- Michelade protestante
- à Nîmes en
1567.
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-
- « VERSION 1 - Histoire des révolutions des villes de
Nismes et d’Uzès, par Adolphe de Pontécoulant, 1820. »
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- (1567)
Le mardi 30 du mois de septembre 1567, sur le midi, on fit prendre les armes aux
religionnaires, avec ordre d’arrêter les principaux catholiques dans leurs
maisons et partout où on les rencontrerait, mais quelques uns, avertis du
complot, prévinrent l’orage et sortirent de la ville à la hâte et en grand
désordre. Voici le détail de cette journée telle que l’a tracé M. Ménard dans
son histoire de Nîmes.
-
- A
peine le signal du soulèvement eut-il été donné, qu’on vit se former
plusieurs pelotons de gens armés qui coururent dans les rues en criant, les
uns, arme, sare boutique, les autres, tue les papistes, monde nouveau,
d’autres, tue, tue, il faut les tuer, et, pour animer le zèle de cette
multitude soulevée, on lui criait que le roi était prisonnier, que la reine
mère, que le duc d’Anjou, le duc d’Alençon, ainsi que tous ceux de la maison
de Guise, avaient été tués, que les troupes religionnaires s’étaient emparées
de Lyon et des principales ville du royaume. Par ces fausses nouvelles, on
avait tellement enflé le courage des soldats et du peuple, que ceux-ci ne
respiraient plus que le sang et le carnage. Dès le commencement de la
sédition, les boutiques furent toutes fermées et la ville n’était plus qu’une
véritable image de terreur et de désolation.
-
- Une
trentaine de gens armés, conduits par Jacques de Possac, se rendirent à la
maison du beau-père de Guy Rochette, premier consul, pour lui faire livrer
les clefs de la ville, mais ne le trouvant point, on se rendit à sa maison,
que l’on fouilla et que l’on pilla. Les portes de la ville furent toutes
fermées, et le corps de garde y furent établis pour empêcher la sortie
d’aucun catholique.
-
- Cependant
le premier consul alla dans toutes les rues, revêtu de son chaperon,
accompagné de son beau-frère et de trois ou quatre valets de ville, explorant
le peuple à quitter les armes et à rentrer dans son devoir, mais ce fut
inutilement, les remontrances ne produisirent aucun effet. Cependant, sans se
décourager, il fut trouver l’évêque et lui raconta l’état funeste de la
ville. A ce récit, le prélat, voyant que le mal était sans remède, se mit à genoux
et fit sa prière, tous ceux qui étaient avec lui l’imitèrent, mais à peine
eut-il commencé, que le capitaine Bouillargues, tenant un pistolet d’une main
et son épée de l’autre, suivi de plus de deux cents hommes armés, entra
furieux dans l’évêché, après en avoir enfoncé les portes. Presque tous les
catholiques qui s’y trouvèrent se sauvèrent aussitôt, et l’évêque se déroba,
avec ses domestiques, à ses recherches.
-
- Le
premier consul et son beau-frère, sans s’émouvoir des cris et des hurlements
qui parvenaient jusqu’à eux, demeurèrent à genoux en continuant leur prière.
Le capitaine Bouillargues les fit prisonniers et les fit conduire dans la
maison d’un marchand. Elle avait été choisie, avec celle d’une autre
personne, pour y renfermer les catholiques qu’on arrêterait. Le capitaine fit
fouiller tous les coins de l’évêché, mais, voyant que sa capture avait
manqué, il se contenta de le donner en pillage à ses soldats.
