qualité de coadjuteur du curé Tournaire, du 21 juin 1687 jusqu'au 9 octobre 1688, le Père Nicolas Gisquet ; du 18 octobre 1688 au 22 février 1689, le Père Fallon ; viennent ensuite les Pères Avignon, Malafosse, Gisquet, Fallon, Rochebrun; puis Bonnefons et Lafine. Ce dernier signa son dernier acte le 15 octobre 1699. Le Père Fine prit l'administration de la paroisse dès le 18 octobre 1699, et continua à en exercer seul les fonctions jusqu'au 29 mars 1701, époque où le Père Rousset lui fut donné pour aide ; le Père Fine quitta la paroisse vers la fin de novembre de la même année. Le Père Gisquet, déjà connu de la population, lui fut donné pour successeur, et administra, du mois de décembre 1701 au 8 septembre 1705, conjointement avec le Père Rousset jusqu'à la fin de septembre 1702, et avec le Père Bertet, depuis le mois d'octobre 1702 jusqu'à la fin d'octobre 1705. Le 2 juin 1693, l'église des Doctrinaires reçut la visite de Mgr Fléchier ; l'évêque y fut reçu par le P. Durand, supérieur de la maison, et par les prieurs, vicaires et secondaires de l’Archiprêtré de Nimes réunis pour la conférence ecclésiastique ; l'église, du titre de la Nativité de la Sainte-Vierge, n'était qu'une, simple salle de 14 cannes de long sur environ 4 et demie de large, avec une chapelle de la Croix du côté de l'Épître. Tout y fut trouvé en assez bon état ; la paroisse comptait alors 800 communiants dont la plus grande partie était de nouveaux convertis ; tous les anciens catholiques ainsi qu'un bon nombre de nouveaux avaient rempli le devoir pascal. La Confrérie du Saint-Sacrement n'était pas encore érigée, canoniquement; l’Évêque se réserva de lui donner des statuts et des règlements. Vers ce temps, nous remarquons un fait intéressant pour la maison des Doctrinaires. - Les revenus de la paroisse et du Séminaire étaient encore fort peu considérables, ce qui était cause que le Séminaire ne possédait pas tous les directeurs nécessaires pour une bonne instruction des jeunes clercs. Pour remédier à ce mal, Mgr Fléchier, suivant les traces de son prédécesseur Mgr Cohon, unit au Séminaire le prieuré-cure de Gailhan qui avait une valeur d'à-peu-près 1000 livres. Il en donna les lettres à Sommières, le 7 août 1702. Le titre du prieuré de Gailhan fut éteint, à la charge, pour les Doctrinaires, d'y entretenir un de leurs Pères pour y faire le service paroissial, et d'y envoyer aux principales l'êtes un autre prêtre de leur Congrégation pour entendre les confessions et aider le curé dans les fonctions ecclésiastiques. Ce surcroît de revenus vint à propos donner aux Doctrinaires le moyen de compléter leur œuvre (1). (1) Le 1er novembre 1705, le Père Bourre fut chargé de la paroisse, il l'administra jusque vers la fin d'octobre 1712, et eut successivement pour collaborateurs les Pères : Martin, du 9 novembre 1705 au 20 novembre 1706 ; Ledou, en 1706 ; Champsau, du 26 août 1706 au 2 septembre suivant ; Bonnefons, du 29 décembre 1706 au 2 juin 1707 ; Eyssautier, du 11 juillet 1707 au 21 septembre 1708 ; Bernard, du 21 octobre 1708 au 12 octobre 1709 ; Gisquet, du 6 novembre 1708 au 20 décembre 1710, et Vernet qui signa son premier acte le 14 novembre 1710. Vernet resta curé jusqu'au 22 octobre 1714, et fut aidé, dans ses fonctions, par le Père Frégère du 30 novembre 1712 au 9 octobre 1714. La paroisse fut alors confiée au Père Péloquin, qui la régit du 18 octobre 1714 au 8 avril 1723 et au Père d'Arégat, qui en remplit la charge du 28 octobre 1714 au 21 février 1723. Le Père Bourges en fut ensuite chargé ; il commença à signer les actes de catholicité, le 22 février 1723, et continua les fonctions curiales jusqu'à la fin du mois de septembre 1731, avec la collaboration successive des Pères : Ruffi, du 30 mai 1723 au 26 décembre suivant ; Frégère, du 21 février 1724 au 18 novembre 1725 ; Barlatier, du 20 novembre 1725 au 23 avri1,1730 ; Cordoan, en juillet 1730 ; Nicolas, du 21 octobre 1730 au 11 mai 1731, et Caussy, du 24 mai 1731 au 18 décembre 1735. Ce dernier étant devenu premier curé en octobre 1731, reçut pour collaborateurs le Père de Gombert, du 21 octobre 1731 au 29 août 1732, et le Père Bernard, du 28 décembre 1732 au 26 mai 1736. Le premier curé fut ensuite Chardon, du 9 septembre 1736 au 31 août 1746, il eut, pour l'aider dans ses fonctions, le Père Mignard, qui avait commencé à servir le 5 février 1736 et qui continua jusqu'au 26 avril 1738 ; le Père Desvignes, du 4 mai 1738 au 5 octobre suivant ; le Père Moulin, du 19 octobre 1738 au 18 janvier 1745, et le Père Martin qui signa son premier acte le 27 janvier 1745. Le Père Chardon ayant été nommé supérieur du Séminaire au mois de septembre 1746, Martin devint premier curé jusqu'à la fin de mars 1749, et en exerça la charge avec l'aide des Pères Guibaud, du 9 octobre 1748 au 9 octobre 1747 ; Règne, du 14 novembre 1747 au 11 février 1748 ; Cathalan, du 17 mars 1748 au 9 décembre de la même année, et Blachéry, du 19 janvier 1749 au 9 décembre 1753. Le Père Chardon reprit la cure, le 27 avril 1749, et la régit jusqu'au 6 mars 1753 avec le Père Blachéry ; celui-ci fut alors premier curé et eut pour collaborateur Antoine Olieu, du 24 mai au 7 octobre 1753. Le Père Bernard fut curé du 2 décembre 1753 au 6 janvier 1757, avec le Père Cathalan, du 13 décembre 1753 au 70 avril 1755 ; le Père Olieu, du 13 avril au 16 septembre 1755, et le Père Fanton, qui commença ses fonctions le 28 septembre 1755, et devint premier curé, en remplacement de Bernard, jusqu'au l0 septembre 1759, époque où il fut nommé supérieur du Séminaire. Fanton exerça, avec le Père Charles Olieu, du 23 janvier au 30 septembre 1757 ; le Père Dumas, du 2 octobre 1757 au 31 juillet 1759, et le Père Antoine Olieu, du 30 juillet au 3 octobre 1759. Les Pères Michel et Portes se chargèrent de la cure au mois d'octobre 1759 ; le premier y resta jusqu'au 6 février 1763, le second la quitta le 21 novembre 1760 ; il avait été remplacé, dès le 8 octobre, par le Père Brieu, qui fut premier curé en 1763, et administra seul la paroisse pendant neuf mois ; le 9 novembre 1763, on lui donna pour aide le Père Bourrelly. Le Père Brieu quitta sa charge au milieu d'octobre 1771, et le Père Bourrelly devint premier curé jusqu'au 30 mai 1789 ; il eut pour collaborateur le Père Chapelle, du 28 septembre 1771 jusqu'au 6 février 1774. Mgr de la Parisière visita le séminaire et la paroisse, le 23 décembre 1723 ; il fut reçu par le P. Barthélemy, supérieur de la maison ; la paroisse comprenait « tout ce qui composait autrefois le faubourg des Prêcheurs, et les maisons et métairies qui sont dans le district du prieuré de Saint-Bauzile » ; elle comptait 4000 âmes dont plus de la moitié était de nouveaux convertis qui ne remplissaient plus les devoirs religieux. La maison se composait de sept prêtres, un frère laïc et deux valets ; le Séminaire avait un directeur qui prenait soin des exercices et un professeur de Théologie fondé par Fléchier au moyen de l'union du prieuré de Gailhan. Le procès-verbal de cette visite est surtout curieux en ce qu'il nous fait connaître les usages paroissiaux. On faisait le prône tous les dimanches, excepté le troisième de chaque mois où il y avait sermon après les Vêpres et bénédiction du Très-Saint Sacrement ; la bénédiction était aussi donnée à toutes les fêtes de Notre-Seigneur et de la Sainte Vierge. Les processions paroissiales avaient lieu le jour de la Chandeleur, le dimanche des Rameaux et le jour octaval de la Fête-Dieu. Les catéchismes se faisaient régulièrement ; en Carême, afin de disposer les enfants à la première communion, on les réunissait trois fois la semaine. L'histoire de la paroisse des Doctrinaires ne nous offre ensuite plus rien de remarquable à signaler jusqu'à l'époque où elle reçut une forme nouvelle et fut définitivement établie sous le Vocable de saint Charles ; elle perdit alors celui de saint Baudile qui fut conservé à la paroisse confiée aux Carmes, et dont la juridiction s'étendait sur le territoire de l'ancien prieuré. Chapitre III - Fondation Définitive de la Paroisse Saint-Charles. (1) (1) Archives du Gard, G, 927. - Archives de l'évêché, n° 252. Une déclaration royale du 29 janvier 1686 avait érigé en cures perpétuelles les paroisses qui, jusqu'alors, n'avaient été desservies que par des vicaires amovibles ; cependant un arrêt du Conseil d’État privé du