-
Par
peur de la guillotine, quelques scélérats avaient fait arrêter et exécuter
sur l'échafaud d'autres scélérats. Tel fut le coup d'Etat du 9 thermidor an
II. (27 juillet 1794) Dans la pensée de ses auteurs, il était destiné
à assurer leur propre existence, mais nullement à mettre un terme au régime
de la Terreur ou à la persécution religieuse. La France le salua comme un
acte libérateur et le commencement d'une ère de liberté. La Convention ne
déçut pas entièrement ces espérances et, cédant à la, force de l'opinion
publique, elle du entrer dans la voie de la modération et de la tolérance.
-
- Contrairement à la représentation ci-dessus, il n'y eut aucune femme exécutée à Nîmes sous la Terreur.
-
- I
- Fin du Régime de la
Terreur
-
- C'est
le 17 thermidor (4 août 1794) que parvint à Nîmes, la première
nouvelle de l'exécution de Robespierre et de ses principaux complices. Le
lendemain, le Directoire du département reçoit le « Bulletin de la
Convention » qui confirme officiellement la tragique nouvelle. Aussitôt
les diverses autorités, se hâtent d'approuver le coup d'Etat. Le Directoire
du département envoie une adresse à :
- «
La Convention nationale pour lui manifester son inviolable attachement et la
féliciter des mesures sages et rigoureuses qu'elle a déployé, dans ces
circonstances critiques. (1) »
-
- Le
Conseil Général de la commune de Nîmes, (2) sous la présidence même de
Courbis, la Société populaire, les districts, les diverses sociétés
populaires du département n'hésitent pas à chanter la palinodie, exprimer à
la Convention leur adhésion chaleureuse, leur inébranlable dévouement. Le 19
thermidor (6 août), une séance orageuse eut lieu à la Société
populaire de Nîmes. On y attaqua les principaux séïdes de la Terreur :
Boudon, Pélissier, Courbis, « le second Robespierre, le nouveau Catilina »,
y sont dénoncés avec une extrême violence. Boudon, ne pouvant se faire
entendre au milieu du tumulte, tire de sa poche un pistolet : « Je meurs pour
la patrie » dit-il, et il se brûle la cervelle.
- La
nuit suivante à trois heures du matin, le District de Nîmes fait arrêter les
membres du Tribunal révolutionnaire ainsi que Gourbis, Allien, gardien de la
prison des Capucins. Golomb, agent national et quelques autres, au total 16
Robespierristes. (20 thermidor, 7 août) (3)
- Dans
le département, on arrête successivement les plus compromis parmi les
Jacobins :
- Laporte
« ex curé d'Héraclée, qui s'est conduit d'une manière à se faire
suspecter », des habitants de Saint-Gilles, Montfrin, Aiguesmortes,
l'ex pasteur Rame, André, gardien de la citadelle avec son filas et son
gendre, etc, etc... (4)
-
- (1) Archives départementales du Gard, I L 4, 8 folio 103
- (2) Archives municipales de Nîmes, D. 8, page 223, 237.
- (3) Archives départementales du Gard, 4 L 4, 12 fol. 30,
n° 141 142.
-
- On
connaît la fin tragique de ces principaux criminels :
- -
Guet se pendit dans la prison, le 8 fructidor (25 août 1794).
- -
Courbis, Allien, Moulin, inspecteur des convois militaires, furent égorgés
dans leur cachot par des gens armés qui avaient forcé l'entrée de la
Citadelle (16 prairial au III, 4 juin 1795)
- -
Trois jour après, Baumet, vice-président du Tribunal révolutionnaire,
Nogaret, prêtre apostat, Bertrand, fils du marchand de grignons du chemin de
Montpellier, furent massacrés pendant leur transfert de la prison du Palais à
la Citadelle (19 prairial an III, 7 juin 1795) Fajon, Pièces et
documents officiels pour servir à l'histoire de la Terreur, page 52.
- -
Un autre pourvoyeur de l'échafaud„ Antoine La Rovère, ex vicaire de la
cathédrale de Béziers, curé constitutionnel de Montaren (Gard),
lieutenant de gendarmerie, incarcéré à Alais après la chute de Robespierre,
s'ouvrit le ventre avec un rasoir (25 thermidor),
-
- (4) Arch. dép. du Liard, 4 L 4, 12.
-
- En
même temps, les victimes des Terroristes sont peu à peu libérées. Un arrêté
du Comité de la Sûreté générale de la Convention, en date du 28
thermidor (15 août 1794), ordonne la mise en liberté de quelques
citoyens détenus à Nîmes.
