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LA DÉMOLITION DES REMPARTS DE NÎMES
(1774-1790)
Extait de la Revue du Midi 1898, n°11 - pages 436 à 454
par François Rouvière (1850-1902)
 

Plan gémotral de Nismes, 1850.
 
On sait, par l'excellent travail de M. F. Germer-Durand, (1) qu'à la veille de la Révolution française Nîmes était encore enceinte de murailles dont les unes, de l'époque romaine, remontaient à 15 ans avant l'ère chrétienne, les autres au Moyen-Age et au XVIle siècle.
 
Le 1er Octobre 1774, (2) M. de Meude (3), lieutenant de maire, fit au conseil de ville un exposé saisissant de l'inutilité de ces fortifications pour une cité comptée parmi les principales du royaume, soit à cause des monuments antiques qu'elle renferme, soit en raison du nombre de ses habitants et de l'importance de ses fabriques de bas, d'étoffes de soie ou de laine, et de l'entrave que les murs mettaient à la communication des habitants de l'intérieur avec ceux des faubourgs devenus plus considérables que la ville même :
 
(1) Enceintes successives de la ville… (Nîmes, Catélan, 1874).
Le plan dressé par l'auteur et joint à son travail sera utilement consulté.
(2) C'est dès 1774, et non en 1785 seulement comme l'a dit M. Germer-Durand, qu'on demanda la démolition des remparts.
(3) Il habitait la rue Séguier que, dans mon enfance, j'ai entendu appeler rue de Meude. Sur ce personnage, voyez Albin Michel, Nîmes et ses rues, II, 335.
 
Les voeux communs des citoyens de la ville et de ceux des faubourgs, dit-il, leur font désirer depuis longtemps d'avoir la libre faculté de pouvoir se communiquer, tant la nuit que le jour, moins pour l'agrément qu'ils y trouveraient que pour l'utilité de leurs fabriques et pour les secours que les malades du dehors ne peuvent se procurer. D'ailleurs, tel habitant aurait besoin de conférer avec des ouvriers du dehors pour la perfection de certaines opérations de fabrique, ou pour accélérer les expédiions, qu'il ne petit rien ordonner, la communication étant interceptée, ce qui cause un préjudice très considérable au commerce.
 
Les murs d'enceinte de la ville sont d'autant plus inutiles qu'ils ne sauraient, par leur forme et leur faiblesse, être considérés comme murs de défense, et fussent-ils regardés comme tels, ils ne seraient pas moins inutiles et préjudiciables à la ville et à ses habitants.
 
Inutiles pour servir de défense, parce qu'on n'aura jamais à craindre que l'ennemi y arrive, moins encore que le citoyen soit assailli par des révoltés ou par aucun soulèvement, ni trouble. La sagesse du gouvernement, la docilité des habitants, leur amour pour le bien, et leurs propres intérêts, sont autant de garants assurés de leur fidélité envers le roi et la patrie, et de la concorde et de la bonne intelligence qui règne et règnera toujours parmi eux.
 
 
Indépendamment de l'inutilité de ces murailles, il résultera de grands avantages de leur démolition :
 
1° L'emplacement de ces murs et celui des fossés dont ils sont entourés fournira un terrain précieux, propre à bâtir des maisons qui contribueront à l'embellissement de la ville, l'on y trouvera des rues et des places dont elle est entièrement dépourvue, objets d'autant plus intéressants que Nîmes est surchargée d'habitants dans l'intérieur qui, cherchant journellement à s'établir au loin, préféreront un beau local qui se trouvera au centre. Il est même des particuliers riches, dont la résidence est incertaine, qui se fixeront par la facilité de ces emplacements.
 
2° II en résultera encore un autre avantage plus considérable pour la ville en ce que les maisons du dehors, que nous avons dit plus considérables que celles du dedans, ne paient aujourd'hui des charges que comme champs et jardins art lieu qu'elles seraient comprises dans le compoix dont la réfection, a déjà été déterminée par la communauté, et sujettes à la taille, ainsi que celles de la ville extraordinairement chargées et qui par ce moyen seront sujettes à une moindre imposition.
 
3° Cette opération rendrait la salubrité à l'air infecté et malsain dans les temps de sécheresse par le croupissement des immondices dans les fossés. Des monuments anciens qui font honneur à la ville par leur beauté inimitable seraient alors découverts à l'étranger toujours avide et curieux de les voir et de les considérer, monuments qui, négligés aujourd'hui, seraient indubitablement bien entretenus si l'habitant pouvait se flatter de jouir librement de leur vue et d'en voir jouir l'étranger.
 
