CHARLES
PERRIER
extrait de Nîmes au XXe S www.nemausensis.com Le docteur Charles Perrier Le Docteur Charles Perrier et la Maison Centrale. 1931 - Le 13 novembre, lecture est faite au Conseil Municipal, d'une lettre du docteur Charles Perrier, (1862-1938) médecin à la prison centrale de Nîmes (Université Vauban depuis 1995) de 1888 à 1911. Il remet au Musée du Vieux Nîmes, en hommage à la ville, un volume statistique dont-il est l'auteur, concernant 859 individus de 16 à 73 ans, récidivistes pour la plupart détenus dans la Maison Centrale le 24 mars 1896. Il comprend de nombreux tableaux et dessins, deux détenus l'ornèrent de 395 dessins. Réalisée avec l'assentiment du Ministère de l'Intérieur, sa couverture de maroquin rouge sera signée par Charles Haas, relieur à Paris, rue de Babylone. Il fut exposé lors de l'exposition universelle 1900, dans l'emplacement réservé au ministère de la justice au Champ-de-Mars. Un tel document ne pourrait plus être réalisé de nos jours. Il porte à la connaissance du lecteur, les comportements et travers d'une population entassée dans un univers clôt, selon les origines régionales, ethniques, religieuses, ages et professions. En voici, quelques exemples, sans divulguer les origines ethniques : - Le ......., à l'exception du nervi (souteneur), s'habitue vite à la prison. Il est bon garçon, rigole bonimente et blague au besoin ses malheurs : " ça se tire ! ça se tire ! disait certain quidam condamné pour vol, plus de trente-sept mois ! " Sa joie déborde quand il peut jouer aux surveillants un tour de sa tête. Alors de s'écrier, en ricanant : "Sont-ils c... les pantes qui nous détiennent ! - Gagner assez d'argent pour se payer plus tard un bon fusil, voilà toute l'ambition du .... Les mœurs de ces derniers sont assez pures. Quand il se prostitue - ce qui arrive rarement - il ne fait "miché" que parmi les compatriotes. Ils se connaissent tous, beaucoup passent ici pour beaux-frères ou cousins. Le sentiment de solidarité qui les lie est poussé au plus haut degré. - Chez les ........ la paresse, la lâcheté et la délation sont des qualités dominantes. La plupart portent sur la joue la cicatrice qui flétrit à jamais les traitres et les faux amis. Tous ont la colère facile ; ils s'arment volontiers de couteau. - Tireurs au flanc et grincheux, les ........ se plaignent à tous propos. - Une extrême indifférence et un énorme égoïsme caractérisent le ......... Non comptant de se reposer la nuit, il se plairait à dormir tout le jour. On ne le chasse de la visite médicale qu'à force de lavements. Quoique foncièrement contemplatif, il fait admirablement le coup de poing et surtout le coup de tête. Avis au amateurs ! Toutes les professions y sont représentées, depuis le marchand de peaux de lapin, jusqu'aux banquier véreux et ex-commissaire de police. Il existe entre eux la plus étroite solidarité : - le lettré fait la correspondance - le tailleur fournit les bérets de fantaisie et recoupe les pantalons - d'autres se chargent de procurer "des petites femmes", nous y reviendrons. Les trois quarts, possèdent de l'argent clandestin enfoui dans les profondeurs du rectum. Un étui en métal leur sert de "planq". Cet objet se visse par le milieu et peut contenir jusqu'à 300 francs or. Dans ce milieu fermé et composé uniquement d'hommes, les pratiques homosexuelles sont courantes. Beaucoup "en sont". On fait venir la "fille" à l'atelier, dimanches et fêtes, sous prétexte de travailler, et "on turbine sur le flanc". Quelques nourritures ou cigarettes sont le prix de l'opération. Quelquefois, même le comptable y va "à l'œil" ; le "môme" espérant ainsi gagner ses bonnes grâces. Charles Perrier était natif de Vallerauge, comme son oncle le Général François Perrier. Ce dernier président du Conseil Général du Gard, participera activement à la création de l'Observatoire météo du Mont-Aigoual. Il est plus particulièrement connu des nîmois, grâce à la rue qui porte son nom, la rue Général Perrier. Le docteur Perrier avec 3 détenus Le Docteur Perrier avait pour fonctions la visite des prisonniers de la Maison Centrale ainsi que celle des pensionnaires des maisons de tolérance. On retrouve dans