Vie de Pierre-Hugues-Victor MERLE
(1766-1830)
par le Dr Elie Mazel (1827-1915)
1860

Le docteur Élie Mazel

NDLR - Le docteur Élie Mazel, (1827-1917) sera reçu membre résident à l'Académie de Nîmes, en 1883, il en sera le président en 1893. Nous avons pu découvrir les liens précis qui unissaient la famille Mazel à la Famille Merle, dans un discours-hommage, suite au décès d'Élie Mazel le 15 mai 1915, publié dans les Mémoires de l'Académie de Nîmes, 1914 et 1915, pages 24 à 26, son président M. Armand Coulon, nous donne quelques indications :
« M. Élie Mazel appartenait à notre Compagnie depuis trente-deux ans. Bien qu'il ne fut pas d'origine nîmoise, il avait contracté avec l'antique cité des liens indissolubles à la suite de son alliance avec la famille d'un des glorieux soldats de la Révolution et de l'Empire, le Général Victor Merle, qui se distingua au cours de nos longues guerres autant par ses sentiments d'humanité que par les plus hautes vertus militaires. ». (1)
Nous savons que l'héritier du Général Merle, ainsi que ses enfants, habitait Nîmes au moment de la première publication de cette notice, en voici le récit extrait du troisième chapitre de ce document:
« Privé de descendants, mais jaloux de ne pas laisser s'éteindre un nom que ses exploits militaires avaient illustré, le général Merle avait, durant ses vieux jours, appelé auprès de lui, dans la pensée de l'adopter, un de ses neveux, M. Fortuné Combes, pour lequel il eut constamment l'amour d'un père la mort ne lui permit pas de réaliser à temps ce projet. Toutefois, comme il avait eu soin de l'instituer, par un acte authentique, son légataire universel, en l'invitant expressément à prendre son nom, avec les prérogatives qui s'y trouvent attachées, M. Combes, s'empressa de solliciter du gouvernement l'insigne faveur de porter ce nom glorieux. Une ordonnance royale lui en a conféré depuis longtemps l'autorisation. Aujourd'hui, M. Fortuné Merle habite la ville où nous traçons ces lignes et nul, mieux que nous, ne sait combien les mâles vertus du Général revivent dans son digne héritier et dans ses enfants. » (2)
- A la lecture de ces deux textes, 1 et 2, nous pouvons fortement présumer qu'Élie Mazel était le gendre de Fortuné Merle.
Nous avons d'autres éléments pour étayer notre hypothèse, suite à la présence à Nîmes de l'héritier du Général, la dépouille de ce dernier, décédé à Marseille en 1830, sera transférée à Nîmes au cimetière Saint-Baudile, après son ouverture aux inhumations en 1836. Il y repose dans un tombeau avec cette inscription « Famille - du Général de division - Baron Merle ». Au dessus de cette inscription figurent ses armoiries avec la couronne de Comte.
- Cerise sur le gâteau, si j'ose dire, une seule autre inhumation est inscrite sur la tombe : « Docteur - Georges Mazel - 1893 1954 ». Nous avons retrouvé la trace de ce dernier, dans l'annuaire du Gard de 1953, il était domicilié et avait son cabinet médical au n° 6 de la rue Fresque.
Nous savons qu'en 1901 le docteur Fortuné Mazel, (fils d'Elie Mazel et petit fils de Fortuné Merle) avait acheté cet immeuble historique (Hôtel Novi, actuellement espace Chouleur) à la veuve du Comte Armand de Bernis. À cette même date, des travaux de restauration seront conduits par l'architecte Gueite.
Cet hôtel avait une âme pour un membre de l'Académie de Nîmes, c'est là qu'elle tenait ses séances de 1822 à 1830.
- En fin de document, nous présentons une photo d'archives, la face avant du tombeau de Général avec son inscription et au-dessus ses armoiries, ainsi que le texte les décrivant.
- En annexe, nous publions le discours lu par Armand Coulon, président de l'Académie,  Hommage à Élie Mazel, décédé le 15 mai 1915.
- Toujours en annexe, quelques textes d'Élie Mazel, dont la fameuse et amusante fiction lue à l'Académie lors de sa présidence : « NIMES DEMAIN ».

                                                                       Georges Mathon, 2015

AVANT-PROPOS.

Voici quelques pages consacrées à la mémoire d'un honnête et vaillant soldat de nos grandes guerres, d'un homme de bien qui fut le seul artisan de sa gloire et de sa fortune.
Notre époque, on l'a dit souvent, est légère et oublieuse : nous nous montrons ingrats pour les services de toute sorte rendus à notre pas; qu'un homme grand ou utile disparaisse de la scène du monde, de nobles regrets le suivent peut être dans sa retraite ou au-delà du tombeau, mais ces regrets eux-mêmes vont s'effaçant avec le souvenir des vertus ou des actes qui les ont provoqués ; les années passent et comme elles s'éteint notre reconnaissance ou notre admiration. C'est la destinée de toute chose ici-bas; et cependant il importe d'arracher à la marée montante de l'oubli ces pures et glorieuses renommées dont l'étude, pour parler comme un auteur ancien, doit être profitable à tons et mérite de servir de modèle.
Celui dont nous allons retracer la brillante carrière fut grand par ses actes et ses vertus, mais, non moins modeste qu'illustre, il se refusa toujours à appeler l'attention sur les hauts faits qui doivent recommander son nom à la reconnaissance de la postérité.
Cette réserve délicate nous a imposé le devoir de réparer ici ce qu'elle a eu d'exagéré. Puisse notre travail, écho fidèle des sentiments qui nous guident, ne pas être indigne du héros qui l'a inspiré!
Au reste, pour donner à cette œuvre toute garantie d'exactitude, nous avons mis à contribution, indépendamment des trop rares papiers du général Merle, les documents historiques les plus hautement accrédités.
Il nous suffira de citer :
La collection des Rapports, Ordres du jour, Bulletins, etc., publiés par le Moniteur depuis 1793 jusqu'en 1815 et reproduits dernièrement, pour ce qui concerne le Consulat et l'Empire, dans l'ouvrage de M. Kermoysan, Paris 1857.
L'Histoire du Consulat et de l'Empire de M. Thiers, cet ouvrage qu'il faut nécessairement consulter quand on aborde l'étude des faits ou des personnages de cette époque.
Les Mémoires et Correspondances des hommes qui ont pris une part active et directe aux événements que nous rapportons, tels que les maréchaux Jourdan, Soult et Masséna, le baron Fain, les généraux Foy, Gourgaud
Plusieurs écrits remarquables à divers titres et indispensables à connaître en un pareil sujet : Jomini, Histoire des guerres de la Révolution ; Paquiz et Dochez, Histoire d'Espagne ; Crétineau-Joly, Histoire de la Vendée militaire, etc., les Histoires de la Restauration de MM. Luisis et Vaulabelle, etc., etc.
Nous devons de grands remerciements à MM. les colonels A. Blachier et Pagésy, deux anciens aides de-camp du général Merle, qui ont bien voulu nous communiquer des détails pleins d'intérêt sur les événements auxquels ils ont été glorieusement mêlés l'un et l'autre.
Nous prierons enfin M. H. Devercy, un de nos amis, d'accepter toute notre gratitude pour l'empressement qu'il a mis à nous fournir, sur la carrière du Général, les précieux documents que l'on ne trouve facilement qu'à Paris et surtout à la Bibliothèque et aux Archives du Ministère de la guerre, où il a été admis à faire des recherches.

Nîmes, décembre 1859.

Elie MAZEL.

I

PIERRE-HUGUES-VICTOR MERLE  (1) est né à Montreuil-sur-Mer (Pas-de-Calais), le 26 août 1766, d'une famille originaire du Languedoc. Son père, que des circonstances particulières avaient attiré, jeune encore, dans cette ville, s'y maria, y résida un certain temps, mais l'amour du changement et peut-être un peu de nostalgie le ramenèrent finalement avec sa petite famille au village de Faugères, son pays natal (2). 

(1) Voir le Dictionnaire historique et biographique des Généraux français. - L'Arc-de-Triomphe de l'Etoile, (Article Merle.)
(2) Près Bédarieux, dans le département de l'Hérault.

 
Victor avait alors près de douze ans : un penchant décidé pour l'état militaire se manifestait fortement en lui; aussi à peine eut-il atteint sa quinzième année qu'il s'enrôla comme volontaire dans le régiment de Foix en garnison dans le Midi à cette époque. Mais une grave maladie (la petite vérole), qu'il contracta sur ces entrefaites, l'obligea de quitter le service et de retourner dans ses foyers.
Ce ne fut pas pour longtemps : présenté après son rétablissement au marquis de Gayon, colonel du régiment d'Angoumois en ce moment à Béziers, il s'attira par sa bonne mine et son intelligence précoce la bienveillance de cet excellent homme qui se l'attacha désormais et voulut pourvoir lui-même à son avancement.
Le 14 septembre 1784, Victor Merle, par les conseils de son protecteur, entra définitivement dans le régiment d'Angoumois. La Révolution, le trouva à Bayonne sergent-major de grenadiers (promotion d'avril 1789).
Trois ans après, à la retraite de son digne colonel que le nouvel ordre de choses privait de ses fonctions, Merle était sous-lieutenant : c'est en cette qualité qu'il partit pour l'armée des Pyrénées occidentales ; il y devint successivement et en peu de temps capitaine d'une compagnie de canonniers attachée au régiment, puis chef de bataillon de la même arme. La part qu'il eut aux diverses et premières rencontres de la campagne fut considérable : elle lui valut le grade de général de brigade à l'Age de 28 ans (17 mai 1794).
Un tel avancement, même à cette époque de fortunes rapides, était une exception glorieuse; Merle l'avait mérité au prix de son sang.
A cette date ; les défilés de la vallée de Bastan étaient occupés, les hauteurs de Sainte-Anne, sur la Bidassoa, conquises, l'armée française qui avait imprudemment suspendu son mouvement offensif fut attaquée à son tour dans ses nouvelles positions. Le 23 juin, les Espagnols se portèrent en forces devant le camp des sans-culottes ; mais, reçus avec vigueur par le brave Latour d'Auvergne et assaillis de flanc à l'improviste par Merle à la tête de 400 hommes, ils essuyèrent une véritable déroute.
Cet acte décisif entraîna l'invasion de la vallée de Bastan. Quelques temps après, la prise du camp de Saint-Martial nous livra les villes de Fontarabie et de Saint-Sébastien. Merle fut détaché le 9 août vers Tolosa et s'en empara à la vue du général en chef espagnol qui, croyant avoir sur les bras toute l'armée française, battit précipitamment en retraite sous la protection de sa cavalerie.
Ainsi nous trouvons le jeune Général présent à toutes les affaires importantes de la campagne.
Vers la fin d'octobre, Moncey, l'un des généraux divisionnaires, fut élevé au commandement en chef. Après une courte et heureuse expédition dans la fameuse vallée de Roncevaux, il fut poussé, par les commissaires de la Convention, tout puissants à cette époque, à tenter malgré lui un coup de main sur Pampelune. L'entreprise échoua et faillit avoir des suites funestes dans cette saison déjà avancée. Moncey, obligé de se retirer en présence de l'ennemi, combina, pour détourner son attention et faciliter le mouvement de ses troupes, une attaque sur Bergara, la clef de la vallée d'Araguil.
Bergara est dans une position d'un accès très-difficile : les Espagnols y avaient élevé des retranchements d'une grande valeur et les occupaient en forces, prêts à tomber, quand le moment serait venu, dans les flancs et sur les derrières de notre armée. Ils furent prévenus. Le 28 à midi, Merle, soutenu sur ses ailes, eut ordre d'attaquer l'ennemi de front, pendant qu'on essayerait en même temps de tourner sa position. Après un choc des plus violents, les retranchements furent emportés, 500 hommes restèrent sur le terrain, 250 se rendirent prisonniers; 4 drapeaux, 5,000 fusils, la caisse militaire et 38 caissons furent le prix d'une telle énergie. L'armée se retira dès-lors paisiblement sans être inquiétée (1).
 
(1) Victoires et Conquêtes, tome III — Jomini, tome V.
 
Merle, mis à la tête de la 2ème division de l'armée, fut chargé d'administrer une partie des provinces nouvellement conquises. Voici la manière dont le général en chef appréciait à quelques temps de là les qualités du jeune et brillant officier. Un témoignage de cette importance dispense de bien des commentaires.
« C'est tin besoin toujours pressant pour moi, mon cher général, de témoigner ma gratitude à ceux qui ont bien servi la République. Tu as fait aimer les lois de notre patrie aux habitants que nous avons conquis, tu as maintenu l'ordre et la discipline parmi les troupes par une sévérité guidée par la justice, éclairée par la prudence; enfin, mon cher camarade, pendant tout le temps que tu as commandé une division, tu t'es conduit d'une manière qui fait également l'éloge de ton courage, de ta prudence et de tes talents, et c'est pour t'en remercier que j'exprime ici les sentiments de ma reconnaissance, de toute ma gratitude, ceux de l'amitié et de l'estime que tu m'as inspirées. Amitié et fraternité.
 
Moncey (1)
 
(1) Lettre du 4 prairial an III (26 avril 1795), dans les papiers du Général et au dossier de son procès, page 2.
 
L'armée des Pyrénées-Occidentales traversait en ce moment une rude épreuve. Vers les premiers mois de 1795 une effroyable épidémie s'abattit sur elle et, s'il faut en croire les historiens, lui enleva en moins de soixante jours 35000 hommes. La disette succéda aux horreurs du fléau : à l'ouverture de la deuxième campagne il fut impossible de rien lancer d'efficace. Il fallut attendre des renforts et le milieu de l'été; à cette époque, des opérations décisives amenèrent enfin la séparation des deux corps de l'armée espagnole, leur défaite successive et la prise de Bilbao et de Vittoria. Merle, présent partout, avait engagé, de concert avec Harispe, l'action principale à Irurzun.
Désormais, la Biscaye et l'Alava étaient à nous, la Navarre ouverte et Pampelune sérieusement menacée, quand la nouvelle de la paix arriva à l'armée, le 9 août 1795. Chacune des parties belligérantes rentra dans ses cantonnements respectifs. (1)
 
(1) Pour ce qui concerne ces premières campagnes, voir Jomini : Histoire des guerres de la Révolution française, tome V, passim.
 
Cette paix glorieuse était, à tous égards, une bonne fortune pour la République. Le Directoire, qui venait de succéder à la Convention (Constitution de l'an III), jaloux de mettre un terme aux troubles de l'intérieur, se hâta de faire refluer, des frontières d'Espagne en Vendée, 20000 hommes disponibles, dont la présence dans les départements insurgés devait amener les plus heureux résultats.
Merle, parti des Pyrénées au commencement d'octobre, arriva à Niort à la tête de sa brigade vers le milieu de novembre. La perspective d'une guerre, dont les horreurs étaient généralement connues, le remplissait de pitié et de tristesse ; il se promit bien de mettre toute sa fermeté à contenir la violence et la fureur du soldat et à tempérer, par son humanité, les excès de nos dissensions intestines.
Ses premières expéditions, dirigées principalement dans les Deux-Sèvres et la Vendée, eurent un plein succès ; grâce â son activité habituelle et à un heureux mélange d'indulgence et de sévérité, il contribua puissamment à la soumission des habitants. On lui confia le commandement de la division du Sud qu'il exerça jusques vers le milieu du mois de février suivant (1796).
C'est sur ces entrefaites qu'un incident remarquable et dont les suites faillirent devenir extrêmement fâcheuses, vint l'arracher momentanément à ses travaux.
Un jour, vers la fin de février, Merle reçut avis que le château de Saint-Mesmin (Vendée), contenait un rassemblement considérable de rebelles. Se mettre en mouvement, cerner à l'improviste le château désigné furent l'œuvre d'un moment; 80 vendéens, d'autres disent 200, tous armés, tombèrent entre ses mains. L'ordre était précis à leur égard ; Merle, aussi clément que brave, passa outre, au risque de compromettre par sa magnanimité sa fortune militaire et sa vie : les malheureux prisonniers, plus égarés que coupables, furent sauvés de la mort. Une telle désobéissance eut un grand retentissement dans une armée, malheureusement habituée à ne voir chez les Vendéens que des séditieux voués au dernier supplice. Le général en chef Hoche, débordé par les clameurs de quelques lieutenants soi-disant patriotes, en butte lui-même à la calomnie et mal assuré de la confiance du Directoire, fit taire un moment la considération qu'il avait pour la sagesse et l'honnêteté du glorieux délinquant ; il l'envoya aux arrêts de rigueur à Fontenay-le-Comte. La punition ne fut pas entièrement subie, et le 18 mars, Merle, sur l'invitation directe du commandant en chef, quittant les lieux témoins de sa noble conduite, alla, sur la rive droite de la Loire, délivrer le département de la Mayenne des Chouans qui l'infestaient.
Ses mesures prudentes et habiles eurent bientôt déconcerté les factieux dont l'audace ne connaissait plus de bornes : en peu de temps, les deux rives de la Mayenne furent entièrement libres, et Merle eut la consolation de s'entendre appeler le pacificateur de ces contrées qui lui devaient en effet le retour à l'ordre et à la tranquillité (1).
 