4° Indépendamment du bien que procurerait cette démolition, aucunes maisons ni édifices de l'intérieur de la ville n'en recevraient aucune sorte de préjudice, mais ara contraire elles en seraient plus riantes, plus commodes et augmenteraient en valeur. Tous ces avantages bien reconnus ne sont contrariés par aucun inconvénient, pas un particulier ne peut être grevé, et tous, tant du dedans que du dehors, désirent avec ardeur l'exécution de ce projet qui ne peut constituer en frais, puisque le produit des décombres sera plus que suffisant pour le déblaiement et la construction d'un aqueduc dans les fossés de la hauteur et dans les proportions qui seront indiquées, lequel servira à porter dans un dehors éloigné les immondices de la ville, au moyen de quoi l'emplacement en entier des murs et des fossés restera à inféoder à un prix fort haut, vu sa position, au profit de qui il appartiendra.
 
Sur ce, le conseil invita les consuls à solliciter du roi des lettres patentes autorisant la démolition.
 
Les murailles étaient, d'ailleurs en piteux état.
 
Deux mois plus tard, en effet, le 9 Décembre, on constate que la tour et la pièce occupant le dessus du péristyle entre les deux portes de la Couronne (1) sont en telle vétusté qu'elles menacent une ruine très prochaine. La nuit du 5 au 6, le couvert et partie des murs latéraux, l'un au midi, l'autre au nord, oui croulé d'eux-mêmes, pour prévenir la chute du restant et les malheurs qui auraient pu en résulter, l'on a été forcé de faire démolir le pourtour des murs de lad. pièce construits en carreaux de pierre de taille de six pouces d'épaisseur sur une hauteur de dix pieds (2) jusques à l'arasement de la maçonnerie au-dessous, laquelle à deux pieds d'épaisseur et qui parait d'une assez bonne construction pour pouvoir rester dans l'état sans courir risque d'aucun fâcheux accident. Mais la tour contre laquelle cette pièce était adossée, et qui se trouve avoir environ quatre toises (3) et demie en élévation au-dessus de la hauteur actuelle des murs déjà mentionnés, est dans le plus mauvais état. ».
 
(1) Il y avait donc là une double porte. - II existe encore une partie de l'un des piliers de la porte de la Couronne dans l'immeuble du café Peloux.
 
Le café Peloux en 1900 ; démoli depuis et remplacé par l'immeuble Quick.
Le pilier a subi certainement le même sort
 
(2) Le pied, égal au tiers du mètre, se subdivisait en douze pouces.
(3) La toise équivaut à deux mètres.
 
Chirol, architecte, et Pascal, maçon, vérifient les lieux et rapportent que les murs de la tour sont « crevassés en plusieurs endroits et sur chaque parement tant intérieur qu'extérieur, que la charpente du couvert et du plancher est entièrement pourrie et vermoulue par vétusté, au point qu'on ne peut y marcher dessus, qu'il est à craindre que le tout ne fasse chute incessamment et qu'à ce sujet il convient démolir le couvert, plancher et principalement les murs, jusques à la hauteur actuelle du restant des remparts. »
 
Chirol rapporte encore que le couronnement du tour de ronde des remparts de la susdite porte en tirant entre le midi et le couchant, le long de la rue Saint-Thomas (1), menace ruine prochaine sur environ vingt-sept à trente toises de longueur; que les pluies dernières ont occasionné deux éboulements considérables dans cette partie, que le rempart à droite et à gauche de la porte de Saint-Gilles(2) menace aussi ruine sur presque toute sa hauteur sur dix-huit toises de longueur à droite et quinze toises de longueur à gauche en sortant par ladite porte de Saint-Gilles, faisant en tout trente-huit toises de longueur, lesquelles surplombent de vingt-deux pouces sur la hauteur de cinq toises deux pieds; qu'à gauche de ladite porte et à environ trois pieds au-dessus du seuil du pavé du pont, il est survenu un éboulement causé par les pluies formant une brèche d'environ quatre pieds en carré de laquelle il se détache journellement des pierres; que la construction intérieure paraît très mauvaise, le mortier s'étant rendu en terre par vétusté.
 
