Emile ESPÉRANDIEU.

L’amphithéâtre de Nîmes, 1933

VI

LES TAUREAUX DES ARÈNES.

 

 

Une autre quasi-preuve de la construction de l'Amphithéâtre par Auguste peut être tirée des avant-corps de taureau qui décorent la porte principale du monument.

 

On croit généralement que ces figures sont un symbole de la destination de l'édifice. Il y a une quarantaine d'années, une plaidoirie célèbre n'a pas peu contribué à répandre cette opinion. En réalité, les figures n'ont aucun rapport avec les courses de taureaux; mais il se peut qu'elles caractérisent, les grands travaux de maçonnerie de l'époque augustéenne.

 

Auguste eut, très manifestement, une prédilection particulière pour les images de taureau.

 

 

 

On s'est efforcé d'attribuer ce penchant à plusieurs causes. Prosper Mérimée qui, le premier, a noté cette prédilection, dit, en se fondant sur un texte de Suétone, que des têtes de taureaux décoraient la maison paternelle d'Auguste. Au vrai, l'historien latin n'est pas aussi explicite; il se contente d'indiquer qu'Auguste vint au monde au Palatin ad capita butina, près des têtes de bœuf, ce qui ne peut être que le nom d'un quartier. Rien ne s'oppose évidemment à ce que l'empereur ait voulu rappeler l'endroit de sa naissance en mettant des taureaux ou des avant-corps de taureau sur certaines de ses monnaies ou sur des monuments bâtis par son ordre; mais il est vraisemblable cependant que ce ne fut pas la seule raison qui guida son choix.

 

Les ancêtres d'Auguste étaient originaires d'une ville de Lucanie appelée Thurim dont le taureau était l'emblème. Lui-même, dans sa jeunesse, porta le nom de Thurinus. M. Blanchet, de l'Institut, a supposé que ses monnaies au revers du taureau sont imitées de celles de Thurium, il avait déjà pensé qu'Auguste avait voulu créer une monnaie concurrente de celle de Marseille.

 

Mais les avant-corps de taureau tiennent aussi sans doute à d'autres causes. La famille des Jules était venue à Rome d'une localité du Latium appelée Bovillœ, les étables à bœufs. Depuis César, le taureau était l'emblème de la vie légion Victrix.

 

M. Constans toutefois ne s'en tient qu'au surnom de Thurinus qu'il ne croit pas sans rapport avec le sujet qui nous occupe. «  Dans ce cas, dit-il, la présence du taureau sur les monuments d'Arles et de Nîmes serait un hommage à Auguste dont les dits monuments sont effectivement contemporains. »

 

En tout cas, à quelque cause qu'on doive les attribuer, les avant-corps de taureau, dont il y a à Nîmes des exemples, non seulement à l'Amphithéâtre, mais dans la rue Saint-Castor et sur la porte dite d'Auguste, datée de l'an 16 avant notre ère, paraissent accuser nettement des constructions augustéennes. (1) Et nous retombons ainsi dans l'hypothèse précédente quant à la date du monument.

 

Eglise St Castor (Cathédrale) - Dessin de Rulman du tympan détruit.

 

(1) Nota Webmaster : Il y avait sur la porte de l'église St Castor, deux têtes de taureaux de marbre, qui étaient les enseignes de l'Empire, l'une desquelles y parait encore toute martelée ; la nécessité de l'architecture les fit abattre lorsque Ligier de Chartres y bâtit une belle porte en rebâtissant l'église.

Un ornement analogue se trouvait des deux côtés du tympan de la petite « rayole ». Rulman a fait un dessin de cette porte secondaire du côté nord de l'église (il y en avait une autre en face, au sud), où l'on voit un petit tympan garni d'une ornementation végétale.

Cette porte, aujourd'hui murée, se trouvait englobée dans la maison natale du mathématicien Gaston Darboux, au N° 2, rue St Castor.

 

Elle est mutilée et couverte de chaux, mais la grosseur des, deux protubérances de pierres informes qui subsistent, indique bien que ce sont ceux protomes de taureaux romains qui furent réemployés à cet endroit.

 

 

 

Cet ornement aurait inspiré celui qui fut placé de part et d'autre de la grand-porte, et celui qui fut mis a Saint-Restitut.

quand aux têtes de taureaux de la porte Auguste, taillées dans de la pierre de Baruthel, elles ont fondu, le choix de la pierre de Lens eut été plus judicieux, exemple : les chapiteaux des colonnes de la Maison Carrée, magnifiquement conservés.

 

 

-oOo-

 

SUITE - Les Arènes par  Emile Espérandieu, 1933.
> I – Description
> II – Le Velum
> III – Écoulement des eaux de pluies
> IV – La question des naumachies
> V – La date de l’Amphithéâtre
> VI – Les taureaux des arènes
> VII – Nombre de places
> VIII – Les chevaliers des arènes
> IX – Dégagement de l’amphithéâtre
> X – Spectacles antiques

 

Une suite d'articles sur la Tauromachie
> Origine des Courses de Taureaux à Nîmes de 1804 à 1820
> Origine des corridas en Espagne, texte de 1854
> Début de la Tauromachie Espagnole en France, texte de 1854
> Première corrida à Nîmes en 1853
> Reprise des corridas dans les Arènes de Nîmes, les 10 et 14 mai 1863.
> Descriptif avec images de la tauromachie, article du milieu du XIXe siécle
> L'art tauromachique contemporain à Nîmes
> Les taureaux des Arènes
> Le taureau de Camargue
> Article Midi Libre du 29 janvier 2006
> Article Midi Libre du 28 mai 2006

 

> Contact Webmaster