LES AUGUSTINS.
par l'abbé Goiffon, 1875.
 
Extrait d'un plan de Nîmes au XVIIIe siècle par Igolin
 
Vers le douzième siècle parurent dans l'Église diverses communautés d'Ermites vivant sous la règle de saint Augustin et prétendant même avoir pour fondateur ce saint évoque qui avait en effet créé une communauté avant son élévation à l'épiscopat. Ces diverses branches furent réunies en un seul Ordre religieux et en une seule Observance par une bulle d'Alexandre IV, datée du 9 avril 1256, Cette bulle mit la congrégation sous l'autorité d'un supérieur général et la reconnut comme Ordre-mendiant. La règle des Augustins est un peu moins sévère que celle des autres Ordres précédemment établis ; la pauvreté n'y est pas aussi strictement prescrite ; ces religieux peuvent posséder en commun des biens et des revenus. C'est pour cette raison, et aussi parce qu'ils étaient les derniers venus, que le pape saint Pie V les plaça au quatrième rang, c'est-à-dire après les Dominicains, les Franciscains et les Carmes.
 
COMMENCEMENTS DU COUVENT DE NIMES.
 
Dès qu'ils eurent été approuvés par Alexandre IV, les Augustins se répandirent rapidement dans diverses localités de l'Europe ; ils s'établirent à Nîmes en 1352 ou 1353. La ville les reçut avec joie et les aida à construire leur église et leur monastère, hors des murs, au-dessous de l'Esplanade, et tout près de la maison des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Ce premier établissement démoli au XVIe siècle, occupait,.croyons-nous, à-peu-près l'emplacement où se trouve aujourd'hui (1875) la maison des Dames de Saint-Maur. La porte de la ville la plus rapprochée du couvent pris dès lors le nom de porte des Augustins.
 
Les travaux de construction marchèrent vite ; ils étaient terminés en 1363, puisque celte année-là, le couvent put être le heu de réunion d'un Chapitre provincial, à l'occasion duquel les Religieux firent, le 18 octobre, une procession solennelle. Les Consuls assistèrent à cette cérémonie et la ville donna aux Religieux douze florins et demi, en considération de la dépense extraordinaire que devait leur causer la tenue de ce Chapitre.
 
En avril 1383, ce fut un Chapitre général qui fut tenu dans la chapelle du couvent de Nîmes. Pour aider les Religieux à l'entretien des frères de l'Ordre rassemblés pour ce Chapitre, la ville leur fit présent, le 27 de ce mois, de huit setters de tozelle, d'une pièce de vin et de quatre francs en argent ; en même temps, on leur demanda des prières pour la prospérité du Roi et pour la paix et la tranquillité de la ville.
 
Les Augustins ne furent pas oubliés dans le testament de Geoffroy Paumier, le bienfaiteur de tous les établissements nîmois, Paumier, originaire de Bretagne, était depuis longtemps chargé dans le midi du royaume des emplois les plus élevés ; il mourut le. 26 juin 1392. Le 24 février suivant, un accord fut fait entre ses exécuteurs testamentaires et les Religieux Augustins. Un jeune homme de Nîmes, pauvre, désirait embrasser la vie religieuse chez les Augustins ; il reçut à cet effet trois francs d'or et la communauté eut vingt-six francs d'or à employer en achat de livres, a charge d'un anniversaire perpétuel pour le repos de l'âme du testateur Cet acte nous apprend que le couvent comptait alors dix religieux Capitulants, parmi lesquels un Lecteur ou Professeur ; le Prieur se nommait Pierre de Cabanes.
 
Dix ans après, vint habiter Nîmes un Augustin, maître en théologie, célèbre par son savoir ; pour honorer la célébrité de son nom et pour répondre à l'affection générale des habitants qu'il sut conquérir, dès son arrivée, les Consuls le traitèrent à Régal des plus hauts personnages et lui firent présent d'une pièce de vin et de deux flambeaux.
 
Les Augustins avaient pris une large place dans le cœur des nîmois et leur église, par suite de la confiance qu'on avait en eux, jouissait du droit d'asile; aussi, afin d'éviter des abus, le Sénéchal Guillaume Saignet fit-il changer l'emplacement des prisons, en 1418. Jusqu'alors elles avaient été attenantes au mur de la ville, en face du couvent des Augustins ; la faible distance à parcourir favorisait les évasions ; on les transporta de l'autre côté du Palais de justice. Ce droit d'asile n'était pas le seul privilège concédé aux Augustins; divers monuments anciens nous les représentent comme les Chapelains de la ville, chargés de dire aux intentions des habitants une messe, chaque jour, dans la chapelle de Saint-Sébastien, à la cathédrale ; en 1488, les Consuls payèrent à cet effet au Prieur du couvent une somme de douze livres ; la même année, ils firent donner quinze livres tournois au frère Jean Veirier, maître en théologie, qui avait prêché le carême dans l'église du monastère.
 
