LES SOUTERRAINS
DES ARÈNES DE NÎMES
 
PAR M. Félix MAZAURIC, 1910
 
 
III
ÉCOULEMENT DES EAUX PLUVIALES
 
On l'a dit avec juste raison, les Romains construisaient pour l'éternité. Dans ce but, rien n'était négligé pour mettre leurs monuments publics à l'abri de toute cause de dégradation. Lorsqu'on étudie en détail leur structure, on est étonné des précautions infinies qui avaient été prises pour assurer l'écoulement des eaux pluviales. L'importance de ces dispositions est parfois si considérable, que maints auteurs s'y sont trompés et leur ont attribué une destination toute différente de celle que les Romains leur avaient assignée. Tel a été le cas pour les aqueducs du Temple de Diane, et tel est encore le cas pour ceux de notre Amphithéâtre.
 
Quelque compliqué que paraisse, au premier abord, le système créé par les Romains dans le sous-sol des Arènes, à cause de l'énormité même du monument, un coup d'oeil d'ensemble va nous permettre de saisir avec quelle simplicité l'architecte avait imaginé la solution de cet important problème.
 
Si l'on réfléchit tant soit peu à la disposition de l'édifice, on s'aperçoit bientôt que l'architecte devait porter son attention sur quatre parties essentielles, susceptibles de recevoir l'eau pluviale et de conserver une humidité qui, à la longue, n'aurait pas manqué d'être fatale à tout le monument lui-même. (*)
 
(*) Aujourd'hui (1910) que le système d'écoulement si merveilleusement établi par les Romains, ne joue plus comme autrefois, il est facile de constater que notre colosse souffre considérablement. D'une année à l'autre on peut constater sur place les dégradations causées par l'influence des agents atmosphériques. Nous nous proposons de revenir sur cette question et d'exposer ce qu'il y aurait à faire pour diminuer l'importance du mal.
 
Il fallait songer, tout d'abord, aux écoulements extérieurs, à ceux qui se produisent le long des corniches en forte saillie qui entourent l'attique et les 120 ouvertures de l'Amphithéâtre. Cette eau ne pouvait séjourner aux abords de l'édifice. De là, la nécessité d'un premier aqueduc extérieur elliptique pour les recevoir.
 
En second lieu, il fallait débarrasser rapidement la cavea ou intérieur de l'édifice (galeries, vomitoires, escaliers en nombre infini) de tous les apports occasionnés par les vents marins ainsi que de ceux provenant des urinoirs disposés aux différents étages, un autre système circulaire, situé sous la grande galerie extérieure, devait répondre à cette nécessité.
 
La partie de beaucoup la plus importante à dégager était l'Amphithéâtre lui-même, formé de trente quatre gradins à ciel ouvert. C'est dans ce but que les Romains créèrent le troisième aqueduc circulaire qui, avec les chambres et aqueducs afférents, constitue les souterrains proprement dits.
 
Enfin, restait à prévoir l'écoulement des eaux de l'arène, c'est-à-dire de l'espace vide où se donnaient les spectacles. Un quatrième canal, connu sous le nom d'Euripe, était destiné à remplir ce but.
Mais, pour que l'oeuvre fût complète, il fallait aussi assurer à chacun de ces quatre aqueducs un écoulement rapide et permanent. De là, la nécessité d'un grand collecteur recueillant les eaux de chaque système, et allant rejoindre, par la voie la plus courte, le fossé du rempart qui n'était éloigné que de vingt neuf mètres.
 
Telle est, débarrassée de toutes les dispositions secondaires, la conception imaginée par les Romains pour évacuer rapidement les eaux pluviales de leur monument.
 
Il nous reste à faire voir comment cette conception si simple fut magistralement exécutée dans le détail. Nous étudierons dans chaque partie d'abord la structure du canal lui-même, ensuite les dispositions relatives aux égouts qui venaient s'y déverser.
 
I - Écoulements extérieurs.
 
