Idée Générale
D’une Course de Taureaux
de Oduaga-Zolarde, 1854 (anagrame de Aguado De Lozar)
 
Carte postale ancienne, colorisée, environ 1905-1910  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
« AVERTISSEMENT : Ce texte est écrit par un passionné de tauromachie. Il nous fait une description de la Corrida Espagnole au milieu du XIXe siècle. C’est un témoignage historique, pas une plaidoirie pour la corrida. »
 
Les combats de taureaux, comme toutes les grandes institutions de l'antiquité, ont toujours eu et ont encore des partisans enthousiastes et de violents détracteurs ; mais il est à remarquer qu'au milieu de tant de fondations nationales qui ont péri dans le monde et dont il ne nous reste que de la poussière ou des souvenirs, la tauromachie, en Espagne, non-seulement reste debout, électrisant tout un peuple, mais grandit chaque jour et commence même à déborder comme une lave de l'autre côté des Pyrénées.
 
II faut que cette passion populaire porte en elle un attrait bien puissant, pour qu'elle ait ainsi exercé son influence, pendant des siècles, à travers toutes les transformations politiques et sociales de la Péninsule, et qu'elle tende à pénétrer aujourd'hui chez les nations les plus civilisées, malgré le caractère abrupte de son antique origine.
 
Il faut qu'un prestige bien étrange, bien incontestable soit attaché à ces jeux sanglants, encore empreints de toute la rudesse des luttes primitives de l'homme, pour que la délicate femme du XIXe siècle vienne y chercher des émotions et du plaisir.
 
Le romancier touriste, le plus populaire en France, le plus universellement lu en Europe, Alexandre Dumas, dit qu'une corrida de toros est un spectacle dont on ne se lasse pas quand on a pu le voir une fois.
 
Avant de passer au dictionnaire du langage technique et de tous les détails de la tauromachie, donnons à vol d'oiseau une idée générale de la composition de ce spectacle.
 
 
En principe, les courses de taureaux ne sont qu'une rencontre ménagée entre ces animaux et l'homme armé, dans le but de faire ressortir la supériorité de l'intelligence et de l'adresse sur la force physique et les fureurs de la brute. Mais dans l'organisation de ces combats, pour donner à la lutte plus de mérite et plus d'attraits, on a peu à peu introduit des règles sévères , des lois de prudence et de loyauté qui forment aujourd'hui un véritable code dont l'observation n'est pas moins sévère en Espagne que celle des autres législations.
 
La mise en scène d'une corrida se compose de trois éléments principaux : un cirque spacieux, aménagé de manière à ce que le lieu du combat soit bien en vue de tous les spectateurs, des taureaux de race sauvage et une cuadrilla, troupe d'écarteurs ou combattants appelés toreros.
 
Nous n'avons pas besoin de faire la description du cirque qui a toujours les dispositions d'un vaste amphithéâtre circulaire garni de gradins où se rangent les spectateurs et au milieu duquel se trouve l'arène, théâtre du combat.
 
Les taureaux, amenés la veille au soir ou de grand matin des pâturages, sont enfermés d'abord dans une grande cour attenante au cirque appelée toril ; chacun d'eux est placé ensuite dans une petite loge d'où il est lancé dans l'arène.
 
Quand l'heure du combat a sonné , un alguacil a cheval, chapeau à plumes sur la télé, revêtu d'un costume noir moyen âge, tenant une baguette flexible à bout d'argent à la main, entre dans le cirque et s'avance jusqu'au devant de l'autorité qui doit présider à la course. Il demande la permission d'introduire la cuadrilla qui doit prendre part au combat. Cette permission accordée, l’alguacil disparaît pendant un moment et revient bientôt en tète du cortège des toreros qu'il conduit devant la loge présidentielle. La cuadrilla salue à son tour, et chacun de ses membres va occuper dans l'arène le poste qui lui est assigné par l’espada, suivant leurs fonctions respectives, L'alguacil se présente de nouveau devant l'autorité, se découvre, sollicite l'autorisation d'ouvrir le combat, et demande la clef du toril où sont enfermés les taureaux. Le président, du haut de sa loge lui jette cette clef attachée à un grand nœud de rubans ; l’alguacil doit la saisir avant qu'elle ne tombe à terre, et ensuite il la donne à un chulo ou garçon de service qui va ouvrir le toril. Un taureau portant sur l'épaule gauche une touffe de rubans ou une large cocarde appelée divisa, aux couleurs de la ganaderia à laquelle il appartient, s'élance dans l'arène. La lutte a commencé.
 
