ENLUMINURE DE FERDINAND PERTUS

XX

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Version I

Les religionnaires prennent Nîmes par les égouts.

TROISIÈME GUERRE CIVILE.

 

Histoire des Révolutions - Adolphe de Pontécoulant. 1820.

Mais la troisième guerre civile, entre les catholiques et les religionnaires, s'allume ; l'édit du roi, du 25 septembre de cette année 1568, dans lequel il était dit qu'il n'y  aurait en France d'autre religion que la catholique, et que tous les officiers de justice seraient de cette religion, avec ordre aux ministres de sortir du royaume, en est le principal motif.

 

Malgré toutes les mesures qu'on avait prises pour affermir la paix dans le pays, mesures qui semblaient promettre aux catholiques des temps calmes et heureux, ils ne jouirent pas longtemps de cette tranquillité. Les religionnaires avaient conçu le hardi projet de reprendre la ville de Nismes; un artisan se présenta au capitaine Saint-Cosme pour lui communiquer l'expédient qu'il avait imaginé. Il s'agissait de rompre une grille de fer qui était au pied des murailles, près de la porte de la Bouquerie.

 

La saison se trouvait favorable ; les nuits étaient longues et obscures, de manière que Maduron commença bientôt à mettre la main à l'œuvre. Il se glissa, vers minuit, dans le fossé, et lima le treillis, en divers endroits, avec une de ces limes qu'on appelle, en terme de serrurerie, limes sourdes. Il continua cette opération durant quelques Puits, avec cette attention particulière qu'il ne manquait jamais, en se retirant, de couvrir de cire et de boue les endroits limés. Enfin, les barreaux de fer' furent coupés en peu de jours au point qu'ils devaient l'être.

 

Ce fut donc la nuit du 14 au 15 de ce mois qu'on fit l'expédition. Saint-Cosme, à la tête de sa troupe et de quatre cents soldats, cavaliers ou arquebusiers, qui lui étaient venus de Privas et d'Aubenas en Vivarais, alla se poster, vers deux heures après minuit, dans des plants d'oliviers près de la Fontaine. Dès qu'ils furent tous rassemblés, le ministre Deiron, qui était à la suite de Saint-Cosme, commença à leur faire un discours, pour les exhorter à se signaler en cette rencontre. Il leur fit voir que du succès de cette expédition dépendait le recouvrement de leur liberté et de l'exercice de leur religion. Mais à peine avait-il entamé son sujet, qu'il parut tout-à-coup au milieu des airs une grande lumière qu'ils prirent pour mauvais augure, et qui les jeta dans la consternation. Le ministre n'oublia rien pour les rassurer ; il leur représenta que ce phénomène était au contraire la marque d'une faveur céleste, qui les invitait à marcher ; que le ciel se déclarait visiblement pour eux ; puisqu'il leur fournissait un guide, comme il avait fait autrefois envers les Juifs conduits par Moïse, lorsqu'il leur donna une colonne de feu pour signe et pour assurance de leur prochaine liberté. Il n'en fallut pas davantage pour dissiper la frayeur et ranimer le courage abattu de ces soldats. Le ministre fit la prière, comme c'en était l'usage parmi les religionnaires, avant que de commencer leurs entreprises militaires, et tous se disposèrent à marcher.

 

Alors Saint-Cosme prit avec lui une centaine de soldats, et s'avança vers la ville, après avoir donné ordre aux cavaliers et aux arquebusiers de défiler à petit bruit, et de venir se poster près de la porte des Prêcheurs, dès que trois heures sonneraient. Etant descendu dans le fossé, il fit incontinent abattre le treillis dont les barreaux ne tenaient presque à rien, et se coula avec ses soldats, ayant de l'eau jusqu'à la ceinture, sous le canal voûté de la Gau, d'où il se rendit dans le moulin.