L'aqueduc elliptique extérieur des Arènes est encore le plus mal connu. Ignoré par Grangent, il n'a été découvert que dans la première moitié du XIXe siècle. Le plan dressé par A. Pelet est, croyons-nous, le premier à le mentionner. Situé à une distance de sept à huit mètres des piliers extérieurs, ses dimensions en hauteur et largeur doivent être à peu près égales à celles du collecteur dans lequel il se déversait au nord et au sud-est. Par suite des bouleversements du sol qui ont eu lieu autour des Arènes, notamment de la construction des remparts du XIIe siècle, ce canal était entièrement comblé et même détruit en certains endroits. II a été restauré depuis dans sa partie la mieux conservée et sert aujourd'hui au même usage que du temps des Romains.
 
Pelet ne donne dans son plan que la section orientale qui va de la branche d'entrée du collecteur à la branche de sortie. Dans son hypothèse des courses nautiques, la présence de vannes disposées aux points de rencontre aurait permis d'introduire dans l'arène ou d'évacuer rapidement les eaux venant de la Fontaine ou du Pont-du-Gard. En ce cas, le secteur d'aqueduc aurait servi d'écoulement ordinaire aux mêmes eaux.
 
 
 
Malheureusement pour cette hypothèse, très ingénieuse, un simple examen du plan des égouts de la ville (Voir figure 1) prouve que cet aqueduc, nouvellement utilisé, s'étendait sensiblement au-delà des limites fixées par Pelet et Simil. La lacune qui existe du côté occidental nous paraît provenir tout simplement de ce que cette partie a été détruite lors de la création du rempart du XIIe siècle qui, en cet endroit, se rapprochait jusqu'à quatre ou cinq mètres du monument.
 
Observons en outre, une fois pour toutes, qu'on n'a trouvé nulle part aucune trace des vannes ayant servi à l'écoulement prétendu des eaux de la Fontaine ou du Pont-du-Gard. Grangent avait admis à priori l'existence de ces écluses indispensables dans sa thèse des naumachies, les auteurs suivants, moins réservés, ont formellement affirmé leur présence sans autre preuve.
 
En somme, l'aqueduc faisait jadis le tour complet de l'Amphithéâtre. II recevait les eaux pluviales au moyen de bouches d'égout analogues, sans doute, à celles qu'on a établies de nos jours. Comme aujourd'hui aussi, le sol devait être doublement incliné vers ce canal pour permettre le facile écoulement des eaux et dégager les abords du monument.
 
II - Écoulements de la Cavea (intérieur).
 
Les écoulements de la Cavea ont été fort bien décrits par Grangent, Durand et Durant. Nous nous contenterons donc, pour cette partie, d'une étude sommaire, renvoyant pour d'autres détails au savant ouvrage de ces auteurs.
 
Le système circulaire se trouve ici disposé en dessous de la grande galerie extérieure ; mais, à cause du peu d'importance des eaux à évacuer, il ne comporte pas de canal voûté, pouvant livrer passage à un homme. D'après les fouilles de Grangent, le sol de la galerie et des vomitoires était constitué par un glacis de ciment imperméable d'une épaisseur de üml6. Au-dessous, les Romains avaient établi un remblai composé de gros éclats de pierre, qui s'étendait en profondeur jusqu'au niveau des fondations. C’est dans ce remblai, offrant beaucoup de vides, qu'arrivaient les eaux pluviales et les écoulements des urinoirs. L'excès des eaux se déversait dans le collecteur par quatre ouvertures rectangulaires mesurant 0m60 de large sur 0m38 de haut, et situées à l'entrée et à la sortie de ce canal. (Figure 1.) Peut-être des ouvertures semblables existaient-elles sous les grands passages de l'est et de l'ouest ? On ne saurait l'affirmer en l'état actuel des lieux.
 
Parmi les égouts tributaires de ce second système d'écoulement, il convient de signaler en première ligne ceux des urinoirs du premier étage. Il y a là des dispositions tout a fait curieuses, que les croquis effectués d'après nos propres mesures et celles de Grangent aideront à faire comprendre. (Voir planche 2.) Ces urinoirs étaient placés sur des paliers disposés à droite et à gauche des escaliers s'élevant de la galerie circulaire du premier étage jusqu'aux parties supérieures de l'édifice. Les uns, destinés aux dames (Grangent), étaient complètement dissimulés lins de petits réduits isolés, les autres étaient situés sur le passage même d'un escalier en retour (1).
 