Le mois d'avril 1524 fut témoin d'un nouveau Chapitre général tenu-à Nimes ; ce Chapitre s'ouvrit le 15, et se termina le 26, par une procession solennelle à travers les rues de la ville; les Chanoines de la cathédrale permirent aux Religieux de porter la croix dans cette double cérémonie et leur firent une aumône de deux pièces de vin et de deux salmées de blé.
 
Dès cette époque, un certain relâchement s'était introduit dans les habitudes des Augustins ; c'est ce qui fut constaté à l'occasion d'un procès qui éclata entre la ville et les Ordres mendiants, pendant la tenue des Grands-Jours, en 1541. Les Religieux des diverses communautés assignèrent les Consuls devant cette Cour extraordinaire, à raison de la quête que la Ville faisait faire dans les églises des Mendiants. La cause fut appelée et plaidée le 12 octobre. Les Consuls représentèrent l'ancienneté de la coutume qui les autorisait à faire cette quête, les Religieux se fondèrent sur le préjudice qu'ils en recevaient, puisqu'ils vivaient d'aumônes et qu'on venait jusque chez eux leur en enlever une partie. Les Consuls sentant bien le côté faible de leur cause répliquèrent en récriminant contre les désordres et le relâchement scandaleux qui régnaient dans les couvents et demandèrent que la Cour en ordonnât la réformation ; les Religieux de leur côté prétendirent qu'ils observaient la plus exacte régularité et firent remarquer qu'avant d'introduire ce moyen, on aurait dû appeler les généraux d'Ordre et que celui des Augustins se trouvait même à Nîmes, en ce moment.
 
Les plaidoiries entendues, la Cour des Grands Jours rendit aussitôt son arrêt ; elle ordonna que l'Évêque de Nîmes ou son Vicaire-général réglerait la manière de faire dans les églises de la ville et du diocèse les quêtes du luminaire, des âmes du Purgatoire et des pauvres, sans préjudicier à l'entretien des Religieux mendiants ; défense fut faite aux Consuls de faire aucune quête dans les églises de ces religieux, la Ville cependant fut autorisée à tenir un bassin pour les pauvres à la porte des couvents. Quant à la plainte des Consuls sur les désordres des Religieux, la Cour ordonna que l'Evêque ou son vicaire ferait les informations nécessaires à ce sujet, en y appelant le Général ou le Provincial de chaque Ordre, qu'il ordonnerait les réformes convenables et en certifierait à la Cour, dans deux mois, renvoyant à la fin de la procédure à prononcer sur l'article des biens-fonds que les Consuls accusaient les Religieux de posséder contre l'esprit de leur règle.
 
Conformément à cet arrêt, le Vicaire-général de l'Évêque de Nîmes commença le travail de réformation dans les Monastères, et, le 18 décembre, le Conseil de ville ordonna aux Consuls de comparaître devant le Délégué Épiscopal et les Provinciaux des Religieux pour les instruire des désordres dont ils auraient connaissance ; les exhortant cependant de procurer ces renseignements avec douceur et le plus secrètement qu'il se pourrait. Quelques abus furent en effet découverts et aussitôt corrigés.
 
Les Religieux mendiants ne gardèrent pas rancune à la ville ; en 1545, la misère était grande parmi les habitants et les fonds ordinaires étaient devenus complètement insuffisants pour la sustentation des nombreux pauvres qui recouraient à l'assistance publique. Sans renoncer à l'arrêt de la Cour des Grands Jours, les Augustins, comme les autres Mendiants permirent aux Consuls de faire, jusqu'aux fruits nouveaux, des quêtes dans leur église ; Guillaume Combes était alors Prieur des Augustins; les Consuls reçurent avec reconnaissance la proposition des Religieux (3 janvier.).
 
LES AUGUSTINS
PENDANT LES TROUBLES DES RELIGIONNAIRES.
 