(1) La rue Saint-Thomas venait aboutir, derrière les remparts, le long du grand café actuel de l'Esplanade, à la porte de la Couronne, au point où la rue actuelle de la Couronne débouche sur le boulevard.
(2) Établie à peu près à l'angle du Palais de Justice actuel, en face la rue Briçonnet qui est l'ancien chemin de Saint-Gilles, à cela près que cet ancien chemin a été usurpé en partie par les propriétaires de l'immeuble appartenant aujourd'hui aux Dames de Saint-Maur.
 
Une commission du conseil ordinaire va elle-même se rendre compte de la chose et trouve, en effet, que le chemin du tour de ronde le long de la rue Saint-Thomas menace une ruine très prochaine y ayant au sol dudit chemin, sur la longueur de trente toises, une lézarde d'un pouce et demi d'ouverture, et au parement intérieur du mur un déversement ou surplomb d'environ huit pouces sur la rue Saint-Thomas, plus deux éboulements tels que les a désignés le Sieur Chirol, que cette rue étant continuellement pratiquée il est à craindre qu'il n'arrive quelque fâcheux accident tant aux maisons voisines qu'aux passants, ce qu'il importe de prévenir par une prompte démolition en laissant néanmoins le parement extérieur du rempart dans l'état actuel pour laisser une clôture suffisante à la ville, que le rempart à droite et à gauche de la porte de Saint-Gilles menace aussi ruine par vétusté sur une longueur d'environ 33 toises, lesquelles surplombent de 22 pouces du côté du fossé, qu'à gauche de la porte il s'est ouvert une brèche considérable de laquelle il tombe journellement quantité de pierres et terres, que pour mettre cette partie en état de sûreté il convient de démolir ledit mur jusques à deux toises au-dessus des bermes en terre dans le fossé afin de laisser une clôture suffisante à la ville.. . » (1).
 
(1) La berme était un espace laissé entre le rempart et l'escarpe du fossé pour recevoir les terres qui pouvaient s'ébouler.
 
Le conseil approuve donc la démolition déjà faite du pourtour des murs de la tour et pièce de la porte de la Couronne et, vit le péril éminent (sic), il décide de continuer les démolitions des couvert, plancher et murs dans le même endroit jusques à la hauteur actuelle du restant des remparts, comme aussi le couronnement des tours de ronde des mêmes remparts dans la même partie tirant du midi au couchant le long de la rire Saint-Thomas sur la longueur de 27 à 30 toises, en observant néanmoins de laisser en l'état qu'il est le parement extérieur du mur ... de faire démolir les remparts à droite et à gauche de la porte de Saint-Gilles dans la longueur indiquée jusques à deux toises au-dessus des bermes ou terres bordant le fossé et de faire réparer la brèche ou ouverture qui est faite à gauche de ladite porte de Saint-Gilles…
 
Le 9 février 1775, l'intendant permet de faire ces démolitions par économie, le 9 mars, tout étant terminé, le conseil nomme une commission de vérification des états de dépense.
 
Vingt mois s'écoulent et le 29 octobre 1776 on annonce au conseil qu'il s'est ouvert plusieurs brèches considérables aux murs de la ville, elles proviennent de la vétusté des murs qui sont corrompus, sans fondation, et reposent à nu sur le terrain des fausses brayes (1), principalement ceux qui sont à l'aspect du Sud et de l'Ouest qui menacent une ruine très prochaine... Il est à craindre qu'il arrive quelque fâcheux accident... La ville est hors d'état de supporter la dépense de la reconstruction desdites parties de murs qui se porterait au delà de 100.000 liv...» On observe que la démolition des murs d'enceinte, due tous les habitants désirent depuis longtemps, affranchirait la communauté de l'entretien onéreux et dispendieux desdites murs, des portes, des logements des portiers. » On renouvelle les considérations précédemment invoquées et on sollicite derechef l'autorisation de procéder à la démolition.
 
(1) La fausse braie était une seconde enceinte terrassée comme la première et qui n'est était pas séparée par un fossé, mais dont le terre-plein joignait l'escarpe de la première enceinte.
 