- L'arrêté
arriva trop tard pour Antoine Ribes, condamné à mort par le Tribunal
révolutionnaire et déjà exécuté. (1er thermidor, 19 juillet)
- La
Convention envoya en mission dans le Gard, l'Hérault et l'Aveyron, le
représentant Perrin. (24 thermidor, 11août) Celui-ci arrivé à Nîmes,
s'empresse de faire enregistrer ses pouvoirs parle Directoire du département
(9 fructidor, 26 août). (1)
- Il
procède,dès le lendemain, à l'élargissement de nombreux détenus :
- Les
ouvriers, laboureurs, journaliers des campagnes, recouvrent la liberté, conformément
au décret du 22 messidor (10 juillet 1794)
- Les
dossiers des détenus sont examinés, bon nombre de prisonniers ont été
incarcérés sans mandat d'arrêt, ou en vertu d'arrêts illégaux, informes,
irréguliers, même non signés. En même temps que le représentant du peuple,
les Administrations du département, des districts, les Comités de
Surveillance prononcent les élargissements. Aussi dès le 29 fructidor an II (15
septembre 1794), la Maison d'Arrêt des Capucins put être évacuée, ses
derniers détenus furent transportés à la Citadelle et Perrin prit, le 7
vendémiaire an III (28 septembre 1794) un arrêté pour la transformer
en hôpital. (2)
-
- (1) Archives départementale du Gard. 1 L 4, 8.
- (2) Archives municipales de Nîmes, D 10, p. 6.-Archives
départementales du Gard. 1 L 6, 4.
-
- Vers
le même temps, l'administration du district d'Uzès, considérant que les
détenus de la maison d'arrêt du district venaient d'être réduits â un petit
nombre, supprima les trois adjoints, un gardien et les porteurs d'eau de
cette maison. (3e sans culottide, an II, 19 septembre 1794).(1)
- Perrin
prit diverses mesures pour rétablir l'ordre, pourra mener la paix et la
justice. Il remplaça la Municipalité de Nîmes (27fructidor an II, 13
septembre 1794), réorganisa les administrations du département et des
districts, les justices de paix, avec son autorisation, les districts nommèrent
de nouvelles municipalités, les Comités révolutionnaire, furent épurés. Il
s'opposa à l'esprit de vengeance, en menaçant de la prison les ci-devant
détenus qui insulteraient les membres des autorités constituées auteurs de
leur précédente incarcération. (11 fructidor, an II, 28 août1794)
- Mais
cette politique d'apaisement et de réparation inaugurée par Perrin ne
s'exerça pas en faveur des ecclésiastiques. De toutes les classes de la
société, c'était le clergé qui avait souffert le plus de la Révolution. A la
chute de Robespierre, on comptait 304 prêtres du Gard bannis de France, 3 condamnés
à la déportation, mais retenus à la Citadelle à cause de leur infirmité, 8
exécutés sur l'échafaud, 48 reclus à la Citadelle, exemptés du bannissement à
cause de leurs infirmités ou de leur âge.
- Ces
derniers ne furent pas élargis par Perrin. A peine pouvons-nous compter à son
actif la mise en liberté des chanoines Lenoir, Tempié, Verrot, du frère
ignorantin Bariba. Les prêtres de la Lozère, traduits à la Citadelle de Nîmes
par Borie, reçoivent un secours du département pour rentrer à Mende, mais ne
sont pas libérés. (3 brumaire an III, 24 octobre 1794) (4)
-
- (1) Arch. dép. du Gard. 8 L 2, 6.
- (2) Arch. dép. du Gard, 4 L 4,12.
- (3) Arch. dép. du Gard, 1 L 6, 14.
- (4) Arch. dép. du Gard, 1 L 6, 15.
-
- Des
prêtres sont malades, le district les fait transférer à l'hôpital pour y être
soignés, mais ils restent sous la surveillance des autorités et devront
réintégrer la Citadelle après leur guérison (1) Perrin a si peu de sympathie
pour le clergé, qu'en autorisant la réorganisation des municipalités dit
ressort de Nîmes, il impose cette condition à charge dit-il,de ne placer ni
prêtre, ni noble, ni, père ou frère d'émigré, ni fédéraliste.(4
vendémiaire an III. 25 septembre 1794) (2)
- Les
religieuses furent-elles mieux traitées que les prêtres?
- Leur
sort dépendit des dispositions des autorités locales. Dès le 4 vendémiaire an
III, (25 septembre 1794) le Comité de Surveillance du Pont-Saint-Esprit
rend la liberté à une trentaine de religieuses. Le district de Nîmes fut
moins généreux. Quelques hospitalières d'Uzès, avaient demandé leur
libération. Le district « considérant que les pétitionnaires ont accoutumé de
donner leurs soins aux malades, qu'elles l'ont toujours fait avec zèle et intelligence.