Tout le monde sait que ce fut un moine Augustin, qui, le premier, leva l'étendard de la révolte protestante contre l'Église Romaine. Ce funeste exemple eut des échos chez les Augustins de Nîmes. En 1532, par ordre du Parlement de Toulouse, l'un d'entre eux, qui avait prêché le carême, fut enfermé dans les prisons du château royal, la veille de Pâques; ses prédications avaient fait concevoir des soupçons sur l'orthodoxie de sa doctrine. Plus tard, en 1561, alors que l'erreur avait fait de rapides progrès dans la ville, un autre moine du couvent, Déodat Ressol apostasia publiquement ; le Consistoire le fit solennellement renoncer à ses vœux et à son habit monastique et lui fournit ensuite un secours de 15 sols tournois pour l'aider à faire le voyage de Genève, où il allait étudier la théologie calviniste (9 octobre.) Un autre Augustin nommé Le Caillet apostasia à son tour et tomba dans l'indigence ; le Consistoire lui donna le moyen de vivre en lui faisant apprendre un métier.
 
A mesure que le Protestantisme progressait, son audace augmentait et sa tolérance parlait déjà de chasser de la ville les Prêtres et les Moines. La persécution était encore sourde et cachée, mais on pouvait prévoir que l'orage éclaterait sous peu ; les Augustins craignant d'être enveloppés dans quelque mesure sanguinaire quittèrent leur couvent et leur église, n'y laissant, comme gardiens, que deux Pères malades qui ne consentirent pas à s'éloigner (1561).
 
Cependant les Religionnaires s'étaient emparés de l'église des Frères-Mineurs et y avaient fait leur prêche ; mais cette usurpation ne leur suffisait plus ; enhardis par la désertion des Augustins, ils résolurent de s'emparer de toutes les églises et de les convertir en temples ; ils se présentèrent en armes, le 15 décembre, à la porte de la salle où le Conseil de ville délibérait sur leur demande de nouveaux lieux de réunion; sous l'influence de la terreur qu'ils inspiraient, les Catholiques achetèrent le maintien de leur culte par l'abandon de deux églises, celle de Sainte-Eugénie et celle des Augustins où Guillaume Mauget prêcha, pour la première fois, le vendredi, 19 décembre.
 
Les Augustins purent rentrer dans leur couvent quelques jours après, à la faveur de l'ordonnance de pacification qu'avait fait publier le comte de Crussol, en sa qualité de Lieutenant-Général du Languedoc ; ils revinrent, le 14 juillet 1562, et se mirent aussitôt à réparer les ruines nombreuses qu'en quelques jours l'hérésie avait entassées dans leur église; ils y vécurent clans de continuelles sollicitudes jus-qu'en 1567, époque où la Michelade vint de nouveau les chasser, et choisir parmi eux deux des victimes du puits de l'évêché. Ce furent Jean Quatrebras, Prieur du couvent et prédicateur ordinaire de la cathédrale, et le religieux Pierre Folcrand. Ces deux moines eurent l'honneur de faire partie du premier groupe des martyrs, ainsi que le consul Gui Pochette, le Prieur des Dominicains, et quelques autres.
 
Dès qu'on les fit sortir de l'Hôtel-de-Ville pour les conduire à l'évêché, ils comprirent le sort qu-'on leur réservait ; le P. Quatre-bras exhorta, pendant la route, ses compagnons à persévérer dans la foi, leur montrant les Cieux ouverts pour les recevoir r, le massa-cre commença dès qu'ils forent parvenus dans la cour de l'évêché, et le puits devint le tombeau de ces illustres victimes, après cependant qu'une vile populace les eut dépouillées de leurs vêtements.
 
Quand le sang cessa de couler, la fureur des Huguenots n'était pas assouvie, les églises et les couvents furent condamnés à être démolis, afin, disaient les Religionnaires, d'abolir tout souvenir des idoles. Celui des Augustins ne fut pas épargné; ce ne furent pas seulement les gens du peuple qui travaillèrent à ces démolitions, lès premiers protestants de la ville se firent remarquer par leur ardeur dans ce travail ; on vil le conseiller Pierre de Malmont, et l'avocat Pierre de Fons, un marteau à la main, concourir à ruiner la muraille du cimetière des Augustins.
 
En vertu des édits de pacification, les Augustins revinrent à Nîmes et rétablirent leur couvent ; mais le protestantisme n'avait subi qu'à regret le rétablissement du culte catholique, et l'année 1621 fut marquée par de nouvelles persécutions et de nouvelles s uines ; en vertu de délibérations prises, le 10 février et le 24 avril, les églises furent démolies et profanées, et les Catholiques chassés de la ville; le couvent des Augustins fut abattu de fond en comble, et on se servit des matériaux du monastère pour compléter les fortifications de la ville.
 