 

L'heure indiquée étant bientôt survenue, Saint-Cosme sortit du moulin avec toute sa troupe, et se rendit à la laite à la porte des Prêcheurs. Il y avait 1e corps de garde, que les soldats religionnaires égorgèrent ; après quoi, ils enlevèrent les serrures de la porte, l'ouvrirent, et firent entrer toute la cavalerie. Ceux - ci coururent incontinent dans toutes les rues avec leurs trompettes, faisant un bruit épouvantable, afin de faire accroire qu'ils formaient une cavalerie nombreuse, et répandre un plus grand effroi parmi les habitants ; tandis que les arquebusiers allèrent dans les maisons enlever toutes les armes qu'ils y trouvèrent. Les catholiques effrayés se dispersèrent et se cachèrent où ils purent. Les uns, en grand nombre, se retirèrent vers la porte de la Bouquerie, vers celle des Prêcheurs, et près du château, dans l'espérance d'y trouver leur salut ou quelque secours ; les autres se réfugièrent dans les Arènes, dont ils fermèrent les portes avec des pierres à sec. Mais, d'un autre côté, Saint-Cosme détacha quatre-vingts soldats, commandés par de Possac, qui allèrent se poster près du château, où l'épouvante s'était déjà répandue, et l'investirent. Les maisons situées au voisinage servirent û loger tin grand nombre d'arquebusiers, qui de là faisaient un feu continuel sur ceux qui venaient chercher une retraite auprès du château : L'alarme fut d'autant plus générale dans la ville, que rien n'y avait transpiré sur ce complot. Les soldes religionnaires qui, dès le commencement de l'action, s'étaient répandus dans la ville, y firent partout des ravages considérables ; ils pillèrent et saccagèrent les maisons des principaux catholiques ; on en massacra plusieurs ; il y eut des prêtres et des religieux enveloppés clans le massacre. En voici le détail, tel qu'on le trouve dans un procès-verbal signé par Louise de Fons, épouse du marquis de Montpezat.

 

Le jour même de la prise de Nismes, huit religieux, effrayés des premiers désordres de cette journée, et craignant les suites de- l'orage, allèrent se réfugier le soir dans la maison de Jean de Fons, conseiller et garde des sceaux au présidial de. Nismes, située û la rue des Fourbisseurs. Quoique ce magistrat fût de la nouvelle religion, il reçut les religieux avec beaucoup de cordialité ; Il les fit cacher dans l'endroit le plus écarté de sa maison ; mais dès qu'ils y furent entrés, ces religieux, réfléchissant sur leur manque de courage honteux de leur faiblesse, sortirent, au nombre de sept, dans le dessein d'aller encourager les catholiques à persévérer dans leur foi ; mais à-peine étaient-ils sortis qu'ils furent enveloppés et égorgés pur les soldats religionnaires : leurs corps firent ensuite traînés dans la rue et jetés dans un puits. Les fureurs des religionnaires contre les catholique durèrent encore quelques jouas après la prise de Nismes.

 

Cette ville changea de nouveau de constitution. Il y arriva, en moins de deux jours plus de deux mille religionnaires des environs, qui s'y établirent. Mais il ne suffisait pas de s'être emparé de la ville, il restait encore le château et c'était un poste trop important pour ne pas faire les derniers efforts afin de s'en rendre maître : La garnison en soutint le siége avec vigueur pendant environ deux mois ; mais enfin le capitaine commandant, épuisé par la perte de ses soldats, et se voyant dépourvu de vivres et de munitions de guerre, fut contraint de capituler le lundi 30 janvier 1570, après avoir obtenu tous les honneurs de la guerre.

 

Saint-Cosme, gouverneur de Nismes, et le capitaine Bouillagues firent travailler avec une ardeur extrême aux fortifications de Nismes, car elle se trouvait environnée de places occupées par les catholiques, et il était de la dernière importance, pour la sûreté de ses habitants, qu'on s'y finît en défense contre les courses et les surprises du parti contraire. La garnison faisait de fréquentes sorties sur les troupes catholiques distribuées aux environs de cette ville.

 

Ces hostilités cessèrent pets de temps après, la paix fut conclue, Saint-Germain-en-Laye, au commencement du mois d'août de la même année, le nouvel édit de pacification accorda aux religionnaires le libre exercice de leur religion dans toutes les villes dont ils se trouvaient alors les maîtres ; outre cela, quatre places de sûreté, qui furent La Rochelle, La Charité, Cognac et Montauban. Mais quelques factieux de Nismes résistèrent à la paix; ils ne faisaient que fomenter le trouble et la division, ce qui obligea le maréchal de Damville d'y envoyer deux compagnies d'infanterie en garnison, afin d'y faire observer l'édit de pacification.