-
- Rien
n’était capable d’émouvoir leur pitié ni de les attendrir, pas même les
spectacles les plus touchant. Les larmes, les pleurs des enfants, les
lamentations des femmes n’étaient d’aucun effet sur ces bourreaux. Tandis
qu’on arrêtait les catholiques de tous côtés, dès le commencement de
l’émotion, diverses bandes armées allèrent piller toutes les églises. Ceux
qui s’emparèrent de la Cathédrale y brisèrent les autels, les sièges des
chanoines, abattirent les croix, brûlèrent ces débris dans l’église même, ils
enlevèrent les vases sacrés, les ornements, ils allumèrent un grand feu
devant l’église Cathédrale et y brûlèrent une partie des titres, des
dénombrements et des reconnaissances féodales du chapitre. D’autres bandes
allèrent piller aussi les maisons des catholiques les plus riches. On enleva
à Etienne André dit Radel tout l’argent qu’il avait dans un coffre fermant à
deux clefs.
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- Sur
les neuf heures du soir, on fit une proclamation à son de trompe, pour
enjoindre à tous les religionnaires, soit habitants, soit étrangers, de se
rendre promptement en armes, avec ordre aux catholiques de rester dans leurs
maisons, sous peine de la vie. Aussitôt après, on alla transférer dans
l’hôtel de ville, à diverses reprises et par différentes bandes, tous les
catholiques qu’on avait pu arrêter pendant la journée.
-
- Au
bout de deux heures, une troupe de religionnaires, au nombre de trente ou
environ, armés d’arquebuses et de pistolets, se rendit à la porte de l’hôtel
de ville. On en détacha deux qui furent chargés d’aller faire descendre ceux
des prisonniers renfermés dans la salle haute, qu’on avait destiné pour être
égorgés les premiers. Pierre Cellier, orfèvre, l’un de ces deux, étant entré
dans la salle, lut, dans une liste qu’il avait à la main, le nom de ces
premières victimes. C’était Guy Rochette, premier consul, Robert Grégoire,
son frère utérin, avocat, François de Gras, avocat, le père Jean Quatrebar,
prieur des Augustins, et prédicateur ordinaire de l’église Cathédrale, le
père Pierre Folcrand, Augustin, le père Nicolas Sausset, prieur des Jacobins,
Antoine Duprix, prêtre, et quelques autres.
-
- On
les fit descendre dans la cour, et de là ils furent conduits à l’évêché. Le
père Quatrebar ne cessa d’encourager les catholiques que l’on conduisait avec
lui, il les exhortait à la persévérance, leur disant qu’il voyait les cieux
ouverts pour les recevoir. Dès qu’ils furent arrivés dans la cour de
l’évêché, on commença le massacre. Ce fut à coups de dague ou d’épée qu’on
les égorgea. Le premier consul, au milieu des coups de dague qu’on lui
donnait, demanda en grâce à ses meurtriers de ne pas faire mourir son frère
Grégoire, mais ce fut en vain, il fut égorgé comme lui. Leurs corps furent
ensuite jetés dans un puits qui était au fond de la cour, proche du bâtiment.
(*)
-
- (*)
Les cadavres ont été retrouvés lors de
travaux à la fin du XIXe. Les 40 corps exhumés sont toujours là, sous la
vieille tour de la cathédrale. On explique mal la folie dévastatrice qui peut
s’emparer de personnes somme toute normales. (voir représentation de la scène
en haut de cette page)
-
-
Leurs habits et tout ce qui fut trouvé sur eux, furent enlevés. On prit au
consul Rochette deux bagues de prix qu’il avait aux doigts, et à l’avocat de
Gras six cents écus qu’il avait mis sur lui, dans le dessein de prendre la
fuite. Leur massacre dura deux heures. On avait placé des gens avec des
torches allumées, sur le beffroi et aux fenêtres du clocher et sur le couvert
de la Cathédrale, enfin de mieux éclairer tout le lieu de cette tuerie.
