LES ARENES. Emile ESPÉRANDIEU L’amphithéâtre de Nîmes, 1933 VIII LES CHEVALIERS DES ARÈNES
C'est au VIe siècle vraisemblablement que les arènes furent transformées en forteresse par les Visigoths. Des chartes de la fin du IXe siècle mentionnent le castrum Arenae et, d'ailleurs, on sait qu'en 737 Charles Martel fit mettre le feu aux constructions qui déjà, dès cette époque, devaient exister dans le monument.
Au XIIe siècle, ce castrum était le centre d'une chatellenie et le siège de la vicomté de Nîmes appartenant aux Bernard Aton. IL était alors puissamment défendu, non seulement par l'épaisseur de sa maçonnerie, mais aussi par trois tours carrées, analogues à celles de l'amphithéâtre d'Arles, qui avaient été construites vers l'Est.
Un large fossé séparait la forteresse de la ville. Deux portes permettaient de pénétrer dans cette forteresse; mais on ne sait pas de quelle manière les arcades avaient été bouchées. Il ne semble pas qu'on ait fait usage de murs. On peut penser à quelque palissade renforcée par de la terre provenant des fossés.
Des maisons, dont le nombre augmenta progressivement, étaient aménagées dans les arcades et les galeries ou construites sur les gradins et sur l'arène. Il y avait deux chapelles, l'une à lest, l'autre à l'ouest, dédiées celle-là à saint Martin, celle-ci à saint Pierre.
Une partie de la population des arènes était alors composée de chevaliers, milites castri Arenarum, préposés à leur défense. Ce furent, dans le principe, des vassaux du vicomte de Nîmes, dont certains avaient la garde de l'enceinte et de ses portes.
On comptait 31 chevaliers au début du XIIe siècle, 39 en 1163, 50 en 1174, près de 100 en 1226, et leur entente avec les bourgeois de la ville laissait beaucoup à désirer.
La conquête de la vicomté par Raimond V, comte de Toulouse, accomplie en 1185 sur Bernard Aton VI, favorisa le développement des privilèges municipaux.
En 1207, au moment de l'anarchie résultant de la croisade contre les Albigeois, Nîmes se déclara pour Simon de Montfort contre Raimond VI. Chevaliers et bourgeois pillèrent les maisons du comte de Toulouse et détruisirent, près de la porte de la Madeleine, un moulin qui lui appartenait. Etienne Audemard, viguier de Raimond, fut tué par les émeutiers après le saccagement de ses immeubles. Les arènes eurent alors, comme la cité, quatre consuls nommés pour un an.
En 1209, Raimond VI put rentrer en possession de son palais, qui se trouvait dans les arènes. Mais il fut obligé de transiger avec les chevaliers et les habitants et de reconnaître l'organisation consulaire qu'ils venaient de se donner.
En 1216, Simon de Montfort imposa son autorité sans coup férir. II confirma tous les privilèges de la cité et du château et, après son départ, les comtes de Toulouse ne purent revenir qu'en les acceptant et s'engageant à ne construire aucune forteresse dans l'enceinte de la ville. C'était, pour les chevaliers, la garantie de leur indépendance.
On arrive ainsi à l'année 1226 et à l'établissement, à Nîmes, du pouvoir royal. Pour ne pas y être contraints, les chevaliers consentent à céder momentanément leurs demeures aux troupes de Louis VIII.
Sceau des Chevaliers des Arènes
Quelques chevaliers les réoccupèrent par la suite, mais le consulat des arènes disparut jusqu'en 1270. L'ancien fossé de la forteresse n'est plus à ce moment qu'un égout dont les eaux croupissantes sont une cause permanente d'épidémies.
Louis IX rétablit le consulat; Jean le Bon, en 1353, le réduisit à deux membres. A cette époque, du reste, la plupart des chevaliers avaient abandonné le monument et s'étaient retirés sur leurs terres.
En 1391, Charles VI fait bâtir un château auquel sont incorporées les deux tours romaines de la porte dite d'Auguste. Les derniers chevaliers restés dans les arènes quittent alors leurs habitations, qui ne tardent pas à devenir insalubres.
Pendant tout le XVe siècle, à des intervalles plus ou moins courts, la peste sévit avec la plus grande intensité.
Au siècle suivant, la ville de Nîmes fut violemment bouleversée par la Réforme. En 1573, Saint-Jalle, chef des catholiques, avait intrigué avec un nommé Rangon, pour prendre la ville du côté des arènes par l'attaque des murs, entre la tour Vinatière et la porte Saint-Antoine. L'entreprise échoua par la faute de Rangon, qui prévint les consuls.
Les fossés des arènes avaient été comblés en 1278. Des maisons furent construites sur leur emplacement, notamment vers l'est, et l'Amphithéâtre, jusqu'à la Révolution de 1789, est resté l'un des quartiers de Nîmes.
Le premier, Anne de Rulman a fait remarquer que les habitants du château des arènes et ceux de la ville ont vécu côte à côte, pendant des siècles, comme des populations différentes. D'abord en qualité, les uns étaient nobles, du moins pour le plus grand nombre, les autres étaient roturiers. Chaque population avait ses armoiries, celles des chevaliers était :
« un crocodile ou coleuvre sans ailes, à quatre pieds, enchaîné à une palme et, en icelle, un chapelet en forme de laurier pendant et, au-dessous des deux pieds de devant dudit coleuvre, un petit rameau d'une palme avec ces deux mots escrits : coluber Neinauseusis » . (1)
La ville avait pour armes : « un taureau d'or en champ de gueules ».
En 1 535, en passant à Nîmes, François Ier accorda à la cité, par lettres patentes du mois de juin, les armoiries des arènes, qui furent « registrées au livre du conseil le 29 novembre 1536. » Elles n'ont pas varié depuis lors.
(1) A première vue, l'interprétation de Rulman paraît assez bizarre. Mais le « coleuvre » n'était pas un serpent. Les anciens y voyaient une bête mythique, très dangereuse, qu'ils supposaient dans les airs.
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