Nos Religieux ne purent revenir qu'après la paix de 1629; ils se logèrent à la rue de la Rosarié, dite plus tard rue des Vieux Augustins, et qui porte aujourd'hui le nom du Mûrier-d'Espagne, dans une maison de louage qu'ils achetèrent en 1644 ; elle existe encore fort reconnaissable avec son clochera la capucine; pendant ce temps, les Augustins firent des efforts continuels pour rentrer en possession des fonds qu'on leur avait enlevés du temps des troubles. Ces fonds consistaient, d'après l'arpentage général du territoire, en une salmée et 8 émines, soit 1 hectare, 11 ares et 65 centiares. En outre, ils se pourvurent au Parlement de Toulouse et actionnèrent les Consuls et les habitants religionnaires pour les obligera rétablir leur ancien monastère.
 
Cette demande fut favorablement accueillie, et un arrêt du Parlement, du 18 février 1632, condamna ceux de la religion prétendue réformée à faire rebâtir à leurs dépens la maison, la clôture et les édifices en l'état que le tout existait en 1621, et à fournir en attendant une maison pour loger les Religieux ; le 3 décembre suivant, une enquête fut faite par devant messire Antoine Andrieu, Conseiller du Roi et lieutenant de juge ez Cours du petit scel de Montpellier pour savoir en quel état se trouvait le monastère, avant sa destruction par les Protestants. Cette enquête dura jusqu'au 21 ; plusieurs témoins furent entendus et des experts vérifièrent les pertes des Religieux. En conséquence de cette enquête, le Parlement de Toulouse rendit, le 23 août 1633, contre les Consuls huguenots, un nouvel arrêt qui maintenait les Augustins en possession de leur maison et des biens du couvent, et condamnait les Consuls aux dépens et à la restitution des fruits qu'ils avaient perçus.
 
Les Religionnaires ne se pressaient pas d'obéir ; un jugement des requêtes à Toulouse les condamna de nouveau, le 7 février 1636, à payer annuellement aux Augustins la somme de 150 livres pour leur logement. Les Consuls essayèrent alors de gagner du temps en portant l'affaire au Conseil privé du Roi ; mais, par arrêt du 11 juillet 1636, la cause fut de nouveau renvoyée à la Cour du Parlement de Toulouse, qui, le 8 janvier suivant, condamna encore les Huguenots à rebâtir à leurs dépens la maison et le cloître des Augustins, tels qu'ils étaient en 1621, leur donnant quatre mois seulement pour l'exécution de cette sentence.
 
Les Religionnaires semblaient ne pouvoir plus reculer ; ils conclurent donc avec les Augustins, en vertu des décisions d'une assemblée tenue le 25 mars 1637, une transaction dont l'acte fut passé en l'étude du notaire Jean Montel, le 3 juillet suivant. Il fut convenu que les Consuls de la religion prétendue réformée prendraient pour dix ans, à compter de la Madeleine prochaine, les fonds et les propriétés des Religieux pour en réédifier toutes les clôtures et les remettre dans leur ancien état, et qu'à ces fins ils feraient, à leurs frais et dépens :
- 1° découvrir les fondements du couvent et de l'église, dès le mois prochain ; des experts vérifieraient ensuite ce qui manquait et évalueraient le prix de ce qui avait été arraché et des constructions qui avaient été démolies, le prix devant en être payé aux Religieux, sous dix mois, pour l'employer à la construction ou à Rachat d'autres édifices ;
- 2° faire décharger le fonds de toutes les ruines, pierres menues et inutiles, sistre et autres mauvaises terres, et l'aplanir de façon que l'eau de la fontaine de la ville y vînt comme autrefois pour servir à l'arrosage ;
- 3° partager tout l'enclos en deux jardins où on ferait planter une quantité suffisante de bons arbres fruitiers ;
- 4° creuser deux puits dans la partie supérieure de l'enclos : l'un découvert, avec une grande auge en pierre, pour laver les herbes; l'autre, garni de rouages et de harnais convenables, pour puiser Peau nécessaire à l'arrosage ;
- 5° fermer et clore tout le terrain d'une muraille à pierres sèches de sept pans de hauteur sur terre, et de quatre pans seulement du côté du chemin de Caissargues ;
- 6° complanter et garnir le jardin d'une quantité suffisante de bonnes herbes, plantes, racines, graines et autres choses convenables à un jardin potager, afin qu'au bout des dix ans on pût le rendre aux Religieux dans le même état qu'il était en juillet 1621.
 
La transaction portait encore que, pendant ces dix ans, les Consuls fourniraient annuellement aux Religieux la somme de 160 livres, payables à la Saint-Michel, à partir de 1638, et qu'en représentation des fruits et revenus depuis 1621, les Augustins recevraient 1,900 livres, plus 52 livres 5 sols pour le rapport du jugement du 8 janvier, plus 342 livres 9 sols pour autres frais, en tout 2,294 livres 14 sols, et, en outre, 3,391 livres 3 sols 3 deniers de frais, selon le taxât et exécutoire du 4 mars de la présente année.
 
