LA FONTAINE DE NÎMES.
Par M. Igolen,
Mémoires de l’Académie de Nîmes, 1945
Aménagement de la Fontaine au XVllle siècle.
Création du jardin de la Fontaine actuel.

 
Au commencement du XVIIIe siècle, le problème de l'alimentation en eau de notre ville, tant pour les besoins de la population que pour ceux de l'industrie, devint une des principales préoccupations de la municipalité, à cause du peu de rendement de la Fontaine et de l'accroissement du nombre de ses habitants.
 
A cette époque, les eaux de la source se trouvaient retenues dans leur bassin par une digue romaine que l'on avait autrefois rehaussée d'environ six pieds, et ne pouvaient s'écouler travers celle-ci que par une ouverture d'un pied carré, appelée « boudoux » ; d'autre part, tout le pourtour de la source était encombré de vase et ode débris de toutes sortes jusqu'à la hauteur de ce dernier : il en résultait qu'en été l'eau ne s'écoulait plus du bassin, que l'insalubrité de la ville était des plus grandes et constituait un danger public.
 
En 1719, l'ingénieur Clapier; préoccupé de l'alimentation en eau de la ville, avait démontré que la source était à un niveau assez élevé pour pouvoir être utilisée, mais aucune suite n'avait été, donnée à cette constatation.
 
Pendant la tenue des Etats Généraux de la Province de Languedoc, en décembre 1730, le corps des marchands. et fabricants, de concert avec la ville, avait présenté à cette assemblée un mémoire pour en obtenir les secours nécessaires à l'excavation du bassin de la Fontaine ; mais aucune suite ne fut donnée au désir précité.
 
 
Les choses en étaient là, quand le 19 juillet 1738, la ville décida de faire nettoyer le bassin de la source et de remettre en état, les anciens canaux qui distribuaient les eaux de la Fontaine dans. Nîmes. M. Guiraud, ingénieur du roi, chargé des travaux à exécuter, fit nettoyer le creux de, la source et découvrit successivement la digue romaine, qui séparait celle-ci du Nymphée, les anciens murs entourant la source deux des marches demi-circulaires de la plate-forme des hémicycles et les pieds droits de l'antique pont romain à trois arches. Au cours de ces travaux, il comprit :
 
1° que la superficie ordinaire et naturelle de la Fontaine à l'époque romaine était le dessus et le nom le pied droit de la digue fermant le bassin de la source :
 
2° que les Romains avaient édifié celle-ci en toute connaissance de cause, c'est-à-dire sans crainte d'aucune suite fâcheuse dé la part de la surcharge de la source :
 
3° que les marches demi-circulaires de la Plate-forme des hémicycles à hauteur de la digue prouvaient. que le bassin, était toujours plein.
 
A la suite de circonstances que nous ne pouvons raconter ici, un autre ingénieur fut désigné pour continuer les travaux de la Fontaine et ce fut l'ingénieur, Clapier qui fut chargé de les poursuivre.
 
Clapier se proposait de faire disparaître tout ce qui restait des monuments antiques et, pour augmenter le débit insuffisant de la source. de construire un réservoir, tout près du Temple de Diane, qui serait alimenté par l'eau de puits voisins. Au cours des travaux qu'il entreprit, on découvrit les assises du Nymphée de l'époque romaine.
 
Nymphée en 1738, avant sa restauration.
 
Mais Clapier venant à mourir, les travaux furent arrêtés, et une foule de projets s'élevèrent de tous les points de la Province.
 
Nymphée après la restauration de Mareschal.
 
C'est alors que le roi nomma M. Mareschal pour reprendre les travaux de la Fontaine. Mareschal, officier d'infanterie, directeur des fortifications de la Province de Languedoc, ne retint aucun des projets soumis à son examen ; s'inspirant toutefois des projets de MM. Guiraud et Dardailhon, il. établit le sien et chargea M. Dardailhon d'en surveiller l'exécution.
 
Le projet conçu par Mareschal ne comprenait pas seulement l'aménagement de la source en vue d'un plus grand rendement, mais il envisageait encore la création d'un jardin autour du bassin de la Fontaine et la transformation complète de la colline de la Tour Magne qui était alors complètement dénudée.
 
C'est ce projet, mais modifié quant à la transformation de la colline de la Tour Magne, qui nous a donné, en 1753 le jardin de la Fontaine tel qu'il est encore aujourd'hui.
 
