INONDATIONS À NÎMES

Photo Georges Mathon, octobre 1988.


LES INONDATIONS DE NÎMES PAR ADOLPHE PIEYRE
de 1843 à 1868
Extrait de l’Histoire de Nîmes, T1, 2 et 3.
de Adolphe Pieyre, 1886
 
NDLR : Cet extrait du texte de Pieyre se veut le plus exhaustif possible sur cette période. Quelques oublis ayant pu se glisser dans la relecture de ses 3 tomes, ils seront corrigés au fur et à mesure des nouvelles trouvailles.
Les renseignements donnés dans son Histoire de Nîmes concernant diverses inondations survenues dans la région n’ayant aucune relation avec celles de Nîmes, n’ont pas été repris dans le texte qui suit.

 
1843 - T1 – pages 176 à 177
Le mois d'octobre 1843 fut marqué par des pluies torrentielles qui provoquèrent une crue de tous les cours d'eau de la région. Le Rhône monta démesurément. Heureusement, les digues que l'on avait reconstruites à la suite des désastres de 1840 et 1841 résistèrent mieux à l'action des flots , et les malheurs que l'on pouvait craindre furent évités en partie.
A Nîmes, la Fontaine grossit au point qu'on ne pouvait comparer cette crue extraordinaire qu'à celle de 1827 (1). Le Cadereau s'enfla également dans des proportions extraordinaires et se répandit dans la plaine qu'il submergea. Il ne résulta pas de grands dommages de cette inondation presque subite ; les travaux du chemin de fer en construction de Nîmes à Montpellier eurent seuls à souffrir et furent interrompus pendant quelques jours.
 
(1) Baragnon dans son abrégé de l’Histoire de Nîmes, ne signale rien de spécial sur Nîmes pour l’année 1827, tout au plus signale-t-il le débordement du Rhône, celui-ci ayant envahi Roquemaure.
 
1844 – T1 – Page 180
Des pluies torrentielles vinrent encore à la fin du mois d'octobre ravager plusieurs points du département. Le Gardon, la Cèze, le Vidourle sortirent de leur lit, ravageant tout sur leur passage.
À Nîmes, des orages d'une violence inouïe éclatèrent à plusieurs reprises, et état particulier à noter : ces orages furent surtout des trombes électriques.
Un de ces météores (foudre) jeta la consternation dans une ville voisine. A Cette(Sète), le 22 octobre, dans l'après-midi, on entendit un grondement terrible qui dura environ deux minutes. Subitement les toitures de la ville volèrent en éclat, projetées au loin. Des maisons à quatre étages furent rasées. Dans presque tous les appartements, les cloisons furent détruites, les croisées arrachées et brisées. A ce phénomène vint s'ajouter un terrible raz-de-marée qui culbuta et coula une grande partie des bateaux qui étaient dans le port. Il y eut environ cinquante morts et un grand nombre de blessés. De mémoire d'homme, on n'avait entendu parler de désastre semblable.
 
1859 – T2 – Pages 293-294
Le vendredi 3 juin, le ciel réservait à notre ville un véritable désastre. Vers huit heures du matin, une trombe d'eau s'abattait sur Nîmes et son territoire, principalement dans le bassin dont la route d'Uzès occupe le fond. Une masse d'eau, qui fut évaluée à trente-six centimètres tomba pendant quatre heures et descendant de toutes les collines environnantes s'accumula à Calvas. En un clin d'œil, le cadereau d'Uzès grossit démesurément et devint un véritable fleuve qui s'engouffra dans le faubourg d'Uzès (quartier Richelieu). Les maisons furent envahies par les eaux jusqu'à une hauteur de un mètre, et demi, et les rues se changèrent en torrents, charriant des troncs d'arbre, des instruments aratoires, des animaux domestiques (1).
Trois personnes surprises par l'inondation au chemin d'Uzès furent entrainées et roulées jusqu'au chemin d'Avignon ; mais les secours furent immédiatement organisés, et on eut le bonheur de les retirer vivantes encore. Tout le monde s'y mit. La garnison, les élèves de l'Assomption, de courageux citoyens, dirigés par les autorités, se portèrent sur les lieux et eurent la bonne fortune de sauver tous ces malheureux menacés de périr. Il n'y eut à déplorer aucune mort d'homme.
L'aspect de ce faubourg populeux était véritablement lamentable et lorsque les eaux se furent retirées on put juger de l'étendue du désastre. Le maire, M. Duplan, prodigua les premiers secours et organisa sur le champ une souscription pour venir en aide à ces infortunées victimes.
C'était un spectacle assez rare que de voir l'eau arriver eu telle abondance dans notre ville au point de compromettre la sécurité de ses habitants ou de détruire leurs biens et leurs outils. On cite ces évènements dans le cours de notre histoire locale, alors qu'au contraire on se plaint à peu près constamment de la sècheresse et qu'on s'efforce de conjurer ce fléau véritable.
 
