Les Anciennes Fortifications de Nîmes Jules Igolen, 1935.
II Nemausus est dotée d'une enceinte de remparts par faveur spéciale d'Auguste.
Dans le Manuel d'Archéologie Gallo-romaine de A. Grenier, nous lisons :
« Au moment où la civilisation romaine s'établit en Gaule, le rempart est pour les villes non seulement une sauvegarde, mais comme un titre de noblesse. Il est l'insigne d'une fondation à la fois civile et religieuse. Il distingua les véritables cités des agglomérations de hasard nées sans reconnaissance officielle et qui vivent sans droit. Il est, en particulier, la prérogative des colonies, qui, en Italie, et surtout dans les provinces récemment conquises, représentent les postes avancés de la puissance romaine. En principe, les colonies établies en Narbonnaise et en Gaule au début de la domination romaine durent donc être entourées d'un rempart et, en première ligne, les colonies de citoyens romains composées de vétérans.» Au vrai sens du mot Nîmes ne fut pas une colonie romaine mais une colonie de droit latin et non de droit italique composée, dit-on, de vétérans grecs (et non romains) venus d'Egypte, ayant servi sous les ordres de César Octave ou d'Antoine et envoyés à Nîmes après la victoire d'Actium, à la suite de laquelle César Octave devint l'empereur Auguste.
Nîmes ne pouvait donc prétendre au rempart comme les cités de la Narbonnaise qui étaient de véritables colonies romaines, composées de vétérans romains. Cependant, Nîmes eut des remparts élevés par faveur spéciale d'Auguste, remparts que nous savons avoir été terminés entre le 27 Juin An XVI avant notre ère et le 27 Juin de l'année suivante, d'après l'inscription de la frise de la Porte d'Auguste. Il est vrai que si Nemausus n'était pas une vraie colonie romaine, elle était déjà une des villes des plus importantes du Midi de la Gaule, la capitale des Arécomiques, de la Civitas Nemausensis et « consacrée depuis longtemps par la sainteté et la beauté de la Source du dieu Nemausus et des Mères Nemausiennes. »
Le tracé de l'enceinte romaine.
L'enceinte romaine se développait, au nord, en suivant la ligne de crête qui va du chemin de la Planète actuel au mont Duplan. Elle suivait, à peu de chose près, le tracé jalonné actuellement par le chemin des Gazons, la rue Démian ; à l'extrémité de cette dernière rue, elle laissait hors des murs la crypte actuelle de saint Baudile, où la tradition veut que le saint ait été martyrisé « hors et près des murs de la ville ». Elle passait ensuite un peu au-dessus de la rue des Moulins pour gagner le col de la rue Bonfa, à Saint-Luc, qu'elle traversait près du carrefour que forment les rues à cet endroit ; de là, elle se dirigeait vers le sommet du mont Duplan. De ce point, l'enceinte, en suivant les pentes ouest de la colline, se dirigeait, presque en ligne droite, vers la Porte d'Auguste, appelée alors Porte d'Arles.
Après la Porte d'Arles, elle passait dans les maisons qui sont en bordure des boulevards Amiral-Courbet et de l'Esplanade. ,
« Dans cette partie du tracé, a écrit Germer-Durand, le mur existe encore dans une cave de la maison Bézard, rue Régale, dans les caves des cafés Peloux et Tortoni (maison Bloch et maison du Prisunic actuelles) et constituait un massif sur lequel le mur de droite du Grand Temple, ancienne église des Dominicains, vient s'appuyer ainsi que ses contreforts. C'est ce même mur dont le couronnement intact formait la terrasse de l'ancienne gendarmerie, ancien couvent des Dominicains ; il est à regretter que cette portion, dont j'ai été assez heureux pour faire un relevé sommaire, avant sa complète disparition, ait été depuis longtemps démolie. »
Après le boulevard de l'Esplanade actuel, l'enceinte arrivait devant l'amphithéâtre, les Arènes actuelles.
