LA FOIRE AUX ANES A NIMES.
- Extrait du Journal illustré.
- N° 86 - du 1er au 8 octobre
1865
La
Foire aux Anes de Nîmes, Pastelot 1865 - Collection Gérard
Taillefer. - Quand il a visité les magnifiques Arènes que les Romains ont
élevées, à Nîmes et dont notre gravure montre un des côtés, dessiné avec une
exactitude remarquable.
- Quand il a admiré ce petit bijou architectural que l'on
appelle la Maison carrée, et où se trouvent réunis des chefs-d'œuvre de
peinture et de sculpture.
- Quand il a fait le tour de la célèbre fontaine de Pradier,
dont la silhouette se détache à l'arrière-plan de notre gravure.
- Quand il a fait une promenade â la Tour Magne.
- Quand il s'est arrêté dans le vestibule du palais de justice
- Quand il a parcouru les boulevards.
- Le voyageur s'éloigne de Nîmes satisfait; il peut dire comme
Titus : « Je n'ai pas perdu ma
journée. » Nîmes est en effet très intéressant à visiter :
l'antiquaire et l'amateur de monuments anciens et nouveaux ont un vaste champ
pour leurs investigations.
- Mais ce qui est de beaucoup plus intéressant et plus
curieux, c'est l'étude des mœurs de,cette population ardente, facile
à l'enthousiasme, terrible dans ses fureurs. Le soleil du midi semble avoir
concentré sur Nîmes ses rayons les plus chauds; il exalte les têtes, échauffe
les imaginations et produit des hommes de fer que la fatigue n'atteint pas.
- Nous voici bien loin de la foire aux ânes, qui se tient sur
l'Esplanade à la fin du mois de septembre; malheureusement quand on parle de Nîmes
on se laisse toujours entraîner par ses souvenirs.
- Revenons donc à la foire aux ânes.
- Les chemins de fer lui ont fait perdre beaucoup de son
importance; cependant elle a toujours conservé son caractère pittoresque, que M.
Pastelot a parfaitement rendu, avec
les ânes que les marchands font mouvoir dans tous les sens, les cabarets en
plein vent, les luttes continuellement engagées entre deux âniers. C'est un
bruit, un mouvement, un entrain dont il est difficile de se faire une idée
quand on n'a pas vécu dans les villes du midi, où tout se passe en plein air.
- Il y avait à Nîmes, il y a quelque vingt ans, ce que l'on
appelait « la poste aux ânes. » C'était un service de locomotion
spécial, employé par les pauvres gens, hommes et femmes, qui se rendaient soit à
Montpellier, soit à Alais, soit à Avignon.
- On prenait un âne sur l'Esplanade, et l'on allait au gré du
capricieux animal sur la route jusqu'au prochain relais; là on changeait de
bête, et on continuait son voyage.
- C'était long, mais cela ne manquait pas de charme, d'autant
plus que l'on rencontrait presque toujours quelqu'une de ces jolies paysannes aux
yeux brillants, à la lèvre rieuse. Son âne n'était pas d'une docilité parfaite,
vous interveniez, et la connaissance était faite. Et de causer, et de
plaisanter, et de rire !
- Ah! seulement il fallait être circonspect avec ces jolies
amazones, sans quoi elles avaient la riposte vive et la main leste.
- Je m'arrête sur ce souvenir du vieux temps. Le chemin de
fer, qui a déjà fait disparaître la poste aux ânes, pourrait bien supprimer la foire : notre gravure en conservera
du moins une trace pour le futur historien des mœurs et coutumes de la France.
- A. Auray, 1865
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