On insiste encore unanimement le 2 juillet 1780 à cause de l'agrandissement journalier des brèches et de l'augmentation croissante des faubourgs
 
Trois ans après, les lenteurs administratives, on le voit, ne sont pas chose nouvelle, l'intendant de la province, M. de Saint-Priest, écrit enfin aux consuls nîmois (29 juillet 1783)
 
Voici le moment, Messieurs, où l'on peut espérer d'obtenir de Sa Majesté la permission de démolir les murs de votre ville et vous ne devez pas douter du plaisir que j'aurais à concourir à vous faire accorder cette grâce. L'intention du roi est qu'elle tourne au plus grand avantage des citoyens et à l'embellissement de la ville. C'est ce qui m'avait engagé à vous demander des plans... Je vous avouerai franchement que ceux qui m'ont été adressés m'ont paru laisser bien des choses à désirer et que j'ai cru devoir commettre M. Reymond, (1) dont les talents supérieurs peuvent être déjà connus à plusieurs de vous, pour rectifier les idées que j'avais pu avoir et pour vous faire part des siennes.
 
(1) J. A. Raymond, architecte, né à Toulouse en 1742, mort à Paris en 1811.
 
Ne regardez, je vous prie, les plans qu'il vous communiquera de ma part que comme un premier aperçu, car, mon intention est et sera toujours de me concerter avec vous pour ne présenter au roi qu'un plan qui sera généralement reconnu utile et agréable à tous les citoyens et qui pourra être exécuté sans des réclamations valables
 
L'économie est l'article dont il faut le plus s'occuper; il ne s'agit point ici de se jeter dans de grandes dépenses auxquelles je ne saurais me prêter, mais de trouver dans la vente des terrains et dans la démolition des murs une compensation avec ce qu'il en coûtera pour les ouvrages à faire. Le plan à arrêter doit être général et définitif, mais il ne s'exécutera que par parties ...
 

Plan de Raymond 1785, collection MVN
Raymond soumet, en effet, au conseil ordinaire deux projets côtés A. B. et C. D. Le 7 août, le conseil se prononça pour le plan A. B. avec quelques corrections indiquées par le géomètre Bancal et dont Raymond tint compte dans un nouveau plan qu'on approuva le 20 du même mois, on décida en même temps de supplier S. M. d'agréer la dédicace de la place royale et du cours principal qui y conduit, ainsi que Monsieur et Monseigneur le comte d'Artois pour les deux autres cours qui aboutissent à la même place, que les six rues qui divisent la circonférence porteront les noms des six ministres de S. M., ainsi que les autres places et cours les noms de Mgr le Maréchal duc de Biron, gouverneur de Languedoc, le comte de Périgord, Commandant en chef de la province, le Vicomte de St-Priest, les archevêques de Narbonne, Toulouse et Albi, l'évêque de Nîmes, le Comte d'Angevilliers et du Prince de Rohan-Rochefort, gouverneur de la ville.
 
Raymond estimait la dépense à 237000 livres. Or, il résultait du tableau des revenus et des charges de la ville que le produit des subventions laissait un excédent net de 27.000 livres par an, il y avait en caisse 30.000 livres. On pouvait donc commencer avec environ 60.000 livre et continuer ensuite au moyen du revenu net ou d'un emprunt qu'on pourrait porter à 350.000 livres afin d'effectuer quelques réparations à l'Amphithéâtre, ce qui ne devait pas influer sur les contribuables aux tailles.
 
On présente donc nouvelle requête au roi le 17 Mars 1786. Les maire et consuls demandent l'autorisation, pour pouvoir entreprendre ces Ouvrages :
1° d'employer les matériaux de démolition des murs à la construction des aqueducs projetés,
2° la libre disposition des terrains sur lesquels les murs et les fossés ont été construits.
 
Ils se déclarent en état de justifier par des chartes, lettres patentes et autres titres, que c'est la communauté qui a fait construire ses murs et remparts et que la propriété lui en a été reconnue et confirmée, tant par les anciens souverains du Comté de Nîmes que par les rois prédécesseurs de Sa Majesté, avec offre de prouver ladite propriété, s'il en est besoin, par nombre de titres qui ne laisseront aucun doute sur la légitimité de son droit. Ils sollicitent, avec l'autorisation de démolir les murs d'enceinte et de clôture et celle de disposer des matériaux de démolition, l'approbation des plans de Raymond et de la dénomination donnée aux voies projetées, conformément à la délibération du 24 février 1786, la libre disposition de ce qui pourra rester de l'emplacement des murs, tour de ronde, fossés et remparts, l'attribution au Muséum de la ville a des antiquités qui méritent d'être recueillies, trouvées dans les fouilles, la permission d'acheter les maisons ou terrains nécessaires à l'exécution des ouvrages, l'exemption des droits d'amortissement, même du droit d'indemnité , sur ces acquisitions.
 