(*) Il est profondément regrettable que de maladroites restaurations modernes (notamment celle de septembre 1850) aient fait disparaître les ouvertures des rares petites chambres isolées qui restaient encore.
 
Un conduit vertical, établi dans l'épaisseur du mur, amenait les eaux jusqu'à la base de l'édifice. Ce canal, large de 0m32, est entièrement creusé dans l'épaisseur de gros blocs taillés de manière à s'emboîter les uns dans les autres, et disposés alternativement en long et en large (par carreaux et boutisses). Du côté des vomitoires, une petite ouverture permettait le nettoyage du conduit. Celui-ci allait se déverser dans une sorte de puits demi-circulaire de 0m70 de diamètre. De ce puits, un petit aqueduc rejoignait, sous l'axe même des escaliers du rez-de-chaussée, un autre aqueduc venant du massif opposé et formait avec lui un canal unique allant se perdre dans le remblai de la galerie extérieure. (Voir les croquis Planche 2)
 
Les deux puits dont nous venons de parler recevaient les eaux pluviales de la galerie du premier étage et celles des urinoirs des escaliers inférieurs au moyen de gouttières creusées dans la pierre de taille au-dessous et de chaque côté des escaliers.
 
Enfin, les eaux de la galerie d'entresol et celles des escaliers conduisant aux gradins de l'Amphithéâtre étaient absorbées par des ouvertures spéciales et rejetées sous les escaliers du rez-de-chaussée où elles se perdaient dans le sol.
 
III.- Écoulements des gradins.
 
La partie destinée à recevoir le plus grand volume d'eau était, sans contredit, l'Amphithéâtre lui-même. En tenant compte des passages ouverts, la surface totale des gradins dépasse 8500 mètres carrés. Or, on sait que, pendant la saison pluvieuse, il n'est pas sans exemple de voir tomber à Nîmes des colonnes d'eau de 150 à 200 millimètres en quelques jours seulement. On voit tout de suite combien il importait de débarrasser l'édifice d'un volume d'eau capable de dépasser, en certaines circonstances, le chiffre énorme de 1.500 mètres cubes !
 
C'est dans ce but que les Romains établirent sous les dix marches inférieures le vaste système qui constitue les souterrains proprement dits. (Voir le plan général, Planche 3)
 
 
Nous trouvons ici, tout d'abord, un bel aqueduc circulaire voûté, situé à deux mètres environ en contrebas de la galerie intérieure. Sa largeur varie de 0m75 à 0m80 ; sa hauteur, ordinairement de 1m80 à 2m, est réduite à 1m50 sous les vomitoires du rez-de-chaussée. Dans la traversée des chambres ou caveaux, l'aqueduc se confond avec ces derniers, et sa hauteur atteint alors jusqu'à six mètres. Partout, les murs et les voûtes sont formés de petits moellons taillés sur une seule face, et dont la longueur ,atteint en moyenne celle du pied romain (0m27 à 0m30). Ma coupe (figure 2) indique la façon dont les eaux se perdaient dans le collecteur, du côté du nord. C'est d'abord une voûte rampante A qui fait place à de larges dalles B, dont le niveau descend insensiblement jusqu'à celui de la voûte du collecteur. L'aqueduc débouche dans ce dernier par une ouverture rectangulaire de 0m47 de haut, sur 0m70 de large.
 
Ainsi, du côté nord, l'aqueduc circulaire est complètement interrompu par le passage du collecteur. Il n'en est pas da même du côté sud-est, la galerie se poursuit sur la voûte du canal d'échappement, mais les eaux pluviales s'écoulaient en dessous par deux ouvertures rectangulaires percées dans les parois de ce canal.
 
Sous les grands passages de l'est et de l'ouest, les eaux tombaient dans un aqueduc recouvert de dalles, qui les conduisait directement dans l'Euripe. Le niveau actuel du sol, dans le passage ouest, représente le radier de cet aqueduc.
 
Enfin, sous le passage du sud, le canal reste encore à déblayer sur une longueur de près de 12 mètres, l'examen extérieur de la voûte permet cependant de se rendre compte de sa direction.
 