Cette transaction n'arrêta pas le procès ; la mauvaise foi des Religionnaires n'avait pas encore épuisé toutes les chicanes; il fallut trois nouveaux arrêts, en date du 30 juin, du 4 août et du 27 septembre 1638, pour les forcer à terminer l'affaire ; ils se décidèrent enfin, le 5 octobre 1638, à passer un bail avec Adrien Bourguet, pour réduire en jardin potager le fonds de l'ancien couvent ; mais ils ne firent aucune démarche pour la reconstruction du monastère et ne se mirent nullement en peine de payer le logement des Religieux. Aussi, le 18 février 1639, un arrêt du Parlement leur fixa un délai de quatre mois pour satisfaire à la transaction du 3 juillet 1637 ; et un autre arrêt du 6 juillet suivant les condamna au paiement des arrérages de la pension de 150 fr. pour le logement des Augustins.
 
Une nouvelle transaction, passée devant le notaire Antoine Paulhan intervint alors, le 14 décembre 1639, et arrêta les comptes entre les Augustins et les Consuls de la religion prétendue réformée; il fut convenu qu'il était dû aux Religieux une somme de 1160 livres, les Consuls promettant d'en payer 400 dans quinze jours et de payer les intérêts du reste jusqu'au paiement du capital. Ils ne furent pas plus fidèles à cette obligation qu'aux précédentes ; nous trouvons, en effet, un arrêt du Parlement, en date du 11 mars 1641, qui porte contre les Consuls huguenots les mêmes condamnations si souvent répétées, et, le 20 novembre de la même année, les Augustins, ne pouvant arriver à obtenir des Religionnaires qu'ils exécutassent et les arrêts et leurs promesses, obtinrent des lettres royaux cassant la transaction de 1637.
 
Pendant que se débattaient toutes ces affaires, les Augustins, fatigués de n'avoir pour se loger que des maisons précaires, achetèrent, le 2 juillet 1641, d'Isabeau de Ricard, veuve de Thomas de Bisseriès, la maison qu'ils louaient dans la rue de la Rosarié, au quartier de la Bouderie, pour le prix de 6,700 livres. Cette vente resta provisoirement sans effet et ne fut définitivement conclue qu'en 1644 ; mais cet acte finit par amener une conclusion à cette longue série de procès.
 
Les Augustins voulant en finir avaient fait saisir la maison du second Consul, Claude Giraud, afin de prendre sur le prix de vente de cette maison les sommes qui leur étaient dues par les prétendus Réformés ; le Parlement de Toulouse confirma celte saisie, le 14 janvier 1642, et dix jours après, il rendit un arrêt qui ordonnait aux Consuls de procurer aux Augustins le payement de la somme de 4,494 livres 14 sols et les intérêts de ce capital, pour être employé au payement de la maison de la rue de la Rosarié, sans préjudicier à la continuation du payement du louage de cette maison, suivant l'arrêt rendu contre les Consuls.
 
Les Huguenots se sentirent alors complètement liés, et afin de se ménager des conditions meilleures, ils demandèrent à l'évêque de Nîmes, Mgr Cohon, d'intervenir en leur faveur ; à cette époque, en effet, leur influence baissait de plus en plus et ils sentaient bien qu'une plus longue résistance au droit des Augustins pourrait attirer sur eux de bien désagréables affaires ; Mgr Cohon ne crut pas devoir refuser son intervention et, par son entremise, un nouvel accord fut passé à l'évêché et en la présence de l'évêque, entre les Consuls réformés et le Père Antoine Formigier, Prieur et Syndic des Augustins, le 25 mars 1642. Les Consuls anticipant le terme de dix ans, remirent l'ancien fonds du couvent entre les mains des Religieux, et comme il restait à faire encore une partie de la clôture des jardins, ainsi que les constructions d'habitation, il fut convenu que les Protestants seraient quittes moyennant une somme de 13,690 livres payée aux Religieux « en satisfaction et payement des maisons, clostures et édiffices du couvent desdicts Religieux qu'iceux Consuls et habitans auroient été condempnés de faire rédiffier et remettre à leurs frais et dépens par les arrêts du Parlement de'Tholoze des 18 février 1632 et 23 aoust 1633, confirmés par arrêt du Conseil du 11 juillet 1636. »
 
Le Syndic des Religieux s'engagea à obtenir du Roi la permission d'imposer la somme convenue, sous peine de ne pouvoir en exiger le payement. Des lettres patentes à cet effet furent données à Narbonne par le roi Louis XIII, le 8 avril 1642.
 
