On peut même presque dire que c'est
le mieux conservé de tous les amphithéâtres connus. Le Colisée a perdu à
peu près le tiers de son pourtour et n'a plus un seul gradin,
l'amphithéâtre de Vérone n'a gardé, de sa façade, qu'un pan de mur, et ses
gradins, inexactement restaurés, ne datent que du quatorzième siècle. Le
tracé de beaucoup d'autres amphithéâtres n'a été déterminé que par des
fouilles. Celui de Nîmes, extérieurement presque intact, peut encore
contenir plus de 15000 spectateurs et sert régulièrement pendant une bonne
partie de l'année. Il mesure 133m38 de long et 101m40 de large. Ses
maçonneries ont une épaisseur de 32m12 de l'est à l'ouest, 31m53 du nord au
sud, le grand axe de l'arène a 69m14,; le petit axe 38m34.
On comptait 34 rangs de gradins
dont la série était interrompue par deux chemins de ronde ne gênant pas la
vue des spectateurs placés au-delà. On disposait, pour le placement de ces
spectateurs, de 5 galeries et de 162 escaliers principaux.
L'amphithéâtre a une hauteur
totale d'environ 21 mètres. Il est à deux étages, chacun de 60 arcades, de
3m70 à 3m80 d'ouverture, qui se correspondent. Un attique, partiellement
détruit vers le sud-est, couronnait l'édifice.
Les piliers du rez-de-chaussée,
ont une largeur de 2m40 à 2m50 et sont ornés de pilastres de 0m91 de large,
ceux du premier étage ont des colonnes doriques supportées par des
piédestaux. L'attique, de 1m20 de haut, était divisé par 120 consoles
saillantes percées verticalement de trous ronds avec collier de fer à la
partie supérieure.
Quatre arcades du
rez-de-chaussée, placées aux extrémités des diamètres de l'ellipse, sont
plus larges que les autres d'environ 0m65 et conduisent jusqu'à l'arène,
celles du grand axe, directement; celles du petit axe, en franchissant une
étroite porte, entre deux escaliers permettant d'accéder aux places
d'honneur.
L'entrée principale était au
nord, à l'extrémité du petit axe de l'ellipse. Elle possède un fronton
triangulaire, dont les autres arcades sont dépourvues et, de plus, est
décorée de deux avant-corps de taureau.
La galerie extérieure du
rez-de-chaussée, voûtée de plein cintre et soutenue par des arcs doubleaux
portés par des consoles, communique par 30 arceaux avec une galerie
intérieure qui lui est parallèle, et qui, elle-même, permettait d'arriver
aux places d'honneur, constituées par les quatre premiers rangs de gradins.
Un mur d'appui de 2m69 de haut (premier
podium), séparait ces places de l'arène; un autre mur d'appui (deuxième podium) à la base duquel
était un chemin de ronde, les isolait des gradins de la section suivante.
Les gradins des places d'honneur
ont 0m51 de haut sur 0m80 de large ; ceux des autres rangs comptent
quelques centimètres de moins, mais, pour les uns comme pour les autres, la
place réservée à chaque spectateur et marquée sur la pierre par des traits
verticaux de 0m06 à 0m08 de long, est uniformément de 0m40.
Des inscriptions qui existent
encore, mais qu'on a transportées au Musée municipal, renseignent sur les
collectivités auxquelles s'appliquaient quelques gradins du premier rang
des places d'honneur. Quarante places étaient accordées, par décret des
décurions, aux bateliers du Rhône et de la Saône ; vingt-cinq places à ceux
de l'Ardèche et de l'Ouvèze, etc.
Au-delà des places d'honneur, on
comptait trois sections, chacune de dix rangs de gradins. La première (cavea ima) était desservie par 48
passages ou vomitoires venant de la galerie basse intérieure ou de celle de
l'entresol. Aucun n'est en l'ace d'une voûte ; ainsi, les spectateurs
n'avaient pas à redouter les courants d'air.
L'arrivée aux places était
facilitée par de petites marches d'escalier taillées dans l'épaisseur des
gradins.
La seconde section (cavea media) n'existe plus; on ne
saurait dire, par conséquent comment ce groupe était séparé du précédent,
mais il y a quelques restes d'un rang de gradins plus élevé qui l'isole de
la troisième section.
Celle-ci (cavea saumma), réservée aux pauvres
gens, est plus ou moins intacte. On y parvenait par 30 passages auxquels
aboutissaient un pareil nombre d'escaliers venant de la galerie du premier
étage.
Cette galerie a exactement la
largeur de la galerie extérieure du rez-de-chaussée qu'elle recouvre; mais
elle est bien moins haute, et son plafond, formé de quatre arcs-doubleaux
juxtaposés, est prolongé par des voûtes rampantes qui se dirigent vers le
centre de la construction.
Les retombées de ces arcs sont
soutenues par des linteaux d'une seule pièce, prenant appui sur des
consoles. La plupart sont cassés et maintenus par des tirants de fer ou des
piliers qui datent de plusieurs époques. On les remplace de nos jours,
après divers essais, par du ciment armé enchâssé dans de la pierre.
La galerie avait des appuis (garde-fous) en face de chaque arcade ;
il n'en reste plus que trois sur l'un desquels est un combat de
gladiateurs. Il se peut que tous les autres aient été décorés de quelque
manière. Non loin de cette sculpture, sur un pilastre, est un bas-relief
représentant la louve romaine et les deux enfants qu'elle nourrit.
De cette galerie du premier
étage, des paliers en retour conduisent, par des escaliers de 15 marches, à
une cinquième et dernière galerie qui n'est pas horizontale, mais appliquée
sur l'extra-dos d'une demi-voûte portant les rangées supérieures de
gradins. De petits escaliers doubles, ménagés devant 30 passages,
permettaient le placement des spectateurs.
Du sommet à la base de
l'édifice, les escaliers s'élargissent à chaque galerie de la dimension
horizontale des passages qu'ils desservent. Ainsi, malgré le flot
grandissant des personnes évacuant les gradins, aucun encombrement n'était
à redouter.
La pierre dont on a fait usage
pour la construction de l'Amphithéâtre provient des carrières de
Roquemaillère et de Baruthel. Le calcaire de Roquemaillère est un peu moins
chargé de chaux que celui de Baruthel et contient davantage de silice. Il
est plus dur et dépourvu de nitrates. La pierre de Baruthel en possède et
c'est sans doute à cette cause, du moins en, partie, qu'il faut attribuer
la désagrégation rapide des blocs des pilastres, principalement du côté du
sud-ouest.
Comme on l'a dit aussi du Pont
du Gard, on a prétendu que l'Amphithéâtre de Nîmes n'a jamais été terminé.
Il se peut qu'il n'ait pas atteint partout toute la perfection souhaitable;
mais on n'a pas à douter de son achèvement.
L'antiquaire Aurès a fait
intervenir, pour la construction, l'influence des nombres sacrés. On peut
l'admettre; mais, sans doute, ne faudrait-il pas l'exagérer, comme on l'a
fait.
-oOo-
- SUITE
- Les Arènes par Emile
Espérandieu, 1933.
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