Les picadores ou combattants à cheval, postés à gauche de la porte du toril et armés d'une longue pique, sont les premiers à subir les attaques du taureau. Si dans le choc ils sont désarçonnés, s'ils tombent avec leur cheval mort ou blessé, les capeadores ou chulos viennent à leur secours, et agaçant le taureau avec leurs manteaux qu'ils font papillonner devant lui de mille manières différentes, amènent l'animal vers un autre endroit de l'arène, pendant que le picador, remonté sur un cheval frais, se prépare à recevoir une nouvelle attaque. Telle est la première période du combat. Pendant cette période, les chulos font briller leur adresse par mille jeux de manteaux, le saut de la garrocha, le saut par dessus les cornes, et d'autres passes brillantes ont lieu aux applaudissements frénétiques des spectateurs.
 
Une fanfare a sonné. Les picadores, sans quitter l'arène, cessent de prendre part au combat ; la pose des banderillas est annoncée. Les banderilleros sont munis de minces bâtons d'un demi mètre de longueur environ ornés de rubans, terminés à l'un des bouts par un fer aigu en forme d'hameçon, et garnis de papier de couleur découpé. Ainsi armés, ils s'élancent vers le taureau, le provoquent et lui clouent ces dards sur les épaules et sur la partie supérieure du cou. Quand un taureau a refusé le combat avec les picadores, ou s'est montré poltron, pour mieux l'irriter et le rendre féroce, les banderillas, au lieu d'être simples, sont à feu, c'est-à-dire que, tout en conservant les mêmes formes et les mêmes dimensions, elles sont garnies d'une préparation inflammable qui éclate avec force étincelles et détonations quelques instants après leur application dans les chairs de l'animal.
 
Lorsque six ou huit paires de banderillas simples ou de fuego ont été posées sur les épaules du taureau, le président fait sonner la trompette pour annoncer la troisième période de la course, qui est le combat à mort avec le matador. Les banderilleros alors, quittant les banderillas, reprennent leurs manteaux et l’espada, qui est le chef de la cuadrilla, se prépare à lutter corps à corps avec le taureau et le provoque à un duel à mort. Armé d'une épée longue et à double tranchant, et tenant pour arme défensive un morceau d'étoffé de laine de couleur écarlate emmanché à un petit bâton, appelée muleta, espèce de bouclier flottant, il vient devant la loge de l'autorité faire hommage de la vie de l'animal, indiquant par quelques paroles chaleureuses en l'honneur de qui il va immoler le taureau. Ensuite, il indique aux chulos l'endroit qu'il choisit pour la mise à mort, et ceux-ci, au moyen de leurs manteaux, excitent l'animal et l'amènent au lieu désigné : L’espada le provoque à son tour, et après avoir fait quelques passes avec sa muleta et s'être joué de lui au moyen de ce chiffon flottant, il lui enfonce son épée dans le corps au moment où le taureau, se croyant sûr de sa proie, baisse la tête pour la saisir avec ses cornes.
 
La manière de frapper ce coup mortel n'est pas toujours la même, et cette diversité constitue autant dépasses ou estocadas de muerte, dont les noms ainsi que les résultats se trouveront expliqués aux lecteurs dans le vocabulaire ci-après.
 
Quand le taureau, après avoir reçu un ou plusieurs coups d'épée, est couché à terre, mais sans être mort, pour abréger son agonie et ne pas faire attendre les spectateurs, le cachetero, qui est une espèce de torero d'un rang inférieur, s'approchant de lui par derrière, lui donne le coup de grâce en le frappant avec un poignard appelé puntilla ou cachetero entre les deux cornes, près de leur racine. Au moyen de ce coup, qui consiste à séparer la première de la deuxième vertèbre et à léser la moelle épinière, l'animal meurt instantanément comme foudroyé.
 