Cette transaction mit fin à tout procès et fut ratifiée par le Définitoire de l'Ordre, le 30 octobre suivant. Par une autre accord du 27 avril 1644, les Augustins renoncèrent à tous les arrêts obtenus et les Consuls protestants s'engagèrent à payer les intérêts de la somme ci-dessus stipulée de 13,690 livres et d'avertir trois mois à l'avance, en cas de remboursement du capital. Le 11 juillet suivant, les Augustins conclurent l'achat de la maison de la rue de la Rosarié, au prix de 5,500 livres qui furent payées par les Consuls en à compte de la somme de 13,690 livres. Le reste de cette somme fut imposée, en 1670, par ordonnance des Commissaires du Roi.
 
DE 1644 A LA RÉVOLUTION.
Les Augustins étaient loin de se trouver convenablement dans leur nouvelle maison, et ils projetaient de s'établir au faubourg des Prêcheurs. Une occasion favorable sembla s'en présenter, en 1659. Mgr Cohon venait, par une ordonnance de visite pastorale, de transférer dans ce faubourg le service du prieuré de Saint-Baudile et d'assurer une somme de 200 livres pour le prêtre qui serait chargé de ce soin. Les Augustins offrirent au prieur Georges Letus de remplir toutes les clauses de l'ordonnance. La proposition fut acceptée, et, le 15 novembre 1660, Georges Letus se présenta devant l'évêque avec le Père La Pause, Prieur des Augustins. Letus promit de payer aux Religieux la somme de 200 livres par an, pour faire le service à sa décharge, et le P. La Pause ayant exposé qu'il avait un pouvoir suffisant de son Chapitre et de son Provincial pour quitter le couvent situé dans la ville et en établir un autre au faubourg des Prêcheurs, déclara qu'il acceptait les offres de Letus, aux clauses et conditions de l'ordonnance épiscopale.
 
En conséquence, Mgr Cohon décida que, moyennant la pension de 200 livres offerte par le Prieur de Saint-Baudile, les Augustins seraient désormais tenus de faire le service divin dans l'église du faubourg et les fonctions curiales dans toute l'étendue du prieuré de Saint-Baudile, de chanter une messe, tous les ans, dans la chapelle de Saint-Baudile. le jour de la fête du patron, et de la tenir en état pour y recevoir la procession générale qui y faisait station, le troisième jour des Rogations.
 
La clause des fonctions curiales devait être approuvée par les Chanoines de la Cathédrale à qui appartenait le droit de commettre à la desserte des cures et paroisses de leurs dîmeries ; le Chapitre fut donc convoqué à cet effet, le mardi, premier décembre suivant. Mgr Cohon fit aux chanoines un récit succinct de tout ce qui s'était passé jusque-là ; et le Chapitre consentit à ce que les Augustins fissent les fonctions curiales dans le faubourg des Prêcheurs, en se contentant des baise-mains ou casuels de l'église pour toute récompense, comme d'ailleurs ils Pavaient offert, et cela pour le temps que le Chapitre voudrait. A cette occasion, le Chapitre renonça au procès qu'il avait intenté contre le prieur de Saint-Baudile, à raison des navales de son prieuré, ainsi que ce bénéficier l'avait demandé.
 
Malgré cet accord, les Augustins n'allèrent pas s'établir dans le faubourg où rien n'était préparé pour les recevoir, ils se bornèrent à faire le service à leur chapelle de la rue de la Rosarié ; le service du faubourg fut confié aux Doctrinaires, en 1666.
 
Cependant les Augustins cherchaient à se procurer un monastère plus convenable ; Mgr Cohon qui ne perdait jamais de vue l'avance-ment de la religion et voulait rendre à sa ville épiscopale tous les monastères que les troubles avaient détruits résolut de procurer à ces religieux une demeure stable et jeta les yeux sur la Maison-Carrée et les terrains environnants qui lui paraissaient très-propres pour une église et un couvent ; la proposition en fut faite aux Augustins qui l'acceptèrent aussitôt.
 
En 1579, la Maison-Carrée était la propriété des dames de Seynes et de Vallérargues. A cette époque, la duchesse d'Uzès voulut convertir le vieux monument romain en tombeau de famille et offrit aux Consuls de Nîmes de fonder auprès deux hôpitaux, l'un pour les hommes, l'autre pour les femmes, s'ils parvenaient à faire consentir les propriétaires à la vente ; mais toutes les négociations échouèrent.
 