(1) Voir aux pièces justificatives le titre A.
 
Quand, dans les premiers jours de juin, Gratien fut amené à lui succéder, il n'eut qu'à poursuivre par les mêmes moyens un ouvrage déjà très-avancé. Au bout de trente jours la paix était complète dans ce département, l'un des derniers à rentrer dans le devoir (juillet 1796).
Le Directoire crut pouvoir réduire sans inconvénient l'effectif de ses forces dans la Vendée désormais soumise et en tirer des secours pour la guerre extérieure. Merle, reçut ordre de conduire une colonne de 10000 hommes à cette armée d'Italie, dont la renommée publiait les surprenants triomphes. Il quitta son commandement, au milieu des regrets et des félicitations de ses amis sur une destination qu'ils ambitionnaient tous. Mais, lui, partit, l'âme assiégée de noirs pressentiments et, quand à son arrivée à Chambéry ; il se vit retenu par Kellermann à l'armée des Alpes, sa disgrâce ne lui sembla plus douteuse. Des amis sincères placés à l'oreille du pouvoir eurent beaucoup de peine à le détromper et à dissiper en lui des craintes qui dataient de l'événement de Saint-Mesmin et qui étaient loin de disparaître à cette heure.
Cependant, Kellermann, heureux d'avoir sous la main un officier dont il entendait vanter les services et les talents, lui confia la tâche d'organiser les troupes nouvellement arrivées au quartier général et qui devaient, après leur instruction, être successivement envoyées au-delà des monts avec Bonaparte.
Merle, toujours soumis, déploya dans ce genre d'occupations son activité accoutumée et mérita par son dévouement et son zèle la pleine estime de son nouveau Chef. Sur la fin de septembre, les dernières colonnes de secours s'acheminaient par la vallée de Suze vers le Mincio ; il reçut alors le commandement de Barcelonnette désolée par les Barbets et la mission de punir ces malfaiteurs (1).
 
(1) Il paraitrait, d'après quelques documents, que Merle, avant de se rendre dans les Basses Alpes, aurait exercé des fonctions administratives importantes à Marseille : mais son séjour dans cette ville a été de trop courte durée pour que nous ayons cru devoir le mentionner ici.
 
Les Barbets étaient, à l'origine de nos longues guerres, des réunions de pillards et d'assassins qui, de temps immémorial, infestaient les défilés des Alpes. Les malheurs de cette époque orageuse en avaient singulièrement accru le nombre : aujourd'hui, ils comptaient dans leurs rangs des miliciens congédiés et sans ressources, des déserteurs de toute nation, jusqu'à des paysans laborieux et paisibles que la misère et le désespoir poussaient aux derniers crimes. Les Barbets occupaient tous les passages, toutes les gorges de ces montagnes, interceptant les convois, arrêtant les estafettes, égorgeant les traînards et les sentinelles perdues. Nos armées avaient dû disposer contr'eux de forces considérables, car, à une certaine époque, soutenus par l'or de nos ennemis, ils étaient devenus la terreur de ces contrées. Des détachements entiers, peu nombreux à la vérité, avaient été obligés de faire le coup de feu avec eux quand la nuit ou la difficulté des sentiers favorisaient leurs entreprises.
La paix récemment conclue avec le Piémont (mai 1796), permettait d'obtenir leur répression. Kellermann prit, en vue de ce résultat, les mesures les plus efficaces que le gouvernement Sarde promit de seconder de tous ses moyens. Des officiers qui avaient fait leurs preuves contre les Chouans furent mis à la tète des colonnes chargées de balayer le Col de Tende et les vallées voisines. Merle eut a exercer plus particulièrement sa vigilance dans les communes et villages qui ressortent de Barcelonnette. Le prince Victor-Emmanuel de son côté fit fouiller, sur la demande du Général, les repaires de Démont, Coni, Pignerol, Fénestrelle (1), etc., etc. Partout les bandits furent traqués sans relâche, on en arrêta un bon nombre, plusieurs se soumirent volontairement, quelques-uns plus entêtés continuèrent la lutte et finalement furent passés par les armes. Il se fit des restitutions considérables de troupeaux, d'armes, de munitions, etc. En moins de quarante jours il ne restait plus un seul de ces pillards, tous les chemins étaient libres.
 
(1) Voir aux pièces justificatives le titre B.
 
Après de tels services Merle croyait avoir enfin atteint le but de sa généreuse ambition, c'est-à-dire une place parmi les officiers de l'armée active d'Italie. Quel ne dût pas être son désappointement le jour où il reçut à Barcelonnette, l'ordre daté de Paris du 12 novembre 1796 (23 brumaire an V), de se rendre immédiatement dans la 8ème division militaire, où l'attendaient des fonctions d'une grande importance ?
Il hésita quelques jours à accepter le poste qu'on lui offrait ; c'est qu'un commandement dans la Provence n'avait rien de bien attrayant à cette époque, même pour un caractère moins élevé que celui du Général, et le rôle qu'il venait de jouer dans nos discordes civiles lui avait suffisamment appris que les services rendus en de pareilles circonstances, sont toujours ingrats et ne laissent d'autre satisfaction que celle d'un devoir loyablement rempli.
Il se décida pourtant : ses lettres de service furent enregistrées à Marseille le 27 décembre et, deux jours après, il prit en main le gouvernement de la -subdivision d'Aix, qui renfermait les villes de Tarascon, Arles, Lambesc, etc., et leurs dépendances.
Il n'entre pas dans mon plan de raconter en détail l'administration du jeune Général pendant son séjour dans les Bouches-du-Rhône. Chacun, au souvenir de nos dernières révolutions peut se faire une idée de l'extrême réserve, de l'honnêteté de vues et de la fermeté nécessaires à tout magistrat, au milieu des partis qui, par leurs dissensions, plongent une contrée dans la plus affreuse anarchie. Or, il s'agit ici d'un pas où fermentaient déchaînées toutes les passions d'un peuple à l'âme mobile et ardente, surexcité encore par les crises incessamment renouvelées de ces temps malheureux. « Pour calmer l'esprit de vengeance qui animait les citoyens les uns contre les autres, le Général lui-même Ce sujet, il aurait fallu toute la puissance de la Divinité (1). »
Néanmoins, sans se laisser ébranler, il se mit hardiment à l'œuvre, l'œil ouvert sur les menées qui s'ourdissaient dans l'ombre autour de lui, intimidant les sociétés secrètes, contenant les terroristes et déjouant leurs complots. Fidèle à ses principes, il fit avant tout respecter les personnes et les propriétés et ne cessa de concilier les devoirs de sa charge avec les droits de l'humanité. Le nom du général Merle est resté en vénération dans cette partie de la Provence.
 
(1) Rapport du Général, à S. A. R. le duc d'Angoulême, sur la campagne de 1815, dans le Midi de la France, page 27 et passim.
 
Non content de maintenir, autant qu'il était en lui, l'ordre et la tranquillité dans les villes de son commandement, Merle, étendant sa vigilance sur les départements voisins, ne cessa d'attirer l'attention et les ressources du Gouvernement vers le comtat Venaissin, dévoré en quelque sorte par une fièvre révolutionnaire et devenu un moment le rendez-vous de tous les factieux. Il contribua également, par ses avis, sages est désintéressés, à la conservation de la paix à Nîmes et dans le département du Gard.
Huit mois s'écoulèrent ainsi dans des occupations de tous les instants, mais, après le 18 fructidor, Merle, dont la modération et la tolérance, envers les citoyens suspects au nouveau régime, avaient été remarquées, encourut le ressentiment des patriotes fougueux : il fut brusquement destitué le 19 septembre 1797.
Un coup si imprévu et si immérité, il faut le dire, frappait cruellement le Général : il courba silencieusement la tête devant ce nouvel orage et se retira dans les environs de Lambesc. Là, par les conseils de quelques amis, ou, plutôt, cédant à la dureté des circonstances qui le laissaient sans ressources, il épousa une jeune veuve dont les vertus et la position de fortune lui promettaient, pour l'avenir, des jours meilleurs.
Mais tant d'émotions avaient ébranlé sa forte santé : durant un court voyage qu'il fit à Nîmes, peu de jours après son mariage, il tomba dangereusement malade et fut conduit en un instant aux portes du tombeau.
Sa constitution triompha avec peine. Vers les premiers jours du printemps suivant, au sortir d'une longue convalescence, Merle, sur l'invitation de l'ex-député Courtois, écrivit au Ministre de la guerre pour connaître enfin les vrais motifs de sa destitution. Ses diverses lettres restèrent sans réponse. Pressentant avec raison quelques machinations ténébreuses, et jaloux pour sa renommée, en vue d'un avenir qui ne lui paraissait pas entièrement fermé, il se rendit promptement à Paris afin de dissiper lui-même tous les nuages et de confondre ses ennemis. Il y fut arrêté et jeté au Temple (4 août 1798).
Sept mois durant on le tint dans une ignorance à peu près complète des motifs de son incarcération. En vain ses réclamations arrivèrent aux oreilles du Ministre de la police et des membres du Directoire, elles ne furent pas écoutées.
Enfin, il apprit qu'un conseil de guerre, convoqué à Marseille, se disposait à instruire son procès et il reçut avis de son départ, pour cette ville, fixé au 25 février 1799.
Nous devons dire ici que, pendant cette longue détention, les témoignages de bienveillance et d'intérêt ne manquèrent pas au prisonnier. Ses amis et, parmi eux, le plus illustre Moncey, l'honnête Moncey, tombé lui-même en disgrâce, sous un gouvernement faible et corrompu, lui prodiguèrent toutes sortes de consolations et d'encouragements. L'ancien général en chef de l'armée des Pyrénées-Occidentales mit généreusement sa bourse à la disposition de son malheureux compagnon d'armes, et eut la satisfaction de voir ses offres acceptées (1).
 
(1) De tels détails seraient indignes de l'histoire, s'ils ne disaient clairement le désintéressement de ces hommes qui avaient commandé des armées ou administré des provinces. Voir aux pièces justificatives le titre C.
 
Au reste, il fallait que le portrait de l'ex-général Merle eut été revêtu de bien sombres couleurs, par la haine de ses ennemis, car il eut à subir, durant le voyage, les plus durs traitements. Arrivé à Marseille, on le conduisit, à pied, jusqu'au fort Saint-Jean, à travers toute la ville, les mains enchaînées comme un malfaiteur.
Le 12 mai (22 floréal an 7), Merle comparut devant le conseil de guerre « sous la prévention, dit le rapporteur, de complicité dans les attentats qui se sont commis dans les Bouches-du-Rhône, sous son commandement (1). »
 
(1) Voir le dossier du procès, p. 201.
 
On faisait allusion à quelques troubles, si communs alors, survenus à Lambesc, un jour de fête, la veille précisément du 18 fructidor et principalement à une rixe sanglante, survenue dans un café, entre quelques jeunes gens d'Aix et des militaires de passage en cette ville, cinq jours après la destitution du Général.
L'accusation fut portée avec cette véhémence et cette fureur que peut seule tolérer la tourmente révolutionnaire. Elle ne manqua pas de rappeler, pour les besoins de sa cause, les événements de Saint-Mesmin et de s'élever avec force contre la induite, coupable à ses yeux, du prévenu. L'auditoire, où se trouvaient les plus fanatiques démocrates, était agité et menaçant ; au dehors se pressait la multitude, toujours avide de tragiques spectacles, s'attendant ici à une condamnation capitale et l'appelant hautement.
Devant de semblables dispositions, le cœur faillit à l'avocat du Général : Merle fut obligé de se défendre lui-même. Quatorze heures il resta sur le banc des accusés, répondant à toutes les récriminations, détruisant les objections, confondant la calomnie et le mensonge. S'il faut en croire des témoignages, parvenus jusqu'à nous, de ces temps déjà bien éloignés, Merle fut grand de calme, de sang froid, d'éloquence. Sa fermeté, l'assurance de son maintien et de son langage, sa jeunesse enfin, triomphèrent des répugnances d'un tribunal dont la composition lui inspirait les plus grandes craintes. Il fut acquitté : ses amis qui, au sortir de l'audience, avaient dû le soustraire aux fureurs d'une populace aveuglée, le ramenèrent à sa maison de Lambesc, où il vécut désormais dans une tranquille obscurité.
 
Le 18 brumaire vint l'arracher à ces loisirs. Merle rappelé à l'activité, par un gouvernement réparateur, reçut, avec son épée, l'ordre de conduire dans les provinces troublées de l'Ouest, un corps de volontaires, attaché à la garnison de la capitale. C'étaient ses anciens services, dans ce pays, qui le désignaient aujourd'hui à la confiance des Consuls : elle ne fut pas trompée. Investi du commandement des troupes stationnées dans l'Eure-et-Loir, il ne tarda pas à pacifier ce département : il défit ensuite, sous les murs de Mortagne, la légion royale du Perche, la mena battant jusqu'à Meslé-sur-Sarthe et la dispersa entièrement. Entre tous les chefs royalistes, M. de Frotté, dans la Basse-Normandie, s'opiniâtrait, à cette époque, dans une lutte désespérée. Mais en vain il mit un instant en émoi les départements de l'Eure, de l'Orne et du Calvados, il fut traqué avec une telle vivacité par Chambarlhac et Merle qu'il ne lui resta bientôt plus d'autre ressource qu'une prompte soumission. Merle cependant poursuivait ses avantages et, après avoir châtié un dernier rassemblement de Chouans, près de Gacé, se mettait en devoir de nettoyer l'Orne des bandes ennemies, quand la prise de M. de Frotté et le décourageaient de ses partisans amenèrent une pacification générale (fin janvier 1800) (1).
 
(1) Pour ce qui a trait au rôle du Général dans les diverses guerres de la Vendée, indépendamment de ses papiers, nous avons consulté : Crétineau-Joly, Vendée militaire; - Guerre des Chouans et des Vendéens contre la République, par un officier supérieur, etc. etc., tome VI. - Rapports et Bulletins de l'époque, etc. Voir aux pièces justificatives le titre D.
 
Cette tâche remplie, Merle, avec 30 000 des meilleurs soldats de l'Ouest, s'achemina vers les Alpes où Bonaparte leur avait donné rendez-vous.
Libre enfin du côté de l'intérieur, le Premier Consul allait frapper ses ennemis du dehors et leur imposer la paix à leur tour.
C'est ainsi que Merle assista « à cette immortelle entreprise qui devait prendre place dans l'histoire à côté de la grande expédition d'Annibal (1). » Il eut part aux triomphes de Marengo et plus tard, lors du passage du Mincio, sous les ordres du général Brune, se signala encore, avec l'héroïque division Boudet, dont il faisait partie, à l'attaque du pont de Borghetto.
 
(1) Thiers, Histoire du Consulat et l'Empire, tome 1er.
 