« Nous devons relever ici, écrit M. Mazauric, dans son « Histoire du Château des Arènes », une erreur commise par plusieurs archéologues et notamment par Germer-Durand dans sa « Notice sur les Enceintes successives de Nîmes ». Il s'agit du rempart romain primitif et de sa direction véritable au sud du monument. Tous les documents que nous avons consultés démontrent que de grandes modifications ont été apportées à cette partie du rempart vers 1195, 1360, 1621, 1664. Le mur romain était beaucoup plus rapproché du monument qu'on ne se l'imagine généralement. II existait encore en partie vers 1789 et formait le front septentrional des deux jeux de paume à 15 mètres seulement (8 toises) des Arènes. C'est dans cette partie, faisant face à l'extrémité du petit arc méridional du monument que se trouvait une vieille porte romaine dont le nom primitif n'est point parvenu jusqu'à nous, mais dont l'existence est attestée par des textes et par les fouilles de 1809. »
Après avoir dépassé l'amphithéâtre, l'enceinte romaine se dirigeait vers la Porte d'Espagne, aujourd'hui appelée Porte de France. A partir de la Porte d'Espagne, elle suivait le Tracé actuel de la rue du Cirque Romain (ex rue de l'Abattoir, précédemment rue des Remparts), traversait le Cadereau et, toujours en ligne droite, gagnait la propriété actuelle de M. Pellissier (villa Belle Viste) comprise entre le chemin de Pissevin et le chemin de Montaury. Là, la trace de trois tours antiques, signalées par Mazauric dans ses « Recherches Archéologiques » de 1909, à peine visibles aujourd'hui, permettent de suivre le tracé des remparts dans la propriété ci-dessus et dont le centre forme un creux assez prononcé. Pour éviter ce creux, le rempart, en ligne droite jusqu'alors depuis la Porte d'Espagne, changeait brusquement de direction sur l'emplacement même de la maison du concierge de la propriété Pellissier, un peu en arrière de la villa, suivait l'horizontale du terrain, côte 70, jalonnée par le mur de clôture passait sous la villa de M. Perrier, adossée à ce mur, puis changeait légèrement de direction, venait toucher le chemin actuel de Montaury là même où se trouve une des trois tours signalées par Mazauric, puis revenait vers l'intérieur de la propriété Pellissier jusqu'à l'endroit où se trouvait la troisième tour signalée.
De ce point, l'enceinte se dirigeait vers le sommet de la colline, traversait le chemin de Montaury, passait devant le mas Baguet, à M .Nègre, en face de laquelle, de l'autre côté du chemin, on voit encore très nettement une partie d'une tour ronde et la base du rempart. A partir de cette tour, le rempart suivait sensiblement le mur côté Est qui borde le chemin de Montaury, à quelque centaine de mètres plus loin, environ, on peut voir encore, en contre bas du chemin et au ras du sol, dans la propriété de M. Nègre, les traces d'une tour qui devait déborder de l'autre côté du chemin, dans la propriété actuelle de M. Bouzanquet où passait le rempart, lequel se prolongeait ensuite dans le terrain appartenant aujourd'hui à M. Lanvers, avant de gagner le Préventorium ,où le mur existe encore dans presque toute sa hauteur en certains endroits.
Du sommet de Montaury, l'enceinte romaine descendait vers le Cadereau en suivant la ligne de plus grande pente, traversait la route de Sauve peu après sa jonction avec l'Avenue de la Plateforme, puis franchissait le Cadereau et se prolongeait, toujours en ligne droite, jusque dans la propriété de M. Ricou, voisinage du cimetière protestant. Dans cette propriété, le rempart changeait de direction comme le montrent encore aujourd'hui un pan de mur et les traces d'une tour carrée. C'est dans cette propriété qu'on découvrit, en 1929, cinq stèles avec inscriptions latines et un petit bas-relief, avec personnages, transportés au Musée lapidaire.
De la tour carrée précitée, l'enceinte se dirigeait en ligne droite jusqu'au rocher de Canteduc, auquel elle se soudait, comme on peut encore le voir, et de la Carrière Romaine ainsi qu'à la propriété de M. Sabattier, le mur traversait la route d'Alès actuelle exactement au commencement de la propriété Sabattier, où l'on distingue encore des vestiges au ras du sol ; de la route d'Ales au rocher de Canteduc, le rempart est continu et sert de séparation entre la propriété Sabattier et les maisons voisines.
Sur le Rocher de Canteduc, on peut suivre, pas à pas, le mur romain qui finit à la villa Deleuze, laquelle est construite sur la base du rempart lui-même.
Un passage souterrain, pratiqué sous le chemin de Combret, permettant l'accès de la partie de la propriété Deleuze située de l'autre côté du chemin, semble avoir été fait contre le mur romain lui-même, ce passage, en effet, est constitué, côté nord, par un mur en petites pierres de taille, en tous points semblables à celles du revêtement du rempart, ce passage permet en outre de se rendre compte que la partie supérieure du chemin de Combret est exactement sur l'emplacement de l'enceinte romaine.
A l'endroit où le chemin de Combret bifurque, pour aller d'un côté vers le jardin de la Fontaine, et de l'autre rejoindre la route d'Alès, le rempart changeait de direction, remontait vers le nord, en suivant très probablement le vieux mur situé à quelques mètres et à l'ouest ciel nouvelles terrasses de la Fontaine.