 

Attentif à maintenir dans une assurance et tranquillité réciproques les habitants de l'une et l'autre religion, le vicomte de Joyeuse envoya à Nismes le baron de Portes, pour y rassurer les esprits. Quelque temps après, le roi donna ordre d'ôter la garnison qui était dans Nismes ; par son attachement  à la nouvelle religion, cette ville fut choisie pour l'assemblée d'un synode national des églises réformées, cette assemblée termina ses séances le 15 mai 1572. On remarque le fameux Théodore de Bèze, disciple et successeur de Calvin, qui s'y distingua particulièrement.

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Version II
Les religionnaires surprennent la ville de Nîmes, 1569.

extrait de "Histoire de la ville de Nîmes".
Léon Ménard, 1760
livre seizième, pages 45 à 49



LI. -Les religionnaires surprennent la ville de Nîmes, pillent et saccagent les maisons des catholiques ; en massacrent un grand nombre et rétablissent l'exercice de la religion réformée. (an de J.-Ch. 1569.)
Ces entreprises n'étaient que le prélude de plus grands desseins. En effet, les religionnaires en avaient formé, pour reprendre leur autorité dans le pays, qui ne tardèrent pas à éclater. Vous voyons que, dès le commencement de ce mois de novembre, les fugitifs de Nîmes secondés par ceux de leur parti qui occupaient les principales villes du Haut-Vivarais, conçurent le hardi projet de reprendre la ville de Nîmes, à quelque prit que ce fût. La résolution en fut prise a Calvisson (1), où s'assemblèrent pour cela les principaux capitaines du pays.
Nicolas Calvière, connu sous le nom du capitaine Saint-Côme, fut chargé de l'exécuter. Sa bravoure lui avait acquis une réputation distinguée et on le crut très-propre il s'en bien acquitter. Ce n'était pas une médiocre entreprise, parce que la ville était toute remplie de catholiques et très-bien gardée. Mais le stratagème singulier dont s'avisa un charpentier, de Calvisson nommé Maduron, aplanit toutes les difficultés, et rendit aisée l'exécution du projet.
Cet artisan se présenta au capitaine Saint-Côme et lui communiqua l'expédient qu'il avait imaginé. Il s'agissait de rompre un treillis de fer (2) qui est au pied des murailles près de la porte de la Bouquerie.

(1) La Popeliniéra, histoire de France, livre 20 folio 146. De Thou, histor. lib. 46.
(2) Voyez tome 4 de cette histoire preuves journ. VII.