Le Premier Consul rémunéra libéralement ses services, lui donna un sabre d'honneur et le nomma successivement gouverneur des places d'Alexandrie et de Turin.
Merle occupa longtemps ces divers postes qui lui fournissaient l'occasion de manifester aux yeux du nouveau maitre, ses talents d'administrateur. A la paix d'Amiens, il rentra en France, se rendit au camp de Boulogne où il fut remarqué, pour l'excellente tenue de ses troupes et mérita d'être compris dans la première promotion des officiers de la Légion d'honneur (14 juin 1804).
Au renouvellement des hostilités, Merle passa, avec la division Legrand, à l'armée d'Allemagne (1805). Il fit partie du 4ème corps, confié au maréchal Soult, franchit, avec lui, le Rhin à Spire, le Danube à Donawerth et arriva le 8 octobre à Augsbourg : chemin faisant, il avait pris part à divers engagements, aidé à la poursuite des Autrichiens, battus à Wertingen par Murat ; le 10, il assista à la prise de Memmingen où furent faits 5,000 prisonniers et concourut, de la sorte, à la capitulation d'Ulm, signée le 28 octobre.
La journée d'Austerlitz le couvrit de gloire : placé à l'extrême droite du champ de bataille, vers les villages de Kobelnitz et de Telnitz, à quelques pas des marais de ce nom, il tint tête aux Russes, dès le commencement de l'action et, comme Davoust et Friant, ses voisins, leur opposa une résistance invincible. Sa brigade fut réduite à une poignée d'hommes, mais n'en resta pas moins maitresse de ses positions. Le Général lui-même reçut de fortes contusions et eut trois chevaux tués sous lui.
A une heure, l'Empereur qui, des hauteurs de Pratzen récemment enlevées, promenait sa lunette sur le champ de bataille, fut témoin de tant d'héroïsme. Après la victoire, il manda le Général, le complimenta devant tout son état-major et, peu de jours après, récompensa sa valeur par le grade de général de division.
Merle, après le départ de l'année, séjourna encore longtemps à Braunau, sur l'Inn, où le maréchal Soult avait reçu ordre de laisser une forte garnison. Il exerça même, dit-on, les fonctions de gouverneur dans cette place importante ; quoiqu'il en soit, sa conduite désintéressée et la discipline sévère de ses soldats lui valurent, de la part des souverains d'Autriche et de Bavière, des marques d'estime, infiniment honorables, auxquelles le Général attachait avec raison le plus grand prix (1).
 
(1) Nous devons mentionner surtout une panoplie d'un travail inestimable.

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II

Arrivés à cette partie de notre travail, nous touchons à la période la plus brillante de la carrière du général Merle, les jours d'orage qui ont si longtemps pesé sur la France et dont il a eu personnellement tant à souffrir, semblent disparus sans retour; un gouvernement sage et plein de force tient en main nos destinées ; les hommes qu'il a investis de sa confiance, débarrassés de ces mille tracasseries, suscitées par l'imprévoyance et la faiblesse, n'ont qu'à marcher librement dans la voie qui leur est tracée.
Nous allons voir le Général, recueillant les fruits de cette heureuse révolution, paraître avec éclat sur un nouveau et plus vaste théâtre, très-digne assurément de son caractère et de ses grands talents. Nous aurons à le suivre pas à pas dans les rudes et glorieuses épreuves qu'il va traverser, à divers titres, tantôt indépendant et maitre absolu de ses mouvements stratégiques les plus étendus, tantôt à la tête de sa division, renfermé dans les cadres des armées actives, auxqu'elles il prêta un concours aussi puissant qu'empressé; ici chef réel d'état-major ou en exerçant les fonctions intérimaires, là général en chef à son tour, dans les circonstances les plus critiques qu'un sage capitaine ait eues à traverser. Et partout, en Espagne comme en Russie, sur le Tage comme sur la Meuse, nous n'aurons que des éloges à enregistrer, pour une conduite si pleine à la fois de sagesse, d'intelligence et de vigueur.
Mais n'anticipons pas sur les pages qu'on va lire et reprenons la marche de notre récit.
Pendant que Merle était retenu en Bavière, la grande armée s'était vue conviée à de nouveaux triomphes, dans les pleines d'Iéna et de Friedland. En résultat, le traité de Tilsitt (7 juillet 1807), avait mis encore une fois l'Europe continentale aux pieds de Napoléon.
Cependant, le moderne Conquérant avait eu à se plaindre, durant ses dernières campagnes, de la conduite du Cabinet Espagnol. Il se hâta d'accumuler des forces considérables aux portes de la Péninsule. Bientôt après survinrent de pénibles conflits et le monde s'éveilla un matin, à la nouvelle que les troupes françaises , en vue de l'occupation récente du Portugal et des menaces perpétuelles des Anglais, avaient envahi le cœur de l'Espagne.
Ces troupes étaient toutes composées de jeunes soldats pris dans les bataillons de dépôt et les légions dites de réserve, sans expérience, peu ou point rompus aux fatigues qui les attendaient dans une contrée dévorante, sous un ciel presque africain. Heureusement les cadres étaient bons et la capacité des chefs telle, quelle allait suppléer à l'insuffisance des moyens employés. Presque tous les hommes de guerre qui avaient combattu en Espagne, dans les premières années de la Révolution, furent appelés à cette armée. Merle, revenu d'Allemagne, eut le commandement d'un corps de 6 à 7 000 hommes, dit des Pyrénées-Occidentales, avec mission d'occuper Pampelune et la Navarre, où nous l'avons vu inaugurer sa carrière.
En même temps, d'autres corps d'armée poussaient jusqu'aux portes de Madrid.
Les choses en étaient là, le patriotisme ombrageux des Espagnols s'alarmait et voyait les uniformes français avec défiance et inquiétude lorsque la nouvelle des événements de Bayonne fit éclater, dans la Péninsule, un soulèvement général.
La journée du 2 mai 1808, à Madrid, devint le signal d'une insurrection qui, en quelques jours, atteignit les provinces les plus reculées et nous mit sur les bras une population transportée de ressentiment et de rage.
Alors commença cette guerre longue, terrible, implacable ; guerre sans pitié ni trêve, semée d'assassinats, d'embûches, d'extermination. Ici, peu ou point de grandes et décisives opérations militaires, mais des engagements isolés, partiels, toujours renaissants. Les chefs, le plus souvent livrés à eux-mêmes, combattent sous la responsabilité de leurs propres actes ; les soldats, à leur tour, sont appelés au rôle d'officiers : excellente école, d'ailleurs, pour notre héroïque jeunesse, si elle n'en avait été malheureusement le tombeau.
Napoléon, sans se laisser déconcerter par des événements prévus peut être, mais sur la gravité desquels il était loin d'avoir tout appris, donna les ordres les plus prompts pour réprimer avec énergie les; premiers soulèvements. Il enjoignit à Merle qui, après l'invasion de la Biscaye et de la Navarre, gardait la ligne d'opération de l'armée, de se porter sans retard sur Santander, afin de ramener cette ville révoltée, de pacifier la Montana et de contenir les Asturies où s'agitait une race d'hommes de tout temps indomptable.
Merle quitta, le 2 juin, Burgos où était son quartier général, mais à peine avait-il fait quelques pas du côté de Reynosa, qu'il se vit ramené précipitamment en arrière par le soulèvement de Valladolid, la première cité du nord de l'Espagne, pour son importance et sa situation.
De concert avec le général Lasalle, accouru de son côté, il se mit en devoir d'éteindre ce nouveau foyer d'incendie. Les révoltés vinrent à leur rencontre et prirent position à Cabezon, derrière la Puyserga, sur la route de Burgos à Valladolid, à deux lieues en avant de cette dernière ville. Ils avaient à leur tête le dernier capitaine général de la Vieille-Castille, don Grégorio de La Cuesta, et ne comptaient pas moins de 6 000 bourgeois ou paysans, soutenus par un millier de soldats réguliers, trois cents cavaliers du régiment de la Reine et quatre pièces d'artillerie. C'était la première fois que l'insurrection espagnole osait se mesurer avec les Français en rase campagne : elle n'eut pas à se féliciter de ce début.
Le 12 juin au matin, Lasalle, qui commandait alors une division mi-partie de troupes d'infanterie et de cavalerie, fit charger par ses fantassins l'ennemi sur son front, pendant que Merle, pour affaiblir sa résistance, essayait de tourner la position. Mais, aux premiers coups de feu, les jeunes soldats de ce dernier, emportés par leur ardeur, sans attendre le résultat de cette manœuvre, joignirent ceux de Lasalle et, tous ensemble, culbutèrent les Espagnols et leur enlevèrent leur artillerie. La cavalerie lancée après les fuyards en sabra un nombre considérable.
Ce coup de vigueur mit Valladolid épouvantée à la merci des vainqueurs. L'intervention de son évêque, toute puissante aux yeux de Merle, la sauva. Seulement, les habitants furent désarmés, livrèrent cinquante otages et envoyèrent à Bayonne, auprès de Joseph, une députation chargée d'implorer sa clémence. La ville demeura sous l'autorité de Lasalle, qui avait désormais à surveiller les mouvements du général espagnol.
Merle retourna en toute hâte à sa première destination : il parut le 20 à Reynosa où, depuis son départ, les insurgés avaient établi leurs avant-postes. L'évêque de Santander, sous le titre de régent souverain de Cantabrie, dirigeait en personne le mouvement de ces contrées. Il venait de recevoir un renfort considérable des Asturies, sous la conduite de don Juan Manuel Vélarde et, dans son ardeur patriotique et religieuse, méditait quelque entreprise décisive, quand l'arrivée du Général français vint couper court à ses projets.
Celui-ci avait, cette fois, avec lui 10 bataillons d'infanteries, 1 000 chevaux et 8 pièces de campagne. Il s'engagea résolument dans les gorges où passe la route de Reynosa à Santander, chassant de toutes parts les ennemis surpris de cette soudaine irruption. Un premier corps de 800 hommes, posté à Lantuéno, avec deux pièces d'artillerie sous le commandement de Vélarde, avait promis de faire résistance, mais il fut abordé avec tant de vivacité en flanc et en tête, qu'en un instant il perdit ses canons et fut mis en pleine déroute. Le deuxième corps, placé non loin de là, à un coude du chemin, ne fut pas plus heureux, malgré la présence de l'évêque. Merle, après l'avoir rudement maltraité, continua sa marche sur trois colonnes, balayant tout devant lui. Le 22, il tourna et lit tomber, par ses habiles manœuvres, une position inexpugnable où s'étaient rassemblés les débris des Asturiens nombre de prisonniers, tous les canons, une grande quantité de fusils et de munitions restèrent en son pouvoir. Après ce dernier succès, la petite armée réunit ses détachements et entra à Santander : l'évêque épouvanté s'était sauvé avec la Junte, dans les montagnes, laissant la ville aux mains de quelques soldats Anglais qui tinrent un moment à peine et se hâtèrent de remonter sur leurs vaisseaux.
Le même jour, une autre colonne française, sous les ordres du général Ducos, de la division Merle, pénétrait à Santander, par la route de Miranda, après avoir dispersé, de son côté, les rassemblements. Merle confia à cet officier la garde de la ville, lui laissa quelques bataillons à cet effet et reprit, sans s'arrêter, le chemin de la Vieille-Castille où l'attendaient de nouveaux travaux (1).
 
(1) Dans le récit des événements de cette seconde guerre d'Espagne, nous avons surtout pris pour guide le général Foy, témoin occulaire, très-véridique d'ailleurs : Guerres de la Péninsule, 1829, tome III ; voir encore l' Histoire d'Espagne, de MM. Paquiz et Dochez , t. II ; M. Thiers, Histoire du Consulat et de I 'Empire, etc., etc.
Il est à remarquer que l'éminent Historien du Consulat et de l'Empire, ne mentionne pas le général Merle, dans son compte-rendu des campagnes d'Italie, en 1800, extrêmement remarquable au reste ; ni dans son récit de la bataille d'Austerlitz où Merle se distingua pourtant, à côté des chasseurs du Pô et de la brigade Levasseur, d'une manière exceptionnelle.
Il le nomme pour la première fois seulement, à l'affaire du pont de Cabezon, attribuant le principal honneur de la journée à la cavalerie de Lasalle qui cependant n'engagea d'abord que son infanterie. L'Empereur n'avait pas encore appris à ses lieutenants à faire enlever, par ses dragons et ses chasseurs - ( tome IX, 281, 455 et passim) - les retranchements élevés par les armées espagnoles. Enfin, dans les nombreux détails qu'il donne sur le soulèvement de la Péninsule, après la journée du 2 mai, il se tait complètement sur l'importante expédition de Merle dans la Montana. Ce silence, vis-à-vis de notre héros, ne laisse pas que de paraitre surprenant.
 
Cependant rien ne faisait encore prévoir l'indomptable résistance que nous devions trouver en Espagne : partout l'insurrection s'évanouissait, du moins en apparence, devant nos soldats. C'était, ce semble, le moment de frapper un grand-coup aux yeux des Espagnols.
Joseph entra en Espagne avec une armée de 16 à 20 000 hommes, réorganisée en quelques jours par les soins du maréchal Bessières, son nouveau chef, et composée de deux fortes divisions d'infanterie, l'une de vieux soldats, avec le général Mouton (comte Lobau), l'autre de jeunes gens de nouvelle levée, aux ordres de Merle. Lasalle commandait la cavalerie.
Dès ses premiers pas le nouveau roi put se convaincre de toute la haine que lui portait le patriotisme espagnol. En avant de Burgos il apprit que l'armée vaincue à Cabezon, un mois auparavant, et retirée depuis à Bénavanta, renforcée maintenant par quelques bataillons des Asturies et l'armée entière de la Galice, conduite par Blake, se disposait à lui barrer le chemin de sa capitale.
Les généraux espagnols pouvaient mettre en ligne de 28 à 30,000 hommes, fantassins et cavaliers et 30 pièces d'artillerie. Ils assirent leur camp à Médina-del-Rio-Secco, sur un plateau difficile à aborder et attendirent leurs ennemis avec confiance.
Le 12 juillet au matin, l'armée française au nombre de 10 à 12 000 hommes (1), commandée par le maréchal Bessières, les trouva formés sur deux lignes inégales, l'une derrière l'autre, séparées entr'elles pour un assez long intervalle.
 
(1) Nous venons de dire que cette armée, au départ de Joseph, comptait de 16 à 20 000 hommes, mais, depuis ce premier jour, les marches, les détachements laissés sur la route parcourue, l'avaient considérablement réduite. Joseph, seul, avait à Burgos une escorte nombreuse qui ne renfermait pas moins de la moitié de la division Mouton, sans parler de la cavalerie.
 
Elle s'avança sur le champ, décidée à battre isolément les deux corps avant leur réunion. Merle, avec sa division toute entière, placé à l'aile gauche, devait engager l'action; Mouton, qui n'avait plus que la moitié de la sienne, à droite, était chargé de le soutenir. Lasalle et ses cavaliers se tenaient prêts à les appuyer suivant le besoin.
Au signal donné, nos fantassins s'ébranlent : Merle fait avancer au pas de charge trois bataillons, commandés par le général Sabathier, pour assaillir l'ennemi de front, pendant, qu'avec le reste de sa division, il se propose de lui tomber dans le flanc et, à cet effet, se dirigé en toute hâte, à gauche, vers l'endroit le plus escarpé du plateau. En un instant, malgré les feux d'une artillerie formidable, la première ligne espagnole, vivement attaquée de face, est rompue à coups de baïonnettes. La position est à nous, lorsque la deuxième ligne, composée en partie de troupes régulières et dirigée par La Cuesta, se porte rapidement en avant, rallie les fuyards et parvient à ramener d'abord quelques tirailleurs de la division Mouton. Au milieu du désordre de la lutte, deux pièces d'artillerie, que nos fantassins conduisaient avec eux, tombent aux mains des Espagnols. Ceux-ci gagnent du terrain et malgré les brillantes charges de la cavalerie de la garde, sont sur le point de reprendre le-plateau. Mais, en ce moment, paraît le général Merle, son mouvement est terminé, il se trouve dans le flanc droit de la colonne assaillante : opérant un changement de front, il se précipita sur elle, à l'arme blanche, pendant que Mouton l'aborde résolument de son côté et qu'un escadron de chasseurs, lancé à propos, achève de l'ébranler. Après une courte mais terrible mêlée, la seconde ligne a le sort de la première et se voit jetée dans une effroyable déroute.
La cavalerie de Lasalle, lancée sur les fuyards, en fit un carnage horrible; Médina, malgré sa résistance, tomba aux mains de notre infanterie.
Cette éclatante victoire, qui nous coûta quelques centaines de morts et de blessés, avait fait perdre près de 10 000 hommes tués ou prisonniers aux ennemis, dix-huit bouches à feu, des drapeaux et une multitude de fusils. Elle ouvrait au nouveau roi la route de sa capitale, lui soumettait le nord de l'Espagne et devait porter le découragement dans l'âme de l'insurrection. C'était le fruit d'une attaque aussi bien conduite que bien conçue et dont l'honneur, ainsi qu'on vient de le voir, après le maréchal Bessières, appartient principalement au général Merle (1). « Jamais, disait-il, plus tard, en racontant les détails de cette journée, on ne vit chez des assaillants pareille furie ; mes jeunes soldats au reg étaient tous des lions; ils firent des prodiges. »
 
(1) C'est la manière de voir du général Foy, qui se trouvait sur les lieux, des auteurs de l'Histoire d'Espagne (tome II, page 554-556), enfin de Napoléon lui-même.
M. Thiers, sans être aussi explicite, fait encore dans son récit, une large part à l'intervention du général Merle.
 