- Considérant
qu'outre le bien-être des malades, il doit résulter une grande économie que,
la manutention des hôpitaux soit entre des mains aussi probes et aussi
exercées que celles des pétitionnaires est d'avis que les pétitionnaires
soient mises en liberté et requises tant pour le service de l'hôpital des
ci-devant capucins que des autres hospices militaires de Nîmes (19
brumaire an III, 9 novembre 1794). (3)
-
- (1) Archives départementale. du Gard, 4 L 4,12, no, 360,
361, 472.
- (2) Archives départementale. du Gard, t L 6. 1.
- (3) Archives départementale. du Gard, 4 L 4, 12, n• 368.
-
- L'administration,
forcée de rendre hommage aux religieuses, aurait dû reconnaître la
persistance de la foi chrétienne. Les citoyens négligent l'observation du
décadi, continuent à observer le dimanche, et, ce jour-là, ils ne permettent
pas à leurs enfants de fréquenter les écoles nationales. La Société populaire
de Sommières, dénonce ce fanatisme (21brumaire an III, 11 novembre 1794).
Les représentants du peuple délégués dans le Gard, l'Aveyron, l'Hérault, et
Vaucluse prennent un arrêté pour stimuler le zèle des autorités.
- Le
jour du décadi, les administrateurs du département et des districts devront
assister en costume aux exercices qui se font dans les temples de l'être
Suprême et veiller à ce qu'il y soit fait des discours patriotiques à la
portée du peuple, pour le nourrir et l'enflammer des principes de liberté et
d'égalité et de l'amour de la Révolution. Un détachement des gardes
nationales, en bonne tenue, assistera le corps constitués lorsqu'ils iront à
ces exercices, afin d'y mettre tout l'éclat que demande une pareille
cérémonie ». (22 brumaire an III, 13 novembre 1794). (1)
- Mais
ni l'éloquence des orateurs patriotiques, ni les costumes des
administrateurs, ni la bonne tenue, des gardes nationales ne pouvaient
remplacer, aux yeux du peuple,, les cérémonies de l'ancien culte. Les
confesseurs de la foi qui, pendant la Terreur, n'ont exercé leurs fonctions
que dans le plus grand secret s'enhardissent.
- L'abbé
Dorfie, depuis la chute de Robespierre, reprend sa houlette, dit son
biographe, et revient, non plus déguisé, mais ostensiblement reprendre la
direction de son cher troupeau. (2)
- Dans
la partie occidentale du département l'abbé Pialat ne craint plus d'affronter
le grand jour, il dit la messe et administre les sacrements. (3)
- Le
P. Chrysostome solennise la nuit de Noël (1794) avec les habitants de
Saint-Maximin dont il a confessé un bon nombre, l'office et la messe sont
chantés dans une tuilerie, à la campagne, avant le jour, le vaillant
religieux célèbre le saint sacrifice à Uzès, devant une élite de fidèles. (4)
Les anciens sanctuaires, lieux de pèlerinages, n'ont cessé de voir accourir
les âmes pieuses et très fréquemment les prêtres sont venus y célébrer les
saints mystères. N'est-ce pas, en cette fête de Noël de 1794, par un hiver
très rigoureux qu'une foule de pèlerins se rendit à Notre Dame de Rochefort,en si grand nombre, que
l'église quoique assez vaste, eut de la peine à les contenir? (5)
- En cet hiver de l'an III,
nous constatons que la foi chrétienne n'a pu être arrachée du cœur du peuple.
Partout on a soif de la liberté religieuse, on soupire après le jour où
seront reconnus les droits de la conscience.
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- (1) .Arch. dép. du Gard, 1 L 6, 15.
- (2; L'abbé T. B. (Thomas Blanc), Biographie de l'abbé
Dorte;p. 133.
- (3) L'abbé Barran, L'abbé Pialat, p. 100, 101.
- (4)
Albert Durand, Le P. Chrysostome, n. 45.
- (5) Le
Pieux Pèlerin de N.-D. de Rochefort.
-
-
- (*)
Un membre de la famille de l'auteur de ce site sera emprisonné
dans la citadelle de Nîmes en voici le court récit
par l'Abbé Goiffon.
- Benoît Mathon, ordonné prêtre en 1789, fut nommé vicaire à Russan.
Deux ans après, la persécution l'obligeait à fuir en Italie, où il eut à
supporter toutes les privations de l'exil et de la misère, mais sa vertu sut l’élever
au-dessus de la souffrance, et l'on raconte qu'il devint l'ange consolateur de
ses compagnons d'infortune. M. Mathon
rentra en France en 1797, et put pendant quelque temps reprendre ses fonctions
à Russan; la persécution ayant recommencé, il fut arrêté par une bande armée,
le 2 décembre 1799, et traîné dans les prisons de la citadelle de Nimes, où il
resta seize mois.
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