Ce treillis sert à faire entrer les eaux de la fontaine, qui, après avoir traversé la ville par un petit canal voûté en quelques endroits et découvert en d'autres qu'on appelle l'Agau, se dégorgent dans le fossé près de la porte des Carmes, et de là traversent la plaine et vont se jeter dans le Vistre. Maduron représenta que ce treillis étant une fois abattu, il serait facile de faire entrer par cette ouverture quelques soldats d'élite qu'on posterait dans un moulin, appelé Pesouilloux, qui était tout auprès dans la ville, à l'entrée de l'Agau , et dont le meunier était une personne de confiance sur la fidélité de qui l'on pouvait faire fond ; que de là les soldats se répandraient dans la ville et s'en rendraient aisément les maîtres.
La chose parut de difficile exécution à Saint-Côme, par l'extrême vigilance que les habitants apportaient à la garde de la ville. Mais comme l'artisan répondit du succès. Saint-Côme y donna les mains et le laissa faire. On avait cependant donné avis du projet de la prise de Nîmes aux religionnaires du Haut-Vivarais et on leur avait demandé du secours pour en seconder l'exécution. Ceux-ci firent partir incontinent de Privas et d'Aubenas deux cents chevaux, qui portaient chacun un arquebusier en croupe.
La saison se trouvait favorable. Les nuits étaient longues et obscures. De manière que Maduron commença bientôt à mettre la main à l’œuvre. II se glissa vers minuit dans le fossé et lima le treillis en divers endroits, avec une de ces limes qu'on appelle en termes de serrurerie, limes sourdes. Il continua son opération durant quelques nuits avec cette attention particulière qu'il ne manquait jamais, en se retirant, de couvrir de cire et de boue les endroits limés. Enfin. les barreaux de fer furent coupés en peu de jours au point qu'ils devaient l'être.
Ce fut donc la nuit du 14 au 15 de ce mois qu'on fit l'expédition. Saint-Côme à la tête de sa troupe et des quatre cents soldats, cavaliers ou arquebusiers, qui lui étaient venus de Privas et d'Aubenas en Vivarais, alla se poster, vers deux heures après minuit dans des plants d'oliviers près de la fontaine. Dès qu'ils furent tous rassemblés, le ministre Deiron, qui était à la suite de Saint-Côme, commença à leur faire un discours pour les exhorter à se signaler en cette rencontre. Il leur fit voir que du succès de cette expédition dépendait le recouvrement de leur liberté et de l'exercice de leur religion. Mais à peine avait-il entamé son sujet, qu'il parut tout à coup au milieu des airs une grande lumière qu'ils prirent mauvaise augure et qui les jeta dans la consternation. Le ministre n'oublia rien pour les rassurer ; il leur représenta que ce phénomène était au contraire la marque d'une faveur céleste , qui les invitait à marcher ; que le ciel se déclarait visiblement pour eux, puisqu'il leur fournissait un guide, comme il avait fait autrefois envers les Juifs, conduits par Moïse, lorsqu'il leur donna une colonne de feu pour signe et pour assurance de leur prochaine liberté. Il n'en fallut pas davantage pour dissiper la frayeur et ranimer le courage abattu de ces soldats. Le ministre fit la prière, comme c'en était l'usage parmi les religionnaires, avant que de commencer leurs entreprises militaires, et tous se dispos8rent à marcher.
Alors, Saint-Côme prit avec lui une centaine de soldats et s'avança vers ta ville après avoir donné ordre aux cavaliers et arquebusiers de défiler à petit bruit et de venir se poster près de la porte des Prêcheurs dès que trois heures sonneraient. Étant descendu dans le fossé, il fit incontinent abattre le treillis, dont les barreaux ne tenaient presque à rien et se coula avec ses soldats, ayant de l'eau jusqu'à la ceinture, sous le canal voûté de l'Agau, d'où il se rendit dans le moulin.
L'heure indiquée étant bientôt survenue, Saint-Côme sortit du moulin avec toute sa troupe, et se rendit à la hâte à la porte des Prêcheurs. Il y avait là un corps de garde que les soldats religionnaires égorgèrent. Après quoi ils enlevèrent les serrures de la porte, l'ouvrirent et firent entrer toute la cavalerie. Ceux-ci coururent incontinent dans toutes les rues avec leurs trompettes, faisant un bruit épouvantable, afin de faire accroire qu'ils formaient une cavalerie nombreuse et répandre un plus grand effroi parmi les habitants ; tandis que les arquebusiers allèrent dans les maisons enlever toutes les armes qu'ils y trouvèrent. Les catholiques effrayés se dispersèrent et se cachèrent où ils purent. Les uns en grand nombre se retirèrent vers la porte de la Bouquerie, vers celle des Prêcheurs et prés du Château dans l'espérance d'y trouver leur salut ou quelque secours. Les autres se réfugièrent dans les Arènes dont ils fermèrent les entrées avec des pierres à sec. Mais, d'un autre côté, Saint-Côme détacha quatre-vingts soldats commandés par de Possaque, qui allèrent se poster près du Château, où l'épouvante s'était déjà répandue, et l'investirent. Les maisons situées au voisinage servirent à loger un grand nombre d'arquebusiers qui de là faisaient un feu continuel sur ceux qui venaient chercher une retraite auprès du château.
Au reste, j'ai dit que l'entrée des soldats religionnaires dans la ville, se fit par le treillis de fer placé près de la porte de la Bouquerie. La plupart de nos écrivains supposent qu'elle se fit à l'extrémité opposée, c'est-à-dire par le treillis de la porte des Carmes, mais ils se trompent. Nous avons les preuves (1) les plus certaines de ce que j'en ai dit.
L'alarme fut d'autant plus générale dans la ville, que rien n'y avait transpiré de tout ce complot. On assurait néanmoins que le gouverneur Saint-André avait été averti à Aigues-Mortes, où il faisait sa principale résidence des desseins que les religionnaires avaient sur Nîmes ; mais on ajoutait qu'il avait méprisé ces avis, par l'impossibilité qu'il voyait à exécuter un aussi téméraire projet que celui de la prise de cette ville. en un temps où le parti n'avait presque point de troupes dans le bas-Languedoc.
Toutefois, Saint-André n'avait pas laissé de venir à Nîmes dès les premiers jours de novembre, afin de voir par lui-même tout ce qui s'y passait, et il s'y trouva le jour de l'exécution du stratagème. À peine l'eut-on averti du succès de cette entreprise et du ravage que les soldats de Saint-Côme exerçaient déjà dans la ville, que se réveillant en sursaut de cette profonde léthargie, où sa négligence l'avait jeté, il vit que le mal était sans remède et fut forcé de chercher son salut dans la fuite. Il marcha avec précipitation vers la porte de la Couronne, pour tâcher de se sauver, mais il ne put pas à cause que cette porte était tout investie de soldats religionnaires. De sorte que voyant qu'il ne pouvait éviter de tomber entre leurs mains, il aima mieux sauter du haut des remparts dans le fossé. Guillaume de la Gorce, seigneur de la Roque, lieutenant-lai du sénéchal et capitaine d'une compagnie de gens de pied de la ville, qui était avec lui (2), s'y jeta aussi ; mais celui-ci se tua, et resta sur le carreau. Pour lui, il se rompit une cuisse et fut hors d'état de se sauver. On le reconnut sur les sept heures du matin et il fut aussitôt transporté dans la maison du président Calvière. Quelques soldats religionnaires y accoururent sur le soir et le tuèrent d'un coup de pistole. Son corps fut jeté par les fenêtres et mis en pièce à la rue. Le peuple de la nouvelle religion ne l'aimait pas, parce qu'il était dur et sévère. Le capitaine Astoul, qui commandait dans le château, fut plus heureux que lui. Il avait couché hors de la ville cette nuit-là. Ayant, au premier bruit, ramassé quelques soldats dispersés, il trouva le moyen d'entrer dans le château par la porte du secours.
Cependant les soldats religionnaires qui dès le commencement de l'action s'étaient répandus dans la ville, y firent partout des ravages extrêmes. Ils pillèrent et saccagèrent les maisons des principaux catholiques.
Le plus grand nombre de ces derniers sortit à la hâte et se dispersa en diverses villes du voisinage. Mais on en massacra plusieurs, dont on fait monter le nombre (3) à cent ou six-vingts hommes. II y eut quelques prêtres et religieux enveloppés dans cette tuerie.