-
- Après
cela, les mêmes qui les avaient menés retournèrent à l’hôtel de ville. Pierre
Cellérier entra dans la chambre basse et ordonna à Etienne de Rodilhan,
chanoine, et à Jean Pierre, maître de musique de la Cathédrale, de les suivre
jusqu’à l’évêché, leur disant que c’était en conséquence de la délibération
qui s’était prise à ce sujet, en plein conseil, par les messieurs qui
gouvernaient. Ces deux victimes obéirent. Ils furent conduits dans la cour de
l’évêché. A peine Jean Pierre y fut arrivé, qu’on le frappa de divers coups
de dague, il s’écria : « Hélas ! Je suis mort, je n’en puis
plus », mais il lui fut répondu, en langage du pays, par un de ceux qui
le frappaient : « Encaro caminaras jusques ooü pous ». Il fut
donc égorgé, de même qu’Etienne de Rodilhan, et leurs corps furent jetés dans
le même puits. Les mêmes revinrent encore à l’hôtel de ville, et firent
sortir de la salle basse Etienne Mazoyer, chanoine, George Guérinot,
cordonnier, Louis Doladille, ouvrier en soie, et plusieurs autres.
-
- Ils
étaient à peine entre les deux portes de l’hôtel de ville, que Jean Vigier,
l’un de ceux qui formaient l’escorte, prit Doladille au collet, lui
disant : « Ah, Galaud, tu es ici ! » Et à l’instant il
lui donna un grand coup d’épée, dont il fut grièvement blessé. Dans ce moment
aussi, deux autres de cette escorte, plaisantant envers le chanoine Mazoyer,
lui dirent qu’il n’était pas bien là, qu’ils voulaient le mener à la maison
épiscopale, où il serait mieux à son aise. On les conduisit donc dans la cour
de l’évêché, où ils subirent le même sort que les autres.
-
- Ce
fut de cette manière, et à diverses reprises, qu’on fit passer, de l’hôtel de
ville dans la cour de l’évêché, ceux qu’on avait résolu de faire mourir…
Leurs corps furent tous jetés dans le puits, qui en fut presque comblé, quoi
que très ample, car il avait plus de sept toises de profondeur et plus de
quatre pieds, de diamètre, l’eau toute mêlée de sang y surnageait. Comme
plusieurs de ceux qu’on y précipitait n’étaient qu’à demi égorgés, on les
entendait encore pousser quelques gémissements, mais d’une voix faible et
mourante.
-
- Les
protestants qui participaient à ces massacres étaient des personnes
distinguées, le président Calvière, Pierre Robert, lieutenant de Viguier,
Pierre Suau dit le capitaine Bouillargues, François Pavée, seigneur de
Servas, Robert Aymés, seigneur de Blauzac et quatre avocats, savoir,
Guillaume Calvière, fils aîné du président, Louis Bertrand, Pierre Maltrait
et Pierre de Monteils.
-
- Une
troupe qui faisait des recherches dans la ville, ce matin, formé de huit ou
dix soldats armés d’arquebuses avec la mèche sur le serpentin, et portant un
morion à leur tête, entra, vers les dix ou onze heures, dans la maison du
conseiller de Sauvignargues, où l’évêque était demeuré caché toute la nuit
avec ses domestiques. Le chef de la troupe se mit en état de l’emmener. Alors
l’évêque s’adressa au conseiller pour voir si l’on ne pourrait pas l’apaiser
moyennant quelques sommes d’argent.
-
- Sauvignargues
en parla à cette troupe, et il fut convenu que l’évêque donnerait cent ou six
vingt écus, et qu’on lui sauverait la vie ainsi qu’à ceux de ses domestiques
qui se trouvaient avec lui. Ce qui obligea le prélat, qui n’avait pas cette
somme, d’en emprunter une partie de ses domestiques, Sauvignargues fournit le
reste. Non content de cet argent, les soldats prirent à tous ceux qui étaient
avec lui, leur bourse, leur robe, leur chapeau et autres principaux
vêtements, et les laissèrent en pourpoint. L’évêque fut aussi mis en
pourpoint. Après quoi ils allèrent les renfermer dans une cave de la maison.
