Histoire de la Ville de Nîmes
Adolphe Pieyre, 1886.
LA PREMIERE CORRIDA  A NÎMES EN 1853.
 

 
La population nîmoise vit cette année 1853, deux faits importants,  l'un un spectacle qui ne lui avait pas été encore fourni, mais qui cadrait avec ses mœurs et surtout celles des localités environnantes, l'autre un épouvantable accident dont le souvenir est encore présent à tous les spectateurs de la scène que je raconterai. 

Le premier de ces faits était une course de taureaux, à la manière espagnole. Ce spectacle, annoncé de bonne heure, avait attiré à Nîmes tous les habitants des villages voisins.  

Des trains de plaisir organisés par la compagnie du chemin de fer de Lyon à la Méditerranée avaient amené de Marseille, de Montpellier d'épais contingents de curieux. La ville entière était littéralement encombrée de flots pressés d'étrangers. C'est un spectacle qui s'est d'ailleurs présenté plusieurs fois dans nos murs et tout récemment encore.  

Il n'était pas cependant dit dans le programme que les taureaux seraient mis à mort, et néanmoins pour assister à ce spectacle si merveilleusement décrit par Théophile Gauthier et Alexandre Dumas et complètement inconnu à Nîmes, plus de trente mille spectateurs surchargeaient les gradins de notre Amphithéâtre.

Il était évident que devant les réclamations d'une foule délirante l'autorité cèderait. Aussi lorsque l'espada s'en alla au pied de la tribune réservée aux autorités demander la permission de se mesurer seul à seul avec le taureau, ce fut de toutes parts des applaudissements, des interpellations, des cris qui exigeaient le sacrifice. L'autorité s'inclina, et l'animal reçut le coup mortel. Le signal était donné et la course prenait nettement le caractère espagnol à la joie de la multitude.  

Mais le deuxième taureau fut absolument martyrisé par ses exécuteurs. Il fallut le retirer de l'arène encore vivant et dés lors les autorités interdirent ce genre de spectacle. Le public lui-même, écœuré de la boucherie à laquelle il assistait, applaudit à cette décision comme il avait applaudi à l'annonce de la mise à mort. Ce n'est que bien longtemps après que de pareilles représentations furent autorisées. Mais un premier essai n'en laissa pas moins une profonde impression parmi nos concitoyens. 

Nota GM : Ce n’est que 10 ans plus tard, que les corridas reviendront dans notre amphithéâtre, Dimanche 10 et Jeudi 14 mai 1863, à l’occasion du Concours Régional Agricole de Nîmes, mais cela est une autre histoire…

Une suite d'articles sur la Tauromachie
> Origine des Courses de Taureaux à Nîmes de 1804 à 1820
> Origine des corridas en Espagne, texte de 1854
> Début de la Tauromachie Espagnole en France, texte de 1854
> Première corrida à Nîmes en 1853
> Reprise des corridas dans les Arènes de Nîmes, les 10 et 14 mai 1863.
> Descriptif avec images de la tauromachie, article du milieu du XIXe siécle
> L'art tauromachique contemporain à Nîmes
> Les taureaux des Arènes
> Le taureau de Camargue
> Article Midi Libre du 29 janvier 2006
> Article Midi Libre du 28 mai 2006

 

Un voyage en ballon qui tourne mal. 

A quelques mois de là, le dimanche 20 novembre 1853, la municipalité avait organisé aux Arènes un spectacle au bénéfice des pauvres. Après une brillante course de taureaux, un habile aéronaute, E. Déchamps fit une ascension en ballon, accompagné de sa femme. Il alla atterrir au pont de la Bastide, après avoir parcouru sept kilomètres en vingt minutes. On organisa pour le dimanche suivant une seconde représentation qui avait encore pour attrait principal une ascension aérostatique exécutée par Déchamps.

Il faisait ce jour-là un temps épouvantable et l'amphithéâtre ne contenait que de rares spectateurs. On était au 27 novembre et un vent glacial s'engouffrait dans les arcades, rendant la place peu tenable et balançant horriblement au milieu du cirque le ballon encore captif. Un sieur Letur (1) s'était engagé à descendre du ballon lorsqu'il serait à une certaine hauteur avec un parachute, mais en présence du mauvais temps, Déchamps déclara s'y opposer formellement. 

Cette première infraction au programme promis, souleva sur les gradins, où étaient éparpillés quelques centaines de curieux résolus, de violentes clameurs. Malgré eux le Maire autorisa Letur à ne pas accompagner Déchamps, mais lorsqu'on agita la question de savoir si Déchamps lui-même tenterait de s'élever dans les airs, les cris de « A poou, a poou „ (il a peur, il a peur) retentirent de toutes parts. 

Le Maire devant ces protestations ne crut pas devoir empêcher l'aéronaute d'exécuter son programme et Déchamps lui-même, mis en fureur par les insultes et les trépignements des assistants voulut montrer qu'il ne reculait pas devant le danger. Il monta dans la nacelle et, à trois heures de l'après-midi, donna l'ordre du : « Lâchez tout. » 

L'aérostat s'éleva rapidement et fut emporté avec une secousse effrayante dans la direction du sud-ouest. La nacelle dans cette montée vertigineuse avait failli être broyée contre les gradins supérieurs. Les spectateurs, cruellement exigeants, pouvaient être satisfaits. Placés sur le haut du monument, ils suivaient le ballon de l’œil. 

Dix minutes après son départ, l'aérostat était déchiré par un coup de vent dans toute sa longueur, et tout le gaz s'étant échappé instantanément, l'appareil descendit presque perpendiculairement En vain, Déchamps conservant son sang-froid, jeta par-dessus la nacelle tous les corps lourds qui l'entouraient pour diminuer la violence de la chute. Il n'y put réussir et l'infortuné aéronaute fut précipité sur le sol à douze kilomètres de Nîmes entre Générac et Beauvoisin.  

Quelques habitants de la première de ces localités entendirent distinctement le malheureux crier au secours lorsqu'il passa au-dessus du village ; ils se portèrent vers l'endroit où la catastrophe s'était produite. Ils trouvèrent Déchamps, respirant encore, ayant les yeux ouverts et se tenant sur son séant dans la nacelle. Mais presque aussitôt après il expirait ; le docteur Auquier chez lequel on l'avait transporté ne put que constater le décès. 

Les obsèques de cet infortuné eurent lieu à l'église Saint-Paul. La ville entière suivit le cercueil jusqu'au cimetière et pour venir au secours de la famille si cruellement éprouvée, une souscription s'ouvrit à laquelle chacun porta son obole. 

(1) Le sieur Letur ne fut guère plus heureux et n'échappa à la mort de Déchamps que pour périr d'une façon non moins misérable. L'année suivante, il était tué en Angleterre pendant une ascension qui eut lieu à Cremon-Garden au commencement de juillet. Sa machine volante fut mise en pièces contre les arbres d'un parc.

 

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