roi, du 12 juin 1697, avait déclaré que l'intention de Sa Majesté n'avait point été de comprendre dans cette déclaration les cures ou prieurés-cures unis à la Congrégation de la Doctrine chrétienne, qui avaient été ou qui pourraient être confirmés par lettres-patentes, voulant que ces bénéfices fussent perpétuellement unis, à titre de fondation, aux maisons de la Congrégation qui en jouiraient, et les feraient desservir par des Pères nommés par les supérieurs et agréés par les évêques ; l'arrêt consacrait particulièrement l'amovibilité de ces desservants. Cet arrêt du Conseil fut confirmé par lettres-patentes, en forme d'édit; données à Fontainebleau, en septembre 1726. En vertu de ces titres, les Doctrinaires jouirent sans conteste de l'administration de la paroisse du faubourg des Prêcheurs jusqu'en 1764. A cette époque, M. Gédéon-Joseph Paulhan, prieur de Gajan, considérant comme vacante la cure qui existait autrefois dans la dîmerie de Saint-Baudile, attendu qu'elle n'était dirigée que par des prêtres amovibles, l'impétra et l'obtint en cour de Rome ; en vertu de ce titre, il se présenta, le 8 novembre 1764, pour prendre possession du bénéfice ; les Doctrinaires, se fondant sur le service qu'ils faisaient depuis près d'un siècle, refusèrent l'entrée de leur église et la cérémonie d'installation ne put se faire que devant la porte fermée. L'affaire fut alors portée devant les tribunaux; mais Paulhan ne put prouver l'existence antérieure d'une paroisse dans la dîmerie de Saint-Baudile ; la pièce de 1303 qui aurait pu lui faire gagner son procès lui était inconnue, et les Bénédictins n'eurent garde de la lui fournir ; Paulhan fut donc débouté de sa demande par arrêt du 8 juin 1771. Il fit aussitôt appel devant le Parlement de Toulouse ; mais quelques jours après, une délibération du Conseil de ville, en date du 27 du même mois, mit indirectement fin au procès (1) . (1) Archives du Gard, G 1245. Un Conseil renforcé s'était tenu, ce jour-là, et avait délibéré d'implorer de l'autorité spirituelle, l'érection des paroisses nécessaires dans les faubourgs de la ville, offrant de faire les dépenses qui concerneraient la Communauté, si le Chapitre et les autres décimateurs faisaient celles qui les regardaient, d'après les édits. La délibération fut votée à l'unanimité et soumise aussitôt à l'approbation de l'évêque. Une enquête fut faite au nom de Mgr de Becdelièvre, par son vicaire général, Henri-François d'Ornac de Saint-Marcel, sur la nécessité, l'utilité et le nombre des paroisses à établir dans les faubourgs. On sait que le premier fruit de cette enquête fut la fondation de la paroisse Saint-Paul, le 22 octobre 1771. Les Pères de la Doctrine chrétienne présentèrent alors requête à l'évêque et lui remontrèrent que, depuis plus d'un siècle , le soin des âmes dans le faubourg des Prêcheurs était confié au zèle des prêtres de leur Congrégation, le suppliant de confirmer leur établissement dans cette paroisse et de donner ainsi à l'union déjà faite à leur Congrégation un nouveau degré de stabilité. Une délibération du Chapitre du 22 mars 1772 accepta les offres des Pères de la Doctrine chrétienne et arrêta : 1° De fixer, conformément à l'édit royal de 1768 concernant les congrues, à la somme de 500 livres l'honoraire du Père qui ferait les fonctions de curé dans la paroisse à ériger en vicairie perpétuelle sous le titre de SAINT-CHARLES, dans la dîmerie du Chapitre, laquelle serait unie à la Congrégation des RR. PP. Doctrinaires ; 2° De payer annuellement la somme de 200 livres pour l'honoraire de celui qui ferait les fonctions de vicaire ; 3° De payer une pareille somme de 200 livres à chacun des desservants que l'évêque jugerait nécessaires dans la suite ; 4° De payer annuellement la somme de 96 livres pour l'achat et l'entretien des ornements, vases sacrés, linges, etc., pour le clerc et toutes menues dépenses et fournitures quelconques de sacristie, sans que les RR. PP. Doctrinaires puissent rien prétendre au-delà. Cette somme ne sera d'ailleurs payée que jusqu'à ce qu'il y ait dans ladite paroisse Saint-Charles une fabrique en état de fournir à ces divers objets. Le Conseil provincial des Doctrinaires, réuni extraordinairement le 3 avril 1772, accepta unanimement les conditions proposées par le Chapitre, et promit de fournir des prêtres en tel nombre que l'évêque le jugerait nécessaire pour la desserte de la nouvelle paroisse, lesquels prendraient de l'Ordinaire les pouvoirs de la régir et ne les conserveraient qu'autant qu'il plairait à l'évêque ; le Conseil ajouta que, si les évêques de Nimes jugeaient nécessaire d'exclure quelque Père pour des raisons à eux connues et qu'ils ne seraient jamais tenus d'exposer, le Provincial devrait leur en procurer d'autres aux mêmes conditions. Le 13 du même mois, le Conseil général de la Congrégation, ayant pris connaissance de la délibération du Chapitre et de celle du Conseil provincial, approuva, ratifia et confirma ce dernier acte, et accepta l'union de la paroisse à la Congrégation (1). (1) Archives du Gard, G 927 et 1245. Le moment était venu pour l'évêque de lancer son ordonnance d'érection définitive il le fit, le 2 octobre 1772. Après avoir fait dans cette pièce historique complet des négociations entamées pour la conclusion de cette affaire, Mgr de Becdelièvre « ordonne, ratifie et confirme les titres anciens d'érection en vicairie perpétuelle, et d'union à la Congrégation des Pères de la Doctrine chrétienne, et au cas où ils ne seraient pas valables, ordonne que le territoire à desservir par les Pères Doctrinaires aura les limites suivantes. » On peut voir cette circonscription territoriale de la paroisse aux archives du Gard, G 1079 et 1244 ; la longueur de cette pièce ne nous permet que d'en faire l'analyse. Le point de départ de la ligne de circonférence fut fixé contre le mur du rempart de la ville, sur le pont de la Bouquerie ; partant de là, la ligne suivait le parapet méridional du canal de la Fontaine, montait la terrasse dite de la plate-forme et se prolongeait par l'ancien chemin de Sauve jusqu'au milieu des quatre pilons ; d'où elle continuait sur le sol du chemin de Sauve en en suivant les différents alignements et contours, cotoyant les derrières de Saint-Césaire et de Caveirac. Aux Fontêtes ou Boulidous, la ligne quittait la route de Sauve et prenait la direction du Nord qu'elle suivait l'espace d'à-peu-prés 5000 toises. Tournant ensuite au levant, elle cotoyait les territoires de La Calmette, de Dions et du mandement de Russan, en passant près des mas de l'Homme, de Seynes, de Rouvière, de l'Escarlature, et suivant en partie le Cadereau de Porte-Cancière, le chernin des Moulins-à-Vent, sous les trois fontaines ; elle se continuait en montant le long du grand puech Jasiou, en suivant les vestiges des anciens remparts jusqu'au point où les eaux de la Fontaine sortaient des nouvelles murailles de la ville. De là, la limite était marquée par le Petit et le Grand-Cours, jusqu'au pont de la Bouquerie. Cette ligne avait un développement d'environ quarante-quatre kilomètres. L'ordonnance épiscopale continue ainsi : Et ce faisant, avons démembré et séparé ledit territoire de l'église paroissiale de Saint-Castor, érigé et érigeons en titre d'église paroissiale, cure, vicairie perpétuelle, sous le vocable de SAINT-CHARLES, et lui avons assigné et assignons pour termes et limites les mêmes ci-dessus décrites ; avons uni et incorporé, unissons et incorporons ladite cure, vicairie perpétuelle de Saint-Charles à la Congrégation des prêtres de la Doctrine chrétienne, ayant la direction du Séminaire en ladite ville de Nimes, avec tous les fruits et revenus dépendants de ladite vicairie perpétuelle ; lesquels demeureront fixés à perpétuité, conformément à la délibération du Chapitre de Nimes du 24 mars 1772, à la délibération du Conseil provincial de la Congrégation des Pères de la Doctrine chrétienne du 3 avril suivant, et à la délibération du Conseil général de ladite Congrégation du 13 du même mois d'avril, mutuellement acceptées par le Chapitre de Nimes et la Congrégation des Pères de la Doctrine chrétienne, par leurs déclarations réitérées : 1° A la somme annuelle de 500 livres pour la portion congrue et honoraire de celui des RR. PP. Doctrinaires qui fera les fonctions de curé ; 2° à la somme annuelle de 200 livres pour