Sur ces entrefaites, il survint une seconde troupe de religionnaires, armés
d’arquebuses, de pistolets et d’autres armes, avec un morion à leur tête, qui
frappèrent rudement à la porte d’entrée, les autres ayant refusé de leur
ouvrir, ils allèrent dans une maison voisine appartenant à un apothicaire
nommé Mathurin, d’où ils montèrent avec un échelle dans celle de
Sauvignargues, jetant à terre les tuiles, et faisant sur les toits un
bouleversement horrible, comme s’ils eussent pris une ville par force, en
criant à pleine tête : « Tue, tue les papistes. »
-
- De
plus, il survint bientôt encore une troisième troupe de gens armés de la même
manière que les autres, portant la mèche sur le serpentin. Roberts Aymés,
seigneur de Blauzac, était à la tête de ceux-ci, armé d’une estocade, d’une
pistole et d’une rondelle d’acier ? Etant entré dans la chambre de la
chambre du conseiller de Sauvignargues, il se saisit de Pierre Journet, jeune
clerc, qui s’y était réfugié. Il le frappa d’abord de plusieurs coups de
rondelles sur la tête et le fit sortir de cette chambre, en le poussant, il
lui donna un coup d’estocade sur le côté droit, et un de sa troupe lui en
donna un autre sur la cuisse gauche, on le laissa nageant dans son sang et
étendu sur les degrés.
-
- Cependant
l’évêque fut découvert et arrêté, ainsi que ses domestiques qui s’étaient
cachés en divers endroits, on les fit aussitôt sortir de cette maison par la
porte de derrière qui donnait sur le carrefour du puits de la Grande Table.
Etant à la rue, on arracha à l’évêque, avec force, les bagues qu’il avait aux
doigts, et on lui mit sur la tête une sorte de bonnet à rebras ou replis,
après quoi, on se mit en marche pour le conduire dans la cour de l’évêché.
-
- Mais
à peine fut-on arrivé sur le carrefour du puits de la Grand Table, qu’on
égorgea à ses yeux Louis de Sainte Sofie, son maître d’hôtel, à qui Aymés,
seigneur de Blauzac, donna le premier coup d’épée. Divers autres
religionnaires de la troupe lui donnèrent aussi plusieurs coups d’épée et de
dague, dont il fut laissé mort sur le carreau.
-
- L’évêque
se mit à prier dieu, mais après ce meurtre, on acheva de le conduire à
l’évêché, où étant arrivé il se jeta à genoux, et continua de faire sa
prière. Cependant, un de la troupe, nommé Jacques Coussinal, se déclara tout
à coup pour l’évêque. Il témoigna tant d’ardeur et d’opiniâtreté à vouloir
lui sauver la vie, que ses compagnons, qui ne cessaient de crier qu’il
fallait couper la gorge à lévêque de Nîmes comme aux autres, furent contraint
de le lui livrer, en sorte que, l’épée d’une main la pistole de l’autre, il
le fit entrer dans la maison des héritiers de Jacques de Rochemaure,
lieutenant particulier de la sénéchaussée, et demeura là, menaçant de tuer
ceux qui l’approcheraient pour attenter à sa vie. Ce prélat demeura renfermé
le reste du jour dans cette maison, et fut par là garanti du danger.
-
- Pierre
Journet fut emmené presque mourrant dans la court de l’évêché…. Il survint
alors un soldat portant une hallebarde, qui, ému de pitié envers ce jeune
clerc, arrêta celui qui le dépouillait, et qui lui dit que, s’il ne le
relâchait, il le tuerait lui-même. Celui-ci s’opiniâtra à vouloir égorger
Journet, disant qu’il ne le laisserait point qu’il ne l’eût tué. Ce fut une
contestation qui dura plus d’une heure. Ils convinrent enfin entre eux deux
d’emmener Journet devant le capitaine Bouillargues, ce qu’ils firent à
l’instant. Ce fut là son salut. Il se trouva qu’il était le frère de lait du
capitaine. Ce dernier, le voyant ainsi blessé et couvert de sang, lui demanda
qui l’avait réduit dans cet état, disant qu’il voulait en faire justice, et
aussitôt, il le fit mener chez son père. Journet y fut malade et en danger de
mort durant près de deux mois, mais il en réchappa. Il fut dans la suite
chanoine de l’église cathédrale de Nîmes…
-
-
- « VERSION 2 - Histoire et description de Nîmes par D. Nisard, 1842. »
-
- (1567).