On retrouve le mur romain il hauteur, en contre bas et à l'ouest de la Tour Magne, dans le maset appartenant à M. Salles, vice président du Conseil Général; dans cette petite propriété, le rempart changeait encore de direction pour aller rejoindre la Tour Magne, déjà existante, où on le voit très bien, accolé à la Tour, à droite de la porte d'entrée, sur toute sa largeur et sur une hauteur d'environ deux mètres. De la Tour Magne, le rempart repartait à angle droit et, se dirigeant vers le nord, en suivant à peu de chose près le chemin actuel de la Planète, allait rejoindre le chemin des Gazons, notre point de départ.
A la Tour Magne, le mur d'enceinte ne faisait point corps avec le monument, comme on peut encore s'en rendre compte, il se plaquait extérieurement à la Tour, comme l'écrit M. Mazauric, transformant en heptagone irrégulier le plan primitif de la Tour.
« Les Romains, a écrit Grangeant, avaient établi leurs murs d'enceinte toujours sur la crête des coteaux qui environnent la ville du côté nord en suivant tous leurs mouvements et toutes leurs sinuosités pour dominer tous les alentours et pour se garantir aussi de l'insalubrité qui eut résulté de la dégradation des eaux pluviales en dehors et en dedans du pied des murailles ».
Au Mont Duplan, cependant, l'enceinte, au lieu de suivre toute la ligne de crête qui descend vers la route d'Uzès, derrière le groupe scolaire, allait presque en ligne droite du point culminant vers la Porte d'Arles, laissant hors des vues les pentes est de la colline : il est vrai que du sommet du Mont Duplan la vue domine tous les environs de la route d'Uzès à la plaine de Nîmes. (1)
(1) Nota Webmaster : On a trouvé des ruines du rempart romain, lors de fouilles, au cours de la construction du planétarium.
L'enceinte construite par les Romains autour de Nîmes se développait sur une longueur de plus de 6.000 mètres, ce qui fit alors de Nemausus la ville la plus vaste des Gaules, suivant Camille jullian, elle englobait une superficie de 220 hectares environ, et renfermait, dit-on, une population que l'on s'accorde à évaluer à environ à 30.000 âmes.
L'enceinte de la ville de Trèves, en Rhénanie, dépassa en longueur celle de Nîmes, mais Trèves ne fut romanisée que bien longtemps après Nîmes.
La traversée du cadereau par les remparts.
Grangent a pu étudier la traversée du Cadereau par les remparts et voici ce qu'il a écrit à ce sujet dans son Ouvrage précédemment cité :
« Les Romains, en renfermant le lit du Cadereau dans l'enceinte de leur ville, avaient dû s'occuper aussi des moyens de fournir un passage facile aux eaux, sans donner une entrée aux ennemis en temps de guerre. Des vestiges qui existent encore (en 1819) sur ce point, nous ont suffi, après un scrupuleux examen, pour reconnaître la position de l'enceinte antique.
On trouve encore les amorces d'une culée en pierre de taille, et d'un radier en maçonnerie qui traverse le lit du torrent. Deux fortes tours rondes en protégeaient les deux rives ; d'où il est aisé de conclure que les murailles étaient percées de deux ou trois arceaux, dont le débouché était suffisant pour le libre écoulement des plus hautes eaux ; que ces arceaux étaient fermés par de fortes grilles de fer, qu'un radier général, fondé sur le ferme, servait d'établissement à toutes ces constructions, en s'opposant à la possibilité de fouiller au-dessous des arceaux pour s'ouvrir un passage dans l'intérieur, et qu'enfin cette portion de l'enceinte de la ville était protégée, en cas d'attaque ou de surprise, par deux grosses tours saillantes qui la mettaient à l'abri de toute crainte ».
Ce qui reste encore de l'enceinte romaine.
De l'enceinte romaine terminée l'An XV avant notre ère, il reste encore de nombreux vestiges, plus ou moins conservés et connus ; parmi ceux-ci, nous citerons, en suivant le tracé de l'enceinte et en partant de la Porte d'Auguste :
1 -Une partie de ce qui fut la Porte d'Arles (Porte d'Auguste),
2 - une partie de ce qui fut la Porte d'Espagne (Porte de France),
3 - des vestiges du mur d'enceinte à la rue Barbès, près du chemin de Pissevin,
4 - un pan de mur et les traces d'une tour ronde sur le chemin de Montaury, en face le Mas Baguet,
5 - sur le sommet de Montaury, dans la propriété du Préventorium, le mur romain, plus ou moins haut privé de ses revêtements intérieur et extérieur,
6 - sur les pentes descendant de Montaury vers la route de Sauve, le mur romain, plus ou moins haut, privé de ses deux revêtements, les traces d'une tour ronde, au milieu des broussailles, vers le milieu de la pente, la base d'une tour ronde, tangente au rempart, bien conservée avec ses deux revêtements, à environ une vingtaine de mètres au-dessus de la route de Sauve,
7 - au-delà du Cadereau, dans la propriété de M. Ricou, des restant du mur d'enceinte attenant à une tour carrée,
8 - des vestiges du rempart, de la route d'Alès au rocher de Canteduc, séparant la propriété Sabattier des maisons voisines,
9 - accolé au Rocher de Canteduc, le rempart sur une dizaine de mètres de longueur et sept à huit mètres de haut,
10 - sur le Rocher de Canteduc, le rempart, de plusieurs mètres de hauteur, recouvert de lierre,
11 - contre la Tour Magne, à côté et à droite de la petite porte donnant accès à l'intérieur du Monument, enfin, ça et là, d'autres vestiges, comme ceux de derrière la Tour Magne, et plus ou moins bien conservés.