Napoléon, plein de joie, combla de faveurs l'armée victorieuse : Merle eut une large part à ses munificences habituelles et fut fait, en outre, Grand-Officier de la Légion-d'Honneur.
Les soldats vaincus de Blake et de La Cuesta, poursuivis l'épée dans les reins, ne s'arrêtèrent qu'aux frontières de la Galice. Le maréchal Bessières se disposait même à envahir cette province, quand le désastre de Baylen (22 juillet), le rappela sur ses pas, jusqu'à Burgos. Il était encore désigné pour protéger la marche du roi Joseph qui, cette fois, la douleur dans l'âme, fuyait sa capitale et se retirait sur l'Ebre, à Miranda. (Août 1808.)
 
Napoléon était à Bordeaux lorsqu'il apprit les dernières et tristes nouvelles qui lui arrivaient d'Espagne : réparer sur le champ les fautes commises, relever le courage abattu de son frère, le ramener lui-même à Madrid, fut désormais le but de son infatigable activité. La grande armée d'Allemagne lui fournissait 150 000 hommes et des chefs éprouvés, il les achemina sur Bayonne et, au commencement de novembre 1808, vint se mettre à leur tête.
Les soldats qui avaient triomphé à Médina-del-Rio-Séco, réorganisés et accrus de quelques escadrons de cavalerie et de plusieurs batteries de campagne, passèrent aux ordres du maréchal Soult et, sous le titre de 2ème corps, formèrent d'abord le centre de la grande armée d'Espagne.
Mais, après l'occupation de Burgos, l'Empereur les envoya vers Reynosa, afin de tourner l'armée de Blake, en ce moment aux prises avec nos généraux, dans la Biscaye. Ils devaient ensuite envahir les Asturies, occuper des pays qu'ils connaissaient déjà, pour la plupart, et où ils avaient l'habitude d'agir et enfin surveiller les Anglais dont la présence, sur le sol espagnol, était encore mal précisée à cette date.
Ce plan tracé d'avance, par Napoléon lui-même, fut exécuté avec rapidité et précision. De Burgos à Reynosa on donna la chasse à quelques bandes fugitives de l'armée de Blake, récemment battue à Espinosa, on lui enleva une immense quantité de voitures, de bouches à feu, de munitions, tout l'attirail en un mot des troupes nombreuses en campagne. Le 14 novembre, le deuxième corps pénétra dans les Asturies, fouilla tous les ports de cette province et, après de nombreux et très-vifs engagements, reçut la soumission générale des habitants. Dans ces diverses rencontres, Merle ne cessa de donner l'exemple de la plus intelligente bravoure : ce fut principalement d'après ses ravis et sur ses indications propres, que les opérations s'exécutèrent : c'est pourquoi il s'attira, à partir de cette époque, l'estime particulière du maréchal Soult, qui venait de discerner en lui un excellent chef d'état-major.
Restait la deuxième partie du programme vis-à-vis l'armée anglaise. Celle-ci, venue partie du Portugal, partie de la Corogne, était commandée par John Moore et s'avançait dans l'intérieur de l'Espagne, avec une sage circonspection. Napoléon instruit, un peu tard, de sa marche sur Valladolid, forma le dessein de l'envelopper et de la prendre toute entière. Il enjoignit, en conséquence, au maréchal Soult de repasser dans le royaume de Léon, de s'y réunir au corps de Junot, nouvellement arrivé et, si les Anglais faisaient mine d'avancer, de les attirer adroitement dans l'intérieur des terres; de les poursuivre, au contraire, à outrance, s'ils prenaient le parti de se retirer.
Moore fut averti à temps des terribles manœuvres de son adversaire et, dans la nuit du 24 au 25 novembre, se hâta de décamper. Le deuxième corps ne connut que le 26, la présence des Anglais à Sahagun; il se mit incontinent à leur poursuite et atteignit, sur l'Esla, l'arrière-garde, formée d'Espagnols, qu'il détruisit presque entièrement. Le 1er janvier on était à Léon.
Le 3, Moore qui n'avait cessé, jusque-là, de fuir à tire d'aile, semant sa route de traînards, de bagages, de chevaux, résolut de s'arrêter en avant de Villafranca, au-delà du défilé de Cacabellos, pour donner à ses troupes harassées, le temps de se remettre et, à l'aide d'une vive résistance, permettre à ses colonnes en retard, de rejoindre le corps de bataille. Il plaça, à cet effet, sur les hauteurs de Piétros, position bien choisie et d'un accès très-difficile, une arrière-garde de 6 000 hommes dont 600 à 700 chevaux et une nombreuse artillerie.
Le général Merle, avec sa belle division, le général Colbert, à la tête de la cavalerie légère, dépassèrent le défilé et, franchissant la plaine qui les séparait du village de Piétros, assaillirent résolument les Anglais. Colbert tomba au commencement de l'action, percé d'une balle. Sans se laisser déconcerter par cet accident, Merle fit charger l'ennemi de front, au moyen d'une forte colonne, pendant que nos tirailleurs essayaient de déborder sa droite. En quelques moments les Anglais furent culbutés, laissant entre nos mains trois cents hommes tués ou prisonniers. La nuit seule mit fin à notre poursuite que Merle devait reprendre le lendemain avec ardeur.
Dans cette course haletante, les français avaient eu aussi à souffrir des difficultés de la route, des rigueurs de la saison, de la disette qu'ils rencontraient, pour prix de leurs efforts, dans un pays dévasté. C'est là, sans doute, ce qui explique la tardive concentration de l'armée entière, opérée les 5, 6 et 7 devant Lugo que les Anglais défendaient, rangés en bataille, dans une assiette inexpugnable.
Quoiqu'il en soit, le maréchal Soult laissa paraître, dans cette circonstance, une hésitation qui ne lui était pas naturelle. Il permit à son ennemi d'abandonner Lugo pour ne le rejoindre qu'à la Corogne.
Malheureusement pour les Anglais, à leur arrivée dans cette ville, le port était vide, pas un seul des navires qu'ils attendaient, avec une impatience facile à comprendre, n'était arrivé ; il leur fallut se préparer à une nouvelle et terrible résistance. Moore s'abrita derrière le cours de Méro, qui forme une première ligne de défense, en fit sauter tous les ponts et échelonna ses troupes sur le cercle des hauteurs qui environnent la Corogne. Les Français arrivèrent le 11 et le 12, Merle avec sa division toujours en tête. Le 13 et le 14, les ponts détruits furent rétablis avec peine et les Anglais culbutés une première fois, par Mermet et Merle, des collines de Villaboa. Enfin, le 16, l'armée entière, ralliée et reposée, se mit en devoir de les déloger de leurs positions.
La bataille s'engagea vers deux heures de l'après-midi et dura jusqu'à la nuit, avec des chances très-partagées : à mi-chemin des deux armées, le village d'Elvina, situé sur notre gauche et occupé par les Anglais, fut attaqué avec énergie, pris, repris plusieurs fois et finalement enlevé par le général Merle. Nos soldats ne s'arrêtèrent que sur le terrain de l'ennemi, mais celui-ci conserva ses principales positions. Merle déploya dans cette journée une vigueur au moins égale à la ténacité britannique et, sans nul doute, il aurait, avec le brave Mermet, emporté tous les obstacles, si le maréchal Soult, non content de laisser dans l'inaction la troisième division, n'eut fait cesser le combat, malgré ses lieutenants engagés (1). Néanmoins, cette brillante affaire eut, pour l'armée française, tous les résultats d'une victoire décisive. Les Anglais, après avoir perdu leurs deux principaux chefs et l'élite de leurs soldats, furent contraints de se rembarquer, en toute hâte, sur les navires que la fortune leur amenait enfin, au dernier moment (17-18 janvier 1809) (2).
 
(1) C'est l'opinion bien arrêtée du Général sur cette affaire, que nous insérons ici.
(2) Voir la correspondance du roi Joseph publiée par Du Casse, tome IV-V-VI-VII, passim, sur tous ces événements, et les rapports du duc de Dalmatie au major-général Berthier, durant ses deux premières campagnes dans la Péninsule.
 
Napoléon avait dit à Souk : « Quand les Anglais seront embarqués, vous marcherez sur Oporto..., vous envahirez le Portugal...., vous occuperez Lisbonne. » Le Maréchal se hâta d'obéir : après un mois de repos accordé à ses troupes, Pour les refaire, il quitta Vigo, le 15 février, à la tête de 26 000 hommes, décidé à passer le Minho devant lui et à marcher sur Braga et Oporto par le littoral. Mais le manque de bateaux et les pluies torrentielles de la saison, qui avaient singulièrement grossi ce fleuve à son embouchure, lui suscitèrent un premier obstacle. Il remonta péniblement jusqu'à Orense, envahit le territoire Portugais par cette dernière ville et se dirigea sur Oporto, au milieu de difficultés sans nombre, accrues par la haine et le patriotisme des habitants. Il fallut enlever de vive force tous les passages, tous les hameaux, toutes les villes, s'avancer sur des monceaux de cadavres, au milieu des ruines et du sang. A Monterey, à Chaves, à Braga sur l'Ave, ce furent des combats toujours renouvelés et épouvantables; Merle, présent à toutes les ici rencontres, paya encore ci de sa personne, comme il savait le faire à chaque occasion.
Le 27 mars, l'armée française, exténuée de fatigue, parut devant Oporto. Soixante mille hommes, tant soldats réguliers que paysans et gens du peuple, en défendaient les approches. Ils occupaient, avec deux cents pièces de canon, le cercle de redoutes qui fermait la ville et dont les deux extrémités venaient aboutir au Douro. Fiers de leur nombre et de leurs positions dominantes, ils se refusèrent à toutes les propositions d'accommodement. Le maréchal Soult, après une longue et inutile attente, se vit obligé, le 29, d'ordonner un assaut général : il fut terrible.
Le général Merle formait la droite de ses colonnes : pendant que Mermet et Delaborde enlevaient les retranchements ennemis, à la course, au centre et à gauche et pénétraient dans les rues de la ville, lui, se portant non moins rapidement à droite, triomphait de tous les obstacles et acculait au Douro les malheureux Portugais qu'il avait en tête. Ils y périrent tous, en voulant le traverser à la nage. La bataille était complètement gagnée : seul, un gros d'ennemis retranché dans les bâtiments de l'évêché, faisait une opiniâtre résistance, Merle, les fit charger à outrance et parvint enfin à les déloger, non sans faire quelques pertes.
Lui-même, sur la fin de l'action, fut atteint d'une balle au cou et obligé de se retirer. C'était la première forte blessure qu'il recevait, depuis le commencement de sa carrière militaire ; elle mit ses jours en péril et le força à l'inaction, pour le reste de la campagne. Sa division fut provisoirement dissoute ; une brigade resta à Oporto, avec Mermet, l'autre passa, avec Loison, à Amaranthe. C'est ainsi que Merle n'eut aucun rôle à jouer dans les événements qui marquèrent l'établissement de l'armée à Oporto, et amenèrent finalement l'évacuation du Portugal.
Merle acheva sa convalescence à Lugo, dans la Galice, où l'armée s'était un moment arrêtée. Le 15 juin, il avait rejoint à Zanora le Maréchal qui, récemment investi du commandement général des armées du nord de l'Espagne, le prit, dit-on, pour son chef d'état-major (1).
 
(1) Mon chef d'état-major, lui dit, un jour, le duc de Dalmatie, vous êtes le seul que je n'ai jamais rabroué. - Mais M. le Maréchal, lui répondit Merle en riant, c'est bien heureux a vous, je ne me serais pas laissé faire. » Nous tenons ces détails de l'honorable M. Pagésy, un ancien aide-de-camp du Général, aujourd'hui colonel en retraite à Nîmes.
 
Mais les principaux événements de la saison, s'étant passés en dehors de leur influence directe, nous ne croyons pas devoir nous occuper ici de projets restés, pour la plupart, sans exécution. Au reste, Merle ne remplit que quelque temps ces fonctions éminentes et difficiles, si propres à développer les grandes qualités de son caractère.
 
Vers les derniers mois de 1809, après le départ du maréchal Soult, que Joseph appelait auprès de lui, il reprit le commandement de sa division au 2ème corps, chargé de surveiller les Anglais, retirés d'abord en Estramadure et, peu après, rejetés, par la victoire d'Occana, jusqu'en Portugal. Il passa ainsi près d'une année à Plasencia, à Truxillo, sur le Tage, etc., dans un pays entièrement ravagé par la guerre. C'était le moment où les Guérillas avaient atteint leur plus grand développement et infestaient principalement toute cette partie de la Péninsule. Le 2ème corps ne cessait de fournir contre eux de forts détachements.
Le 5 juillet 1810, dans une de ces expéditions, Merle rencontra, près de Xérès delos Caballeros, une colonne de 8 000 hommes, appartenant aux armées Espagnoles. Surpris tout d'abord par elle, il se remit promptement, l'attaqua avec fureur et la détruisit presque entièrement : les débris coururent s'enfermer dans Badajoz.
 
Vers le milieu de cette même année 1810, les affaires de l'Empire prospéraient dans toute l'Europe. La victoire de Wagram et le mariage de Napoléon avec une archiduchesse, avaient désarmé et rallié l'Autriche. L'Espagne toujours frémissante, mais gardée par 200 000 soldats, se lassait: enfin d'une guerre épouvantable. Les Anglais, nous venons de le dire, étaient encore une fois rejetés en Portugal, par les derniers événements. Napoléon se crut au moment de les expulser définitivement de la Péninsule.
Sur ses pressantes invitations, Masséna, le premier de ses lieutenants, accepta le commandement de cette nouvelle expédition. Le 14 septembre, il fut rejoint par le 2ème corps, toujours cantonné en Estramadure, sous Reynier, et destiné à former la gauche de l'armée d'invasion. Le 2ème corps comptait au plus 15 000 hommes, privés de solde depuis plusieurs mois, presque nus, mais aguerris, rompus aux fatigues et capables de tout entreprendre. Il comprenait les deux divisions Merle et Hendelet, avec d'excellents généraux de brigade, Foy, Graindorge, Sarrut, etc., tous investis de la confiance de leurs soldats.
Notre intention n'est pas de décrire avec détail, cette troisième et mémorable campagne de Portugal, si mal jugée jusqu'ici et qui devait trouver, de nos jours, un historien digne des hommes qui y prirent part et des grands faits qui la signalèrent. Il n'y a plus rien à dire, après l'admirable récit de l'histoire du Consulat et de l'Empire.
Toutefois, je ne dois pas laisser passer, sans les indiquer au moins, quelques inexactitudes échappées à la plume de l'éminent Ecrivain, en ce qui concerne notre héros, ni sans les réparer des oublis naturels, peut-être, dans un ouvrage de longue haleine, mais inexplicables de la part d'un auteur si minutieusement informé.
A la terrible bataille de Busaco, livrée, comme on sait, le 27 septembre 1810, à l'armée Anglo-Portugaise, Merle, à la tête de ses soldats, entra le premier en action, dès le point du jour. Jamais, peut-être, dans sa carrière déjà si remplie, il n'avait assisté à un aussi rude engagement. Les Alliés, au nombre de 60 000, défendaient les crêtes de Busitco, qui ont 150 mètres d'élévation, des bords taillés à pic, inaccessibles à la cavalerie et hors d'atteinte des bouches à feu. Merle, dans les assauts répétés qui leur livra, fut héroïque. Tantôt à la tête des carabiniers du 2ème léger, tantôt au milieu des tirailleurs, il affronta le feu, comme le dernier de ses soldats. Un de ses généraux, Graindorge, deux colonels furent tués à ses côtés, lui-même tomba, le bras droit fracassé par une balle. On le crut mort (1), mais il se releva et, quoique couvert de sang et en proie à d'horribles souffrances, il resta debout sur le champ de bataille, jusqu'à la fin de l'action.
Trois jours après, lors de l'entrée des Français à Coïmbre, il commandait sa division (2). C'est dans cette ville qu'il reçut des soins devenus indispensables.
 
(1) Il tombe, dit M. Thiers, mortellement blessé....... on l'emporte du champ de bataille....... et, dès lors, conséquent avec lui-même, cet Historien ne cite plus désormais le nom du Général.
(2) Voir, pour tout ce qui suit, les mémoires de Masséna, tome VII.
 