Passons maintenant à la description des égouts et aqueducs secondaires qui conduisaient les eaux des gra­dins jusque dans ce grand canal circulaire.
 
L'Amphithéâtre comptait en tout 34 gradins ou maeniana. Les quatre inférieurs formaient ce qu'on appelle le podium ;les dix suivants, la cavea inférieure ; les dix autres, la cavea moyenne et les plus élevés, la cavea supérieure. Toutes ces parties étaient séparées les unes des autres par un balteus (baudrier), espace un peu plus relevé que les distances d'un gradin à l'autre.
 
On sait que le marchepied du premier gradin et celui du cinquième étaient précédés de parapets formant appui et désignés ordinairement sous les noms de grand et petit podium. Par suite des dégradations de l'Amphithéâtre, nous ignorons quelle était la disposition entre l'inférieure et la moyenne cavea.
 
Ainsi, les eaux tombant sur les quatre plus bas gradins étaient arrêtées par le parapet du podium ; celles de tous les gradins supérieurs, par celui du petit podium. C'est précisément à ces niveaux que se trouvaient de distance en distance, sous les pieds des spectateurs, des bouches d'égout destinées à absorber les eaux pluviales et à les conduire dans les aqueducs ou dans les chambres communiquant avec le grand aqueduc circulaire dont nous venons de parler. Remarquons d'ailleurs que, contrairement à ce qui a lieu pour tous les gradins en général, la pente des marchepieds portant les égouts est dirigée vers la cavea et cela afin de favoriser l'écoulement.
 
Étudions d'abord les égouts correspondant au grand mur du podium (voir sur la planche 3 les canaux désignés par les lettres majuscules de A jusqu'à P.) Ces égouts sont au nombre de 16. Grangent et tous les auteurs qui sont venus après lui n'en comptent que 12. Cette erreur est d'autant plus inexplicable que, même sans pénétrer dans i'intérieur du souterrain, on peut facilement compter 15 ouvertures en se promenant sur le premier marchepied du l'Amphithéâtre ; la 16e (marquée L sur le plan) a tout simplement été oubliée au cours des restaurations.
 
Une distance de 7 à 8 mètres sépare les égouts de l'aqueduc circulaire, il a fallu établir 16 petits aqueducs pour conduire les eaux jusque-là. Ceux-ci sont très variables dans leur disposition. Tantôt ils débouchent directe ment dans le canal circulaire (A, B, D, E, F, L, M, 0, P) tantôt ils traversent les chambres souterraines (C, G, H, I, J, K, N). Nous n'insisterons pas sur leur structure et leurs dimensions, priant le lecteur de s'en rapporter à nos coupes.
 
La coupe fig. 4 reproduit la disposition d'un couloir simple B aboutissant directement dans l'aqueduc circulaire. La coupe fig. 5 montre le passage de l'aqueduc II à travers une chambre.
 
On voit que, dans les deux cas, le petit aqueduc passe au-dessous des gradins.
 
Voici maintenant le plan et la coupe d'une disposition bizarre (fig. 6). C'est celle du petit canal D, qui, de même que son voisin E, affecte une forme coudée. Cette anomalie trouve son explication dans le fait que ces couloirs sont situés sous un vomitoire qui se rend directement de la galerie intérieure jusqu'au marchepied du podium. Afin de ne pas placer l'égout au milieu même de ce passage, on l'a reculé jusqu'au plus proche gradin.
 
Une disposition semblable devait exister dans la partie correspondante des Arènes, pour les couloirs M et L. Noue n'avons pu que constater la présence de l'égout M, tout le reste étant encore à déblayer.
 
Ces petits aqueducs avaient été pris par Rulman pour les cachots des bêtes sauvages. Plusieurs sont entièrement détruits à leur origine, et comme on ignorait l'existence du stylobate formant la base du podium, on put croire pendant longtemps que ces canaux ouvraient directement sur l'arène.
 
De nos jours, cette partie des souterrains avait reçu une destination assez singulière. Elle servait d'asile à une réunion de jeunes gens, qui, s'introduisant par escalade, restaient invisibles jusqu'au moment des grandes courses de taureaux. Ils avaient même constitué une association pourvue d'un règlement et désignée sous le nom de Cercle des Arènes.
 