Les murs de l'enceinte.
Les murs de l'enceinte avaient une hauteur moyenne de 9 à 10 mètres au-dessus du sol et une épaisseur variant de 2m66 à 2m95, ils étaient parementés sur leurs deux faces par des assises très régulières en moellons smillés, leur partie intérieure était formée d'un blocage, c'est-à-dire composée de pierres de toutes sortes noyées dans du mortier, la base, très solide était faite de plusieurs assises en moyen et grand appareil, le couronnement était formé d'une assise de larges dalles de 0m31 de hauteur, en pierre de Barutel, formant saillie, de 0m10 sur les deux faces verticales. Grangent pense que les murailles étaient défendues au dehors par un parapet crénelé, d'un et deux mètres de hauteur alternative, ce qui aurait permis aux troupes de manoeuvrer facilement sur la plateforme, au-dessus des murs, tout en se mettant à l'abri des atteintes des assiégeants, derrière la partie la plus élevée du rempart.
En 1932, en prolongeant la Rue Barbès jusqu'au chemin de Pissevin, les travaux de déblaiement mirent à jour, sur une longueur de 15 mètres environ, un reste du rempart romain que le Commandant Espérandieu a décri comme suit, dans la Revue du Vieux Nîmes, N° 2, avril juin 1932 :
« Les fondations de ce mur sont constituées par un solide blocage de 0m51 de haut au-dessus duquel apparaissent les assises du rempart. Celles-ci sont faites en moellons smillés de 0m12 de haut, très correctement assemblés.
Le rempart a 2m60 d'épaisseur et présente, à partir de la quatrième assise, une retraite de 0m15, au-dessus de laquelle on ne trouve plus, en général, qu'une seule, mais quelquefois de trois à quatre assises,
Vers le nord de la partie qu'on vient de déblayer ainsi, le rempart est coudé perpendiculairement à sa direction primitive. Au delà il surplombe de 5 à 6 mètres un terrain horizontal, où l'on ne distingue aucune trace de mur. Ce coude indique soit une tour rectangulaire, soit une nouvelle direction du rempart qui eut alors suivi, à peu près le chemin de Pissevin, pour atteindre au Boulevard J. Jaurès, la porte cochère du Marché aux Bestiaux, où il a été reconnu il y a deux ans. »
Les tours de l'enceinte
Le mur d'enceinte était complété défensivement par de nombreuses tours, en général, plus élevées que le chemin de ronde, il y en avait une à chaque angle, rentrant ou saillant, et, ailleurs, la distance d'une tour à l'autre était calculée de façon que les défenseurs des remparts, archers ou frondeurs, pussent croiser leur tir et empêcher l'ennemi d'approcher de la base du mur, il y avait ainsi une tour tous les cinquante mètres environ.
Ces tours, de formes différentes, rondes généralement, quelquefois carrées, extérieures au rempart, formaient une saillie plus ou moins grande, suivant leur mode de liaison avec le mur d'enceinte ; les unes étaient tangentes au rempart auquel elles étaient liées par une petite portion droite ou courbe, tantôt par des perpendiculaires sur les murailles tangentes à la circonférence extérieure et intérieure de la tour ; certaines pénétraient dans l'épaisseur du mur, comme celle dont on voit encore une partie du pourtour intérieur sur le chemin de Montaury, vis à vis le Mas Baguet.
« Ces tours, a écrit Grangent (Description des Monuments antiques du Midi de la France), étaient généralement rondes, nous n'en avons trouvé qu'une seule carrée au-dessous et à l'ouest de la Tour Magne. Ménard dit que la plupart étaient octogonales, nous n'en avons cependant remarqué aucune de cette forme.
