LA FONTAINE DE NÎMES.

Par M. Igolen,

Mémoires de l’Académie de Nîmes, 1945

 

 

Aménagement de la Fontaine au XVIIle siécle.

 

Au commencement du XVIIIe siècle, le problème, de l'alimentation en eau, tant pour les besoins de la population que pour ceux de l'industrie, devint une des principales préoccupations de la municipalité d'alors.

 

Il serait superflu de rappeler ici, à ce sujet, les expériences entreprises à la Fontaine par l'ingénieur Clapié, en 1719, les rapports des consuls, en 1725, l'adresse du Corps des Marchands et des Fabricants de Nîmes au Gouverneur de la Province de Languedoc, Ies premiers travaux exécutés en 1731, etc…etc... Qu'il nous suffise de dire qu'au cours des travaux entrepris on trouva les constructions de la plupart des monuments romains qui entouraient la Source de Némausus et qu'on put ainsi reconstituer l'aspect de la Fontaine à l'époque romaine.

 

L'aménagement de la Fontaine, terminé en 1753, changea complètement les alentours de la source,  on démolit trois vieux moulins qui se trouvaient l'un entre la source et le Nymphée, l'ancien Moulin de l’Abesse, le deuxième, un peu en aval du Nymphée et sur sa droite, l'ancien Moulin d'Albenas, le troisième enfin, à environ 80 mètres du précédent, l'ancien Moulin Cavanhac ou Rey.

 

Cet aménagement modifia complètement le cours du ruisseau de la Fontaine de la source au Square Antonin actuel, on rétablit le bassin de la source tel qu'il était à l'époque romaine, on reconstruisit le Nymphée à peu près tel qu'il était à l'origine, on créa le bassin situé actuellement en aval du Nymphée, les grands canaux et les deux grands, bassins dans lesquels se déverse les eaux des dits canaux, le canal enfin qui aboutit au Square Antonin, où les eux de la Fontaine disparaissent sous terre, en un ­mot, on aménagea la Fontaine telle que nous la voyons encore aujourd'hui. Mais rien ne, fut changé à l'écoulement des eaux par, l'Agau et les fossés des remparts.

 

En 1781, la création des rues Roussy et Monjardin amena la construction d'un quai le long de la partie du canot de la Fontaine, occupée actuellement par l'Avenue Carnot, ce quai prit le nom de Quai Roussy, du nom du propriétaire qui avait cédé le terrain pour la création des rues précitées.

 

Après la démolition des remparts du Moyen-Age.

 

Après la démolition des remparts du Moyen-Age, au cours de la Révolution de 1789, les fossés ayant disparu, les eaux de la Fontaine ne s'écoulèrent plus que par l'Agau, qui continua à couler à découvert à travers la ville du Square Antonin à la Porte d'Auguste.

 

Ce ne fut qu'en 1832 qu'il fut recouvert en partie, de la Place du Château à la Rue des Lombards.

 

Au cours des travaux entrepris à cet effet, on découvrit, tout au long de la partie à recouvrir, à un mètre au-dessus du fond du lit de l'Agau, un pavé construit en grandies dalles de Roquemaillère, ayant 3 mètres de longueur, 0m70 à 0m80 de large sur 0m25 à 0m30 d'épaisseur, généralement taillées en forme de trapèze et juxtaposées de manière à ne permettre aucune infiltration à travers leurs joints.

 

Au-dessous de ces dalles, assises dans un ciment très dur de chaux et de sable, épais de 0m30, il s'est trouvé un aqueduc demi-circulaire dont les voussoirs avaient 0m40 de haut, il était construit avec beaucoup de soins en pierres dures, sa largeur était de 2m50 sur une hauteur de 1m48, il était pavé de grandes pierres de taille pareilles à celles qui le recouvraient.

 

On remarquait sur les dalles découvertes des  traces assez profondes de roues, éloignées entres elles de 1m47, largeur prise au milieu des deux ornières.

 

L'aqueduc qu'on venait ainsi de découvrir n'était autre que la « Cloaca Maxima » de l'époque romaine, aménagé sous la Voie Domitienne.

 

Certaines dalles formant le pavé de cette voie étaient percées d'un trou rond qui communiquait à l'égout placé au-dessous, ces trous avaient 0m40 de large, ils servaient probablement de passage aux esclaves chargés de nettoyer cet égout, tous les quarante mètres il existait un de ces trous.