l'honoraire de chacun de ceux qui feront les fonctions de secondaire, en tel nombre que nous et nos successeurs, évêques de Nimes, jugerons nécessaire. - Ces diverses sommes seront payées par le Chapitre de Nimes, gros décimateur, lequel, en sus desdits revenus fixes et perpétuels, payera à ladite Congrégation la somme annuelle de 96 livres pour les ornements, la sacristie, le clerc et autres menues dépenses, jusqu'à ce qu'il y ait dans la paroisse Saint-Charles une fabrique qui soit en état de fournir à ces objets, nous réservant par exprès l'établissement de cette fabrique ; « Ordonné et ordonnons que, pour la desserte de ladite paroisse de Saint-Charles, le Provincial d'Avignon nous présentera des prêtres Doctrinaires en tel nombre que nous le jugerons nécessaire, et ces prêtres recevront de nous et de nos successeurs les pouvoirs nécessaires et ne seront employés à ladite desserte qu'autant de temps qu'il plaira à nous ou à nos successeurs, sans que jamais les évêques soient tenus d'exposer les raisons de leur conduite à cet égard, le Provincial étant tenu d'en procurer d'autres, en la manière et aux conditions ci-dessus, qui demeureront fermes et immuables comme étant de l'essence même de la fondation de la cure. Demeurant, néanmoins, réservés au Chapitre de Nimes, dans ladite église paroissiale de Saint-Charles, tous les autres droits, prérogatives et prééminences attribués aux curés primitifs, pour ledit Chapitre en jouir conformément aux ordonnances et règlements ; Ordonné et ordonnons, en outre, en conséquence de la susdite union, que le service curial de la paroisse Saint-Charles et toutes les fonctions relatives à ce service seront faites dans l'église du Séminaire, comme par le passé, sauf à nous et à nos successeurs à pourvoir aux réparations et agrandissements nécessaires, le cas échéant, et aux frais et dépens de qui il appartiendra, conformément aux ordonnances et règlements. Donné à Nimes, dans notre palais épiscopal, sous notre seing, le sceau de nos armes et le contreseing de notre secrétaire, le 2 octobre 1772. » † C. P. évêque de Nimes, signé ; par Monseigneur, Giraud, secrétaire, signé. Huit mois après, des lettres-patentes, confirmatives du décret de Mgr l'évêque de Nimes, portant création de la nouvelle cure ; en ladite ville, sous l'invocation de saint Charles, furent obtenues du roi, un voici la teneur : « Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous présents et avenir, salut, Nos chers et bien-amés, les Maire et Consuls de la ville de Nimes, nous ont fait très-humblement représenter que, dans le dessein d'assurer et de perpétuer aux habitants des faubourgs de ladite ville les secours spirituels auxquels l'éloignement des paroisses ne permet pas souvent de recourir, dans les cas urgents et nécessaires, ils se seraient déterminés à demander au sieur Évêque de ladite ville l'érection de cures dans lesdits faubourgs et principalement la confirmation et érection de la cure confiée, depuis plus d'un siècle, au soin et au zèle des prêtres de la Doctrine chrétienne qui, depuis 1666, appelés en ladite ville par le sieur de Cohon, alors évêque, et par les vœux et les désirs, tant du Chapitre que des prédécesseurs des exposants, en remplissent les fonctions de la façon la plus louable et la plus édifiante ; que, dirigés par ces considérations, ils se seraient adressés audit sieur Évêque, lequel, en conséquence, aurait commis et délégué l'un de ses vicaires-généraux pour procéder, toutes les parties intéressées dûment convoquées et appelées aux procès-verbaux, pour assurer de la manière la plus constante la nécessité et l'utilité de la demande des exposants ; que les parties intéressées, persuadées et convaincues de tous les avantages qui résulteraient de ce projet auraient fait paraître le plus grand désir d'en accélérer le succès; qu'en conséquence, les Prévôt, Dignités et Chapitre de l’Église cathédrale auraient donné leur consentement par délibération du 24 mars 1772, contenant des arrangements relatifs au service de ladite cure ; que ces arrangements et toutes les autres dispositions ayant été déterminés, réglés et fixés, et ayant été consentis par toutes les parties ainsi que par lesdits prêtres de la Doctrine chrétienne, et autorisés, en ce qui les concerne, par les Conseils provincial et général de ladite Congrégation, des 3 et 13 avril 1772, ledit sieur Évêque aurait rendu son décret, le 2 octobre de la même année, par lequel, eu ordonnant, entr'autres choses, qu'une partie du territoire de la cure desservie par lesdits prêtres de la Doctrine chrétienne et désignée dans ledit décret, serait rendue au sieur curé de Saint-Castor (1), et après avoir approuvé toutes les conditions faites, tant de sa part avec lesdits prêtres, que de la part de ceux-ci avec ledit Chapitre de Nimes, respectivement consenties, il aurait ordonné que le territoire actuellement desservi par lesdits prêtres dans l'étendue de la dîmerie du Chapitre, serait et demeurerait séparé et démembré de l'église paroissiale de Saint-Castor, sous les limites et dans les circonférences décrites et exprimées dans ledit décret, pour ledit territoire former à l'avenir et à perpétuité celui d'une cure ou vicairie perpétuelle, sous l'invocation et dénomination de Saint-Charles, et qui demeurerait unie, attachée et incorporée, pour toujours, à ladite Congrégation de la Doctrine chrétienne ; mais ladite création et union, ainsi prononcée par le décret du 2 octobre 1772, ne pouvant être exécutée sans avoir été par nous approuvée et confirmée, les exposants nous ont très-humblement fait supplier de vouloir bien l'autoriser par lettres-patentes. À ces causes, de l'avis de notre Conseil qui a vu le susdit décret du 2 octobre 1772, rendu par notre amé et féal conseiller en nos conseils, le sieur Charles-Prudent de Becdelièvre, évêque de Nimes, et tous les autres actes, conventions et procès-verbaux y relatifs et attachés, ainsi que ledit décret sous le contrescel de notre chancellerie, nous l'avons, de notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, approuvé, confirmé et autorisé et, par les présentes, signées de notre main, l'approuvons, confirmons et autorisons. Ordonnons, en conséquence, que le territoire, suivant les limites prescrites dans ledit décret, soit démembré à perpétuité de la paroisse Saint-Castor dudit Nimes, et qu'il soit ou demeure érigé en cure ou vicairie perpétuelle, sous l'invocation de saint Charles; pour être ladite cure unie, incorporée et attachée à perpétuité et irrévocablement à la Congrégation séculière des prêtres de la Doctrine chrétienne et par eux desservie sous l'autorité dudit sieur Évêque et des évêques de ladite ville, ses successeurs, de la manière et aux conditions respectivement convenues et exprimées dans ledit décret. Voulons aussi et nous plaît que les conventions et arrangements faits entre les Prévôt, Chanoines et Chapitre dudit Nimes et lesdites parties sortent leur plein et entier effet ; en conséquence, nous les avons approuvés et ratifiés, les approuvons et ratifions, ainsi que toutes les réserves, exceptions, clauses, charges, conditions et dispositions généralement quelconques prescrites, fixées et établies, par ledit décret, que nous voulons être également exécutées dans toutes leurs parties, ainsi et de la même manière que si, dans nos présentes lettres, il en était fait une mention particulière et expresse. Si donnons en Mandement à nos amés et féaux conseillers les gens tenant notre Conseil supérieur à Nimes et à tous autres, nos officiers et justiciers, qu'il appartiendra, que ces présentes ils aient à faire lire, publier et enregistrer, et du contenu en icelles faire jouir lesdits exposants et lesdits prêtres de la Doctrine chrétienne pleinement, paisiblement et perpétuellement, cessant et faisant cesser tous troubles et empêchements à ce contraires, car tel est notre plaisir, et, afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre notre scel à ces dites présentes. Donné à Versailles, au mois de juin, l'an de grâce 1773, et de notre règne le cinquante-huitième. - Signé : Louis. - Et plus bas : Pour de roi, Phélippeaux, signé; Visa, de Maupeou, signé. Ces lettres étaient scellées du grand sceau de cire verte. » (1) Il s'agit ici de l'île circonscrite par le chemin qui passe au-dessous de l'église des Carmes, va jusqu'aux