La guerre générale ayant recommencé en Languedoc, les protestants de Nîmes
relevèrent la tête et recommencèrent la guerre des rues. Quelques jours avant
la saint Michel, les plus violents d’entre eux firent un plan de conjuration
dans la maison d’un religionnaire de marque. On résolut d’appeler le peuple
aux armes, de se défaire des principaux catholiques et de se rendre maître de
la ville. On choisit le lendemain de la saint Michel pour l’exécution du complot.
-
- Ce
jour-là, en effet, le 30 septembre 1567, à une heure après midi, les conjurés
se répandirent dans les rues, criant : Aux armes ! Tue les
papistes ! Monde nouveau ! Ils coururent à la maison de Guy
Rochette, premier consul, enlevèrent les clefs de la ville, et s’emparèrent
des portes. Guy Rochette, entendant leurs cris, alla d’abord se cacher dans
la maison de Jean Grégoire, son frère utérin. Puis le courage ou la honte lui
revenant, il sortit de sa cachette et s’alla présenter en chaperon aux séditieux,
mais ceux-ci ne l’écoutèrent pas, et quelques-uns même le menacèrent. Guy
Rochette courut chez les officiers de justice, mais les uns étaient du parti
des conjurés, les autres ne voulaient pas se risquer dans l’émeute. Alors il
fut trouver l’évêque, lequel était entouré en ce moment des principaux
catholiques, réfugiés dans son palais. Le prélat, dès qu’il eut ouï les
paroles du consul, s’écria : Voici donc l’heure du prince des ténèbres,
que le saint nom du ciel soit béni
-
- Et
s’étant mis à genoux, il fit sa prière, comme s’attendant au martyre. Les
autres catholiques et Guy Rochette, le consul, firent comme l’évêque, mêlant
des larmes et des sanglots à leurs prières.
-
- Comme
ils se recommandaient ainsi à Dieu, Pierre Suau, dit le capitaine Bouillargues,
suivi de deux cents de la religion, armés et furieux, entoure les portes de
l’évêché et se précipite dans la cour. L’évêque et les gens de sa suite se
sauvent par une brèche dans une maison contiguë. Guy Rochette et les autres
catholiques restent à la même place, attendant les assaillants, toujours à
genoux et en prières, Ils sont pris et enfermés dans différentes maisons,
avec des sentinelles qui les gardent à vue. L’évêché est fouillé dans tous
les coins et pillé. De là, la troupe de Pierre Suau se porte sur la maison de
Jean Peberan, vicaire général, ils l’égorgent, après lui avoir pris huit
cents écus, et jettent son corps par les fenêtres. Après quoi, ils saccagent
la cathédrale, comme ils avaient fait de l’évêché.
-
- La nuit
venue, on agita le sort des prisonniers. Il fut résolu qu’on mettrait à mort
les principaux, pendant les ténèbres, pour ne pas faire trop d’émotion dans
la ville. On les tira tous, vers neuf heures, des maisons où ils avaient été
provisoirement détenus, et on les amena dans les chambres de l’Hôtel de
Ville. Là, un des religionnaires, espèce de greffier commis dérisoirement
pour mettre un peu d’ordre dans cette justice expéditive, venait lire, de
chambre en chambre, une liste où étaient inscrits les noms de ceux dont la
mort était résolue, et, sur leur réponse, on les faisait descendre dans la
cour, pour de là les conduire par bandes à l’évêché, où devait se consommer
le sacrifice.
-
- Dans
la cour de l’évêché, il y avait un puits de sept toises de profondeur et de
quatre de diamètre. C’était la tombe qu’on avait destinée à ces malheureux.