(1) Ménard cite plusieurs inondations semblables, particulièrement le 20 août 1399, en 1403 et le 9 septembre 1557. On connaît à cet égard le quatrain de Nostradamus, dans sa centurie 10, quatrain 6 :
Gardon, Nyme, (a) eaux si hault desburderont.
Qu'on cuidera Deucalion renaistre.
Dans le colosse (b) la plupart fuiront
Vesta, sépulcre, feu esteint à paraistre.
C'est probablement de celte époque que date le dicton populaire : Qué Nimé périra pa qué per lis aigua.
 
1862 – T2 – Page 328
Le vendredi 21 novembre vers onze heures du soir, Nîmes ressentit une secousse de tremblement de terre à la suite duquel éclata un orage terrible comme on en voit peu dans cette saison. La pluie tombait à torrents, la grêle, la foudre et le vent firent rage pendant de longues heures. Toute la région ressentit les effets de cet ouragan qui grossit démesurément tous les cours d'eau des environs et particulièrement le Vidourle. Les voies ferrées furent endommagées, les poteaux télégraphiques renversés, et sur la côte furent signalés de nombreux sinistres maritimes.
 
1863 – T2 – Page 336
Comme en 1859 une trombe d'eau s'abattit le 29 octobre sur le territoire et particulièrement dans la cuvette naturelle qui porte le non de Font-Calvas. Des dégâts purement matériels signalèrent le passage des eaux dans le faubourg d’Uzès, qui fut de nouveau transformé en torrent impétueux. Mais toutes les précautions avaient été prises pour éviter une catastrophe. Sur un autre point cependant, on avait à déplorer un malheur. On sait qu’il existe à Saint-Césaire deux puits qui à l'époque des grandes eaux débordent et forment chacun un ruisseau. Ces deux cours d’eau traversent la route de Montpellier sur deux points différents et vont se réunir à l'entrée du chemin du moulin Vedel qu'ils longent ensuite jusqu'au Vistre. Ce torrent , démesurément grossi par l'énorme quantité d'eau qui n’avait cessé de tomber pendant plusieurs heures, sortit de son lit et submergea la route et les terres qui le bordent. À ce moment des personnes montées sur une charrette s'efforçaient, venant du mas Sanier de gagner Saint-Césaire ; mais le courant violent eut bientôt fait de culbuter le véhicule et d'entraîner les malheureux. Quatre d'entre eux, dont une jeune fille furent assez heureux pour s'accrocher aux vignes et regagner à travers mille dangers la terre ferme. Mais deux, les nommés André Roux, du mas Sagnier, et Hippolyte Michaud, de Saint-Césaire, perdirent la vie.
Il fallut sur un autre point de notre plaine, à Caissargues, envoyer deux canots pour procéder au sauvetage de trois hommes qui s'étaient engagés trop avant sur la chemin de Saint-Gilles et que les eaux menaçaient d'engloutir.
De tous côtés, on signalait des accidents de même nature, des désastres dont la campagne avait à souffrir. Les plus modestes ruisseaux étaient transformés en rivières impétueuses, renversant tout sur leur passage. La trombe de 1859 n'avait porté ses ravages que sur une partie du territoire, celle de 1863 le couvrit presque en totalité.
 
1868 – T3 – Pages 7-8
Pendant que la municipalité s'efforçait dans la mesure du possible de hâter l'heure où Nîmes pourrait braver la sécheresse, le ciel y mettait enfin un terme. Le samedi 12 septembre, un épouvantable orage se déchainait sur la ville transformant nos torrents en rivières furieuses. Les cadereaux d'Uzès et d'Alais (Alès) subirent une crue formidable. Ce dernier, grossi encore par le tribut que lui apporte l'évent (1) par où s'échappe au moment des fortes crues de la Fontaine le trop-plein des réservoirs souterrains de la source, devint d'une violence extrême. À ce moment trois enfants, les nommés Drurie, l'aîné âgé de seize ans et le plus jeune de neuf ans, se rendaient à un mazet où leurs parents les attendaient. Ils durent traverser le torrent après le cimetière protestant ; l'aîné tenta l'aventure en portant le plus jeune sur ses épaules, mais ayant trébuché, il fut entraîné avec son fardeau et les deux enfants périrent noyés.
 
(1) Cet évent est placé dans une vigne situé au pied d’un rocher à pic, à trois cent mètres en amont du cimetière protestant.