Cinq-Vies, de là monte au chemin de Beaucaire et revient par le chemin au quai de la ville, près de la porte des Carmes. - Cette partie des faubourgs, desservie jusqu'alors par les Doctrinaires, resta donc, momentanément, dans le territoire de la paroisse de Saint-Castor. Le 22 juillet suivant, sur les réquisitions du procureur-général du roi, ces lettres-patentes furent enregistrées par le Conseil supérieur de Nimes dont l'arrêt visait toutes les pièces relatives à l'érection de la nouvelle paroisse, sans préjudice, ajoutait-il, au curé et vicaire de ladite paroisse de pouvoir exiger du Chapitre de Nimes une somme plus grande que celle de 500 et de 200 livres, au cas où il plairait à Sa Majesté d'augmenter la rétribution des curés et vicaires. Quelques jours après, le 31 juillet 1773, le R. P. Raymond Maimard, ancien Provincial de la Doctrine chrétienne et alors supérieur du Séminaire de Nimes, au nom et comme procureur fondé de ses supérieurs, prit possession de la cure de Saint-Charles, en présence de Messire Antoine-Hercule Leyris d'Esponchès, chanoine-archidiacre de l’Église cathédrale et conseiller clerc au Conseil supérieur de Nimes. L'acte, dressé par Me Marignan, avocat et notaire, fut signé par Jean Martin, prêtre, Étienne Monnet, prêtre du diocèse d'Orange, Paul-Abdias d'Arnaud, baron de Cassagmes, et plusieurs bourgeois habitants de la paroisse, Jean Chassanis, Vincent Bruguier, Jean Laurent, etc. ; une foule de peuple assistait à la cérémonie (1). (1) Archives du Gard, G 927 et 1244. Le Père Bourrelly, continuant ensuite l'administration de la paroisse, reçut successivement, pour l'aider dans ses fonctions, le Père Blancard, du 22 février au 27 novembre 1774, le Père Reyne, du 8 mars au 28 juin 1775, le Père Gourjon, du 9 juillet 1775 au 6 octobre 1777, le Père Céas, du 16 novembre 1777 au 25 septembre 1779, et le Père Pierre Maurel, à partir du 3 novembre 1779. Chapitre IV - Construction de l'église paroissiale - La Révolution Jusqu'à l'érection définitive de la paroisse, le service divin avait été célébré dans la chapelle du Séminaire, dont l'enceinte était loin d'être suffisante pour les besoins de la nombreuse population du faubourg. Toujours attentif aux nécessités de ses chères ouailles, Mgr de Becdelièvre ne pouvait laisser incomplète son œuvre d'érection, et il s'occupa aussitôt après de la construction du centre paroissial ; l'emplacement en fut marqué dans le jardin même des Doctrinaires ; puis, sous l'influence et l'inspiration de l'évêque, le Chapitre cathédral prit, le 3 juin 1774, une délibération par laquelle il s'engagea à payer aux magistrats de la ville une somme de 12000 livres pour tout ce qui pouvait le concerner dans la construction de l'église paroissiale de Saint-Charles, en sa qualité de gros décimateur ; cette somme était payable en deux termes, savoir : 6000 livres lorsqu'on serait arrivé à la naissance des voûtes des tribunes, et le reste, lorsque l'ouvrage totalement terminé aurait été reçu par deux architectes de la Province aux frais de la ville. Quatre jours après, le 7 juin, une délibération prise par le Maire, les Consuls et les Conseillers politiques de la ville de Nimes, accepta les engagements du Chapitre et vota les fonds pour la construction de l'église ; mais la caisse municipale était loin de pouvoir subvenir à cette dépense, et l'affaire allait subir d'interminables délais sans l'intervention de Mgr de Becdelièvre qui offrit de se charger de toute la partie des frais qui incombaient à la ville. Il est facile de comprendre avec quelle reconnaissance le Conseil de ville reçut et accepta l'offre de l'évêque. Sa délibération, à ce sujet, en fait foi, ainsi que plusieurs autres qui furent prises dans la suite ; cette délibération fut homologuée par ordonnance de l'intendant de la province de Languedoc, en date du 18 septembre 1774 et fut autorisée, le 6 mai 1776, par arrêt du Conseil d’État. Sur ces entrefaites, l'abbaye de Saint-Gilles étant devenue vacante, Mgr de Becdelièvre obtint du roi, sur les revenus de ce riche bénéfice, une subvention annuelle de 5000 livres pendant dix ans, et dès lors l'avenir de la construction fut assuré. On n'avait pas attendu jusque-là pour mettre la main à l’œuvre ; dès le mois d'août 1773, l'architecte Rollin avait présenté un plan qui fut approuvé par l'évêque et le syndic du Chapitre, et, le 15 juin 1774, deux entrepreneurs, Jacques Pascal cadet et Noël Chambaud, s'étaient chargés des travaux, selon les devis dressés par Rollin ; les prévisions s'élevaient à 70000 livres de dépense pour la seule construction. Le creusement des fondations commença, le 3 août 1774, et l'on put prévoir bientôt une augmentation de dépenses ; en effet, on ne trouva partout qu'un terrain meuble provenant en grande partie de terres transportées, et plusieurs puits durent être comblés ; la sonde ne paraissait promettre un terrain résistant qu'à une trop grande profondeur ; on se vit dans l'obligation de planter des pilotis et de coucher des madriers sur toute l'étendue des fondements. Une autre cause d'augmentation provint d'un changement dans le plan ; l'église entière devait, d'après le devis primitif, être construite en moëllons ; mais le Conseil de ville, considérant que la façade construite sur la promenade du Cours en deviendrait un des plus beaux ornements, si elle était bâtie en pierres de taille, décida de prendre à sa charge cette partie de l'édifice et de payer les 6304 livres 16 sols que l'architecte demanda pour ce changement au plan primitif ; cette délibération est du 28 novembre 1774. Les travaux poursuivis sans interruption avançaient rapidement; dès le commencement de l'année 1776, la première partie de la subvention du Chapitre était devenue exigible, c'est-à-dire que les murs étaient déjà arrivés à la hauteur de la naissance des voûtes ; par une délibération du 24 juillet, les chanoines chargèrent leur syndic de se procurer la somme nécessaire pour faire face à leurs engagements ; ce premier payement fut fait, le 4 août, en présence de Mgr de Becdelièvre. Pendant ce temps, l'évêque s'occupait de pourvoir à l'ameublement de l'église et passait divers marchés pour en assurer la fourniture ; Charles Fauque, marbrier, se chargea du maître-autel en marbre massif pour le prix de 2017 livres ; Hauvert, menuisier, de la chaire pour 830 livres, et de quatre confessionnaux pour 570 livres ; Ignace Barbut, fondeur, de quatre cloches pour 3887 livres 15 sols (1). (1) Les cloches pesaient : la première 1197 livres, la deuxième 820, la troisième 570, la quatrième 462 ; elles étaient parfaitement harmonisées. D'autres fournisseurs se chargèrent du reste de l'ameublement. Le tableau du sanctuaire, représentant saint Charles donnant la communion aux pestiférés, fut commandé à Rome à un peintre flamand, A. de Muynek, au prix de 1000 livres. Ce tableau revint avec le port, le cadre et la dorure, à 1436 livres 7 sols. La dépense payée aux entrepreneurs monta à 76251 livres 13 sols 4 deniers, et celle de l'ameublement à 22211 livres 8 sols 6 deniers, soit en tout 98463 livres 1 sol 10 deniers ; sur cette somme Mgr de Becdelièvre devait recevoir 50000 livres sur l'abbaye de Saint-Gilles ; 12000 sur le Chapitre de Nimes et 6304 livres 16 sols sur la ville. Ce fut donc pour lui une dépense de 30158 livres 5 sols 10 deniers. Ne nous étonnons donc pas si le souvenir de cet évêque est encore vivant dans la paroisse Saint-Charles et si son nom n'y est prononcé qu'avec le plus profond respect et la plus vive reconnaissance ; mais comme les souvenirs les plus précieux vont s'amoindrissant à travers les années, M. Guiméty a voulu consacrer celui-ci en plaçant dans la sacristie de son église le portrait de l'évêque fondateur tenant à la main le plan de l'édifice auquel il consacra une partie de sa fortune. La nouvelle église paroissiale fut solennellement bénite, le samedi 23 novembre 1776, et le lendemain, dimanche, Mgr de Becdelièvre y célébra la première messe (1). Le 22 février de l'année suivante, sur la réquisition de l'évêque, le sieur Rollin, architecte, fit la vérification des travaux, en présence des délégués du Chapitre et des Consuls de la ville. Cet examen prouva que les entrepreneurs avaient accompli l'ouvrage « selon les bonnes règles de l'art » ; et il fut convenu que le payement final des travaux serait fait au mois de novembre suivant, au cas que l'église et ses dépendances fussent alors en bon état. Le Chapitre pava sa part contributive le 9 janvier 1778 (2). 