La musique annonce la fin du combat ; une des portes de l'arène s'ouvre, et l'on y voit pénétrer au galop un magnifique attelage de trois mulets richement caparaçonnés, couverts de pompons, de fanfreluches, de grelots et de petits drapeaux aux couleurs espagnoles et à l'écusson aux armes de la ville où la course a lieu. Cet attelage, conduit par des mozos, vient enlever de l'arène les corps morts ; on commence par entraîner les chevaux qui ont péri sous les cornes du taureau, celui-ci est le dernier enlevé ; des garçons de service du cirque, les uns armés de râteaux, les autres munis de paniers remplis de sable, s'empressent d'effacer les traces sanglantes que le dernier combat a laissées sur l'arène.
 
La musique cesse de faire entendre ses accords ; la trompette sonne de nouveau, les toreros et les picadores reprennent leurs postes respectifs, les portes du toril s'ouvrent, et un autre taureau est lancé.
 
Si le taureau refuse d'attaquer, s'il ne se prête à aucune des passes du combat, on lui lance des dogues, et quand ceux-ci l'ont terrassé, le cachetero l'achève avec son poignard, à moins que l'autorité n'ordonne que ce taureau soit repris et remplacé par un autre. Dans ce cas, il est ramené au toril par les bœufs conducteurs et gardiens de son troupeau, appelés cabestros.
 
Six taureaux sont ordinairement combattus et tués dans chaque course sans interruption, car dans ces représentations les entr'actes ne sont pas connus. La lutte, quoique paraissant toujours la même aux personnes qui ne sont pas initiées dans la science tauromachique, présente cependant une foule de péripéties et d'incidents remarquables, qui varient à l'infini et tiennent toujours en éveil l'esprit des spectateurs, leur faisant éprouver les sensations les plus vives, les plus diverses. Dans ce spectacle, point de fictions, tout est réalité. Chaque incident fait ressortir une ruse ou une fureur de l'animal, un calcul ou un prodige d'agilité de l'homme. L'impatiente férocité de l'un, la calme intelligence de l'autre, produisent ces contrastes a la fois terribles et attrayants qui ont fait dire à Théophile Gautier qu'une course de taureaux est un des plus beaux spectacles que l'homme puisse imaginer.
 
 
LA CORRIDA A NÎMES
EN CARTES POSTALES ANCIENNES
Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
Entrée des cuadrillas - Carte postale ancienne, colorisée, Nîmes corrida du 11 août 1908  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
Entrée du Taureau dans l'Arène - Carte postale ancienne, colorisée, environ 1905-1910  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
Préparation aux banderilles- Carte postale ancienne, colorisée, environ 1905-1910  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
Un picador - Carte postale ancienne, colorisée, environ 1905-1910  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
Chute du Picador - Carte postale ancienne, colorisée, environ 1905-1910  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
Une bonne pique - Carte postale ancienne, colorisée, environ 1905-1910  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
Banderillo se préparant à banderiller au demi tour
Carte postale ancienne, colorisée, environ 1905-1910  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
L'appel aux banderilles - Carte postale ancienne, colorisée, environ 1905-1910  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
Pose de Banderilles - Carte postale ancienne, colorisée, environ 1905-1910  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
Matador exécutant une passe de muleta aidée
Carte postale ancienne, colorisée, environ 1905-1910  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
Matador profitant au moment de porter l'estocade
Carte postale ancienne, colorisée, environ 1905-1910  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
Une estocade volapié - Carte postale ancienne, colorisée, environ 1905-1910  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
Matador portant l'Espocade - Carte postale ancienne, colorisée, environ 1905-1910  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
Puntillero donnant le coup de grace - Carte postale ancienne, colorisée, environ 1905-1910  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
Fuentès après l'Estocade - Carte postale ancienne N et B, Corrida du 5 juillet 1903  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
L'Arrastre - Carte postale ancienne N et B  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
Chute du Picador - Carte postale ancienne, colorisée, environ 1905-1910  - Collection Arnaud Moyne-Bressand
 
Une suite d'articles sur la Tauromachie
> Origine des Courses de Taureaux à Nîmes de 1804 à 1820
> Origine des corridas en Espagne, texte de 1854
> Début de la Tauromachie Espagnole en France, texte de 1854
> Première corrida à Nîmes en 1853
> Reprise des corridas dans les Arènes de Nîmes, les 10 et 14 mai 1863.
> Descriptif avec images de la tauromachie, article du milieu du XIXe siécle
> L'art tauromachique contemporain à Nîmes
> Les taureaux des Arènes
> Le taureau de Camargue
> Article Midi Libre du 29 janvier 2006
> Article Midi Libre du 28 mai 2006