Le 24 juillet suivant, on affirme de nouveau les droits de la ville sur les murs, fossés et leurs dépendances, et le conseil s'en rapporte à la justice éclairée du roi.
 
La décision se fait attendre et le temps continue son œuvre destructive. Les eaux pluviales filtrent dans le grenier à sel et causent un préjudice considérable par les pierres qui se détachaient des parapets des remparts. Pour remédier à cet inconvénient, il faut nécessairement abattre la partie supérieure du mur d'enceinte de la ville où le grenier à sel est adossé et ce jusqu'au niveau d'un glacis dont l'écoulement des eaux pluviales était arrêté par cette partie de mur. La dépense, s'élevant à 81 livres, est faite.
 
Enfin, le 5 septembre 1786, le Conseil d'état du roi rend un arrêt qui permet aux consuls :
 
De faire démolir les murs d'enceinte et de clôture ;
 
De disposer de ces murs ainsi que du tourde ronde et fossés cri dépendant, même des matériaux de démolition, pour les employer à la confection des ouvrages désignés dans le projet Raymond qui est approuvé à la condition que les travaux commenceront dans les six mois de la date de cet arrêt.
 
La démolition des murs et la vente des matériaux ne pourront être faites qu'au fur et à mesure de l'avancement des ouvrages qui seront déterminés, chaque année, par délibération de la communauté;
 
La dénomination des nouvelles voies est ainsi arrêtée :
n° 1 du plan, place de Louis XVI,
2, cours de la Reine,
3, cours de Monsieur,
4, cours d'Artois,
5, rue, de Miroménil,
6, rue de Vergennes,
7, rue de Breteuil,
8, rue de Ségur,
9, rue de Castries,
10, rue d'Angiveller,
11, rue, place et cours de Calonne,
12, place des Arènes,
13, place et rue de Biron,
14, place et rue de Périgord,
15, place et rue de St-Priest,
16, cours et plan de Balainvilliers,
17, place et rue de sillon,
18, rite et cours de Brienne,
19, plan et cours de Balore,
20, place de Rohan,
21, place Pierre de Bernis,
22, rue Septimanie,
23, rue des Consuls,
24, rue du Commerce,
25, rue Euterpe, rue Thalie et rue Melpomène,
26, rue Agrippa,
27, Maison Carrée,
28, rue de Julie et rue d'Auguste,
29, place des Cévennes.
 
Les consuls peuvent vendre, au profit de la ville, des portions de terrains inutiles, en donnant la préférence aux riverains, à la condition d'employer le produit de la vente aux ouvrages projetés, le roi se réservant d'imposer un cens sur les terrains des murs et remparts.
 
Pour les nouvelles constructions, on devra se Conformer aux alignements indiqués par le plan, les façades de ces constructions seront uniformes pour les dimensions, élévations et décorations dont les dessins seront donnés par Raymond.
 
Permission est donnée d'acquérir les terrains et maisons nécessaires. Les antiquités découvertes dans les fouilles appartiendront au musée que les maire et consuls se proposent de former, un inspecteur sera nommé pour surveiller ces fouilles (c’est l’origine de notre musée lapidaire, boulevard Amiral Courbet).
 
On écrit immédiatement à Raymond, architecte, de hâter son voyage en province, à l'effet de pouvoir traiter avec lui à raison de la direction des ouvrages, et cependant rien n'est encore commencé le 4 août 1787. L'établissement des aqueducs qui doivent être construits sur l'emplacement des murs et dans les fossés, d'après les plans de Raymond, étant le premier objet dont on doive s'occuper, on reconnaît que la construction ne pourrait en être entreprise qu'après la construction des lavoirs qui doivent être substitués aux fossés qui servaient dans le moment à cet usage et dont Raymond, devait envoyer les plans. On pourrait bien disaient nos édiles, s'occuper de la démolition des parties des remparts où il ne doit être fait aucun ouvrage, de façon à procurer à la ville une plus grande circulation d'air et du travail aux nécessiteux, par exemple la partie des remparts du faubourg de Rey depuis la maison de M. de Rangueil, jusques à celle du sieur Arnaud et depuis la tour Vinatière (1) jusques vis-à-vis la maison du sieur Bonafoux, mais les termes de l'arrêt du 5 septembre 1786 semblaient s'y opposer.
 
(1) Cette tour se trouvait sur la ligne actuelle du trottoir de la place des Arènes, même en face la rue Cité-Foulc. Elle était carrée.
 