1) L'église Saint-Charles avait les dimensions suivantes : longueur 33 m06 ; largeur avec les chapelles 18m66, sans les chapelles 11m70 ; hauteur du pavé à la voûte 18 m ; longueur du sanctuaire 10m88, largeur 9m88. (2) Archives de l'évêché, n° 81. - Archives du Gard, G 1245-1247 Le Père Maurel devint premier curé au commencement de juin 1790. Quelques jours après eurent lieu les tristes scènes de dévastation, de pillage et de massacre connues dans notre histoire sous le nom de Bagarre. A Saint-Charles et au Séminaire le sang ne coula pas, les Doctrinaires ayant eu la sage précaution de se cacher dans leur clocher; une bande armée envahit cependant leur maison et la saccagea, le 15 juin ; on avait eu le temps de mettre en sûreté les vases sacrés et on n'eut à regretter, sous ce rapport, que la perte d'une boîte d'argent qui servait à porter le Saint-Viatique aux malades ; mais les meubles du Séminaire furent brisés ou emportés et l'église fut en partie dévastée. Lorsque le calme fut un peu revenu, les fauteurs des tristes journées de juin cherchèrent à en atténuer les horreurs et, sous l'impression des menaces, ils obtinrent divers certificats qui cachaient la plus grande partie de la vérité. Voici celui que leur délivra le Père Joseph Royer, supérieur des Doctrinaires ; il n'y a qu'à le lire pour s'apercevoir qu'il est rempli de réticences calculées et qu'il fut peut-être dicté à la faiblesse du supérieur par ceux-là mêmes qui voulaient s'en servir pour leur justification. « Je soussigné, prêtre de la Doctrine chrétienne, supérieur du Séminaire et paroisse Saint-Charles, atteste que, dans l'irruption tumultueuse, faite dans l'église, le 15 juin, par des gens armés, il n'a été fait, ni dans l'église, ni dans la sacristie, aucun vol de vases sacrés, à l'exception d'une boite d'argent, laquelle a été enlevée dans la chambre du Père Maurel, l'un des curés de la paroisse. » Lorsque la Révolution, continuant son œuvre, eut exigé le serment schismatique des prêtres employés dans les paroisses, le Père Bourrelly qui avait repris le service paroissial eut la faiblesse de consentir à ce serment ; le Père Maurel ; au contraire, refusa courageusement cet acte d'adhésion à la Constitution civile du clergé ; il resta cependant à la tête de la paroisse jusqu'après l'arrivée de l'évêque constitutionnel ; le dernier acte qu'il signa dans les registres paroissiaux est du 31 mai 1791 : il se retira alors dans son pays natal, à Barcelonnette, d'où il émigra à Turin ; il y mourut dans le couvent des Saints-Apôtres. C'était un homme d'un grand mérite et d'une haute piété ; son ardeur pour le travail l'avait fait blanchir de bonne heure, et dès l'âge de 40 à 45 ans, il avait la chevelure d'un vieillard. Le supérieur de la maison où il mourut écrivait à une famille de Nimes, attachée au Père Maurel, que leur ami avait fait la mort d'un bienheureux. Saint-Charles fut la première église que Dumouchel, évêque constitutionnel du Gard, souilla de sa visite. Ce fut à la porte de cette église qu'il descendit de voiture en arrivant à Nimes. La municipalité l'y attendait sous la conduite de Lagarde, maire de la ville. Celui-ci complimenta Dumouchel qui ne sut lui faire qu'une courte et plate réponse. L'évêque, que Rabaut-Saint-Etienne s'était chargé lui-même de choisir pour son pays natal, entrant alors dans l'église, s'y revêtit des habits pontificaux et y reçut les hommages de tous les assermentés du Gard les plus connus par leur conduite scandaleuse, au nombre de trente-cinq. - Le curé de Saint-Jean-de-Gardonnenque porta la parole au nom de tous. Dumouchel se rendit ensuite, précédé de ce cortège, à un autel dressé au milieu du Cours d'où il fut processionnellement conduit à la Cathédrale, par la rue des Lombards. La nouvelle circonscription des paroisses, dans le diocèse schismatique, enleva à Saint-Charles son titre de cure ; ce ne fut plus qu'une succursale de la paroisse épiscopale; elle fut administrée du 4 au 22 juin 1791 par Raoux, du 23 juin au 8 juillet par Béchard ; Bourrelly leur succéda le 9 juillet, et fit seul les fonctions curiales jusqu'au 1er avril 1791, époque où Tauziet lui fut adjoint jusqu'à l'abolition des cultes, en 1793. L'église fut alors dépouillée ; mais on put en sauver le maître-autel et le tableau qui fut descendu, roulé et emporté par un excellent catholique ; la chaire fut aussi préservée, les spoliateurs la laissèrent en place et s'en servirent comme d'une tribune à harangues dans les assemblées primaires qui se tinrent pendant quelque temps dans l'église Saint-Charles; les boiseries de la sacristie ne souffrirent aussi aucun outrage, l'administration ayant fait de ce lieu un bureau pour les écritures. Plus tard, l'église servit de dépôt pour l'artillerie, et on y installa des forges ; elle devint ensuite la propriété d'un pieux paroissien, M. Marchat, qui l'acheta, au prix de 50 francs, par l'intermédiaire d'un nommé Ducros. Le Séminaire fut à son tour vendu au prix de 27000 francs en assignats, à Mme veuve Randon, le 27 prairial, an IV (15 juin 1796). Lorsque, après la Terreur, les catholiques purent un peu respirer, l'église de Saint-Charles fut rouverte par MM. Pagés et Nicolas. Ces deux prêtres fidèles qui, pendant les mauvais jours, n'avaient point cessé d'exercer leur saint ministère dans les environs de Nimes, à travers mille dangers, quittèrent leur retraite des bois de Collias, sur l'ordre de M. de Rochemore, administrateur du diocèse, et vinrent se mettre à la tête de la paroisse Saint-Charles. Nous lisons dans l'un des registres de la paroisse de Cabrières, dont M. Pagès fut plus tard curé : « 1795, le 13 mai, veille de l'Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous avons béni l'église de Saint-Charles. » Dès le lendemain, d'après les registres paroissiaux, les fonctions curiales furent régulièrement exercées par les deux confesseurs de la foi qui portaient chacun le titre de curé ; cet état de choses dura jusqu'au 3 novembre suivant ; une note de Pagès, dans le registre de Cabrières, est ainsi conçue : « Le 3 novembre de la susdite année, on nous a interdit toute fonction dans l'église de Saint-Charles, par rapport à notre refus de la soumission aux lois de la République. » MM. Pagès et Nicolas continuèrent cependant encore à exercer secrètement pendant quelques jours ; puis M. Pagès, sur un nouvel ordre de M. de Rochemore, se retira à Saint-Bonnet, d'où il rayonnait, portant dans tous les alentours les secours religieux. M. Nicolas eut alors pour l'aider, l'un des frères Paulhan, qui fut bientôt arrêté et incarcéré dans la citadelle. Caché dans diverses maisons, M. Nicolas traversa ce temps de persécution et put de nouveau rouvrir l'église au commencement de l'année 1797, avec le titre de pro-curé. De nombreux auxiliaires lui furent alors donnés ; la plupart des prêtres émigrés étaient rentrés en France, et nous trouvons parmi les signatures des actes paroissiaux, les noms de MM. Euzéby, Soullier, Garcin, Noguez, Doze et Vital Bouquet. Ce dernier, ancien bénéficier de la Cathédrale de Nimes, arriva d'Italie, le 18 mai, et fut immédiatement nommé vicaire de la paroisse Saint-Charles. Peu de temps après, à la date du 25 juillet, paraît pour la première fois la signature de M. Bonhomme, qui devait se retrouver dans les registres paroissiaux pendant quarante-sept ans, M. Joseph-François Bonhomme, né le 1er janvier 1759, était entré jeune encore dans la Congrégation des Doctrinaires; la Révolution le surprit remplissant les fonctions de professeur au collège de Tarascon ; il refusa le serment schismatique de 1791, et profitant de la loi de déportation volontaire, il s'embarqua à Aiguesmortes pour l'Italie, le 21 septembre 1792, sur la tartane le Saint-Théotiste, capitaine Pierre Perben (d'Agde). À son retour de l'exil, il fut adjoint à M. Nicolas. La paix semblait assurée, lorsque le gouvernement républicain exigea de tous les prêtres le serment de haine à la royauté, septembre 1797. M. de Rochemore, au nom du clergé nimois, répondit que la religion catholique est une religion d'amour qui n'admet aucun sentiment de haine. Cette réponse devint le signal de la fermeture des églises ; les prêtres