Un mois plus tard, le 11 novembre, quand l'armée s'établit à demeure à Santarem, l'illustre malade, encore convalescent, avait repris son service actif.
A partir de ce moment jusqu'au 5 mars suivant, époque définitive de la retraite, Merle partagea les misères de toute sorte qui pesèrent principalement sur sa division et celle de Hendelet. Quant aux alertes causées par l'ennemi, elles ne furent jamais bien redoutables pour les soldats qui défendaient Santarem.
Le 20 mars, on se rapprochait des frontières d'Espagne. Reynier qui, par un faux mouvement, avait fait manquer l'établissement de l'armée sur la rivière de l'Alva, se trouva harcelé d'une manière extrêmement pressante par la cavalerie ennemie. Merle veillait à l'arrière-garde et, selon sa coutume, fermait le plus souvent lui-même la marche.
Cependant quelques cavaliers qui l'avaient reconnu, s'étaient attachés à sa personne et, de temps à autre, le serraient vivement. Le Général, montait ce jour-là, un des rares chevaux qui lui restaient, singulièrement affaibli par de récentes blessures et les fatigues d'une campagne de sept mois ; le péril était des plus grands. Mais, voilà qu'à un moment donné, profitant habilement des accidents du terrain, il s'embusque à un angle tournant de la route et attend, dans cette position sûre, ses imprudents agresseurs. Ceux-ci accouraient hors d'haleine, séparés les uns des autres, ainsi qu'il arrive en pareil cas, par d'assez longs intervalles. Soudain le premier qui se présente est assailli à l'improviste, et atteint d'un si furieux coup de sabre sur la tête, qu'il tomba comme foudroyé. Le Général se retourne vivement vers le second et, d'un coup de pistolet, tiré presque à bout portant, le met à son tour hors d'état de nuire ; il s'élance alors sur les suivants, sans même donner le temps à ses soldats d'arriver à son aide: mais l'ennemi avait tourné bride et cette fois pour ne plus revenir (1).
 
(1) Cet exploit remarquable qui fournit au Général l'occasion de donner, suivant ses propres expressions, le plus beau coup de sabre de sa vie, a été diversement raconté : nous avons suivi la version la plus vraisemblable.
 
De nombreux incidents, sur lesquels nous ne croyons pas devoir insister, marquèrent encore cette retraite. « La division Merle, dit un écrivain, désormais habituée à cette guerre de montagnes et de défilés, donnait toute sécurité à l'armée, quand l'armée savait que cette division veillait sur ses derrières (1). »
 
(1) Histoire de l'Armée, tome III, page 290.
 
Le 3 avril, un combat d'arrière-garde eut lieu à Sabugal, sur la Coa. Merle avait sous la main le 2ème léger et le 36ème de ligne, de la brigade Sarrut, avec quelque artillerie ; il voulut donner une dernière et vigoureuse leçon à son ennemi. Ses dispositions furent bientôt prises. Quelques volées de coups de canon tirés à propos arrêtèrent subitement les Anglais, qui marchaient avec leur assurance accoutumée. Merle, profitant de cette surprise, les fit charger à la baïonnette : après une vive et courte mêlée, ils furent culbutés, laissant des morts et des prisonniers.
L'armée atteignit enfin la Vieille-Castille.
A la campagne suivante, conduite encore par l'héroïque Masséna, Merle, toujours avec le 2ème corps, était à la droite de l'armée. Il assista à la bataille de Fuentès­d'Onoro, livrée dans les premiers jours de mai, vit la prise du village d'Alaméda, sur la gauche des Anglo-Portugais, et contribua au refoulement de ces derniers, au-delà du Dos-Casas, derrière leurs retranchements.
De graves accusations se sont élevées contre les lieutenants de Masséna, à propos du rôle qui leur était dévolu et qu'ils ne remplirent pas dignement dans cette rencontre. C'est à eux, dit-on, qu'il faut s'en prendre si la journée de Fuentès-d'Onoro, malgré l'indomptable ténacité de Masséna, malgré la valeur incomparable de ses soldats et les avantages qu'elle leur donna sur leurs adversaires, fut loin d'être décisive. Disons bien vite que, quelle que soit la part à faire à chacun des généraux, dans les fâcheux incidents qui marquèrent si tristement ces deux dernières campagnes, Merle ne saurait être compris parmi les officiers mécontents ou indisciplinés que le blâme de l'histoire a atteints avec une juste sévérité. Sa conduite ne se démentit pas un seul jour et, à Busaco comme à Fuentès-d'Onoro, il fit noblement son devoir. Ajoutons même que, dans cette dernière circonstance, il ne tint pas à lui que le concours de sa division ne fut souverainement efficace. C'est ce qui résulte des précieux souvenirs pieusement recueillis de la bouche, d'ailleurs, si discrète du Général, souvenirs que nous nous sommes fait un devoir de reproduire fidèlement dans cette étude.
Au reste, Masséna et Soult, ses supérieurs immédiats, ont bien su alors, comme plus tard, dans des circonstances éclatantes (1), lui prouver toute l'estime qu'il leur avait inspirée. Leurs rapports ou leurs mémoires sont pleins de ses éloges. D'ailleurs, leur juge à tous et le meilleur ne manqua de reconnaître, comme il savait le pire, un si complet dévouement.
 
(1) A Paris et à Marseille en 1814 et 1815.
 
Déjà, ainsi que nous l'avons vu plus haut; le Général avait reçu de brillantes rémunérations, lors de la première campagne d'Espagne. Il ne faut pas oublier que l'Empereur, peu de temps avant la journée de Médina-del-Rio-Séco, lui avait envoyé le titre de Baron avec une dotation considérable en Wesphalie.
Plus tard, en 1809, sur les rapports du maréchal Soult, il ajouta à ces munificences une importante et nouvelle dotation dans la Poméranie suédoise et, plus tard encore, des gratifications moins retentissantes, peut être, mais tout aussi utiles, tout aussi honorables pour celui qui en était l'objet (1).
 
(1) Les lettres patentes du titre de Baron et la dotation en Westphalie d'un revenu de 10001,01 fr, ont été concédées le 19 mars 1808. - La dotation en Poméranie de 10 000 fr de revenu, fut concédée le 15 août 1809.
Ces dotations ont une valeur d'autant plus grande, que l'Empereur les donnait à ses serviteurs, intégralement acquises du prix de ses deniers.
Quelques documents, à la vérité insuffisants, donnent à entendre que le général Merle, aurait reçu, vers la fin de 1811, le titre de Comte.
 
C'est que Napoléon savait que Merle n'avait pas de fortune et que son désintéressement ne lui permettrait jamais d'en acquérir dans une carrière où la modestie et la droiture restent habituellement pauvres.
De telles distinctions, de telles faveurs obtenues à une armée et dans un pays auxquels le maître ne prêtait forcément qu'une attention précaire et distraite, disent bien hautement les mérites de notre héros.
Après le départ de Masséna, Merle ne tarda pas à quitter l'Espagne : il se retira, durant quelques mois, au milieu des siens, avant de courir à de nouveaux exploits.
 
Napoléon cependant mettait la dernière main aux longs préparatifs de la guerre de Russie. Au commencement de 1812, ses corps d'armée étaient tous organisés. Merle, Verdier, Legrand, avec ce qu'il fallait de cavalerie et d'artillerie, placés à la tête de trois divisions d'infanterie, cantonnées en Hollande, devaient former le deuxième corps de la grande armée, sous le commandement supérieur du duc de Reggio. La division Merle, à elle seule, comprenait 10 à 12 000 hommes suisses, croates ou hollandais, avec les généraux de brigade Candras et Amey, officiers du plus grand mérite. On sait que l'invasion de la Russie s'effectua, le 24 juin 1812, par le passage à jamais célèbre du Niémen.
Le 2ème corps fut immédiatement dirigé sur Wilkomir, à gauche de la grande armée, afin de contenir d'abord et de refouler ensuite Wittgenstein, que le général en chef Russe avait laissé pour couvrir la route de Saint-Pétersbourg. De rudes et sanglantes échauffourées marquèrent les mouvements de nos soldats sur cette route, jusques vers le milieu du mois d'août.
A cette époque, le duc de Reggio ayant été blessé dans une rencontre, le chef du 6ème corps, récemment arrivé sur les lieux, Gouvion Saint-Cyr prit en main le commandement des forces réunies. Avec ce chef intelligent, une première bataille fut livrée aux Russes, sous les murs de Polotsk, aux bords de la Dwina. L'ennemi était loin de s'attendre, en ce moment, à une si vigoureuse offensive ; il fut refoulé en désordre sur ses lignes et, après deux heures d'une mêlée générale, obligé de battre en retraite, laissant entre nos mains beaucoup de prisonniers et le pièces de canons. Dans cette journée, qui valut à Saint-Cyr le bâton de maréchal, Merle se comporta vaillamment et repoussa avec une partie de sa division, dit le rapport, une attaque que l'ennemi avait faite sur notre gauche pour protéger sa retraite (1) (18 août).
 
(1) M. Thiers l'accuse d'avoir péché par trop d'ardeur, ce qui doit plutôt s'entendre de la deuxième bataille de Polotsk, Histoire du Consulat et de l'Empire, page 261. (Voir le rapport de Saint-Cyr à l'Empereur sur cette journée.)
 
A partir de ce jour, l'armée française resta paisiblement en avant de Polotsk, s'étendant au loin pour vivre, sans être inquiétée par l'ennemi.
Mais, tout changea, à cet égard, vers le milieu d'octobre. L'Empereur de Russie, entièrement libre du côté de la Turquie et de la Suède, conçut la pensée de réunir ses armées du nord et du midi, sur les derrières de Napoléon, alors retenu à Moscou, de lui barrer tout passage à son retour, de l'accabler enfin sous une concentration de forces irrésistibles. A cet effet, Wittgenstein, renforcé par l'armée du nord, reçut ordre d'assaillir Saint-Cyr à Polotsk, de l'écraser, de le distancer sur la Bérésina, pour donner la main à l'amiral Tchitchakoff qui, à la tête de l'armée du midi, s'avançait à marches forcées vers cette rivière.
Saint-Cyr avait tout au plus avec lui 22 000 hommes ; il s'apprêta, du mieux qu'il put, à faire face aux périls qui le menaçaient.
Son plan de bataille était admirable; trop de vivacité, peut-être, de la part des soldats et notamment de la légion étrangère, ne lui permit pas d'en recueillir tous les fruits; néanmoins, la victoire fut complète. C'est que, dit avec raison un auteur bien informé, quels que fussent le mauvais état de l'armée française et la faiblesse de son camp retranché, c'était par trop téméraire de vouloir y forcer 20 000 soldats, commandés par Saint-Cyr et par des lieutenants tels que Maison, Legrand et Merle (1)
 
(1) Baron Fain. (Manuscrit de 1812, tome II, page 357.)
 
Toutefois, le Maréchal, prévoyant avec raison de nouvelles et plus furieuses attaques, jugea prudent de se retirer; il fit ses dispositions pour que le soir même ses troupes fussent prêtes à franchir la Dwina, dans le plus grand silence. Vers la chute du jour, soit que le feu eût été mis par imprudence aux baraques du général Legrand, soit qu'il fût le résultat des projectiles que l'ennemi n'avait cessé de lancer, un immense incendie éclata dans la ville entièrement construite en bois de sapin et, en un instant, l'enveloppa dans toute son étendue.
Les Russes, avertis dès-lors de nos mouvements, firent feu de leurs batteries et appuyèrent cette horrible canonnade et ce bombardement par une attaque des plus vives sur toute la ligne. Ce fut une lutte de géants : cinq fois les Russes, ivres de fureur, s'élancèrent à l'assaut de nos, retranchements ; cinq fois ils furent arrêtés à leur pied qu'ils couvrirent de leurs cadavres amoncelés; les flammes, qui s'élevaient de toutes parts, répandaient dans les campagnes une lueur sinistre et mêlaient leurs rugissements aux éclats de la fusillade et aux détonations des bombes et des obus. On se battait comme en plein jour : cette nuit a conservé dans l'histoire le nom d'infernale.
L'artillerie défila d'abord, puis les troupes de ligne, chaque corps se retirant dans le plus grand ordre, défendant pied à pied le terrain, jusqu'à ce que les bagages, les munitions, les blessés eussent achevé de repasser le fleuve (1).
Merle, avec quatre régiments, fut chargé de couvrir la retraite dans cette solennelle rencontre, rendue plus effroyable encore par les cris et les gémissements d'une population en proie au désespoir. Il avait reçu l'ordre d'abandonner la ville à minuit ; il s'y maintint opiniâtrement jusqu'à quatre heures du matin, donnant ainsi le temps aux traînards et aux éclopés de se mettre à couvert : les rues, les places, les maisons étaient jonchées de morts qui, pour les Russes, atteignirent dit-on, le chiffre de 15 à 16 000 hommes (2).
 
(1) Voir aux pièces justificatives, sous le titre D, la lettre du général Merle au duc de Conégliano, document précieux et intéressant, qui nous a beaucoup servi pour la rédaction de ce paragraphe. - Victoires et Conquêtes, tome XXI.
(2) Il est digne de remarque que M. Thiers, d'ailleurs si complet, fait à peine mention des événements qui suivirent la 2ème bataille de Polotsk et qui tiennent une si belle place dans la carrière de notre héros. Il est vrai qu'il a oublié de rappeler le nom du général Merle dans le récit de la bataille, quoique ce nom ait été cité avec éloges dans le rapport du maréchal Saint-Cyr, et le 28ème Bulletin. — loco cit., tome XIV, pages 519-522.
 
Merle franchit la rivière, lui cinquième, et fit immédiatement sauter les ponts aux yeux et presque sous les pas des ennemis, exaspérés d'une telle résistance (1).
 
(1) Vingt fois dans cette affaire, la vie du Général courut les plus grands périls. A un moment donné, il se trouvait, avec tout son état-major, dans une mauvaise maison en planches, faisant ses dispositions de retraite, quand tout-à-coup, une bombe, passant à travers la porte, tombe au milieu du groupe attentif. « Messieurs tous à terre! s'écrie le Général, qui reste seul debout immobile ; la bombe roule, éclate et couvre l'assistance de débris. Il n'y eut heureusement personne de tué.
Nous devons les détails de cette anecdote à l'honorable M. Ambroise Blachier, alors aide-de-camp du Général et acteur remarqué dans cette rude campagne, aujourd'hui colonel de gendarmerie en retraite, à Nîmes. (Auguste Bosc réalisera un buste de ce colonel, il obtiendra même la médaille d'or de la commission des beaux-Arts de Nîmes pour cette œuvre.)
 
Le maréchal Saint-Cyr, blessé d'une balle au pied gauche, dans le courant de l'action, s'était vu forcé de quitter le commandement, Legrand, le plus ancien des généraux divisionnaires, était malade. Merle, dans ces conjonctures, dût prendre en main l'autorité supérieure et pourvoir au salut de l'armée.
Après le passage de la Dwina, on se dirigea sur Ouchatz, Lepel et Tschasniky, dans l'espoir de rencontrer le duc de Bellune , sur la rivière de l'Oula.
Victor, en effet, à la tête du 9ème corps, avait été amené, dans ces derniers temps, sur les derrières de la grande armée, avec ordre de se porter rapidement au secours, de celle des deux ailes qui serait la plus compromise. La bataille de Polotsk l'avait décidé, tout récemment, à courir au nord, vers un point de réunion, que le maréchal Saint-Cyr venait de lui indiquer. Le 13 novembre, il atteignit Tschasniky où le général Merle se trouvait rendu depuis la veille.
Le malheureux 2ème corps ne comptait plus que 10 à 12 000 hommes. Depuis le 20 octobre, jour de départ de la Dwina, il n'avait pas eu un instant de répit ; c'était tous les jours de nouvelles alertes, de rudes combats à soutenir contre un ennemi altéré de vengeance, que rien ne pouvait rebuter.
Merle, cependant, l'avait vigoureusement contenu et, à chaque rencontre, lui avait tué du monde et fait des prisonniers. Dans cette longue et douloureuse retraite, effectuée par un temps affreux, à travers des chemins à peu près impraticables, il ne perdit pas une seule voiture de toutes celles qui entravaient et retardaient ses mouvements.
A Tschasniky, Merle, en déposant son commandement, proposa au duc de Bellune d'unir leurs forces et de marcher droit à l'ennemi : « Ce sont bien là mes intentions, répondit le Maréchal, vous connaissez la position de l'ennemi, faites vos dispositions en conséquence, je vais mettre sous vos ordres votre ancienne division et celle du général Girard que j'amène avec moi. »
Le lendemain, au point du jour, Merle était prêt : à la tête de sa division il alla droit aux Russes qui s'avançaient avec résolution, les joignit vivement et ne tarda pas à leur faire perdre du terrain ; leurs canons même abandonnaient précipitamment le champ de bataille ; Merle, donna ordre à la division Girard, laissée en réserve, d'avancer en toute hâte : la division Girard resta immobile. Merle, ainsi arrêté dans son élan, fut peu après contraint, à son tour, de se retirer.
C'était le duc de Bellune qui, sourd à toutes les représentations de son lieutenant, venait en personne lui arracher les fruits d'une victoire assurée. On ne sait pour quel motif ce Maréchal ne voulut jamais, en cette circonstance, se prêter à une action générale et probablement décisive. Mais il est certain qu'il perdit, par sa faute, l'occasion unique de refouler, de détruire peut-être, les corps réunis de Wittgenstein et de Steingell. Les intentions de Napoléon furent méconnues, le salut de l'armée entière compromis et Victor, condamné par son indécision, à retrouver les Russes dans une situation plus fâcheuse cent fois, que celle que lui offrait aujourd'hui la fortune. Cette faute irréparable remplit de douleur et d'amertume l'âme de notre héros (1).
 