Elles étaient parementées en dedans et en dehors en moellons smillés, comme tout le reste des murailles, étaient remblayées jusqu'au sommet et couronnées par un parapet crénelé. Dans l'opinion de Ménard, il y aurait une communication à travers la muraille, vis à vis de chaque tour, pour parvenir dans les flancs établis dans la partie inférieure, tandis que les murs sont pleins dans toute leur longueur, et ne présentent nulle part les vestiges d'aucune communication avec la partie inférieure des tours.
La seule tour carrée qui existe au-dessous et à l'ouest de la Tour Magne, a une saillie de 10m24 sur le parement extérieur des murs contigus et une largeur extérieure de 10m53. Les murs ont tous 1m80 d'épaisseur, ce qui donna au vide intérieur de cette tour 8m44, de saillie sur 6m95 de largeur.
Les tours rondes ont toutes à peu près les mêmes dimensions de 10m10 de diamètre hors d'oeuvre, ce qui donne au vide intérieur 7m50 de diamètre, l'épaisseur des murs étant toujours de 1m80 ».
On ne trouve aujourd'hui autour des remparts romains de Nîmes qu'une seule tour dont la base soit complète, cette tour se trouve à une vingtaine de mètres seulement au dessus de la route de Sauve, dans la propriété « Les Remparts », à Madame Jalabert, sise à la jonction de la route de Sauve avec l'Avenue de la Plateforme. Elle est complètement ronde, tangente au rempart et possède presque en entier ses revêtements extérieur et intérieur, à certain endroit sa hauteur atteint deux mètres. Les mesures que nous avons faites sur cette tour concordent avec celles signalées par Grangent et citées plus haut.
On trouve dans la même propriété, à une cinquantaine de mètres au-dessus de cette tour, une autre tour au milieu des broussailles, mais bien moins conservée.
L'examen des tours encore visibles, plus ou moins, montre qu'aucune ouverture ou porte n'était pratiquée à travers le rempart pour accéder à l'intérieur des tours, on devait se rendre au sommet de celles-ci par le chemin de ronde, légèrement en contre-bas.
Les portes de l'enceinte romaine
Sur tout le pourtour de l'enceinte, tant du côté de la plaine que du côté des collines, se trouvaient des portes donnant accès dans la ville. De nos jours, deux de ces portes existent encore en- partie : la Porte d'Arles (Porte Auguste) et La Porte d'Espagne (Porte de France).
L'historien Ménard, se basant sur Rulmann, cite, dans son « Histoire de Nîmes », dix portes, mais il ne peut en donner le nom, ni leur situer un emplacement d'une façon bien précise.
Grangent a reconnu lui-même, dit-il, les vestiges de trois de ces portes, en plus des deux citées plus haut
Une, entre le mont Duplan et la colline des Moulins, à la Posterle, là où passait le chemin qui conduisait chez les Helviens, en Vivarais.
La deuxième, à l'extrémité de la rue Porte Cancière actuelle, où passait le chemin qui conduisait chez les Gaboles, en Gévaudan et en Auvergne, la troisième, enfin, sur le chemin qui conduisait vers les Cévennes et le Rouergue, à l'ouest de la Fontaine, entre le Cadereau et la route d'Alès actuelle.
Chaque porte était flanquée de deux grosses tours demi-circulaires qui leur servaient d'encadrement et de défense.
En partant de la Porte d'Auguste actuelle, appelée autrefois Porte d'Arles, et en faisant le tour de l'enceinte, par le sud, on trouvait successivement
La Porte d'Arles
La porte que nous appelons aujourd'hui « Porte d'Auguste » , en souvenir du puissant protecteur de Nîmes, l'empereur Auguste, était désignée autrefois, suivant les textes du Chapitre Cathédral (947-978) sous le nom de « Porte d'Arles » (Porta Arelatensis), à cause de la voie romaine qui, venant d'Arles y aboutissait.
C'était là principale porte de la Cité et, par son architecture, on avait voulu la distinguer des autres portes: La façade se compose de deux grandes arcades de plein cintre, larges de 3m93 sur une hauteur de 6 mètres, et de deux petits arceaux n'ayant que 1m93 de largeur sur 4m d'élévation, ces derniers sont surmontés d'une niche demi-circulaire ornée de deux petits pilastres portant un entablement de l'ordre dorique.
Deux grands pilastres d'ordre corinthien servent d'encadrement à chacune des deux petites entrées et soutiennent, à 7m50 d'élévation, l'entablement général de l'édifice, cet entablement venait s'amortir contre deux tours demi-circulaires, démolies en 1793. Ces tours avaient 9m66 de diamètre, leur partie circulaire ne commençait qu'à 1m50 en avant du parement, ce qui leur donnait une forme infiniment gracieuse et facilitait les moyens de défense de cette entre avec plus d'avantage.