reprirent le chemin de la citadelle ou s'éloignèrent de la ville pour se soustraire à la persécution. Quelques-uns cependant ne consentirent pas à laisser sans secours les populations confiées à leur zèle ; nous devons citer en particulier M. Vital Bouquet. Ce digne prêtre se procura dans les Bourgades une petite maison composée d'une alcôve et de deux pièces, dont l'une lui servait de chapelle ; il y vécut près d'un an dans des transes continuelles, mais sans cesser les fonctions du saint ministère ; il fut enfin dénoncé et, le 28 thermidor, an VII (15 août 1798), une perquisition fut faite par la police dans sa demeure ; tout fut enlevé, ses papiers, ses ornements, ses souvenirs d'Italie et de Rome, ses sermons et le peu qu'il possédait. La plupart de ces objets se trouvent encore aux Archives départementales du Gard, sous le n° 415 de la série 2 L. Averti à temps, M. Bouquet avait pu se sauver et il essayait de se réfugier cher son confrère M. Lascombe, lorsqu'il rencontra celui-ci en chemin. M. Lascombe lui apprit que sa maison était aussi occupée par la police ; ils se séparèrent alors ; M. Lascombe fut bientôt pris et conduit à la citadelle, M. Bouquet rencontra un autre asile ; nous ne retrouvons ses traces que deux ans après. Chapitre V - La Paroisse Saint-Charles sous M. Bonhomme. Les registres paroissiaux s'ouvrent-de nouveau au commencement de juin 1800 ; quatre prêtres étaient alors chargés du service paroissial ; c'étaient M. Bonhomme et M. Nicolas, tous deux avec le titre commun de préposés à la paroisse Saint-Charles, M. Bouquet, avec le titre de délégué, et M. Constant qui signe comme prêtre approuvé. M. de Balore, revenu de l'exil, envoya à M. Bonhomme le titre de curé, et il signa en cette qualité à partir du 12 juillet 1801 ; dès lors, les autres prêtres ne paraissent plus que comme vicaires. Les paroisses ayant été reconstituées à la suite du Concordat, celle de Saint-Charles fut rangée parmi les cures cantonales de première classe, et, un décret du 10 pluviose, an XI (31 janvier 1803), y nomma M. Bonhomme, suivant le vœu de toute la population et des autorités de la ville ; son installation solennelle ne se fit. cependant que le 2 octobre suivant ; la cérémonie fut présidée par M. Pierre-Joseph de Rochemore, curé de Saint-Castor et vicaire-général pour le Gard, assisté de MM. Honoré de Bérage et Basile Ferrand, anciens chanoines de la Cathédrale de Nimes. Vers cette époque, un acte signé des cinq curés de Nimes (1) fixait ainsi les limites de la paroisse Saint-Charles : « Au Midi, elle comprend depuis l'endroit où commence le terroir de Nismes, sur le chemin de Sauve, jusques aux Quatre-Piélons ; de là, par l'ancien chemin de Sauve jusques à la plate-forme de la Fontaine, en longeant le canal de la Fontaine jusques au pont de la Boucairie, et dudit pont, en longeant les deux Cours, par la ligne du milieu, jusques à l'ancienne porte des Casernes. - Au levant, depuis ladite porte des Casernes, en longeant la rue qui monte aux Moulins-à-Vent jusques auxdits moulins, de manière que la partie à droite et celle de la gauche de ladite rue appartiennent à la paroisse Saint-Charles, et desdits moulins jusques à l'endroit où finit le terroir de Nimes. » (1) Archives de la Cathédrale. M. Bonhomme avait trouvé son église dénuée de tout ; à part les quelques meubles qu'on avait pu sauver, tout manquait à Saint-Charles, et il fallut même refaire la toiture et le clocher de l'église. La piété et la générosité des paroissiens permirent au curé de faire les larges dépenses nécessitées par un pareil état de choses et bientôt la paroisse n'eut presque plus rien à désirer. Un premier Conseil de fabrique fut installé, le 17 février 1805, et un autre, créé d'après les prescriptions du décret de 1809, commença à fonctionner, le 11 mai 1811. Les jours qui s'écoulèrent sous le régime impérial furent pour la paroisse Saint-Charles une ère de résurrection complète, pendant laquelle reparurent les anciennes œuvres paroissiales, et pour le curé un temps de conquête ; c'est en travaillant sans relâche au bien spirituel de ses ouailles, que M. Bonhomme s'assura cette popularité qui lui permit dans la suite d'exercer une si profonde influence sur les masses, et cette considération dont l'entouraient les diverses autorités civiles et dont il sut toujours user pour le bien des habitants de Nimes ; si, en 1815, il ne put entièrement faire oublier les excès d'une autre époque et empêcher toutes les représailles, il parvint cependant, par l'ascendant de sa parole, à comprimer les vengeances qui, sans lui et les conseils du clergé, eussent peut-être pris un plus grave caractère. Quand la Restauration fut complète et les esprits calmés, M. Bonhomme tourna ses soins vers l'instruction de l'enfance, et sa paroisse fut la première à posséder des écoles ; celle des Frères s'ouvrit en 1819 ; il y avait à peine deux ans qu'étaient arrivés ces instituteurs si aimés dans notre ville ; celle des Dames de Saint-Maur fut obtenue aussitôt après. M. Bonhomme se distingua aussi par son zèle pour la maison de Dieu ; et successivement divers embellissements rendirent l'église paroissiale plus riche et plus convenable; en 1824, avec l'aide de Mme veuve Bruguier, le sanctuaire fut ornée d'une boiserie dont le devis s'éleva à 2500 francs ; peu auparavant le maître-autel avait été réparé et avait reçu son second gradin ; en 1839, la chapelle des fonts-baptismaux avait été créée au moyen d'un secours obtenu de la ville et de 1200 francs légués à la fabrique par M. Aigon; le 27 mars 1842, avait eu lieu la bénédiction de deux tableaux donnés par le gouvernement, sur la demande du curé ; ces deux tableaux sont le Saint-Jérôme, de Sigalon, copié par Charpentier, et la Descente de Croix, de Jouvenet, copiée par Pellenc de Nimes. - Enfin, vers les derniers temps de son administration, en 1843, M. Bonhomme commença les démarches qui devaient amener plus tard l'agrandissement de l'église. Ces soins matériels n'étaient cependant qu'un accessoire dans les préoccupations du bon curé. Son âme, toujours ardente, alors même que l'âge et la vieillesse semblaient devoir en éteindre le feu, savait profiter de toutes les circonstances pour augmenter la puissance de la vie paroissiale. Aussi la population de Saint-Charles était-elle citée comme l'une des plus vivantes du diocèse. La mission de 1826 fut, dans toutes les paroisses de la ville, l'occasion de nombreux retours aux anciennes pratiques religieuses et le clergé de Saint-Charles recueillit sa bonne part de ces précieuses conquêtes ; le souvenir en fut consacré, au mois de mars, par la plantation d'une croix monumentale contre le mur de l'église, du côté de la place, et par l'érection d'une congrégation de la Sainte-Vierge, sous le titre de l'Immaculée-Conception. Cette congrégation ne fut affiliée à la Primaria de Rome qu'en 1839 ; le visa épiscopal des lettres d'affiliation porte la date du 4 octobre de la même année. L'influence que s'était acquise M. Bonhomme était telle que ce fut chez lui, au lendemain de la révolution de juillet, que se réunirent, le mercredi 4 août, divers personnages notables dans le but d'assurer la paix de la cité ; on remarquait parmi eux M. Vidal-Pellet, adjoint du maire, et M. le pasteur Taschard ; les plus chauds de chaque parti furent appelés dans cette réunion et, à la suite des sages admonestations du curé, ces hommes, ennemis irréconciliables en entrant, s'embrassèrent avant de sortir. Après avoir obtenu ce résultat, M. Bonhomme parcourut à plusieurs reprises les diverses rues de sa paroisse prêchant partout la paix et la réconciliation ; sa parole aimée fut entendue. De son côté M. Taschard avait chaudement recommandé aux siens la modération et l'union ; le soir même, à la grande joie de tous, on n'entendait partout que le cri de vive la paix ! Il semblait qu'il n'y avait plus de partis à Nimes ; mais malheureusement, cette union fut de bien courte durée. Dés le 15 août, les troubles recommencèrent ; l'autorité parvint cependant à rétablir une tranquillité apparente ; mais quelques jours après, aussitôt que la garnison suisse se fut éloignée de Nimes, le désordre reparut. Le dimanche, 29. août, diverses scènes avaient compromis la tranquillité et les partisans du nouveau régime s'étaient pourvus de munitions de guerre par le pillage de plusieurs