L'intendant, qui était de passage à Nîmes, put se rendre compte que les fabriques se trouvaient dans une triste circonstance, et, pour procurer du travail aux ouvriers inoccupés, il approuva.
 
On procède alors à la démolition de cette partie. Bientôt ou fait observer que, pour démasquer l'Amphithéâtre, on pourrait continuer à partir de, ladite tour Vinatière jusques aux maisons appartenant à la ville situées près la porte Saint-Antoine, et qu'on pourrait aussi a vendre les matériaux à 22 sous la charretée attelée de trois mules, on présente requête en ce sens à l'intendant.
 
Cependant le projet relatif aux aqueducs du pourtour de la ville est approuvé et l'adjudication des travaux va amener au plus tôt la démolition du mur d'enceinte depuis la porte de la Bouquerie jusqu'à la porte Saint-Antoine. Cette démolition laissera vacante plusieurs parcelles de terrain pour l'acquisition desquelles les riverains ont la préférence. Pour les engager à embellir promptement les façades de leurs maisons, le conseil propose de fixer le prix du terrain cédé à quinze livres la toise carrée, le tiers de la somme restant entre les plains de l'acquéreur en raison de l'instance pendante au Conseil entre la ville et le Domaine en raison du cens que ce dernier prétend devoir être assis sur ce terrain.
 
Pour certaines considérations, ce prix est, en définitive, élevé à 16 livres, sauf remise du quart aux acquéreurs en cas qu'il y eut un cens. Mais l'intendant ordonne la vente par adjudication. Personne ne se présente pour faire des enchères, malgré trois affiches successives, et les riverains faisant leur soumission chacun en droit soi à 16 livres, l'intendant est prié de consentir à la vente amiable.
 
A ce moment, la démolition était faite depuis la maison Bonafoux jusqu'à la porte Saint-Antoine, les terres de la plateforme (1) avaient été enlevées, et les matériaux des remparts, partie prenant près la gardette de la porte d'Alais et se terminant vis-à-vis les possessions de M. Bruguier étaient adjugés.
 
(1) La plate-forme était un reste des fortifications de 1629, elle était près de la porte de Saint-Gilles, sur l'emplacement d'une partie du Palais de Justice actuel.
 
Lorsque la Révolution éclate, il ne reste guère plus de l'ancien mur d'enceinte que la porte des Casernes et le corps de garde joignant qu'on démolit pour la commodité de la classe d'habitants aisés qui fréquentent les spectacles, et le tambour de la porte de la Couronne, avec le logement du portier, que le Club des Amis de la Constitution démolit à ses frais et dépens en 1791.
 
Une voie s'éleva contre celle démolition, celle d'un notaire de Nîmes, Charles Marignan habitait sa maison de la rue des prêcheurs, en face la bourgade (Elle formait l'angle de la rue des prêcheurs, aujourd'hui rue des Lombards, qu'elle confrontait du levant, et la rue de la ferrage qu'elle confrontait du nord. Elle porte aujourd'hui le n° 25.)
 
En 1777, à la demande de Paul Rabaut, le pasteur du Désert, Marignan rédigea un mémoire en révocation ou cessation de renouvellement de la Déclaration du roi qui défendait aux protestants d'aliéner leurs biens sans la permission du gouvernement.
 
Il publia, en 1788, un projet de délibération du Tiers-Etat inséré par Linguet dans ses Annales Politiques et condamné par le Parlement de Paris le 17 décembre.
 
Comme député de la ville de Nîmes, il fit, à l'assemblée du Tiers-Etat de la sénéchaussée, une motion contre l'article 3 du chapitre 1er du cahier des doléances exprimant le voeu que les lois soient librement consenties par la Nation dans les Etats généraux, il voulait que cette disposition fut circonscrite aux lois fiscales.
 