les Archives Municipales de Nîmes, sa demande d'augmentation de traitement, liée à l'ouverture d'une maison de tolérance au quartier des 3 ponts route d'Uzès (Villa Diane), cet établissement se trouvant en dehors du périmètre de ses visites ordinaires. Ces archives nous dévoilent aussi les "bonnes adresses" de la "belle époque" nîmoise, presque toutes situées, à cette époque, dans un quartier compris entre le Cadereau et l'Avenue Jean-Jaurès : - 15, rue Saint Laurent - 3, 3 bis, 5, 10 et 24 rue Florian - 9, 10bis et 12 rue des cerisiers. Cet infatigable personnage sera le directeur de l'hôpital 35 (actuel emplacement du Lycée d'Alzon). Cet hôpital sanitaire de Nîmes fut créé en février 1916, il était à ses débuts destiné au malade contagieux, les tuberculeux. En parallèle à son travail, il étudiera et publiera l'histoire de la Citadelle fort Vauban, devenue prison de façon fortuite lors des évènements de la terreur à Nîmes en 1793. Par la suite, en 1797, le gouvernement, voulant utiliser la citadelle, l'érigea en maison de correction. Une partie de l'édifice resta affectée au département de la guerre. Dans l'autre partie, furent placés tous les individus condamnés en correctionnelle, à moins d'une année de détention. Cette maison de correction servit, en même temps, de prison militaire et d'entrepôt pour les forçats jusqu'au passage de la chaîne, ainsi que pour les condamnés à la réclusion, jusqu'à leur transfert à la maison centrale de l'Hérault. Les sexes y furent convenablement séparés, dans les dortoirs et les préaux. Les enfants, enfermés "sur la demande de leurs parents", étaient tenus à l'écart des autres détenus. Le 20 décembre 1810, Napoléon y créa un Dépôt de mendicité. Le nombre de ces reclus de 1811 à 1817, fut en moyenne de 200 à 240 par an. Il y avait autant d'hommes que de femmes. Les enfants entraient dans des proportions de cinq pour cent. Les valides couchaient deux à deux sur une même paillasse. La proportion des malades était de treize pour cent et celle des morts de trois pour cent. Peux après la fusion de la maison de correction et du Dépôt de mendicité sous l'administration du régime intérieur en 1817 (ministère), les reclus valides du Dépôt de mendicité furent envoyés dans leur commune, et les invalides dans les hospices. Par la suite, des travaux importants seront engagés par l'État. Construction d'un mur de clôture avec un tour de ronde en 1823, d'un grand corps de bâtiment, abritant, l'école, la chapelle, le temple et la synagogue. Après cela, devenue maison centrale, l'ancienne citadelle pourra accueillir de 700 à 800 condamnés. Après la fermeture de la Maison Centrale en juin 1991, la ville de Nîmes rachètera l'ensemble des bâtiments pour la somme de quinze millions de francs pour en faire une faculté de Lettres. L'État et la région en financeront chacun un tiers et le tiers restant sera financé à égalité par la ville et le département. Les travaux d'aménagements seront réalisés par l'architecte Andréa Bruno. Le défit de ce recyclage patrimonial, une forteresse construite normalement pour repousser les gens, transformée en Université, est un tour de force, peut être un exemple pour nos architectes de renom, qui n'ont pas toujours su respecter l'histoire du lieu, en la conservant en arrière plan. Quelques mois après le colloque sur les origines du Fort, organisé les 20 et 21 janvier 1995 par la Société d'Histoire Moderne et Contemporaine de Nîmes, inauguration du centre universitaire sur le site du fort Vauban, (le 11 octobre 1995). -oOo-
L'Argot
des Criminels