bureaux de débitants ; « dans l'après-midi, raconte l'historien Baragnon, la population catholique des bourgades assistait à l'office divin dans l'église Saint-Charles ; un rassemblement tumultueux se forma devant l'église ; des vociférations se firent entendre, des pierres furent lancées ; une boule en cuivre doré, qui ornait la base d'une croix en fer placée contre le mur de l'église, fut dégradée. Les habitants du faubourg accourent ; ceux qui étaient dans l'église en sortent par une porte latérale, et une lutte s'engage à coups de pierres ; l'agitation est à son comble. » L'autorité civile parvint à grand'peine à obtenir la paix et un poste de la troupe de ligne fut placé devant la croix pour la protéger. Le lendemain, les catholiques nimois, menacés de voir reparaître les persécutions d'un autre âge s'étaient armés et se gardaient dans leur faubourg, après avoir promis à leur vénérable évêque qu'ils n'attaqueraient pas et se borneraient à défendre leurs jours ; ils furent fidèles à leur parole, mais leurs adversaires ne tardèrent pas à commencer le combat et plusieurs trouvèrent la mort dans cet instant. Nous ne voulons pas ici faire de l'histoire locale générale, nous laissons donc tout ce qui, dans les faits de cette époque, ne se rapporte pas à la paroisse Saint-Charles ; qu'il nous suffise de faire remarquer que la Cour royale de Nimes, après les informations les plus minutieuses, reconnut, en fait, que les combats du 30 août n'avaient été livrés par les catholiques accusés, qu'en état de légitime défense d'eux-mêmes ou de leurs familles. Le parti vainqueur ne se tint pas pour satisfait ; il résolut d'infliger aux catholiques une humiliation nouvelle eu leur défendant les cérémonies publiques et en renversant les croix de mission. Ce dernier acte eut lieu pour celle de Saint-Charles, le 13 mars 1831 ; de forts détachements de troupes furent placés à toutes les avenues de l'église, pour empêcher toute tentative de résistance et ordre fut donné de ne laisser pénétrer personne sur la place ; cette consigne fut si sévèrement gardée que les vicaires eux-mêmes de la paroisse ne purent assister à la remise de la croix au curé. Sur le refus général des ouvriers nimois de concourir à cette profanation sacrilège, la mission d'abattre le signe du salut fut confiée à un peloton de soldats du génie. La croix, descendue de son piédestal, fut portée dans l'église; M. Bonhomme la reçut les larmes aux yeux et les sanglots dans la voix et la fit placer dans la chapelle où on la voit aujourd'hui. Nous n'avons plus rien de remarquable à signaler dans l'histoire de la paroisse Saint-Charles jusqu'à la mort de M. Bonhomme ; il rendit son âme à Dieu, le 25 juillet 1844, vers midi, à l'âge de 85 ans 6 mois et 25 jours. Toutes ses ouailles l'accompagnèrent dans la cérémonie de ses obsèques, et nous nous souvenons d'avoir vu couler bien des larmes dans le cortège qui précédait et qui suivait le corps de ce saint prêtre. Dès l'époque du Concordat, M. Bonhomme avait reçu le titre d'adjoint au provicariat général du Gard ; lorsque Mgr de Chaffoy prit possession du siège de Nimes, il donna au curé de Saint-Charles des lettres de grand-vicaire et un canonicat honoraire ; à la mort de ce prélat, le Chapitre lui conféra le titre de vicaire-capitulaire, et Mgr Cart l'adjoignit également au gouvernement du diocèse en qualité de vicaire-général honoraire et de membre du conseil épiscopal. M. Bonhomme avait reçu la Croix de la Légion-d'honneur des mains du Comte d'Artois, lors du passage de ce prince à Nimes. Chapitre VI - L’agrandissement de l'église. M. Hippolyte Aillaud, né en 1803, fut désigné pour recueillir la succession de M. Bonhomme ; l'évêque de Nimes ne pouvait faire un choix plus heureux. M. Aillaud était, depuis 18 ans, vicaire de la paroisse Saint-Charles ; admis dans la plus familière intimité de son curé, son zèle ardent n'avait pu que s'échauffer encore au contact d'une si belle âme, et nul, mieux que lui, ne pouvait en ce moment continuer l’œuvre paroissiale. L'ordonnance royale qui agréait cette nomination fut signée, le 28 octobre 1844, et, le 16 novembre suivant, veille de la solennité de Saint-Charles, M. Aillaud fut installé, sur les quatre heures du soir, par M. le chanoine Privat. Sa courte administration de cinq ans fut marquée par une impulsion nouvelle donnée aux œuvres de zèle, et par des démarches multipliées, afin d'arriver à un agrandissement de l'église paroissiale reconnu depuis longtemps nécessaire. Ainsi que nous l'avons vu, M. Bonhomme avait déjà compris ce besoin et essayé de le satisfaire. L'autorité municipale, saisie de la question, avait fait dresser par M. Chambaud, architecte de la ville, un plan dont le devis se montait à 40000 francs ; une lettre du maire de Nimes en avait informé le curé, le 26 mai 1843 ; le 25 novembre de la même année, le Conseil municipal reconnut l'utilité du projet et sur l'assurance que crut pouvoir lui donner le Conseil de fabrique sur la facilité de l'achat du terrain nécessaire, il vota cet achat le 7 février suivant ; l'enquête à ce sujet se fit au mois de septembre 1844. Mais ce ne fut que le 7 juillet 1847 que l'on put obtenir l'ordonnance royale qui déclarait d'utilité publique l'agrandissement de l'église Saint-Charles. Le mauvais vouloir des voisins, manifesté depuis longues années et par plusieurs procès, vint malheureusement entraver l'affaire et l'on dut s'arrêter devant des prétentions exorbitantes qui auraient trop fortement grevé le budget municipal. La révolution de février vint à son tour entraver le projet et l'on dut attendre des temps meilleurs pour son exécution. Ce fut pendant l'administration de M. Aillaud que l'église s'enrichit, le 4 mars 1845, d'un orgue de dix jeux, sorti de la maison Doublaine et Callinet, de Paris. Cet orgue reçut, plus tard, un accroissement de six jeux nouveaux ; cette amélioration est due au curé actuel de la paroisse qui a fait aussi l'acquisition d'un excellent orgue d'accompagnement de M. Vincent Cavaillé-Coll. Vers la fin de 1849, la cure de la cathédrale étant devenue vacante par la démission de M. Couderc, l'évêque de Nimes y appela M. Aillaud et désigna pour celle de Saint-Charles M. Félix Guiméty, né en 1808, alors vicaire de Sainte-Perpétue. Cette nomination fut agréée par un décret du gouvernement, en date du 4 janvier 1850, et le 13 du même mois, avant la grand'messe paroissiale, M. Guiméty fut installé par M. le chanoine Privat, en présence de M. Philippe Eyssette, maire de Nimes, et d'une nombreuse assistance heureuse de voir à sa tête le neveu d'un des vénérables prêtres qui ont laissé dans Nimes les meilleurs souvenirs. M. Guiméty s'occupa aussitôt de faire aboutir le projet d'agrandissement ; une église qui contenait seulement 1400 personnes, dans sa nef et ses vastes tribunes était évidemment insuffisante pour une population de plus de 8000 catholiques. Dès le 12 mai 1850, le Conseil de fabrique prit une délibération à ce sujet et résolut de faire une nouvelle démarche auprès du Conseil municipal, de lui représenter l'urgence des besoins paroissiaux et de lui demander l'exécution des anciens plans qui doubleraient la surface du sanctuaire et procureraient à l'église des dépendances nécessaires. Peu après, l'affaire prenait une fâcheuse tournure au sein du Conseil de ville ; la municipalité semblait vouloir renoncer à acheter tout le terrain qu'on avait précédemment en vue ; les plans avaient été refaits de manière à n'être plus que d'une utilité contestable ; dans tous les cas, ils ne procuraient à l'église qu'un embellissement et lui refusaient tout agrandissement, sous le prétexte que la solidité de l'édifice pourrait être compromise. Le Conseil de fabrique, réuni le 14 avril 1854, s'empressa de faire arriver au Conseil municipal de nouvelles réclamations, demandant que les anciens projets fussent repris et que l'idée d'ouvrir la rue Robert ne fût pas abandonnée. Ces réclamations furent écoulées et la ville traita, en 1854, avec M. Valz, pour l'achat de tout le terrain nécessaire, soit pour l'agrandissement du chœur, soit pour l'ouverture de la rue Robert, et par suite pour l'isolement de l'église, ce qui devait, pour l'avenir, empêcher la reprise de divers procès anciens. La rue fut ouverte, en 1855, et le terrain resté libre fut clôturé par un mur. Deux ans