Ses registres, actuellement au pouvoir de M. Degors, notaire à Nîmes, constatent qu'il n'a pas reçu d'acte du 8 juin au 1er août 1790. Cette lacune est expliquée par la note suivante qu'il a consignée dans son 39e registre :
 
« A la nouvelle de ma mort répandue par Tournal, gazetier d'Avignon, lorsqu'à l'époque de la bagarre de Nîmes, 13, 14, 15 et 16 Juin 1790, je me poignardai pour éviter d'être pendu comme tant d'autres qui l'étaient au suspensoir de la lanterne de la maison de ville, où j'étais enfermé, (ainsi que m'en menacèrent Jalaguier le boucher et Million le digne secrétaire du Tribunal révolutionnaire) poignard que je n'enfonçai à cinq reprises dans mon sein que d'après cette opinion que la mort sans le supplice est moins que la mort avec le supplice, le couvent des religieuses Sainte-Marie d'Avignon, rue Philonarde, où j'étais connu, fit faire un service solennel pour le repos de mon âme. »
 
Marignan n'était pas au bout de ses tribulations
 
« Le lendemain, 28 janvier 1793, dit-il à la suite d'un acte du 27, je quittai Nîmes et me retirai à Aramon d'où je ne revins que le 20 prairial, arrêté en vertu d'un mandat d'arrêt du comité révolutionnaire de Nîmes du 3 du même mois et conduit à cet effet dans la citadelle où je restai jusques après le 9 thermidor qui trie procura un élargissement d'abord provisoire du… et enfin définitif le 26 fructidor. Dans le mois de brumaire suivant, je fus nommé juge de paix du canton d'Aramon et j'y ai resté comme tel, après plusieurs démissions et réélections, jusques au mois de prairial an V que je donnai ma dernière démission, en vertu de la loi qui permet d'opter aux notaires qui avaient accepté des places de juge, et vins reprendre à Nîmes mes anciennes mais bien moins nombreuses fonctions de notaire .... Comme les événements de cette nature tiennent à des choses importantes, quoique quant à moi elles ne soient que singulières, j'ai le projet de faire copier dans mon prochain registre les pièces probantes de ma conduite trop énergique sans doute eu égard à mon obscure position et à la faiblesse de mes moyens »
 
Il continua, en effet, le notariat jusqu'au 16 décembre 1815, date de sa mort, il avait alors 75 ans.
 
Le mémoire sur la demande de la ville de Nîmes en démolition de ses remparts, que nous reproduisons ci-après, est transcris dans le 240 registre des minutes de Charles Marignan, p. p. 718-738, entre deux actes datés du 13 décembre 1785. Le tableau qu'il y fait de la situation physique et civile de la ville est précieux à plus d'un titre, les indications qu'il donne sur les remparts, leur état, les maisons de la ville et des faubourgs, les feux, les facultés, des habitants, leurs moeurs, la répartition des fortunes dans une cité où on ne compte pas vingt maisons à dix mille livres de rente, sont d'un intérêt capital.
 
Marignan trouve que Nîmes a assez d'objets d'agrément sans se lancer dans des dépenses extraordinaires pour créer des places ou des promenades publiques nouvelles. C'est un timoré il craint pour la sûreté de la ville. Il redoute un débarquement d'étrangers en raison de la proximité de la mer. Mais Nîmes démantelée lui apparaît surtout comme livrée aux fureurs du peuple des faubourgs qui est dans la proportion des 5/8e et enclin au vol, au pillage, au meurtre, à l'impudicité. Car le corps et le coeur de la société sont dans la cité, et les faubourgs fourmillent de cette populace qu'un rien émeut et soulève parce qu'elle n'a rien à perdre. II considère, en un mot, la démolition des remparts comme nuisible et dangereuse aux points de vue politique, moral et civil. L'opération lui parait enfin onéreuse pour les finances municipales en raison de la nécessité qu'elle entraînera d'augmenter le personnel de l'octroi pour éviter la contrebande, le nombre des corps de garde et des soldats de service, les guets, etc…
 
La manière de voir de Marignan était évidemment celle de la société à laquelle il appartenait, ennemie des innovations, économe à l'excès, quelque peu aristocratique, convaincue de sa supériorité intellectuelle et peu disposée à se mêler à la foule. Cet état d'esprit à la veille de la Révolution devait être noté.
 
F. Rouvière, 1899.
 
SUITE
> I - La démolition de ses Remparts.
> II - Mémoire sur la demande de la ville en démolition de ses Remparts.

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DE LA CITADELLE A L'UNIVERSITE FORT VAUBAN.
> Les sept collines de Nîmes
> Plan des différentes enceintes de Nîmes
> Les Anciennes Fortifications de Nîmes par Igolin, 1935
> Le Fort Vauban. son gouverneur de 1651 à 1703
> La Citadelle durant la période révolutionnaire
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> Les frères gardiens à la prison centrale de 1842 à 1845 
> Article Midi Libre du 6 juin 2004
 
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