EXTRAIT DE LA  SOIE  EN  VIVARAIS 1921

Etude d’histoire et de géographie économique

Par Elie Reynier

Professeur à l’école normale de Privas

Diplômé d’études supèrieure d’histoire et de géographie.

 

La crise séricicole.

Reconnaître les graines et les vers malades.

 

 

Est-il donc impossible de reconnaître les vers ou la graine malade, et de faire une sélection efficace ?

 

Guilhon-Sylvestre, propriétaire à Privas, pense en avoir trouvé le moyen : les papillons ayant les ailes noires et toujours courtes, sont impropres à la fécondation ; ceux au contraire qui les ont blanches sont toujours bons, à quelques rares exceptions près.

 

Pour Gagnat, le poids de la graine est très important et très significatif : s'il y a sensiblement plus de 1 200 œufs au gramme elle est sans vigueur.

 

De Plagniol, d'après les mouchetures qu'au microscope on observe à la surface des oeufs, établit entre les graines diverses catégories : les polygonales, les polygonales irrégulières, les mixtes, les confuses et les tachetées. A son avis, les premières sont les bonnes, et les autres sont de plus en plus altérées . Ce procédé, et tous autres plus ou moins semblables, sont complètement tombés dans l'oubli, au bout de quelques années.

 

Cependant, de Plagniol a été sur la voie de la grande découverte pasteurienne. Tout en attribuant la pébrine à une fermentation du sang de l'insecte due aux ferments ou corpuscules vibrants venus de la feuille, de Plagniol met à profit la découverte des corpuscules  par Osimo de Padoue (1857) et leur étude par Vittadini et Cornalia.

 

La Société d'agriculture, dont de Plagniol est le secrétaire général, est la première en France à faire l'achat d'un microscope, et dès 1861, dit Pasteur : « un des premiers en France,... l'habile micrographe » de Plagniol se livre à l'étude minutieuse du ver, et propage le diagnostic par le microscope. S'il erre au sujet des mouchetures, il indique cependant dès 1861 le moyen de faire de bons grainages, « procédé que M. Pasteur a inventé depuis », dit-il avec quelque amertume :

 

« c'est que les papillons de vers sains ne devraient pas présenter de corpuscules, et les graineurs auraient là un puissant diagnostic. » 

 

Il a bien cherché dans cette voie, mais ses moyens d'action et de recherches étaient trop bornés. Tout au moins examinait-il les graines,  et ses diagnostics étaient souvent justifiés, les graines déclarées mauvaises l'étaient effectivement, rarement celles qu'il jugeait bonnes manquaient tout à fait et parfois elles réussissaient biens, mais cet examen était extrêmement lent.

« C'est de notre département, dira-t-il un peu plus tard , qu'en 1861 sortirent les premières observations sur les vibrions et les corpuscules qui furent faites en France, observations cellulaire, que reprendra Pasteur. Seulement Mitifiot considérait comme bonne la graine qui tourne au gris cendré, six jours après la ponte : caractère dénué de toute valeur bien modeste d'abord, mais qui devaient plus tard servir de premier jalon à ce procédé qu'un de nos savants académiciens devait décorer de son nom, et qui malgré tous ses détracteurs servira à relever notre industrie séricicole. »

 

En 1861 aussi, Eugène Mouline, de Vals, affirmait le bien fondé de la théorie de Cornalia : le sang des vers, et des œufs qui ont subi un commencement d'incubation, renferme des corpuscules oscillants dont le nombre varie avec l'intensité de la maladie. Un microscope d'un grossissement de 500 diamètres a convaincu Mouline de l'infaillibilité de ce moyen de contrôle, et il demande au préfet d'instituer une commission qui, dès février, chaque année, examinerait la graine et rendrait ses oracles. Mais l'année suivante il propose l'endosmose comme moyen de médicamenter les vers malades : ses observations ont dévié et deviennent inutiles.

 

L'examen microscopique des graines par de Plagniol était comme concurrencé par les essais précoces, c'est-à-dire par l'éducation précoce ou anticipée des vers à soie, qui avait pour objet de montrer la « sanité » relative de graines de diverses provenances, et de déterminer celles dont l'éclosion avait chance de réussir : si les vers précoces étaient malades, le lot de graine dans lequel ils avaient été choisis devait être rejeté ; sains, le lot devait ou pouvait réussir. Le procédé avait évidemment sa valeur et a donné des résultats appréciables. Le principal établissement d'essais précoces a été celui de Jouve, Chabaud et Méritan, fondé à Cavaillon en 1856  ; la Société d'agriculture de l'Ardèche s'y intéressa vivement, en vue d'en créer un semblable dans l'Ardèche  but ; de même, à Largentière, Ovide Jouanin .

 

Les pouvoirs publics et le monde scientifique ne sont pas demeurés indifférents devant le fléau. Le gouvernement a favorisé lés essais précoces, les grainages soignés ; il a envoyé en Chine en 1860 Eugène Simon pour étudier les questions relatives au ver à soie ; il a obtenu en 1865, pour la lre fois, 10 000 cartons de graine du Japon. L'Académie des Sciences nomme en 1858 une Commission dont le rapporteur, de Quatrefages, après deux voyages dans le Midi en 1858 et 1859, publie des travaux importants sur la maladie et les causes qui la favorisent.

 

Mais, après une diminution sensible des pertes en 1863 et 1864 (6 1/2 et 6 M. kg cocons), la désastreuse récolte de 1865 (4M. kg) fait évanouir tout espoir, et 3 574 maires, conseillers municipaux et propriétaires du Gard, de l'Hérault, de l'Ardèche et de la Lozère adressent au sénat une pétition où ils le supplient de faire dégrever les terres, de procurer aux éleveurs de la bonne graine, et de faire étudier toutes ; les questions qui se rattachent à l'épidémie persistante. C'est à la suite de cette pétition qu'est nommée une Commission qui comprenait, avec le Directeur de l'Agriculture, les savants Dumas et de Quatrefages, tous deux du Gard, CL. Bernard, Peligot, Tulasne et Pasteur, plus deux négociants en soie de Paris et de Lyon, et six sériciculteurs, dont Gagnat de Joyeuse.

 

Elie Reynier, 1921.

 

L'industrie de la soie dans la région.
> Origine de l'Industrie de la Soie à Nîmes et dans le monde, par Vincens St-Laurent, 1809
> Les maladies des vers à soie sous l'ancien régime
> La station séricicole de Montpellier en 1874
> La maladie des vers à soie 1853-1875, achats de graines lointaines
> Les moyens de lutte
> Est-il possible de reconnaître les graines et les vers malades
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> Qu'est ce que le moulinage - extrait de "Au fil de l'écomusée" de Chirols

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L'industrie textile à Nîmes

> Grizot introduit, à Nîmes, le métier à tisser en 1680
Histoire de l'industrie textile de la ville de Nîmes par Hector Rivoire, 1853
Passé et Présent de la Classe Ouvrière à Nîmes, étude de Félix De La Farelle, 1863
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