(1) Il est curieux de comparer ce récit d'après la correspondance du général Merle, avec ceux que l'on trouve dans les auteurs. Voir notamment l'Histoire du Consulat et de l'Empire, tome XIV, pages 589 et 658, qui donne, sans s'en douter, entièrement raison à notre héros, contre le maréchal Victor.
 
Quelques jours après ces tristes événements, Oudinot, rétabli de sa blessure, vint se remettre à la tête du 2ème corps : les deux Maréchaux réunis, ne pouvant s'entendre, furent obligés de se séparer, au moins pour quelque temps.
Cependant, Napoléon, qui revenait du fond de la Russie avec une armée entièrement ruinée par la marche, les combats ou les rigueurs de la saison, était arrivé le 22 novembre, aux bords de la Bérésina. Il s'agissait de franchir cette dernière barrière, avant quelle ne fût complètement au pouvoir de l'ennemi. Le 2ème corps faisait désormais l'avant-garde de toute l'armée réunie ; il reçut ordre de se porter immédiatement sur Borisow, afin d'occuper, en forces, le pont de cette ville, défendu seulement par un faible détachement polonais.
Quelle que fût la diligence du maréchal Oudinot, il ne put arriver à temps; le pont de Borisow, l'unique planche de salut, était tombé aux mains des Russes : on dût se contenter de donner la chasse à quelques bandes ennemies, à qui Legrand fit un bon nombre de prisonniers et enleva une quantité énorme de bagages : les ponts furent livrés aux flammes.
Dans cette horrible position, nous avions, dit le général Merle, une armée et une rivière bordée de marécages devant nous, le général Kutusoff sur nos derrières et Wittgenstein dans le flanc droit. Il fallait sortir de cette impasse ou s'ensevelir sous les neiges de la Russie. Par les ordres de l'Empereur, deux ponts de radeaux furent construits et établis sur la Bérésina, dans l'espace de 24 heures, presque sous les yeux et à l'insu de l'ennemi, qu'on amusait par de fausses démonstrations.
Le 26 novembre, à une heure de l'après midi, le 2ème corps défila sur les ponts, dans l'ordre suivant : d'abord Castex et la cavalerie légère, puis les divisions Legrand et Maison, Merle et ses Suisses et Croates, enfin les cuirassiers de Doumerc et les restes des Polonais de Borisow (1). Immédiatement après le passage, le général Legrand, fondant sur quelques troupes légères, détachées de l'armée Russe, leur tua 200 hommes ; malheureusement il reçut un coup de feu qui lui fracassa l'épaule droite et le mit pour longtemps hors de combat (2).
 
(1) Baron Fain, loco cit., p. 377. - Mortonvat, Campagne de 1812. - Gourgaud, Napoléon et la grande armée en Russie, chapitre VIII, etc., etc.
(2) M. Thiers donne à entendre, mais à tort, que Legrand fut blessé dans la matinée du 28. - (Voir tome XIV pages 609 et 621)
 
Le 2ème corps s'établit dans une bonne position.
Le passage des divers détachements de l'armée et de l'Empereur, s'effectua pendant toutes les journées du 26 et 27. Seul, Victor, avec le 9ème corps, resta sur la rive gauche, s'apprêtant à couvrir la fin de cette opération décisive.
Le moment solennel approchait : soldats et capitaines étaient tous pénétrés de l'immense responsabilité qui pesait sur eux : ils s'attendaient à une lutte effroyable, ils la soutinrent vaillamment et avec le plus grand succès.
C'était le 28, au point du jour, date lugubre et impérissable : le 2ème corps eut d'abord sur les bras toute l'armée du Midi, aux ordres de Tchitchakoff, renforcée même par quelques détachements de l'armée du centre.
Le choc fut épouvantable, le combat longtemps incertain. Le brave Oudinot, qui s'exposait comme le dernier de ses soldats, fut grièvement blessé dans une charge héroïque et obligé de quitter le champ de bataille.
Merle, pour la seconde fois, se vit appelé à la tête du 2ème corps.
S'arrachant aux douloureuses étreintes d'un mal qui, depuis quelques temps, épuisait ses forces ; stimulé d'ailleurs par la grandeur d'une situation sans exemple dans les fastes de la guerre, il se hâta d'obéir aux ordres de l'Empereur, transmis directement par le maréchal Ney.
Durant cinq heures, il soutint les efforts désespérés d'un ennemi supérieur en nombre, sans perdre un pouce de terrain; à deux heures de l'après-midi, il n'avait pas un officier autour de lui ; de ses deux généraux de brigade, Candras était mort, Amey blessé (1) ; tous les autres étaient à peu près hors de combat; plus d'officiers d'état-major, plus de colonels. Merle, resté presque seul, avait à se suffire à lui-même et à ses hommes exténués.
 
(1) Gourgaud, témoin oculaire, loco cit., page 455. - M. le colonel A. Blachier.
 
Cependant l'ennemi, déconcerté par une telle résistance, modérait en ce moment même ses feux, s'apprêtant sans doute à une dernière et vigoureuse attaque. A cette heure suprême, Merle rallie sa troupe, forme de tous ses régiments six bataillons disposés en masses, plaçant sur leur flanc gauche un millier de cuirassiers en colonne par escadrons. Soudain, tout s'ébranle : infanterie, cavalerie se soutiennent et franchissent d'un même élan l'intervalle qui les sépare des Russes : rien ne peut ralentir l'ardeur de nos soldats. La colonne ennemie, qui formait l'avant-garde, forte de 7 à 8 000 hommes, est abordée et rejetée sur son corps de bataille; on l'enfonce à coups de sabre et de baïonnette, tout est pris ou tué.
Les cuirassiers de Doumerc, la légion de la Vistule, Ney, avec les débris de tous les corps, un moment raffermis sous sa main, achevèrent une victoire indispensable. Partout, sur la droite de la Bérésina, les Russes furent refoulés au loin dans les bois et la profondeur des marais.
Le même jour et aux mêmes heures, le duc de Bellune, sur la rive gauche, réparant glorieusement ses erreurs passées, avait contenu Wittgenstein, ménagé le salut d'un nombre considérable de soldats attardés et, finalement, ramené à l'Empereur, les restes de ses divisions victorieuses.
Après le passage de la Bérésina, les deux corps d'armée, qui avaient jusqu'ici conservé quelque apparence d'organisation (le 2ème et le 9ème), se débandèrent entièrement. C'est à peine s'il resta dans les rangs un millier d'hommes, dont Ney se servit pour livrer un dernier combat aux Russes (3 décembre).
Le général Merle, succombant presque à la fatigue, aggravée encore par la maladie qu'il avait pu maîtriser dans un moment critique, monta en traîneau, avec son premier aide-de-camp, M. Ambroise Blachier, et partit de nuit pour Wilna où devait se réunir l'armée. Après des péripéties sans nombre, au milieu d'un pays semé de bois et de marais, infesté de partis ennemis, par un froid qui descendit successivement à 20° et 30° réaumur, il atteignit cette dernière ville où régnait la plus inexprimable confusion. Là, grâce à l'intelligente activité de son fidèle aide-de-camp, moins maltraité que lui, sous ce ciel rigoureux, il obtint, à prix d'or, de marchands juifs polonais, une mauvaise voiture qui le transporta, avec les siens, à Kowno et Marienbourg sur la Vistule, d'où il se rendit, accompagné d'un seul domestique, jusqu'à Berlin (1).
 
(1) Les souvenirs de M. le colonel Blachier, rapprochés de la lettre du Général au duc de Conégliano, nous ont été extrêmement utiles, pour la confirmation des faits relatés ici.
 
Le maréchal Augereau, qui commandait en cette ville, l'obligea, après quelques jours de repos, à rentrer en France, pour refaire une santé actuellement fort délabrée.
Tel est le rôle glorieux, assurément, qui échut à Merle, dans cette mémorable campagne de 1812. Après cela, on est en droit de s'étonner du silence presque continu, affecté même, dans lequel s'enveloppe à son égard, l'Historien du Consulat et de l'Empire. Il n'a pu trouver un mot pour lui, pour ses malheureux lieutenants, Amey et Candras, pour sa division mise en lambeaux, dans le récit d'ailleurs, si émouvant du passage de la Bérésina. Et pourtant, c'est ce même écrivain qui a dit (1) : « Si j'éprouve une sorte de honte à la seule idée d'alléguer un fait inexact, je n'en éprouve pas moins à la seule idée d'une injustice envers les hommes...... L'injustice pendant la vie, soit !...... mais après la mort, la justice au moins......, sinon pour celui qui l'attendit sans l'obtenir, au moins pour ses enfants. »
 
(1) Loco cit., tome XII, préf., pages XXVII et XXVIII.
 
Il est .vrai qu'il ajoute immédiatement : « Mais qui peut se flatter en histoire de tenir les balances de la justice d'une main tout-à-fait sûre ?...... »
La conclusion à tirer de tout ceci est, qu'en fait d'histoire, quelqu'un l'a dit, tout le talent et toute l'imagination du monde ne sauraient suppléer à la connaissance de documents certains, quand on a la patience de les étudier pour le triomphe de la vérité.
 
Après la bataille de Hanau, livrée le 30 octobre 1813, le général Merle, revenu à la santé, reprit son épée (1) et fut dirigé sur les Pays-Bas, menacés en ce moment par les Anglais d'un côté, par les Suédois et les Russes de l'autre, en proie d'ailleurs aux troubles qu'amènent les révoltes d'une population désaffectionnée.
 
(1) Il avait été, sur ces entrefaites, nommé comte de l'Empire : le malheur des temps ne lui permit pas de faire régulariser complètement un titre que lui reconnaissent, dès-lors, toutes les relations officielles.
On lit dans le Dictionnaire véridique des Origines des maisons nobles de France, tome II, page 232, édition in-8°, 1819:
Merle, noblesse consacrée par la Charte avec titre légal de Comte.
Services. Un Lieutenant-général (les armées du Roi, Grand-Officier de l'Ordre Royal de la Légion-d'Honneur, Inspecteur général de la gendarmerie, Chevalier de Saint-Louis.
Armes. Coupé, au 1er, d'argent, au chevron de gueules, accompagné en pointe, d'une tête de lion, arrachée du même; au chef d'azur, chargé de trois étoiles d'or. Au 2 de gueules à la bande d'or, chargée d'un merle de sable et accostée de deux molettes d'éperon d'argent - couronne de comte.
 
Il se fixa momentanément à Wésel, au confluent de la Lippe et du Rhin, et, à l'arrivée du comte de Lagrange, alla prendre, à Maëstricht, le commandement de la 25ème division militaire, qui lui avait été primitivement assignée (décembre 1813).
Le duc de Tarente qui, vers le même temps, s'efforçait aux environs de Cologne, d'organiser une armée pour la défense du Bas-Rhin, vint à Maëstricht prendre les avis de Merle, sur ce qu'il y avait à faire en pareille occurrence. Il y eut entre ces deux hommes de guerre plusieurs conférences et, dans la suite, une correspondance très-active, dont les détails ne nous ont malheureusement pas été conservés. On sait seulement qu'il fui, un moment, arrêté par eux de proposer au Ministère de la guerre l'abandon des places fortes, préalablement démantelées; la réunion de leurs garnisons respectives en une seule armée, avec laquelle on tiendrait la campagne en présence de l'ennemi. Mais ce projet fort sage ne put être réalisé.
Merle s'enferma dans Maëstricht dont le siège en règle ne fut à la vérité jamais entrepris : il y eut, toutefois, entre la garnison et les alliés qui battaient les champs, de nombreuses échauffourées, force coups de canon et de chaudes alertes où les Français ne furent pas les plus maltraités. Nos lecteurs nous dispenseront de détails pleins d'intérêt, mais sans influence sur l'issue fatale de la lutte et qui ne purent que consoler l'orgueil de nos soldats.
Le général Merle se montra ici, ce que nous l'avons connu, dans le cours de cette histoire, prudent et ferme, comme il convenait avec des troupes inaguerries, au sein d'une population secrètement hostile.
Le 12 mars, Napoléon envoya enfin à toutes les garnisons qui tenaient encore dans les Pays-Bas, et elles étaient nombreuses, l'ordre de se donner la main les unes aux autres, de former une seule masse et de tomber sur les derrières de l'ennemi. Cet ordre, porté à la connaissance de l'état-major, dans un conseil de guerre, fut reconnu irréalisable. Quel succès se promettre en effet d'une telle mesure, avec les éléments dont on disposait, sur un ennemi qui négligeait sciemment les extrémités de sa ligue pour porter toute son attention vers un but désigné d'avance à ses longs efforts ? Les garnisons restèrent dans leurs places.
Quelques jours encore et la fortune de l'Empire croulait entièrement. Paris tomba aux mains de l'Europe coalisée contre nous, et l'ancienne maison royale des Bourbons, après un interrègne de vingt-cinq ans, remonta sur le trône de ses pères.
Merle sortit enfin de Maëstricht, vers les premiers jours d'avril, après la soumission des dernières places (1) (Anvers). Les troupes disséminées dans toutes les villes fortifiées de son commandement suivirent son exemple.
Cependant, la Restauration, qui n'oublia pas toujours d'honorer le mérite et de reconnaître la droiture et le désintéressement, nomma le général Merle, Chevalier de Saint-Louis et, peu après, sur la recommandation du Maréchal Moncey, Inspecteur de la gendarmerie, dans le Midi du royaume.
 
(1) Nous devons la connaissance des détails qui précèdent à l'obligeance de MM. les colonels Blachier et Pagésy qui, tous tes deux, se sont distingués dans cette campagne. - Chute de l'Empire, par Eugène Labaume.
 
C'est dans le moment où, investi de ses fonctions nouvelles, il se délassait, après une première tournée, à sa maison de campagne, située aux environs de Nîmes, que le retour de l'Ile d'Elbe (le 1er mars 1815), vint le jeter dans des perplexités faciles à comprendre.
Néanmoins, quels que fussent ses sentiments secrets, il suivit les instincts de droiture et d'honnêteté qui lui étaient naturels et n'hésita nullement à se mettre aux ordres du duc d'Angoulême. Ce Prince, accouru de Toulouse, en toute hâte, sur le bruit du débarquement de Napoléon, provoqua, à Nîmes, un conseil de guerre où se trouvèrent, à divers titres, les généraux Ambert, Compans, Solignac, Merle, etc. Mais, sans attendre le résultat des mesures projetées et comme entraîné par un fatal aveuglement, il courut au Pont-Saint-Esprit, avec une poignée de troupes, décidé à pousser vivement jusqu'à Lyon (28 mars). En vain, le général Merle qu'éclairaient les défections de tous les jours et la désertion des volontaires royaux eux-mêmes, en outre, mieux placé que personne pour voir le véritable état des choses, essaya de le détourner de son entreprise : ses avis, ses conseils furent repoussés. II finit même par importuner de son insistance l'entourage du Prince. On éleva des doutes sur son dévouement et il fut laissé à l'arrière-garde, avec deux bataillons de garde nationale, pour défendre le Pont-Saint-Esprit, contre une agression imminente.
Humilié mais fidèle jusqu'au bout, Merle se dévoua à une tâche impossible : la désertion croissante et l'indiscipline de ses volontaires dont les trois-quarts n'avaient jamais manié un fusil, le forcèrent enfin à écrire au Prince une dernière lettre remplie des plus sages avertissements et à exiger son rappel (4 avril).
M. de Vogué, un ancien émigré, lui succéda dans son commandement, mais, deux jours après ces mutations, l'apparition des coureurs ennemis du côté de Bagnols, répandit une telle terreur au Pont-St-Esprit, que soldats et officiers désertèrent en masse à la nuit tombante. Le 8 avril, il ne restait pas un soldat royaliste au St-Esprit (1).
 