La police eut toutes les peines du monde à en venir à bout.
 
Nous avons trouvé là tout un matériel bizarre bancs, cruches, bouteilles, etc., jusqu'à une boite à lettres provenant peut-être de quelque larcin.
 
Au niveau du parapet dit mur du petit podium se trouvait une nouvelle série de bouches d'égout, au nombre de vingt-quatre, qui amenaient les eaux des gradins supérieurs dans autant de chambres ou caveaux dont nous allons nous occuper maintenant.
 
Ces chambres, numérotées de 1 à 24 sur notre plan n° III, avaient été prises par Rulman pour des boutiques ou remises. Elles ont en moyenne près de 5 mètres de long sur 2 m. 50 à 3 mètres de large. Leur plafond est constitué par la voûte rampante qui supporte les six premiers gradins de la cavea inférieure. La hauteur totale de cette voûte dépassait six mètres du côté de la galerie intérieure, et trois mètres du côté opposé qui recevait l'écoulement des eaux pluviales. (V. la fig. 7, coupe de la chambre no 6.)
 
Dans les chambres simples (2, 3, 4, 6, 7, 8, 10, 13, 15, 17, 19, 21, 22, 23, 24), un petit mur de 0m60 d'épaisseur et 1m10 environ de hauteur, situé dans le prolongement de l'aqueduc circulaire, formait une sorte de bassin de décantation (planche III) d'où les eaux pluviales s'échappaient par un petit déversoir de 0°':f de haut placé au milieu de murette (figure 7).
 
Dans les chambres composées (5, 9, 11, 14, 16, 18, 20), il n'y avait pas de déversoir et chaque petit bassin était isolé, par une murette en retour d'équerre, du grand canal circulaire et de l'aqueduc amenant les eaux du podium.
 
Du côté de la galerie intérieure, le mur était tantôt percé d'une porte, tantôt complètement fermé.
 
Dans le premier cas, trois ou quatre marches très raides permettaient de rattraper la différence de niveau entre le sol de la galerie intérieure et le radier de l'aqueduc (fig. 7). Dans le second cas (fig. 5), une sorte de longue cheminée, ouverte du côté des caveaux, s'élevait jusqu'au sommet (le la voûte rampante, traversait l'épaisseur de la maçonnerie et venait aboutir au-dessus du 11e degré de l'Amphithéâtre. Cette disposition, qui n'avait pas encore été signalée, nous a vivement intrigué. Le nombre des salles où se remarquent ces cheminées est de 10.
 
Mais les restaurations nombreuses qui ont eu lieu sur le pourtour de la galerie intérieure, n'ont pas toujours tenu compte des dispositions primitives. On a parfois placé une porte là où le mur comportait une cheminée, et vice versa. Nous pensons que le nombre des chambres à cheminée devait à peu près égaler celui des chambres ouvertes.
 
Dans le secteur sud-est, le mieux conservé, ces dernières alternent régulièrement avec les chambres fermées. Mais i1 n'en est pas de même dans les trois autres secteurs, ainsi qu'on peut s'en rendre compte par l'examen du plan n° III.
 
Ces cheminées étaient sans doute des bouches d'égout. Mais, à quoi correspondaient-elles ?
 
La partie moyenne de l'Amphithéâtre ayant été complètement dégarnie de ses gradins au-dessus de la septième marche de la cavea inférieure, il nous est impossible de donner une réponse absolument satisfaisante.
 
La fig. 5 montre une cheminée située sur le parcours l'un des soupiraux ouverts sous la septième marche pour donner du jour à la galerie intérieure. On pourrait supposer, dans ce cas, que la cheminée n'avait d'autre usage que d’absorber les eaux pluviales qui auraient pu s’introduire par l'ouverture du soupirail. Observons cependant que tous les soupiraux n'étaient point pourvus de semblables cheminées et que, réciproquement, toutes les cheminées ne coïncidaient pas exactement avec des soupiraux.
 