La frise, qui a 0m60 de hauteur, porte une inscription sur deux lignes, les lettres de bronze ont disparu, mais les rainures dans lesquelles elles étaient enchâssées nous ont heureusement conservé ce précieux document, qui fixe la construction de nos antiques murailles à la Sine année de la puissance tributienne d'Auguste, correspondant à l'an 738 de Rome, seize ans avant notre ère.
Les lettres de cette inscription sont d'un beau caractère, celles de la première ligne ont 25 centimètres de hauteur, et celles de la seconde 16 seulement.
Elle porte :
IMP. CAESAR. DIVI. F. AUGUSTUS. COS. XI. TRIBUV. POTEST. VIII. PORTAS. MUROS. QUE. COL. DAT.
Ce qui signifie qu'Auguste, ayant jugé utile à ses intérêts que Nîmes fut entourée de remparts, lui ordonne de les construire. Sur le milieu du monument se trouve une petite colonne ionique, qui sépare les deux grands arceaux, elle repose sur un chapiteau établi à l'imposte du pied droit sur lequel elle est située et s'élève jusqu'à l'entablement. Cette colonne était le « milliare passum primun » de Nîmes, c'est-à-dire le point d'où l’on partait pour compter les milles sur toutes les routes, c'était pour ainsi dire le milliaire zéro.
Outre la petite colonne, l'entablement était encore soutenu par deux taureaux à mi-corps, placés immédiatement au-dessus de la clé des grands arceaux.
Les deux niches qui couronnent les petites entrées étaient probablement décorées des statues d'Auguste et d'Agrippa, ou peut-être de Caius et Lucius, petits-fils de l'Empereur.
La Porte d'Auguste, large de 39m60, formait un avant-corps en saillie de 5m23 sur les remparts antiques, cette saillie était augmentée à ses deux extrémités par la partie arrondie de deux tours de 9m66 de diamètre, dont l'hémicycle ne commençait qu'à 1m50 en avant de la façade.
Les deux petites entrées de la porte formaient, sur une longueur de 16 mètres, deux portiques couverts de voûtes à plein cintre formées d'arcs doubleaux ; ces passages étaient éclairés par trois fenêtres cintrées de 2m50 de hauteur sur 1m15 d'ouverture, établies à 0m65 au-dessus du sol antique.
Il paraît que ces portiques ne se fermaient pas habituellement, car on ne voit sur les pieds droits, ni sur le seuil, aucune trace de scellement de gonds, ni de crapaudine ; cependant, deux trous carrés de 0m20, placés sur les murs latéraux, vis à vis de deux autres trous de même dimension, taillés en chanfrein, démontrent, par leur emplacement et leur forme, que, dans certaines circonstances, à l'approche de l'ennemi, par exemple, ces ouvertures se fermaient par un vantail, retenu à l'intérieur par de fortes solives fixées dans ces trous.
Les grandes entrées n'étaient couvertes que sur une épaisseur de 2m84 par deux arcs doubleaux en saillie de 0m 44 sur le nu du mur intérieur, ces deux arcs étaient séparés par un intervalle de 0m45 destiné au mouvement d'une herse.
Cette première barrière n'avait pas paru suffisante ; à 1m53 de la herse, immédiatement après les arcs doubleaux, on avait établi une seconde porte à deux vantaux dont les mouvements de rotation s'opéraient sur des pivots établis à 0m30 de leur bord, cette seconde porte se fermait par des solives dont la disposition était la même que celle des passages couverts.
Après avoir franchi cette double barrière, on se trouvait dans une cour, le « Cavœdium », large de 10m64 sur 13m de longueur, l'enceinte formée par la Porte d'Auguste devait se terminer ,du côté de la ville, par un système d'arcades et de fermetures en harmonie avec celui de la face extérieure.
On conçoit que cette disposition était extrêmement favorable à la défense de la ville, les assaillants, après avoir forcé les deux premières portes, se trouvaient enfermés dans une impasse dominée sur tous les points par des terrasses, des portiques latéraux, d'où les assiégés pouvaient facilement écraser l'ennemi avant que les portes intérieures fussent forcées.
Le pavé romain, presque tout conservé sous le grand arc de droite, est formé de fortes dalles de 0,30 d'épaisseur, longues de 2 à 3 mètres, d'une largeur irrégulière, mais parfaitement juxtaposées, ce pavé formait un seul dos d'âne sur toute la largeur des grandes entrées.
Porte des Eaux.