(1) Mémoires et rapports du général Merle au duc d'Angoulême, sur les événements de 1815, dans le midi de France. Voir MM. Lubis, Nettement, Vaulabelle, etc.
Merle, dès l'origine, s'opposa à toute marche offensive sur Lyon et conseilla au Prince de s'arrêter au Pont-St-Esprit, soit pour surveiller et contenir le Gard et l'Hérault, soit, en cas d'événements l'Adieux, pour atteindre plus facilement les Bouches-du-Rhône, se couvrir de- la Durance et s'appuyer sur un pays qui lui était affectionné. Le Prince se rendit, mais trop tard, à des avis longtemps méconnus ; il fut pris par Gilly au moment où il effectuait sa retraite.
 
Ou sait le reste : Merle, après la capitulation de La Palud, retourna tristement à Nîmes.
Durant les Cent-Jours, il fut attiré à Paris et vivement sollicité de reprendre du service. Il hésita, quelques temps ; mais enfin, l'imminence de périls certains, l'exemple de ses vieux compagnons d'armes, et les instances réitérées de ses amis, firent taire ses scrupules sans doute exagérés et le décidèrent à reparaître aux armées. Il reçut le commandement de la 24ème division d'infanterie, à l'armée d'observation sur le Var (mai 1815).
Aux premiers jours de juillet suivant, le Général qui venait d'accomplir un dernier acte de bon citoyen, en dissuadant le maréchal Brune, avec lequel il se trouvait, de tout projet offensif sur Aix et Marseille, accompagna sa division à Toulon, où le 2ème corps d'observation était appelé. Quant à lui, après avoir couru de sérieux dangers, à Cuges (1) dont la population en délire parlait d'immoler tous les bonapartistes, il se retira définitivement auprès des siens, résolu à s'ensevelir dans un éternel oubli.
 
ll fut sauvé par l'intervention d'un de ses anciens soldats qu'il avait arraché à une mort certaine en Espagne.
 
Tant et de si vives secousses avaient ébranlé et froissé son âme forte : il sentait, peu à peu, se glisser en lui le dégoût des choses de la terre et cette lassitude que l'âge et les souffrances, longtemps endurées, amènent chez les caractères les plus vigoureusement trempés.
Vers le mois de mai 1816, il sollicita sa retraite qui lui fut accordée, le 7 août suivant, avec 6 000 francs de pension.
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III

Quelle que fût, aux yeux du général Merle, l'importance des motifs qui ont amené sa retraite définitive, on ne saurait trop regretter, avec ses amis, une semblable détermination de sa part.

A son âge, - il avait à peine 50 ans, - et avec sa forte constitution (ébranlée un moment, il est vrai, par tant de chocs divers, mais non détruite, la suite le fit bien voir), l'avenir lui réservait encore de brillantes perspectives. Les nuages accidentellement élevés, à son égard, dans les hautes sphères du pouvoir, allaient disparaître : Merle avait imposé silence à toutes les clameurs, par ses loyales explications, sur la part ingrate qui lui échut, dans les malheureux événements du midi, en .1815 (1).
 
(1) Voir ses lettres, mémoires et rapports au duc d'Angoulême publiés en 1816 et aux pièces justificatives le titre E.
 
Sa franchise, sa mâle véracité lui auraient ramené ouvertement des sympathies, tenues secrètes, qui ne demandaient qu'à se produire. On eût fait appel à ses talents, à son expérience, principalement en Espagne où de nouvelles vicissitudes devaient nous ramener bientôt; et comment douter que le bâton de maréchal, n'eût enfin récompensé une vie si longue et si bien remplie ? (1)
 
(1) Avons-nous besoin de dire que, dans tout ceci, nous ne hasardons rien et que nous nous contentons de reproduire la manière de voir de personnages placés pour juger sainement des hommes et des choses.
 
Parmi ses dignes émules et nième ses inférieurs, à cette époque, le plus grand nombre devait atteindre prochainement ce faite des honneurs militaires.
Mais, ainsi que nous l'avons dit, sa grande âme avait été courbée sous les coups inattendus de révolutions nouvelles et multipliées. En proie à des souffrances physiques inopinément réveillées, mécontent, attristé par cette succession vertigineuse des événements, il dit adieu à ses grandeurs passées, à ses rêves de gloire et s'enferma silencieusement dans la vie privée. Une heureuse pensée le soutenait et l'encourageait dans son inébranlable résolution ; c'était de remonter lentement le cours de sa vie et de raconter succinctement les grands événements, auxquels il avait été mêlé. Diverses notes rédigées, au courant de la plume, pendant ses rudes campagnes ou dans les rares loisirs quelles lui faisaient, laissaient entrevoir la réalisation de cette tâche, non moins glorieuse, non moins utile que ses services actifs. Mais le Général n'en était pas au bout de ses mécomptes et, quand, vers les premiers jours de 1817, le moment de se mettre à l'œuvre fut arrivé, il acquit la certitude que tous ses papiers avaient péri dans un incendie.
En effet, durant les jours troublés qui suivirent la seconde Restauration, dans le midi de la France, une bande de forcenés s'était portée sur Bois-fontaine, l'habitation aimée du Général, aux environs de Nîmes et, après l'avoir pillée et saccagée, l'avait livrée aux flammes; il y périt des objets d'une inestimable valeur. A cette fatale nouvelle, Merle baissa la tête. « Dieu ne l'a pas voulu, » dit-il, et désormais, il s'enveloppa dans un invincible silence, sur tout ce qui avait trait à sa vie passée. Calme et rassuré, d'ailleurs, vis-à-vis la postérité, il attendait son jugement, fort des actes de sa glorieuse carrière : noble et touchante confiance qu'il manifesta souvent dans l'intimité de ses proches et de ses amis !
Deux villes s'étaient toujours partagé ses affections : Nîmes et Lambesc ; mais la première, qu'il préféra longtemps et où il avait fait d'importantes acquisitions territoriales, lui parut bien changée après 1815. Les esprits inquiets et turbulents qui l'agitaient alors, les dégoûts dont ils l'abreuvèrent, le réduisirent à se choisir, ainsi qu'il le dit lui-même, un séjour plus tranquille. Il s'arracha, non sans effort, aux pressantes sollicitations de ses amis et se retira à Lambesc, qui avait à ses yeux bien des charmes.
Là, entouré d'un petit cercle d'élite, il vécut désormais les jours les plus calmes de son orageuse existence : la culture des lettres, pour lesquelles il se sentit pris d'une véritable passion, des œuvres de bienfaisance et le soin de ses affaires domestiques absorbaient ses loisirs. Il s'attira l'estime et l'affection de tous ceux qui l'avaient approché.
« Obligé, vers la fin de 1830, de se rendre à Marseille, il y tomba malade, atteint d'une hydropisie cruelle et mourut le 5 décembre de la même année. L'approche de la mort, qu'il avait tant de fois bravée, ne l'effraya point. Il supporta ses souffrances jusqu'au dernier moment, avec le plus héroïque courage et n'exprima, d'autre regret que celui de n'avoir pas perdu la vie sur un champ de bataille (1). »
 
(1) Arc de Triomphe de l'Etoile, tome II. L'article Merle a été rédigé, en majeure partie, sur quelques notes fournies à la hâte par la famille du Général. Nous aurions pu, sans injustice, taire le nom de cet ouvrage resté inachevé.
 
Qu'il nous soit permis, en terminant cette étude, d'appliquer à notre héros, les paroles-que M. Dupin a dites du maréchal Moncey, son meilleur ami, avec lequel il eut plus d'un trait de ressemblance : « En cet homme, l'importance du commandement était rehaussée par des vertus qui ont surtout honoré son caractère. Plein d'humanité et de ménagements pour les vaincus, il était sévère pour les officiers placés sous ses ordres, sans cesse occupé du bien-être de ses soldats, juste et probe envers tous et, pour lui seul, d'un désintéressement chevaleresque. » La droiture, la modestie, l'amour de l'ordre étaient ses qualités dominantes.
Le général Merle avait une taille élevée, une physionomie ouverte, empreinte à la fois de douceur et-de sévérité, des yeux grands, pleins de feu et d'intelligence. Sa force musculaire était prodigieuse. On dit, qu'au sein des combats, sa voix tonnante, un air de puissance et d'autorité répandu dans toute sa personne, fixaient sur lui tous les regards.
Ses états de services portent, 19 campagnes, 4 fortes blessures, dont une, reçue à Busaco, lui rendit, durant longtemps, les mouvements du bras droit très-difficiles. Il eut sept chevaux tués sous lui.
Privé de descendants, mais jaloux de ne pas laisser s'éteindre un nom que ses exploits militaires avaient illustré, le général Merle avait, durant ses vieux jours, appelé auprès de lui, dans la pensée de l'adopter, un de ses neveux, M. Fortuné Combes, pour lequel il eut constamment l'amour d'un père la mort ne lui permit pas de réaliser à temps ce projet. Toutefois, comme il avait eu soin de l'instituer, par un acte authentique, son légataire universel, en l'invitant expressément à prendre son nom, avec les prérogatives qui s'y trouvent attachées, M. Combes, s'empressa de solliciter du gouvernement l'insigne faveur de porter ce nom glorieux. Une ordonnance royale lui en a conféré depuis longtemps l'autorisation.
Aujourd'hui, M. Fortuné Merle habite la ville où nous traçons ces lignes et nul, mieux que nous, ne sait combien les mâles vertus du Général revivent dans son digne héritier et dans ses enfants.
Notre tâche est remplie. Il serait inutile d'étendre encore ce récit, de multiplier des citations et des pièces justificatives qui, au reste, ne nous font pas défaut. Le lecteur en sait assez, nous nous plaisons à le croire, pour être convaincu qu'aucun fait n'a été relaté ici qui ne s'appuie sur un ou plusieurs témoignages authentiques et de grande valeur.

 
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PIÈCES JUSTIFICATIVES.

A

Mayenne, le 25 prairial l'an 4 de la République française, etc. (13 juin 1796)

L'Administration municipale de la commune de Mayenne, au citoyen Merle, général de brigade.
Citoyen Général,
Vos succès en Espagne nous répondent que vos talents seront plus utiles à la République en Italie, qu'ils ne l'auraient été dans ce pays. Il n'y a que cette considération qui puisse adoucir les regrets que nous cause votre départ. Nous n'oublierons jamais les services que vous avez rendu à notre ancien District pendant votre trop court séjour ; vous l'avait trouvé à votre arrivée en proie à la fureur des Chouans ; leur nombre et leur audace croissaient de jour en jour, vos mesures les ont bientôt déconcertés. Ceux qui désolaient la rive gauche de notre rivière vous ont rendu leurs armes ; plusieurs de ceux qui infestent la rive droite en ont fait autant, et les autres ne peuvent tarder A les imiter, et tout ce bien, vous l'avez opéré par les moyens les moins onéreux possible au pays, vous avez reconnu que la très-grande majorité des habitants des campagnes était plutôt victime que complice des rebelles, et en conséquence, vous avez eu pour tous les ménagements que permettaient les circonstances. Aussi ils n'ont vu en vous que leur libérateur et ils se souviendront toujours qu'ils vous doivent le retour du calme et de la tranquillité dont ils étaient privés depuis si longtemps. Nous sommes persuadés que votre successeur achèvera, sur les mêmes principes, l'ouvrage que vous avez si heureusement commencé et que vous lui ferez part de toutes les réflexions que la connaissance des localités et de la situation du pays vous à procuré.
Recevez, citoyen Général, nos remerciements et, quelque part que le service de la République vous appelle, souvenez-vous quelques fois de ceux qui ne vous oublieront jamais.
Salut, amitié et reconnaissance.
DESBARBEZ, Officier municipal ,
CHEVALLIER, Commissaire extraordinaire.

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 B

Monsieur le général Merle,
D'abord reçu votre lettre, j'ai donné les ordres pour faire prévenir les communes des gouvernements de Démont, Coni, Saluces, Pignerol et Fenestrelles, afin que où que se soit, que les voleurs eussent conduits les troupeaux dérobés, ils pussent être arrêtés. Effectivement des détachements expédiés par le gouvernement de Coni ont d'abord arrêté deux de ces brigands et repris 96 pièces de bétail ; les mêmes ont dit l'endroit où le gros de leur troupe allait et qu'elle était très-décidée à faire une vigoureuse défense. De manière que l'on fera passer de ce côté-là, sans perdre de temps, un corps de troupes capable à les faire repentir de leur audace et je me flatte qu'on parviendra à leur enlever leur proie et les disperser tout à fait ou les faire prisonniers eux-mêmes. Je me flatte que le succès sera conforme à vos désirs et servira à vous prouver le désir que j'ai de pouvoir vous satisfaire en tout ce qui dépendra de moi, comme aussi l'estime et considération que j'ai pour votre personne, Monsieur le Général,
VITOR-EMMANUEL
Moncalier, le 23 novembre 1796.

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 C

Paris, 2 ventôse an 7 de la République. (20 février 1789)

Je vous remercie, mon cher Merle, du témoignage que vous m'avez donné de votre amitié. J'ai remis à votre ami, mon compatriote, les six louis que vous m'avez demandés, bien fâché de ne m'être pas trouvé dans une position assez heureuse pour pouvoir augmenter la somme, car elle est bien faible pour le voyage que vous allez faire. Je suis convaincu que votre conduite n'a pu être autre que droite et républicaine, ainsi je ne doute pas que le creuset auquel vous allez passer, va contribuer à vous rendre à vos fonctions, que je vous ai vu toujours remplir avec exactitude, honneur et probité, pendant tout le temps que nous avons servi ensemble. Je forme les vœux les plus ardents que tout réussisse selon vos désirs, j'éprouverai une satisfaction douce en rapprenant et je me féliciterai beaucoup si le temps, en cas d'une continuation de guerre, pouvait me réunir avec vous dans une de nos armées.
 
Adieu, mon cher camarade, secouez toute inquiétude, reposez-vous sur votre innocence et faites un bon voyage. Je vous prie de ne pas vous occuper du tout du renvoi de l'argent, que lorsque vous pourrez le faire sans aucune gène, je compte sur ce nouveau témoignage et vous embrasse de tout mon cœur.
MONCEY.


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 D

Au quartier général, à Paris, le 28 nivôse an VIII de la République, etc. (18 janvier 1800)
LEFEBVRE.,
Général, commandant la 17ème division militaire.
Au citoyen Merle, général, commandant les troupes stationnées dans le département d'Eure-et-Loir.
Les nouvelles que vous venez de me donner, mon cher Merle, m'ont fait infiniment de plaisir, ainsi qu'à tous les amis de la liberté et particulièrement au consul Bonaparte qui, d'après vos succès, vient de m'ordonner de faire prendre à l'adjudant général Champeaux toutes les troupes disponibles dans le département de l'Eure et de marcher, sur le champ, sur le château de Pithiers, près de Gacé, où se trouve un rassemblement de 300 chouans, de les poursuivre à toute outrance, jusqu'à leur entière destruction. Pour assurer le succès de cette expédition, il faut, mon cher Général, poursuivre votre marche dans le département de l'Orne et faire avancer les troupes qui sont à Dreux et Brézolles pour vous lier avec le général Champeaux et contribuer à la destruction de toutes les hordes rebelles qui sont dans ce département. Vous assurez, par ce mouvement, la tranquilité de ceux de l'Eure et de l'Eure-et-Loir.
......Le Premier Consul se réserve de vous donner, ainsi qu'au général B... et à tous les braves qui ont combattu sous vos ordres, des preuves publiques de sa satisfaction. Veuillez les assurer de la mienne et particulièrement les braves conscrits du bataillon auxiliaire de la Seine qui se sont montrés dignes de la confiance que j'ai mis en eux.
Marchez, mon cher Général. Votre début et plus encore vos talents me présagent de nouveaux succès.
Salut et amitié, LEFEBVRE.