 

De 10 mètres en 10 mètres, il y avait aussi, des deux côtés de la voie, des trous carrés de 0m20 pour l'écoulement des eaux de la rue dans l'aqueduc, aucun d'eux ne portait des traces de scellement d'une grille.

 

En 1831, à la suite d'une épidémie de choléra, la municipalité fit couvrir les deux petits ruisseaux signalés plus haut, au quartier des Calquières, allant déverser leurs eaux dans le bassin de la Place de l"Ecluse.

 

En 1836, le troisième ruisseau partant de l'extrémité sud est du Boulevard Amiral Courbet et suivant le trajet jalonné par l'impasse et la Rue Randon, fut comblé à son tour.

 

En 1876, l'Agau fut recouvert de la Rue des Lombards au Square Antonin.

 

Depuis lors, les eaux de la Fontaine de Nîmes s'écoulent souterrainement à travers la ville depuis le Square Antonin à la Porte d'Auguste, comme à l'époque romaine, sous la Rue Nationale, l'antique Voie Domitienne, qui allait de la Porte d'Auguste au forum.

 

En 1881, l'Agau qui coulait encore à découvert au Quai Roussy, fut recouvert et on put ainsi créer la belle Avenue Carnot actuelle.

 

Aujourd'hui, les eaux de la Fontaine, coulent souterrainement du Square Antonin au Boulevard Natoire, de là, à travers la plaine de Nîmes, elles vont se jeter dans le Vistre, à 500 mètres environ au Sud Ouest du Moulin Gazay.

 

Pour compléter cette étude sur l'écoulement des eaux de la Fontaine, nous signalerons que M. Mazauric, dans son « Histoire du Château des Arènes  a écrit :

« A l’époque carolingienne, tout le quartier situé entre la Grand'Rue actuelle et le Boulevard Amiral Courbet n'était qu'un immense terrain nivelé que les eaux de la Fontaine avaient transformé en une vaste prairie. Il était arrosé par un canal à ciel ouvert qui portait, au XVIIe siècle, le nom de « grun » et se détachait de l'Agau à hauteur de la Rue des Lombards, traversait la Rue des Ecluses, la Place Belle-Croix et venait se perdre dans le fossé du rempart. »

 

Sur ce canal, et au milieu de la Place Belle-Croix, se trouvait un pont pour le franchir, appelé « Pont Garidel », dont nous trouvons le nom « supra pontem GarideIli », dans un règlement de 1270, cité par Ménard (Histoire de Nîmes, T. I., pr., p. 93).

 

Quant à la Rue des Écluses, citée par M. Mazauric, nous n'avons pu l'authentifier, au cours de nos recherches sur le Vieux-Nîmes. Ne serait-elle pas la Rue des Esclafidoux ? la Rue Xavier Sigalon actuelle ?

 

Le mot « esclafidoux » est en effet un vieux nom signifiant en langage vulgaire « ouverture par laquelle s'écoulait l'eau d'un bief de moulin » - « esclafitador molendini » c'est-à-dire, suivant Ménard (T. 1. Glossaire, p. 240), l'endroit d'un moulin à eau où la chute et la fuite des eaux. Entre le mot écluse et le mot esclafidou il semble que la différence n'est pas bien grande, d'autre part, la situation de la Rue des Ecluses, de M. Mazauric et celle des Esclafidoux paraissent convenir aussi bien l’une que l'autre au passage du grun, c'est pourquoi nous pensons que la Rue des Ecluses précitée pourrait très bien être la Rue Xavier Sigalon actuelle.

 

Au sujet du grun, il semble qu'il faut voir en lui, la trace de l'égout qui traversait la Grand'Rue en son milieu, de la Place Belle-Croix à la Place de la Salamandre et qui fut recouvert en 1744 seulement. Suivant Ménard (T. VI., p. 593) « la Grand'Rue se trouvait alors extrêmement défigurée et embarrassée vers le milieu par un aqueduc ou égout extérieur où s'écoulaient les eaux et les immondices de tout le quartier. Cet égout faisait de cette rue la plus large de la ville la plus étroite et la plus incommode, dangereuse même pour les voitures. »

 

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