Après la mort de ces deux dames, le monument passa, à la famille de Brueys de Saint-Chaptes et fut alors employé à un usage ignoble, il servit d'écurie, et c'est à cette famille que sont dues les dégradations de la colonnade du péristyle ; les colonnes n'étant pas assez écartées pour donner passage aux chars, on en abattit les cannelures. D'autres actes de vandalisme auraient sans doute compromis l'existence de la Maison-Carrée ; heureusement, soit besoin, soit tout autre motif, le seigneur de Saint-Chaptes se décida à la vendre aux Augustins.
 
Le Père Valéri La Croix, Prieur de ces religieux, se présenta et traita du prix avec Félix de Brueys de Saint-Chaptes et sa tante, Gabrielle de Brueys, veuve de Benoît de Borne, Seigneur d'Auriolle qui avait des droits à répéter sur cette propriété. Le contrat de vente de la Maison-Car rée et de deux petites maisons contiguës faisant coin avec deux rues qui étaient à la bienséance des Augustins fut passé, le 28 mai 1670, au prix de 5,650 livres. Cette acquisition fut faite par le Prieur, en qualité de procureur et commissaire nommé par une délibération du Chapitre provincial tenu au couvent de Béziers, au mois de septembre précédent. Mgr Cohon voulant autoriser cette vente par son agrément spécial, la fit passer en sa présence et dans son palais épiscopal. La somme de 5,650 livres fut payée par les Consuls de la religion prétendue réformée, en à compte de celle de 7,050 livres qu'ils devaient aux Religieux.
 
Dès que cette affaire fut conclue, les Augustins acquirent encore du sieur Antoine Choquenot, Recteur de Saint-Étienne de Capduel, l'ancien cimetière de cette chapelle qui leur permettait de s'agrandir. Cet achat se fit avec l'obligation pour les Religieux d'une messe par mois et d'une censé de 12 sols tournois à payer chaque année au Recteur, à la fête de la Toussaint ; ils furent délivrés de cette censé, le 7 juillet 1706, par ordonnance de l'Intendant de Basville.
 
L'année d'après, les Augustins se préparaient à convertir la Maison-Carrée en église et à construire leur couvent tout auprès ; mais l'Intendant de la province le leur ayant défendu, ils recouru-rent au Roi qui leur donna les permissions nécessaires, par arrêt du Conseil d'Etat du 12 avril 1672, contresigné par Colbert, Contrôleur Général des finances, à condition qu'on s'en tiendrait aux plans et dessins qui furent donnés et qu'on ne détruirait rien du vieux monument.
 
Mais une nouvelle ordonnance de M. de Bézons vint,le 3 mai l673, enrayer encore l'affaire, en déclarant que la Maison-Carrée et son vacant étaient du domaine royal. Les Augustins recoururent de nouveau au Roi et en obtinrent, au mois de novembre suivant, des lettres-patentes datées de Versailles, par lesquelles ce prince leur fit don du monument et du vacant qui était auprès, et qui avait environ douze toises de longueur et autant de largeur avec les autres dépendances, le tout exempt de servitude et de redevance au domaine et des droits d'amortissement ; le Roi déclarait qu'il faisait ce don aux Augustins pour les obliger à exécuter plus promptement la construction de leur église ei de leur monastère, conformément au dessin qui leur en avait été remis. Les conditions de ce don furent : que l'église serait, dédiée aux trois Rois-Mages, et qu'à perpétuité, le jour de l'épiphanie, les Augustins célébreraient, outre leur messe conventuelle, une grand'messe à la fin de laquelle le Te Deum serait chanté avec les antiennes et les oraisons de la Trinité et du Roi, pour la prospérité des rois de France et pour l'accroissement de l'Etat.
 
Quoique l'emplacement fut petit, on y fit une voûte qui fut cause du surplomb du mur du levant, on pratiqua avec beaucoup d'art un chœur, des chapelles, des galeries, en un mot tout ce qui entre dans une église commode et de bon goût.
 
Pendant que s'exécutaient ces travaux intérieurs, les Etats du Languedoc se préoccupaient de la conservation du monument et délibéraient, en 1684, d'employer à sa restauration, sous le bon plaisir de Sa Majesté, une somme de 6,000 livres ; cette délibération fut approuvée par le Conseil d'Etat le 5 février 1685. En conséquence, M. de Basville fit soigneusement réparer toutes les colonnes du portique qui menaçaient ruine; l'entreprise était délicate, mais l'habileté de l'architecte Gabriel Dardailhon sut triompher de la difficulté ; il suspendit le portique sur des élançons et remplaça toutes les bases et diverses pièces des colonnes, si proprement qu'on a de la peine à s'apercevoir qu'on y a touché. Cette restauration fut faite en 1689.
 