En l'état actuel des lieux, nous ne voyons qu'une hypothèse à peu près plausible: c'est la présence sur le premier marchepied de la moyenne cavea d'une nouvelle série d'égouts destinés à recueillir les eaux de la partie supérieure des gradins. Bien que l'aplomb vertical des cheminées réponde seulement à la huitième marche de la cavea inférieure, on peut fort bien admettre l'existence de gouttières (analogues à celles que nous avons déjà signalées sous les escaliers de la galerie d'entresol), qui auraient recueilli les eaux sous le premier gradin de la moyenne cavea et les auraient amenées jusqu'à l'aplomb des cheminées verticales. Ce qui enlèverait tous les dou­tes, ce serait la découverte des fragments d'un troisième parapet analogue à ceux du grand et du petit podium.
 
Il convient de signaler sur les parois du canal circu­laire, dans l'espace compris entre les chambres, un certain nombre d'ouvertures plus ou moins obstruées. Les unes étaient destinées à évacuer les eaux provenant de la galerie intérieure et des vomitoires du rez-de-chaussée, les autres communiquaient avec de petites chambrettes établies généralement sous les gradins ou passages et sans autre utilité que de dégager la maçonnerie. La plupart de ces réduits sont encore à déblayer, aussi les avons-nous indiqués sur le plan par un simple pointillé.
En terminant, je dois dire un mot des salles 1 et 12 qui sont situées aux extrémités du grand axe (côté nord). On y entrait par une porte ouvrant sur les passages est et ouest. Elles étaient voûtées en berceau et plus grandes que les autres chambres. Celle de l'est communiquait avec la galerie intérieure par une porte analogue à celle des chambres 2, 4, 5, etc. Dans celle de l'ouest, la porte est remplacée par un puits de forme carrée, d'une régularité parfaite, et creusé dans l'épaisseur de la maçonnerie. (Voir la figure 8.)
 
Jadis une longue discussion s'éleva entre archéologues pour savoir s'il existait, à l'origine, une communication directe entre ces salles et l'arène même, à travers le mur du podium: l'état actuel des lieux ne permet pas de se prononcer dans l'un ou l'autre sens.
 
Enfin, on a voulu voir, dans la chambre 1, la salle sanaivaire ou des gladiateurs vivants, et dans la chambre 12, la salle libitine ou des morts. Rien n'empêche, au fond, d’admettre cette destination qui répond assez à la disposition des lieux.
 
IV - Écoulements de l'arène.
 
Le canal de l’Euripe, destiné à recevoir les eaux pluviales de l'arène, ne fut découvert qu'après 1810, lors du déblaiement général de l'Amphithéâtre. Il est situé à 2m40 du stylobate. Sa largeur est de 1m10 et sa hauteur primitive de 1m45 (Grangent).
 
A l'origine, il était recouvert de larges dalles ; mais, au cours des restaurations, ces dalles ont généralement fait place à une voûte annulaire.
 
Nous avons donné plus haut la dimension de ces dalles. Elles étaient situées à un niveau inférieur de 0m04 à celui du podium. Aucune communication n'a jamais existé, nous l'avons dit, entre ce canal et le vide en forme de croix qui occupe le centre de l'arène,
 
Du côté nord, l'Euripe recevait les eaux du grand collecteur pour les évacuer ensuite vers le sud-est. Il s'élargissait en outre considérablement aux abords des grands passages de l'est et de l'ouest pour recevoir les écoulements de l'aqueduc circulaire intérieur.
 
De nos jours, la paroi de l'Euripe a été percée au nord ci, au sud pour permettre aux eaux pluviales de tomber dans le vide en forme de croix, désormais transformé en puisard.
 
Nous ignorons de quelle manière les eaux de l'arène étaient amenées sur la voûte de l'Euripe. Existait-il une double pente dans ce sens, on bien rejetées vers le podium, venaient-elles se déverser dans l'aqueduc au moyen de rigoles très rapprochées ?
 
C'est ce dont il n'est plus possible de se rendre compte. Ce que Grangent a pu fort bien observer toutefois, c'est la présence e de u rainures ouvertes dans l'assise des pierres de taille qui portaient les dalles du couronnement. Ces rainures, larges de 0m20 sur une profondeur de 0m06, laissaient, au-dessous de la dalle de couronnement, un vide suffisant pour le prompt écoulement des eaux pluviales de l'arène.
 
V - Le grand collecteur.
 