Dans ses grandes lignes, le projet Mareschal comprenait :
 
1° la création de bassins réservoirs, d'un canal, d'une porte principale et d'un entourage de la source
 
2° la création d'une plateforme avec rond-point, dans l'axe du canal projeté, entre le grand bassin établi à l'Ouest et le Cadereau de la route d'Alès, complétée par des escaliers et des rampes monumentales, une statue équestre de Louis XV et un grand mur décoré, clôturant le jardin le long du Cadereau :
 
3° la transformation de la colline de la Tour Magne par la création de cinq grandes terrasses superposées, auxquelles on devait accéder par des escaliers et des rampes comprenant des centaines de mètres de balustrades ; cet aménagement comportait des surfaces considérables de murs de soutènement, ornés de colonnes, de pilastres, de chaînes, de cordons ; le tout devait enfin être orné de vases et de statues et surmonté par un pavillon ; à dôme élevé au-dessous de la Tour Magne ;
 
4° la création de bassins de teinture et de lavage sur l'Agau pour les besoins de l'industrie. ;
 
Ce vaste projet amorçait encore les rues Saint-Dominique et des Tilleuls, l'Avenue de Camargue, prévoyait des quais le long du canal, et faisait obligation aux propriétaires riverains de la Fontaine de se plier aux indications architecturales imposées par le plan d'ensemble : c'est à dire établir leurs immeubles symétriques avec consoles et balcons.
...en s'approchant de la source, le voyageur remarqua, â droite, une série de constructions neuves qui lui avaient tout d'abord échappé, un talus adossé à un mur non crépi, une balustrade malencontreuse et au-dessous une lourde cascade en rocaille. Son humeur, qui s'était rassérénée, rebouillonna. Ce n'est pas beau, fit-il. Oh, Monsieur, expliqua le garde, c'est au contraire admirable !
Figurez-vous qu'à la place il y avait autrefois un rocher à pic, énorme, avec une grande dépression herbeuse au bas, et dans cette dépression des choses bizarres, comme une sorte de fossé avec des gradins en rocailles et des arbres entremêlés. Les savants de notre Académie croient que c'étaient les débris d'un cirque romain taillé dans la colline...
 
 
Ça n'avait aucun intérêt. Alors on a proprement enfoui tous ces débris et la dépression avec, et on a fait ce beau talus en pente douce, cachant même le sommet du Grand Rocher sur lequel on a mis cette jolie cascade...
Extrait de Nîmes Demain par le Docteur E. Mazel, 1894
 
Maquette du Théâtre de la Fontaine au moment de sa mise à jour, milieu XIXe. Réalisation Auguste Pelet.

Le projet Mareschal, tel qu'il fut définitivement exécuté, ne conserva pas exactement le plan antique des abords de la source, découvert lors des fouilles de l'ingénieur Clapier.
 
Pour ne pas surcharger la source, Mareschal maintint le pont batardeau que les Romains avaient construit pour retenir les eaux du bassin,
 
 
mais il refit celui-ci à deux arches au lieu de trois qu'il avait primitivement ; le Nymphée antique fut conservé dans ses grandes lignes, mais ses colonnes furent rapetissées, le styloblate fut surélevé, la jolie frise antique copiée sans soins et sans respect et les fragments des colonnes décoratives perdues ; à la place du piédestal de la statue de l'empereur romain, dont on avait retrouvé un doigt doré, on érigea sur un socle une « Nymphe à la Cruche »,  oeuvre du sculpteur Raché, heureusement entourée de vases, et de groupes décoratifs dus au sculpteur Larchevêque et qui ont contribué largement à la réputation de l'ensemble ; les moëllons extraits des substructions antiques servirent à édifier le développement colossal des murs de soutènement, etc...
Signalons que les termes gainés en marbre, les vases sculptés et les statues en marbre qui ornent les bords du Nymphée furent transportées en 1747 du château de la Mosson, près de Lunel (le château de la Mosson est près de Montpellier).
.
 
Ces 4 statues à l'origine en marbre sont des copies dont les originaux sont attribuées à Nicolas-Sébastien ADAM, Nancy 1705, Paris 1778.  
Les modèle en place à la fontaine ne sont que des reproductions creuses moulées, les copies marbre seront déposées, après restauration, au Musée des beaux-arts en 2000.
 
Enfin pour accommoder au goût français la ruine romaine remaniée, on créa l'admirable jardin actuel autour de la source.
 
Rappelons, pour terminer, que l'aménagement de la colline de la Tour Magne n'eut lieu qu'au cours du XIXe siècle et fut l’œuvre combinée du préfet d'alors, M. d'Haussez, et du maire de Nîmes, M. Cavalier : c'est ce qui explique que cette colline est désignée parfois, par les uns, Mont d'Haussez, et, par les autres, Mont Cavalier.
 
-oOo-

Description de la Fontaine de Nîmes par M. Igolen de l’Académie de Nîmes, 1945.
> I – Plan d’écoulement des Eaux de la Fontaine
> II – A l’origine & Sous l’occupation Romaine
> III – Après la dévastation par Charles Martel
> IV – Au Moyen Age
> V – Au XVIIIe Siècle & Après la démolition des remparts
> VI – Utilisation des eaux et Moulins sur le canal de la Fontaine
> VII – Les moulins situés à l’intérieur de la ville
> VIII – Les moulins établis sur les fossés des fortifications
> IX – Les moulins à la sortie de la ville
> X – Les ponts de Nîmes
> XI – Aménagement de la fontaine à l’époque Romaine
> XII – Aménagement de la fontaine au XVIIIe Siècle
 
> Contact Webmaster