(1) Voir notes II.
(2) Voyez tome 4 de cette hist. journ. III.
(3) Mémoire de la troisième guerre civile livre 4, page 465 et suivantes. Voyez tome 4 de cette histoire preuves, journ. VII.

De ce nombre furent sept observantins qui s'exposèrent généreusement à la mort. Voici le détail de leur massacre, tel qu'un monument authentique (1) nous l'a transmis.
Le jour même de la prise de Nîmes, huit religieux de l'étroite observance, effrayés des premiers désordres de cette journée et craignant les suites de l'orage, allèrent se réfugier sur le soir, dans la maison de Jean de Fons, conseiller et garde des sceaux au présidial de Nîmes, située à la rue des Fourbisseurs et qui faisait face et avait issue en trois différentes rues. Quoique ce magistrat fût de la nouvelle religion, il avait dans tous les temps donnés des marques de son attachement pour leur ordre ; aussi reçut-il ces religieux avec beaucoup de cordialité. Il les fit cacher dans l'endroit le plus écarté de sa maison, afin de les dérober à la fureur des soldats. À peine furent-ils entrés dans cet endroit, que réfléchissant sur leur manque de courage et honteux de leur faiblesse, ils sortirent, au nombre de sept dans le dessein d'aller encourager les catholiques à persévérer dans leur foi. Étant dans la rue, ils commencèrent à faire des exhortations à ceux qu'ils trouvèrent sur leurs pas. Mais ils furent incontinent enveloppés et égorgés par les soldats religionnaires. Leurs corps furent ensuite trainés dans la maison même du conseiller de Fons et jetés dans le puits d'une cuisine basse qui était à main gauche, en entrant dans la cour par la rue des Fourbisseurs.
Le lendemain à cinq heures du matin, le conseiller de Fons les en fit retirer et on les inhuma secrètement dans un endroit de sa maison qu'on a toujours ignoré ; il défendit aussi chez lui de puiser ni de boire à l'avenir de l'eau de ce puits. D'un autre côté s'étant aperçu qu'il n'y avait que sept religieux et qu'il en manquait un huitième, qui était un frère-lai, il alla à l'endroit où il les avait fait cacher et il le trouva endormi. Il l'éveilla et lui apprit le sort de ses confrères. Ce bon religieux fondit aussitôt en sanglots et en larmes et témoigna bien du regret de n'avoir pas eu part à leur couronne. Le conseiller de Fons le garda encore quelque temps chez lui ; après quoi il le fit passer à Avignon.
Nous ne connaissons que quatre des religieux (2) qui furent enveloppés dans ce massacre, savoir : Balthasar Prat, gardien alors de ce couvent, natif de Briançon au diocèse d'Embrun ; Jean Chalvet, de Briançon aussi, cousin germain du gardien ; Guillaume Scoffre et Jean Landret. Les annalistes des Franciscains (3) placent mal à propos ce massacre au 11 de novembre, et l'accompagnent de circonstances fabuleuses.
La fureur des religionnaires contre les catholiques dura encore quelques jours après la prise de Nîmes. L'auteur des mémoires de la troisième guerre civile assure qu'il y eut alors quelques gens de robes de tués. En effet, nous savons qu'Antoine Rouverié, seigneur de Cabrières, avocat au présidial, fut attaqué (4) au milieu de vingt-cinq catholiques, à la place et au-devant de la Trésorerie par une troupe de deux cents religionnaires ; qu'il combattit vaillamment contre eux et qu'il reçut trente- cinq blessures, dont plusieurs se trouvèrent mortelles. On le porta dans la maison du président Calvière, où il mourut avec les témoignages d'une foi vive, ferme et constante.