On les perçait à coups de lance et de dague, et on les jetait à demi égorgé
dans le puits, qui prit là le nom de Pous de malamort. Plusieurs moururent
avec un grand courage. Le consul Guy Rochette, arrivé au lieu du supplice,
demanda grâce pour son frère, lequel était innocent de sa place si tristement
privilégiées. Tous deux furent percés de coups et précipités dans le puits.
Le cadavre de Jean Peberan, traîné par les rues avec la corde au cou, fut
réuni à ceux des autres victimes. C’était pitié de voir ce puits déborder de
sang et d’ouïr les cris étouffés de ces malheureux assassinés et noyés à la
fois par un double supplice. Ils moururent ainsi au nombre de plus de cent.
-
- Le
lendemain, 1er octobre, le capitaine Bouillargues se mit à
parcourir les rues, criant : Courage, compagnons ! Montpellier,
Pézenas, Béziers, Aramon, Beaucaire, Saint-Andéol et Villeneuve sont pris et
sont à notre dévotion, nous tenons le roi, et le cardinal de Lorraine est
mort. Ces cris échauffèrent le peuple, et, dès dix heures du matin,
quelques-uns des plus furieux allèrent chez le sieur de Sauvignargues, dans
la maison duquel l’évêque et ses domestiques s’étaient tenus cachés toute la
nuit. Celui-ci leur livra son hôte, mais l’évêque ayant demandé à se racheter
par une rançon, on convint de cent vingt écus. Le prélat donna tout ce qu’il
avait sur lui, ses domestiques y ajoutèrent tout le leur, le sieur de
Sauvignargues compléta la somme, mais il garda chez lui l’évêque jusqu’à ce
qu’il fût remboursé, et l’enferma dans une cave avec les domestiques.
-
- Peu
de temps après, il survint une seconde troupe, qui frappa rudement à la
porte, disant qu’elle voulait avoir sa part du butin. Comme on ne se pressait
pas de leur ouvrir, ils escaladèrent la maison et s’y précipitèrent en
criant : Tue, tue les papistes ! Les domestiques de l’évêque furent
les premiers massacrés. Lui-même fut tiré hors de la cave, et jeté dans la
rue, on lui arracha ses bagues, on lui prit sa croix pastorale, on l’affubla
des haillons d’un paysan, et on lui mit sur la tête un chapeau d’une forme
ridicule, appelé par le peuple tapebord. Dans cet état pitoyable, il fut
conduit à l’évêché et sur les bords du puits, là, il se jeta incontinent à
genoux, et fit sa prière, pensant bien que sa dernière heure était arrivé.
-
- Tout
à coup, un de la troupe, nommé Jacques Coussinal, se déclare pour l’évêque,
et l’arrache à ses assassins. L’épée d’une main et le pistolet de l’autre, il
le fait entrer dans une maison voisine, et se tenant lui-même sur la porte,
il menace de tuer quiconque voudrait attenter à la vie de l’évêque. En ce
moment même passait le capitaine Bouillargues, lequel voyant toute cette
rumeur, en demanda la cause, et comme il eut appris ce qu’avait fait Jacques
Coussinal, il approuva son action, délivra l’évêque et le fit sortir de la
ville avec escorte.
-
- « VERSION 3 - Léon Ménard, Tome
V de son Histoire de Nîmes. »
En France la deuxième guerre de religion va durer de
septembre 1567 au 23 mars 1568, jour de la paix de Longjumeau.
Alarmés par les projets dirigés contre eux, les chefs
protestants Louis de Bourbon prince de Condé et Gaspard de Châtillon, amiral de
Coligny, tentent d’enlever le roi Charles IX à Meaux le 28 septembre 1567. Ils
avaient des émissaires dans les provinces pour provoquer le soulèvement général.
A Nîmes, c’est Jacques de Crussol, frère du Duc
d’Uzès qui porte les ordres du prince de Condé. Il faut prendre les armes,
égorger les prêtres, les religieux et les principaux catholiques. L’ordre est
exécuté le mardi 30 septembre jour de la Saint Michel.