Le grand aqueduc collecteur (Planche VI), que Rulman connaissait déjà, et que Grangent fit déblayer jusqu'à 12 mètres des Arènes, pénétrait dans le monument sous la grande entrée du nord et s'échappait sous le 6e arceau qui vient à l'est du passage opposé. Ce dernier point était le plus rapproché du rempart romain situé seulement à 29 mètres de distance.
 
Les derniers travaux d'assainissement de la ville ont fait retrouver ce canal que M. Gignoux, inspecteur des travaux publics, a pu suivre pendant une certaine distance. Des fouilles dirigées sur la place des Arènes permettraient sans doute de retrouver le passage de l'aqueduc sous le mur du rempart. Le canal est aujourd'hui muré à l'entrée et à la sortie du monument.
 
Notons aussi la présence d'une murette sur le parcours septentrional, un peu avant d'arriver à l'Euripe. Ce mur, assez bien bâti, s'élève jusqu'à près d'un mètre. Nous le croyons postérieur à l'époque romaine, car on a employé des fragments de tegulae dans la bâtisse, ce qui ne s'observe nulle part ailleurs dans la construction romaine.
 
Le collecteur est entièrement construit en moellons de petit appareil. Il est voûté sur toute sa longueur sauf aux abords de l'Euripe, où il se montre recouvert de dalles. Sa hauteur est d'environ 2 mètres, et sa largeur de 0m70. Il n'a jamais été recouvert de ciment comme les aqueducs destinés à recevoir un courant d'eau habituel.
 
A signaler la présence de deux regards situés dans la traversée de la galerie extérieure, l'un au nord, l'autre au sud-est. Ces regards, en forme de petits puits carrés fermés par une dalle, étaient destinés à faciliter le nettoyage de l'aqueduc.
 
En résumé, le collecteur absorbait tout d'abord les eaux amenées par l'aqueduc circulaire extérieur situé à 7 mètres des Arènes ; ensuite, dans son passage à travers le monument, il recevait les écoulements du remblai de la grande galerie, puis ceux du grand aqueduc intérieur, et finalement se perdait dans l'Euripe d'où il ressortait au sud-est pour rejoindre les fossés de la ville après avoir reçu une seconde fois les apports des aqueducs circulaires.
 
Telle est, en détail, l'oeuvre réalisée par les Romains.
 
Tout avait été prévu par eux. Pas une seule goutte d’eau tombée sur cette immense superficie de près de 10500 mètres carrés ne pouvait porter atteinte à la solidité de l'édifice. Et, lorsqu'on réfléchit à la somme de calculs nécessitée pour l'établissement de toutes ces voûtes, galeries et vomitoires, lorsqu'on songe que, malgré la diversité des détails, chaque partie concourt admirablement à l'harmonie de l'ensemble, on reste confondu devant la puissance du génie qui avait conçu et réalisé ale tels projets. Malgré les mutilations que la main de l'homme a opérées dans son ossature puissante, notre vieux monument est encore le seul qui permette de se rendre compte de tous les détails de l'exécution.
 
Félix MAZAURIC, 1910
 
NOTA Webmaster : Dans cette publication seule la planche I avec les figures 1, 2, 3 est disponible.
 
SUITE MAZAURIC
> Introduction I
> Historique II
> Écoulement des eaux pluviales III
> Les Naumachies IV
 
-oOo-
 
Les  Arènes de Nîmes avec NEMAUSENSIS
> L'amphithéâtre de Nîmes par Auguste Pellet, 1838
> Les Arènes, par Alexandre de Mège, 1840
> Les Arènes, rapport de fouilles de Henri Révoil, 1868
> Les Arènes, description de Eugène Germer-Durand, 1868
> Les Arènes, par Albin Michel, 1876
> Chateau des Arènes du Ve au XIIIe siècle Michel Jouve, 1901
> Quelques détails sur les Arènes, par le chanoine François Durand, 1907
> Les Arènes, L'Amphithéâtre par J. Charles Roux, 1908
> Les Arènes, Les souterrains des Arènes, Félix Mazauric, 1910
> Les Arènes, Le rempart et le Château des Arènes, Igolen 1934
> Diaporama des fouilles en 1987
Tour des Arènes à travers un siècle d'iconographies 
 
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