La Porte des Eaux, que l'on appelait à l'époque romaine « Porta Aquarum », se trouvait à l'entrée actuelle de la rue des Greffes. C'est là que le « Rivus de la Fontaine », une des branches de la Fontaine, après avoir traversé la ville en suivant le tracé jalonné actuellement par la rue de l'Horloge, la rue St-Castor, la Place Belle Croix, la Grand'Rue, débouchait dans les fossés, tout comme le Grand Cloaca Maxima, plus tard l'Aqualis, à la Porte d'Arles. Au Xe siècle, il existait sur l'emplacement de cette porte un certain « Castellum de Morricipio », dont les deux tours n'étaient autres que les vestiges de tours antiques ayant appartenu à la Porta Aquarum. Des traces de cette porte ont été retrouvées en 1802, puis en 1829, par Pellet qui, en ayant vu les vestiges, a écrit qu'elle se composait de deux arcades jumelles avec rainures pour herse ; en 1858, on retrouva encore des traces de cette porte, ainsi qu'en 1892 lors de la construction de la Galerie jules Salles.
Porte de Nages.
Les différents auteurs qui ont écrit sur l'enceinte romaine signalent que sur l'emplacement actuel du Palais de Justice, où l'on a trouvé de solides fondations antiques, se trouvait une ancienne porte romaine, désignée sous le nom, da « Porta Anagia », Porte de Nages en 995, Porte Vielle, en 1220.
L'ancien oppidum de Nages se trouvant au sud-ouest de Nîmes, il semble peu vraisemblable que si une porte romaine ait existé en ce point, on lui ait donné le nom de cet oppidum, que rien ne justifiait. La vérité semble avoir été trouvée par M. Mazauric qui s'en explique dans ses « Recherches Archéologiques de 1909 ».
A la suite de la découverte de vieilles constructions romaines vers la montée de Pissevin, au-dessous de la colline de Montaury, au quartier désigné dans les anciens titres sous le nom de « Four de Borrély », M. Mazauric a écrit :
« Grâce à l'amabilité du propriétaire, M. Pellissier, j'ai pu étudier en cet endroit les bases de trois tours romaines établies sur le passage de l'ancien rempart.
Au nord-ouest de la propriété, on remarque une dépression en forme de col où le mur romain dessine un angle rentrant très accusé. C'est ici que je placerais volontiers l'ancienne Porte de Nages dont il est question dans un acte de 995.
Le chemin qui vient y aboutir, chemin vieux de Sommières ou de Nages, dit communément chemin de Pissevin, est une antique voie celtique qui réunissait directement l'oppidum de Nages au chef-lieu des Arécomiques... »
L'opinion de M. Mazauric semble toute rationnelle, la Porte de Nages devant certainement se trouver du côté de cet oppidum, plutôt que sur l'emplacement du Palais de justice, dans une direction opposée. Nous avons à notre tour visité la propriété de M. Pellissier; des trois tours signalées par M. Mazauric nous avons pu en voir encore deux (*), et, grâce à elles, déterminer exactement le tracé du mur romain dans le rentrant qu'il faisait dans la propriété précitée et son prolongement jusqu'au sommet de Montaury, signalé par une tour bien visible encore sur le chemin même de Montaury, en face le Mas Baguet à M. Nègre, et une autre, a peine visible, à une centaine de mètres au-delà dans la propriété de M. Nègre, et en contre-bas du chemin.
(*) Côté N°23 sur le plan des remparts.
La porte vieille des Arènes.
La Porte Vieille des Arènes ne nous est connue dans ses détails que depuis la publication de l'ouvrage posthume de M. Mazauric l'« Histoire du Château des Arènes ».
Germer-Durand ne la signale pas dans son étude sur « Les Enceintes successives de Nîmes », et on n'avait sur elle que de vagues renseignements.
« Vers 1807 écrit M. Mazauric dans l'Histoire du Château des Arènes, la démolition de la vieille maison du sieur Mallenne, en face des arènes, permit de constater que cette maison était bâtie sur l'ancien rempart romain et possédait un arceau encombré de ruines et muré, absolument semblable à ceux de la Porte d'Arles. II y avait là une porte romaine presque en face et à quelques mètres seulement de la porte sud des arènes. Transformée comme les autres en petite forteresse par l'adjonction d'une maison, elle fut remplacée dans son rôle de passage public par une autre porte ouverte à quelques dizaines de mètres vers le nord. Cela dut se produire vers la fin du XIe siècle. L'ancienne Porte des Arènes prit alors le nom de Porte Vieille et la nouvelle porte celui de Porte Neuve », voir plus loin, au chapitre consacré aux remparts du Moyen-Age, de plus amples détails sur la Porte Neuve des Arènes.
La porte d'Espagne.
Après la ruine de l'enceinte romaine par Charles Martel, en 738, la Porte d'Espagne constitua, avec les fossés qui se trouvaient en avant, une sorte d'ouvrage isolé qu'on trouve désigné sous le nom de < Château » ou « Castrum Porta Spana », en 1037.