-
Vers Midi, plusieurs groupes de gens armés
envahissent les rues en criant « tue, tue les papistes ». Ils mettent le feu à
la cathédrale, pillent les églises de la ville, massacrent les résistants et
font prisonniers près de cent personnes qu’ils rassemblent à partir de 21h dans
la cour de l’évêché, tout proche de la cathédrale. De coups d’épée, en coups de
dague, on massacre, on égorge et on jette les corps dans le puits de la cour,
qui en fut presque comble.
Le
lendemain, 1er octobre, le capitaine Bouillargues se mit à parcourir
les rues, criant : Courage, compagnons ! Montpellier, Pézenas, Béziers, Aramon,
Beaucaire, Saint-Andéol et Villeneuve sont pris et sont à notre dévotion, nous
tenons le roi, et le cardinal de Lorraine est mort. Ces cris échauffèrent le
peuple, et, dès dix heures du matin, quelques-uns des plus furieux allèrent chez
le sieur de Sauvignargues, dans la maison duquel l’évêque et ses domestiques
s’étaient tenus cachés toute la nuit. Celui-ci leur livra son hôte, mais
l’évêque ayant demandé à se racheter par une rançon, on convint de cent vingt
écus. Le prélat donna tout ce qu’il avait sur lui, ses domestiques y ajoutèrent
tout le leur, le sieur de Sauvignargues compléta la somme, mais il garda chez
lui l’évêque jusqu’à ce qu’il fût remboursé, et l’enferma dans une cave avec les
domestiques.
Plusieurs catholiques se réfugient dans le Château de
Nîmes (attenant à la porte Auguste, et démolis depuis), les
religionnaires en font le siège, ils résistèrent jusqu’au 10 novembre et
sortirent libres le 15.
Même avec le temps, on explique mal la folie
dévastatrice qui peut s’emparer de personnes somme toute normales. Un témoin
raconte :
« Personne n’avait bu, et nous étions tous dans une
étrange ivresse… j’ai ramassé une épée, et j’ai frappé moi aussi. »
A noter que, par contre, la Saint Barthélémy
(massacre des protestants par les catholiques) en 1572 fut calme à
Nîmes.
-
Aujourd’hui, le puits de la cour de l’évêché n’existe
plus. Il est situé sous l’aile gauche du musée du vieux Nîmes.
De suite après les évènements, il est fermé et
surmonté d’une croix ; il portera longtemps le nom de « puits de
Malemort ».
L’évêque Fléchier, lors de sa visite pastorale du 30
mai 1693 à la Chapelle Sainte Eugénie, notait dans son registre : « Nous avons
trouvé des ossements, sous le maître-autel de la chapelle, qui proviennent du
puits de l’évêché. Il s’agit bien entendu des victimes de la
« Michelade ».
Lors de la modification de l’ancien évêché, le puits
est asséché et quarante corps exhumés sont enterrés sous le dallage de la
« chapelle des Martyrs », au pied du clocher de la Cathédrale. Mr le Chanoine
Durand précise les avoir vus au moment des travaux de restauration en
1882. -oOo-
En savoir plus sur les guerres de religions à Nîmes > 1561 - Origine du nom PARPAILLOT
> 1567 - La Michelade de Nîmes, 3 versions, Pontécoulan 1820, Nisard 1842, Ménard 1750 > Version complète de la Michelade par Léon Ménard > Version du Musée virtuel du Protestantisme > 1569 - Troisième guerre civile à Nîmes. Les religionaires surprennent la ville. > 1572 - La Saint-Barthélémy à Nîmes > 1681 - La Vie de Jean Cavalier, 1681-1740
> 1702-1705 - Les Sources de l'Histoire des Camisars, par Louis Baragnon, 1891 > 1720 - Répression de l'assemblée protestante de la grotte aux fées à Nîmes
- En
Savoir plus - Articles Midi Libre, avec nemausensis
- > Article
Midi Libre du 25 septembre 2005
- >
Article
Midi Libre du 2 octobre 2005
- >
Article
Midi Libre du 14 octobre 2007
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