après, M. le curé obtenait l'agrandissement de la sacristie et profitait de la bonne volonté du Conseil municipal pour faire construire les dépendances qui existent, le long de l'église, du côté du couchant, avec, une terrasse au-dessus et une galerie semblable à celle de M. Valz, ce qui rend très-agréable l'entrée de la rue Robert. Ces nouvelles constructions ayant fourni un magasin de chaises, M. le curé put dès lors se conformer aux prescriptions liturgiques qui veulent que les fonts baptismaux soient placés du côté de l’Évangile ; on les y transporta, et l'ancienne chapelle qui servait à cet usage fut dédiée à saint Joseph, en y conservant cependant les peintures murales dues au pinceau de M. Chenillon et commandées par M. Bonhomme. Les frais pour la transformation de la chapelle de saint Joseph furent couverts soit par la piété des fidèles, soit par la générosité de M. Joseph Guiméty, frère du curé, qui donna 3000 francs. M. Joseph Guiméty avait déjà enrichi l'église de deux vitraux représentant saint Charles et saint Joseph, et d'un chemin de croix dont l'inauguration avait été faite pendant le carême de 1856. Vers la même époque, la chapelle de la Croix fut ornée de peintures murales représentant saint Jean et saint Louis d'un côté, la Sainte Vierge et sainte Hélène de l'autre. Ces deux pages qui font l'admiration des connaisseurs ont M. Doze pour auteur. L'heure de l'accomplissement des désirs de la paroisse avait enfin sonné et, le 8 septembre 1861, M. le curé eut la satisfaction d'annoncer à son Conseil de fabrique que, sur la proposition de M. Paradan, maire de Mines, le Conseil municipal venait de voter la somme de 49290 francs pour l'agrandissement du sanctuaire, sur les plans et devis fournis par M. Libourel, architecte de la ville. Le Conseil de fabrique reçut avec reconnaissance cette communication ; sa délibération porte cependant une réserve bien juste ; les fabriciens acceptent, en attendant que la ville puisse faire davantage pour la paroisse ; l'église, disent-ils, pourra bien contenir 300 fidèles de plus, mais sera encore insuffisante pour une population de 8000 catholiques. L'adjudication des travaux fut prononcée, le 10 décembre 1864, en faveur de M. Jacques Aubert, entrepreneur maçon. La construction fut conduite avec une sage lenteur, nécessitée par les précautions à prendre afin de ne pas ébranler l'ancien bâtiment pour la solidité duquel faisaient craindre des lézardes assez considérables. M. Libourel, qui surveilla les travaux avec un zèle digne d'éloges, trouva le moyen de donner à l'église, outre le chœur qui était le but principal de la réparation, une sacristie spacieuse pour le clergé, une autre sacristie pour les chantres et les enfants de chœur, et, de plus, un magnifique local de 18 mètres de long sur 8 de large, destiné aux catéchismes de persévérance et aux réunions ordinaires des Congrégations paroissiales. Ce local fut dédié sous le titre de chapelle de sainte Agnès. Le nouveau sanctuaire fut inauguré par la solennité de l'Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement, le 23 février 1867. - La veille au soir, M. le curé avait béni les nouvelles constructions, assisté de M. Aillaud, son digne prédécesseur, en présence d'une nombreuse assistance de paroissiens pénétrés de reconnaissance envers les magistrats de la cité. Les vitraux du fond du chœur, dessinés par M. Doze, sont sortis des ateliers de M. Martin, peintre-verrier d'Avignon ; le personnage du milieu est Jésus enseignant, en souvenir des Doctrinaires qui furent les premiers curés de la paroisse Saint-Charles ; sur les côtés, ont été placés saint Joseph et saint Charles, patrons de l'église. N'oublions pas en terminant de mentionner un tableau de Natoire, représentant saint Roch. -oOo- Église
Saint-Charles
Extrait
de "Nîmes Autrefois Aujourd'hui de Théodore Picard, 1901
La fondation de la paroisse Saint-Charles, la première du diocèse après la Cathédrale, remonterait au 29 janvier 1686. C'était un prieuré-cure, situé dans le faubourg des Prêcheurs, et confié aux Pères de la Doctrine Chrétienne appelés à Nîmes en 1642, et qui; depuis 1668, dirigeaient le Séminaire. Son érection en paroisse distincte, sous le vocable de Saint-Charles, eut lieu par ordonnance de Mgr de Becdelièvre, rendue le 2 Octobre 1772, et confirmée par lettres-patentes du Roi, datées du mois de juin 1773. Jusqu'à l'érection définitive de la paroisse, le service divin avait été célébré dans la chapelle du Séminaire. La première église, bâtie en 1774, suivant les plans de l'architecte Rollin (coût 98.463 livres), fut solennellement bénite le 23 novembre 1776 par le même évêque, et continua d'être desservie par les Doctrinaires. La tourmente révolutionnaire qui obligea les Membres de cette Congrégation à se séparer, avait enlevé à Saint-Charles son titre de cure dans le diocèse schismatique. Le Séminaire fut envahi et saccagé. L'église, en partie dévastée, servit de dépôt pour l'artillerie, et on y installa des forges ; elle fut achetée par un pieux paroissien, au pris de 50 francs. Le Séminaire, à côté fut vendu au prix de 27000 francs en assignats. Le titre de cure lui fut rendu le 12 juillet 1801 par Mgr de Balore revenu de l'exil. Le nouveau curé de cette importante paroisse fut M. l'abbé Bonhomme, ancien Doctrinaire émigré. Cette nomination fut ratifiée par décret du 31 janvier 1803. Dès son installation , M. Bonhomme, homme de cœur et d'intelligence, s'empressa de régénérer sa paroisse, la plus peuplée après celle de Saint-Baudile, et dont le vaste périmètre englobait le quartier populeux des Bourgades. Grâce à la générosité des paroissiens, il put mener à bonne fin la restauration de son église qui n'avait plus de clocher, et dont il fallait refaire la toiture. Plus tard, il obtint l'ouverture de classes dirigées par les Frères des Écoles Chrétiennes et les Dames de Saint-Maur. Enfin, un an avant sa mort, en 1843, ce digne ecclésiastique, de très vénérée mémoire, commença les démarches qui devaient amener l'agrandissement de son église. Plan de l'église Saint-Charles, dressé à Nîmes le 7 février 1856. (Cliquer sur l'image pour agrandir) Les premiers travaux, commencés en 1856, eurent pour résultat l'agrandissement de la sacristie ; on construisit alors, du côté de la nouvelle rue Robert, un bâtiment annexe pour le service des chaises, avec terrasse au-dessus. La dernière réparation, la plus importante, exécutée de 1864 à 1866, avait pour but le prolongement du chœur de l'église, et la construction d'un local pour les réunions de congrégations, le long de cette nouvelle rue, d'après les plans de l'architecte J. Libourel. L'exécution de ces travaux a eu pour effet d'isoler le monument, et d'agrandir de dix mètres environ en profondeur le sanctuaire, dont le chevet se termine aujourd'hui à la rue Guiran. La longueur totale entre cette rue et le boulevard Gambetta, a été ainsi portée à 55 mètres. La façade suivant le style moderne, d'ordonnance dorique, n'offre rien de remarquable. Un projet de réfection avait été demandé par la municipalité en 1876 ; ce projet présenté l'année suivante s'élevait à 176.000 francs ; il n'a reçu aucune suite. À l'intérieur, la vaste nef divisée en quatre travées, a conservé sa longueur de 33m00 sur 11m70 de largeur sans les chapelles, ou 18m65 avec les chapelles ; au-dessus s'ouvrent de spacieuses tribunes. La hauteur du pavé à 1a voûte plein cintre est de 18m65. La largeur du chœur (9m90) a été maintenue. Du côté de la rue Robert, on a pu doubler l'espace réservé aux sacristies, et ménager, au-dessus, une grande salle désignée sous le titre de Chapelle Sainte-Agnès. Les vitraux qui décorent la nef et le chœur sont de la maison Martin, d'Avignon ; ceux de l'abside ont été exécutés d'après les cartons fournis par M. Doze. On admire un Saint-Roch de Natoire ; et de belles peintures murales de M. Dose ; deux bonnes copies, l'une d'un Saint Jérome, de Sigalon, l'autre d'une Descente de Croix, de Jouvenet. Près de l'église, de l'autre côté de la rue Robert, est installé le bureau succursale des Postes et Télégraphes ; la Place voisine sert à la tenue d'un marché maraîcher. La Maison de retraite des Dames, ouverte en 1856, dirigée par les sœurs Saint-Charles, est située tout près de l'église, dans la rue Guiran. -oOo-
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