Extrait du livre "Les Criminels" du Docteur Charles Perrier, médecin de la Maison Centrale de Nîmes, pages 378 à 380, édition 1900. L'argot varie d'un groupe d'individus à l'autre: Pour désigner un agent de ville, le « petit voyou » dira : un sergot ; le « banquiste » - nomade s'établissant dans une ville, pour la durée d'une fête - emploiera l'expression la secrète ; le « souteneur, le « grec », le « pègre » jargonneront : l'un la rousse ; l'autre, la poule ; le troisième, la machine. - Les pègres parlent par figure, quand ils appellent : lourde, une porte ; dur, une pince-monseigneur. - Le mot lourde témoigne de la solidité de la porte et du mal qu'il faut se, donner pour l'enfoncer. Dur, montre la résistance que la pince doit avoir. Au pluriel, ce dernier mot signifie : travaux forcés. Dès que le besoin s'en fait sentir, des changements sont apportés dans les termes d'argot. Nos argotiers se piquent, d'ailleurs, d'être dans le mouvement. Aussi. bien, n'ont-ils pas mille moyens d'enrichir leur glossaire ? De job (fou, idiot), ils ont fait jobard, jobastre, nobard du jo. Et, qui dirait que nobard du jo, à l'air si barbare, n'est au fond que ce débonnaire et placide jobard, maquillé suivant le précédé simpliste des pègres de Lyon, Marseille, Toulouse et autres lieux ? e mécanisme est facile à saisir. La première lettre (j) est remplacée par un n, et la syllabe (jo), où figure la lettre supprimée, est mise à la fin du mot, séparée de lui par l'article du. A Paris, le mode de transformation diffère légèrement : on met un L à la place de la première lettre, et celle-ci est ajoutée à la fin du mot, avec la terminaison ème ou é. Gardien se dit gaffe, d'où : Laffegé et Laffegème. Nice a son jargon à part ; c'est celui des pègres d'Italie. Turin en est le lieu d'origine. La singulière aventure, qu'un pick-pocket nous raconta, témoigne de l'intérêt qu'il y a de comprendre le jar. Il déjeunait, au buffet des Arcs, à côté de deux individus, vêtus très correctement. Ceux-ci causaient à vois basse : En décarrant, disait l'un, porte none au rupin qu'est à ton coustible et je le servirai (en sortant, bouscule le monsieur qui est près de toi et je lui prendrai son argent). A l'aile ou en double (dans quelle poche l'a-t-il : à l'extérieur ou à l’intérieur de la veste ? demanda l'autre. En double, répondit le premier. L'idée lui vint de leur jouer un tour. Il inscrivit sur un morceau de papier, qu'il plaça bien en vue dans son portefeuille : vous faites four ; je suis fauché (vous tombez mal ; je n'ai pas le sou). Puis, à table, il attendit que ce fût l'heure de monter en voiture. Alors, il se dirigea, d'un air distrait ; vers la porte du quai. A peine en avait-il franchi le pas qu'il fut débarrassé de son lazagne. Les deux compères s'esquivèrent, aux lieux d'aisances, pour examiner le butin. Juste ciel ! Leur voisin de table était un collègue sans doute. Ils se présentèrent à lui et s'excusèrent. L'entretien se termina par ces mots : Portez none, nous faderons (donnez-nous un coup de main, on partagera) à Marseille. Notre homme eut d'autant moins de peine à se rendre à cette invitation qu'il ne pouvait tenir du pèze (argent) à ses maitresses, précisément dans ce temps-là. Voici quelques-unes des locutions les plus usitées, dans les prisons, à Nîmes : - Se taire quand il faut, se dit : rengracier ; fermer sa boite à temps. - Manger, c'est boulotter, croûter, se gonfler le bidon, morfiller, etc. - Claquer du bec signifie qu'on a faim. - Celui qui fait bonne chère se dore le citron, s'efface les plis. - Sous les verrous, souffrir équivaut à se décoller, tourner en ficelle, se déplumer. - Aller faire du fricandeau à Montpellier, c'est mourir. - Quand on a l'haleine mauvaise, on fouette de la gueule, on renifle de l'entonnoir. - Le poltron est un type qui flasque dans son grimpant ; il a le foie blanc. - Un bossu se définit : Mayeux, le Bombé, Sac au dos. - On dira d'un borgne, qu'il a un carreau cassé. - Celui qui louche est un mecque qui regarde dans les coins. - On n'entrave que dale, quand on ne comprend pas un mot d'argot. - Tout vaseux (paysan} qui se corrompt, s'affranchit. - Les faux monnayeurs sont des rétameurs en plâtre ou en jonc, suivant la couleur des pièces qu'ils fabriquent. - L'individu, condamné pour attentat à la pudeur, est un tâteur de gosselines, un amateur d'abricots. - Le couteau, avec manche en bois, entouré d'une virole immobilisant la lame, s'appelle un lingue. - On désigne, sous le nom de surin, le couteau à lame large et tranchante, qui se ferme. - Le 22 est un couteau de boucher, à manche plein. - Aller dans le boudar, c'est venir à la Centrale. -oOo- Documents collection Musée du Vieux Nîmes -oOo- Bibliographie de Charles
Perrier
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