Moins de deux ans après, le 26 janvier 1691, Mgr Fléchier, Evêque nommé de Nîmes, bénissait solennellement l'église de la Maison-Carrée, en présence de l'Intendant de Basville et des notables de la cité. Selon le vœu du roi, elle fut dédiée aux Rois-Mages que représentait le tableau du Maître-Autel, surmonté de l'inscription : REGI REGUM, au Roi des rois.
 
La même année, les Religieux exécutèrent deux ordonnances de l'Intendant de la province, l'une du 29 juin portant que les maisons qui étaient contiguës au vieux monument romain et qui la masquaient, de manière qu'on ne pouvait en parcourir les beautés dans les quatre faces, fussent démolies à la diligence des Consuls et le prix payé par la ville aux Augustins, sur les deniers de la subvention ; l'autre, du 4 août, chargeant les Religieux de faire eux seuls les frais de cette démolition. Les deux maisons furent estimées à 2,343 livres, que le Conseil de ville ordinaire fit compter aux Augustins, en vertu d'une délibération du 14 septembre. Cette somme fut employée à solder les frais de construction et de réparation du nouveau couvent. Vers cette époque, à la demande de plu-sieurs particuliers, la Ville voulut ôter aux Religieux la jouissance dans leur jardin des eaux de la Fontaine ; sur leur réclamation, du 19 juin 1693, cette jouissance leur resta.
 
En 1724, la Ville voulait agrandir l'Esplanade ; pour l'exécution de ce projet, il était nécessaire de prendre le jardin des Augustins emplacement de leur couvent, avant les troubles; ceux-ci consentirent à s'en dessaisir et à l'inféoder à la Ville. En conséquence de ce consentement, les Consuls et les Conseillers ordinaires délibérèrent, le 3 août, sur cette question, et pouvoir fut donné aux Consuls de conclure l'affaire moyennant la rente annuelle de 400 livres ; l'acte en fut passé le 31 du même mois. Ce bail d'inféodation fut bientôt après approuvé par le Provincial et le Définitoire de l'Ordre ; un arrêt du Conseil d'Etat, du 6 février 1725, et des lettres-patentes du Roi, homologuèrent ce traité.
 
Le 15 avril 1731, par permission du Chapitre, les Augustins ouvrirent leur Chapitre provincial à Nîmes par une grand'messe et un sermon à la Cathédrale.
 
En vertu de diverses ordonnances, les Augustins n'étaient chargés que des réparations intérieures de la Maison-Carrée, la ville ayant à sa charge tous les travaux nécessaires à l'extérieur ; les Religieux en concluaient que les Consuls devaient aussi réparer la toiture de l'édifice. Le Syndic du couvent adressa, le 14 août 1745, une requête en ce sens à l'Intendant Le Nain ; mais celui-ci rendit, le 16 septembre suivant, une ordonnance défavorable aux prétentions des Religieux et décida qu'ils seraient tenus d'entretenir la couverture et la charpente de l'église, sous peine de répondre des dommages qui pourraient en résulter, attendu que le couvert et la voûte faisaient partie de l'église et n'avaient été construits que dans le but unique de couvrir l'église et nullement dans celui de couvrir le monument; la Ville ayant eu soin, au dire des Consuls, de préserver les murs des infiltrations pluviales, en faisant couvrir de plaques de plomb le dessus de l'entablement et de la corniche.
 
Au moment où la Révolution éclata, le couvent ne comptait que quatre religieux : trois Pères et un Frère lai ; une loi du 26 janvier 1791 leur enleva la Maison-Carrée et la donna au Directoire du département, qui y installa le service de son administration ; la même loi donnait aussi au même Directoire le couvent des Religieux pour y mettre les bureaux. Les Augustins durent s'éloigner, mais l'un d'entre eux, le Père Joseph Alary mourut de douleur, la veille même du jour fixé pour l'évacuation du couvent. Plus tard la Maison-Carrée restaurée et entourée d'une grille a été convertie en Musée à l'intérieur de la grille, a été rassemblée l'une des plus belles collections lapidaires de France.
 
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En savoir plus sur la Maison Carrée de Nîmes
> La Chapelle de la Maison Carrée, Henri Bauquier 1939
> La Maison Carrée, historique par Perrot, 1846
> Les propriétaires de la Maison Carrée, Léon Ménard, 1758
> La Maison Carrée par Léon Ménard, 1758
> La Maison Carrée transformée en tombeau en 1576 ?
> Le Forum gallo-romain de Nemausus.
> Les diférents usages de la Maison Carrée
> Les Augustins et la Maison Carrée par l'Abbé Goiffon
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