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E

Nimes, le 14 mai 1813.
A S. Exc. M. le Maréchal, duc de Conégliano ,
Inspecteur général de la Gendarmerie Impériale.
Monsieur le Maréchal,
J'ai reçu la lettre que votre Excellence m'a fait l'honneur de m'écrire le 29 du mois dernier. Les expressions dont elle m'honore me dédommagent bien des peines, des fatigues et de toutes les privations que j'ai endurées dans la dernière campagne. Ayant été attaqué d'une fièvre nerveuse, je ne peux rendre tout ce que j'ai souffert, surtout après le passage de la Bérésina. Ma santé, sous l'influence de l'air natal, s'améliore journellement..... bientôt je reprendrai l'épée......
Dans la dernière campagne j'ai traversé deux circonstances extrêmement pénibles et embarrassantes.
A l'opiniâtre défense de Polotsk, ma division repoussa cinq assauts : nous étions attaqués par des troupes ivres et furieuses ; 16 000 russes restèrent étendus devant quelques palissades et les chevaux de frise qui barraient les issues de la ville. L'attaque de l'ennemi dura trois jours et toute la nuit du 18 octobre jusqu'à quatre heures du matin. Figurez-vous, Monsieur le Maréchal, une ville ouverte (1), assaillie par 115 000 russes, avec 200 bouches à feu et défendue par tout au plus 15 000 français dont un gros tiers presque incapable de combattre ; nous avions en effet beaucoup de malades.
 
(1) Merle est ici d'accord avec le maréchal Saint-Cyr, le baron Faien, etc., contre M. Thiers, tome XIV, page 519.
 
La ville entière, construite en mauvais bois de sapin, pouvait être, d'un instant à l'autre, réduite en cendres. En moins de vingt-quatre heures les combustibles ennemis en firent un volcan, un enfer, une situation épouvantable : nous avons été contraints de combattre à la clarté des flammes pendant neuf heures. Les cris et les gémissements des habitants, joints aux hurlements féroces des Russes, augmentaient encore l'horreur de notre position. Rien ne put ébranler le froid courage de ma division, elle fut chargée de la retraite dans cette grave conjoncture.
Je reçus l'ordre de Monsieur le maréchal Saint-Cyr d'abandonner la ville à minuit et de repasser la Dwina : mais, ne voulant laisser à l'ennemi, ni un homme, ni le plus mince bagage, je n'effectuai ma retraite qu'à quatre heures du matin. Les Russes qui étaient sur nous, s'apercevant de notre mouvement, attaquèrent en désespérés mon arrière-garde. Un combat des plus violents s'engage dans la ville, nous nous battons dans les rues, sur les places et jusque sur les ponts que je fais brûler après les avoir passés. Dans cette mémorable affaire, les quatre régiments Suisses se sont couverts de gloire, ainsi que le 3ème régiment de Croates.
Monsieur le maréchal Saint-Cyr fut atteint d'une balle à un doigt du pied gauche. Après avoir franchi la Dwina, nous restâmes en position pendant trente-six heures. II faisait un temps affreux, les chemins étaient presque impraticables. Le 20 octobre, Son Excellence décida que les deux corps d'armée à ses ordres, le 2ème et les Bavarois, ceux-ci forts tout au plus de 3 000 hommes, feraient leur retraite sur Ouchaz. Les troupes se mirent en mouvement pendant la nuit, par deux routes différentes. L'armée Russes passa le fleuve après notre départ, suivit notre marche et nous joignit à cette ville. Le 3 novembre, à deux heures de l'après-midi, les divisions Legrand et Maison furent attaquées, j'étais en réserve et c'est dans ce même moment où deux divisions en étaient aux prises avec l'ennemi, que je reçus l'ordre de prendre le commandement des deux corps d'armée. Je ne pouvais déjà plus communiquer avec les Bavarois ; Monsieur le général de Wrède, en mésintelligence avec Monsieur le maréchal Saint-Cyr, manœuvrait pour son compte ; dans cette affaire, l'ennemi fut repoussé et nous lui fîmes des prisonniers.
C'était au brave général Legrand, comme plus ancien que moi, à remplacer Monsieur le maréchal Saint-Cyr, mais les circonstances étaient si pressantes, qu'un moment perdu pouvait tout compromettre. Pour bien servir son souverain et son pays, il faut savoir se dévouer : Je n'hésitai point et j'écrivis au général Legrand pour lui faire part de l'ordre que je recevais et des dispositions de retraite que j'avais prises, en l'invitant, pour ce qui le concernait, à les exécuter et que j'espérai que tout irait bien. Le général Legrand était indisposé, il me répondit : « Mon cher Merle, commandez et comptez sur moi ; envoyez-moi vos ordres, je les exécuterai avec le même empressement et la même ponctualité que vous avez exécuté les miens quand vous serviez dans ma division comme général de brigade. » Les généraux de division Doumerc et Maison, me prièrent également de me charger du commandement.
Monsieur le maréchal Saint-Cyr, ayant donné connaissance de sa position à Monsieur le maréchal duc de Bellune et, moi-même ayant lieu de croire que le corps placé sous ses ordres viendrait à notre aide, je me décidai d'aller à sa rencontre en suivant la route de Polostk à Smelinska. Je me retirai donc sur Lepel et, de là, sur Tschasniky où j'arrivai, après neuf jours de marche, sans perte d'une seule de nos 7 ou 800 voitures d'équipage, malgré deux fortes attaques d'arrière-garde qu'il fallut soutenir et repousser. Nous fîmes encore des prisonniers dans ces deux affaires, mais nous eûmes le malheur de perdre le fils du prince Lebrun qui fut emporté par un boulet en combattant vaillamment à la tête de son régiment de lanciers.
Un jour après mon arrivée à Tschasniky, je fus joint par Monsieur le maréchal duc de Bellune, qui traînait à sa suite un tiers d'équipage de plus que moi. Je cède mon commandement à Son Excellence, nous causons ensemble et je lui propose d'attaquer l'ennemi le lendemain matin. Monsieur le Maréchal me répond : « Je viens à vous pour cela, vous connaissez les positions de l'ennemi, faites vos dispositions en conséquence. Je vais incontinent former une seule armée des deux corps réunis. Je vous donnerai le commandement de deux divisions, celle du général Girard et la vôtre. » On a bien souvent raison de dire que les paroles de la veille ne s'accordent point avec celles du lendemain : c'est ce qui est arrivé à Tschasniky.
Je fis mes dispositions d'attaque pendant la nuit : au point du jour, l'ennemi marchait sur moi, j'allais à sa rencontre et j'engageai vivement l'affaire. En une demi heure, j'eus 500 hommes hors de combat ; ma seule division était engagée, l'ennemi commençait à plier, ses canons se retiraient au galop. Je donne l'ordre au général Girard d'avancer. Ce général me fait répondre que Monsieur le Maréchal lui a défendu de faire aucun mouvement sans son ordre et, un instant après, Son Excellence m'envoie deux aides-de-camp m'annoncer qu'elle ne voulait point livrer bataille et que j'eusse à me retirer. Je ne pouvais croire ces deux officiers : enfin, Monsieur le Maréchal vint lui-même, me donner l'ordre de la retraite. Je mis tout mon savoir à lui faire comprendre à quelles difficultés il s'exposait avec un ennemi sur nos derrières: je lui représentai l'embarras des 1 200 voitures de son armée en une telle marche et l'assurai que les Russes avaient fait un pas rétrogade devant ma division. Il ne voulut rien entendre et perdit ainsi une occasion favorable qui ne devait plus se retrouver. Tout le monde voulait combattre, Son Excellence fut seule d'un avis contraire.
Que de malheurs nous aurions évité si nous avions battu complètement le comte de Wittgenstein, parce que après une affaire heureuse, un des deux corps se serait porté promptement sur Borisow pour garder la tête du pont de cette ville et, assurément, l'armée qui venait de la Moldavie, aurait pu recevoir une leçon d'importance.
Les Russes ayant appris la jonction du 9ème corps avec le 2ème, n'osèrent plus faire de mouvement sur nous et se tinrent continuellement à 7 ou 8 lieues de nos avant-postes. J'avais donc bien raison de vouloir attaquer le comte de Wittgenstein. Je n'ai jamais été plus malheureux que d'avoir à me retirer devant des troupes contre lesquelles il n'eût fallu qu'une heure ou deux de combat pour les anéantir.
Quelques jours après cet événement, Monsieur le maréchal duc de Reggio, rétabli de sa blessure, vint reprendre le commandement de son corps : les deux maréchaux réunis ne pouvant s'entendre, se séparèrent.
Cependant, l'armée qui venait de Moscou étant déjà près de nous, S. M. l'Empereur décida que le 2ème corps ferait l'avant-garde de toute l'armée réunie ; en conséquence, il reçut ordre de se porter sur Borisow pour s'emparer de la tête du pont de la Bérésina. Il était trop tard. Le corps d'armée se mit en mouvement
Mais, à douze lieues de Borisow, il apprit que l'armée de Moldavie l'avait occupé après avoir dispersé une brigade polonaise très-peu forte qui gardait ce poste. Le général Legrand arrive devant Borisow, rencontre l'avant-garde ennemie, la charge à sa manière, fait un nombre considérable de prisonniers et s'empare d'une énorme quantité de bagages. Les Russes se retirent précipitamment et brûlent le pont.
Dans cette position, Monsieur le Maréchal, nous avions une armée et une rivière devant nous, le prince Hutusoff sur nos derrières et le comte de Wittgenstein dans le flanc droit, tout cela à bout portant. Il fallait cependant se tirer de là ou mourir. Nous nous trouvions sans vivres et sans ponts. Heureusement il nous restait le plus essentiel, la planche de salut, l'Empereur. Par ses ordres, dans l'espace de 24 heures, deux ponts de radeaux furent construits et établis sur la Bérésina en présence de l'ennemi.
Le 2ème corps passa la rivière : le brave général Legrand attaqua et donna la chasse à un corps ennemi et, après s'être couvert de gloire, reçut un coup de feu qui lui fracassa l'épaule droite : la nuit mit fin au combat. Le corps d'armée prit position.
Le 28 novembre, l'ennemi nous attaqua au point du jour, bien décidé, parait-il, à nous rejeter sur les ponts établis sur la Bérésina. Nous étions arrivés au moment le plus décisif, le plus délicat, il ne fallait pas être battus; nous étions tous, bien pénétrés de l'événement qui allait suivre. Le combat le plus sanglant s'engage, mais voilà que nous perdons du terrain lorsque Monsieur le maréchal duc de Reggio, le second Bayard de l'armée française, toujours bouillant de courage, ramène hardiment en avant sa division et reçoit un coup de feu qui le renverse presque mort. Sa Majesté, informée de ce fâcheux accident, me fait donner l'ordre par Monsieur le maréchal duc d'Elchingen, de prendre le commandement du corps d'armée. Dans ce moment j'étais malade; depuis trois jours je n'avais rien pris, c'était le commencement de la fièvre nerveuse qui a tant délabré ma santé. Je répondis à Son Excellence, en lui faisant connaître ma situation et lui exposant que je n'étais guère en même de bien diriger un tel commandement. « Arrangez-vous comme vous l'entendrez, c'est l'ordre de l'Empereur», me dit-il.
Me voilà pour la deuxième fois à la tête du corps d'armée.
Dans quelle circonstance ! Je donne des ordres, je forme des masses, je combats cinq heures sans reculer ni avancer.
Quelques charges d'infanterie que je fis exécuter avaient toutefois contenu l'ennemi dans les positions d'où il faisait des efforts pour avancer. A' deux heures de l'après-midi, je n'avais réellement plus de généraux, un d'eux était mort, tous les autres blessés. Je n'avais plus d'officiers d'état-major, mes colonels avaient également été tués ou blessés; je restai seul pour commander.
L'ennemi cessa un moment son feu, mais c'était pour se préparer à faire un vigoureux mouvement ; de mon côté, quoique tombant d'inanition, je me préparai de mon mieux à le recevoir. Je ralliai ma troupe, je formai de tous les régiments du corps d'armée six faibles bataillons, je les disposais en masses. Sur le flanc gauche de ces masses, je plaçai mille cuirassiers en colonne par escadrons. L'ennemi commence son mouvement. Pour moi, je recueille mes dernières forces et me mets à la tête de mes soldats ; j'ordonne la charge à l'infanterie et à la cavalerie, tout s'ébranle ensemble et en bon ordre. Le feu le plus vif ne peut arrêter notre marche franche et bien soutenue. Nous arrivons sur la colonne russe qui formait l'avant-garde; elle était forte de 7 à 8 000 hommes, nous l'enfonçons à coups de sabre ou de baïonnette ; tout ce qui n'est pas tué de cette troupe reste prisonnier.
Je fis conduire cette colonne au quartier général de S. M. qui s'occupait elle-même à faire passer les ponts à son armée.
Cette fameuse charge rendit le général russe, commandant l'armée de Moldavie, plus circonspect.....l'armée passa enfin la Bérésina.
Voilà, Monsieur le Maréchal, les services que j'ai rendus dans cette dernière campagne: avec plus de santé, j'aurai peut-être fait mieux, mais j'eusse possédé la force d'Hercule qu'il m'eût été impossible de donner de plus grandes preuves de dévouement mon Prince et à mon-Pays.
Je prie votre Excellence d'agréer, etc.

 MERLE

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F

Marseille, le 22 novembre 1815.
A Monsieur le maréchal de camp de Barre, à Rodez.
Mon Général,
...... S. A. R. Monseigneur le duc d'Angoulême, s'étant dernièrement rendu à Marseille, j'ai eu l'honneur de lui remettre un mémoire détaillé de ma conduite depuis mon entrée au service jusqu'à ce jour. Je lui ai exposé des vérités connues de toute la France  Je lui ai fait part des torts que j'ai pu avoir envers elle dans les derniers événements et, assurément, ils n'ont rien de commun avec un acte de trahison : elle en a parfaitement convenu. Mon seul amour-propre a causé tous mes désagréments. C'est une maladie qu'on dit être inséparable du métier des armes.
S. A. R. m'avait nommé commandant en chef du 2ème corps de son armée que j'avais moi-même organisé à Nîmes et Dieu sait avec quel tracas ! Des procureurs me demandaient des places de colonels, celle de chefs de bataillon étaient en-dessous de leur mérite ou de leur dévouement intéressé. Tout individu qui avait moyen d'avoir une paire de souliers à ses pieds ne voulait servir que comme officier. Je n'ai pu faire droit à toutes ces demandes indiscrètes et je me suis fait autant d'ennemis que de refus. Ces prétendus amis de bon ordre cherchèrent à me rendre suspect au Prince. Je devais nécessairement être un dangereux bonapartiste dont il fallait se méfier et, au lieu de commander en chef, le Prince me laissa sur les derrières de l'armée qui marchait vers Lyon contre mon avis. Je fus placé au Saint-Esprit avec deux bataillons de volontaires, cette troupe ne voulait point obéir...... Devais-je me faire assassiner ?
J'écrivis à S. A. R. pour quelle m'autorisât à me retirer après lui avoir exposé les motifs qui me forçaient à cette démarche. Le Prince me permit de me retirer et de remettre le commandement à M. le comte de Vogué  Dans ma lettre au Prince, je faisais connaître que le mouvement sur Lyon était imprudent...... ma lettre se sentait un peu de mon amour-propre blessé, j'exposai trop sèchement les fautes commises : voilà mon crime.
...... Je suis venu commander une division sur le Var...... J'ai empêché le maréchal Brune de marcher sur Aix et Marseille, où il aurait établi la guerre civile. A Toulon, je me suis exposé à me faire égorger. Voilà des vérités......
 
                                       MERLE.

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L'Hôtel Merle au n° 6 quai de la Fontaine Nîmes.


En 1815 les Autrichiens occuperont Nîmes. Leur général, le comte de Neipperg (1) avait sous ses ordres les troupes des départements du Gard, de l’Ardèche et de l'Hérault.


(1) Né à Salzbourg en 1775 mort en 1829.

Neipperg épousa l'ex-impératrice Marie-louise en septembre 1821

Son quartier général était à Nîmes, dans l'hôtel du général baron Merle, au numéro 6 du quai de la Fontaine.


L'occupation du Gard par les Autrichiens



Le Tombeau du Général MERLE 
Cimetière Saint-Baudile de Nîmes, avec le blason tel qu'il est décrit dans le Dictionnaire véridique des Origines des maisons nobles de France, tome II, page 232, édition in-8°, 1819



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> Occupation du Gard par les Autrichiens en 1815
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