(1) Preuves , titres I.
(2 Archives des récollets de Nîmes.
(3; Voir Not. Ill.
(4) Mém. mss. du temps

Catherine de Parades, sa femme, se retira à Avignon avec ses enfants. On l'avait dépouillée de tous ses biens. Les religionnaires la pressèrent d'embrasser leur parti ; mais elle le refusa avec fermeté. Le cardinal d'Armagnac, collègue du cardinal de Bourbon dans la légation d'Avignon, l'assista puissamment et lui fit donner une pension de huit cents livres, dont elle jouit pendant quelques années. Ensuite à la faveur d'une paix générale, elle fut rétablie dans ses biens. Antoine Rouverié exerçait par commission l'office de juge royal-ordinaire de Nîmes, dont Robert le Blanc, seigneur de la Rouvière, avait été dépouillé, comme impliqué dans les désordres de la Michelade.
C'est ici qu'il faut encore placer le massacre de l'avocat Robert des Georges, seigneur de Taraut, et non point en l'année 1567 au jour de la Michelade, ainsi que (1) quelques-uns l'ont avancé. Celui-ci s'était si ouvertement déclaré dans toutes les occasions l'ennemi des religionnaires, qu'ils le choisirent alors pour être du nombre des principales victimes qu'ils immolèrent à leur vengeance.
Enfin , la prise de la ville de Nîmes fut accompagnée de quantité d'autres excès que les religionnaires commirent contre les catholiques. Ils firent plusieurs prisonniers, qui ne purent recouvrer leur liberté qu'en donnant des sommes excessives pour leur rançon. Ils firent un butin considérable. On assure qu'ils trouvèrent (2) dans la ville plus de seize mille charges de blé, une grande abondance d'huile et quantité de laines, de draps et de toutes sortes de marchandises.
Alors la ville changea de nouveau de constitution. Il y arriva en moins de deux jours plus de deux mille religionnaires des environs qui s'y établirent.
D'un autre côté, ceux qui avaient été contraints de quitter Nîmes, y revinrent incontinent en foule. On y rétablit l'exercice de la religion réformée et les choses furent remises sur le même pied qu'elles avaient été par le passé ; on répara le temple que les catholiques avalent brisé et l'on y fit des augmentations et des ornements considérables.

(1) Filleau. décis. cathol. page 50.
(2) Perussis, disc. des guerres du comtat Venaissin, première partie.

LII. - Ils forment le siège du château. Saint-Romain y vient avec des troupes pour cet objet. (An de J.-Ch. 1569.)
Il ne suffisait pas au parti de s'être emparé de la ville. Le château (1) n'était point en son pouvoir, et c'était un poste trop important pour ne pas faire les derniers efforts à ce sujet et travailler à s'en rendre maitre. On en forma donc le siège le 16 de ce même mois de novembre. Jean de Saint-Romain, seigneur de Saint-Chamond, auparavant archevêque d'Aix, qui avait été envoyé par les princes de Navarre et de Condé pour commander en leur absence au pays de Languedoc, vint (2) à Nîmes pour cela, avec des troupes nombreuses.

(1) Le château était à cette époque situé au niveau de la porte Auguste, après sa démolition on donnera le nom de Place du château sur son ancien emplacement.
(2) Mémoire de la troisième guerre civile, livre 4, page 465.

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