En 1144 et en 1146, on cite, près de cette porte, une chapelle et, bientôt après une infirmerie ou hôpital.
En 1210, cette porte est désignée sous le nom de « Porta Cohoperta in Horto Infirmorum », c'est-à-dire « Porte Couverte dans le jardin des malades ou près de l'Hôpital. »
La Porte Couverte devint encore dans la suite « Ie Pourtalas » ou « Grand Portail ».
La porte du Cirque.
L'emplacement de la Porte du Cirque n'a jamais pu être déterminé d'une façon précise, elle se trouvait aux environ du Cours Jean-Jaurès actuel, entre ce Cours et le Cadereau à la sortie du chemin de la Galère, a écrit M. Mazauric.
Mais où se trouvait le Cirque romain lui-même ?
Les avis sont partagés là-dessus. Diverses gravures du XVIIIe siècle indiquent que le cirque se trouvait hors des remparts, entre la Porte d'Espagne et le Cadereau et qu'un de ses côtés était constitué par le rempart occupant alors l'emplacement de la rue actuelle du Cirque Romain, ex rue de l'Abattoir.
A notre avis, le cirque romain était en entier à l'intérieur des remparts et occupait approximativement l'espace compris entre la rue du Cirque Romain actuelle et la rue du Mail, son entrée se trouvait du côté du Cadereau et sa sortie, ou plutôt la sortie du char du vainqueur, se trouvait du côté opposé, non loin de la Porte d'Espagne. Le nom de la rue des Charrettes, aujourd'hui rue J. Reboul, ne rappellerait-il pas le nom de la rue suivie par le char du vainqueur, et que lui seul suivait, pour se rendre du cirque vers l'amphithéâtre, c'est-à-dire vers le centre de la ville ?
En 1185, le quartier sur lequel se trouve actuellement les rues du Cirque Romain et du Mail, était désigné sous le nom de « Ad Carceres », Écurie du Cirque.
En 1223, on désignait le Cadereau sous le nom de « Cadaraucus Carceribus », Cadereau des Écuries du Cirque.
D'autre part est-il téméraire d'avancer que la Porte du Cirque, à son origine, a dû servir de sortie à la Voie Domitienne, laquelle après avoir traversé Nîmes jusqu'aux environs du Cadereau au pied de Montaury, où se trouvait concentrée la Cité Arécomiques, se dirigeait vers l'ouest en suivant le bas des collines ?
La porte de Sauve.
La Porte de Sauve, jadis « Porta Salviensis », servait de sortie au chemin conduisant vers les Cévennes et le Rouergue. Elle se trouvait à l'ouest de la Fontaine, près du Cadereau. Grangeant, comme nous l'avons déjà dit, en releva certains vestiges.
La porte Cancière.
La Porte Cancière, qui nous est connue en 1240 sous le nom de « Porta Cancellaria », se trouvait près du carrefour actuel situé à l'extrémité de la rue Porte Cancière ; là aboutissait le chemin des Gaboldes venant d'Auvergne et du Gévaudan. Grangent, avons-nous dit, a retrouvé en cet endroit des vestiges antiques d'une ancienne porte romaine.
Porte située à la Croix de Fer.
Entre le mont Duplan et la colline des Moulins, Grangeant a retrouvé des vestiges d'une porte romaine qu'il appelle « Porta Ucetensis » Porte d'Uzès. Il n'y a là rien d'extraordinaire puisque à cet endroit aboutissait le chemin venant du Vivarais et passait l'aqueduc romain amenant à Nîmes les eaux de la Fontaine d'Eure.
C'est encore près de là qu'aboutit la rue de la Posterle qui rappelle le souvenir d'une petite porte « Posterla » , nom qui n'a pas été donné au hasard, mais celui d'une vieille porte.
Jules Igolen, 1935
SUITE REMPARTS DE NÎMES
> 2 - L'ENCEINTE ROMAINE. > 3 - LES SEPT COLLINES DE NÎMES. > 4 - NIMES DE LA DECADENCE ROMAINE AU XIe SIÈCLE. > 5 - LES REMPARTS DU MOYEN-AGE > 6 - LE CHATEAU ROYAL DE NÎMES. > 7 - LES FORTIFICATIONS DE ROHAN - 1621 à 1629. > 8 - LA CITADELLE ET L'ENCEINTE SUPPLEMENTAIRE DE 1687 > 9 - ENCEINTE SUPPLEMENTAIRE DES FAUBOURGS XVe ET XVIe SIÈCLES. > 11 - REPARATIONS ARMEMENT - DÉFENSE DES REMPARTS > 12 - LA DÉMOLITION DES REMPARTS DE NÎMES
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