LES ARENES. Emile ESPÉRANDIEU. L’amphithéâtre de Nîmes, 1933
IV LA QUESTION DES NAUMACHIES.
Cette question a été particulièrement controversée. Elle est intimement liée à celle des souterrains, et a fait l'objet, en 1909, d'une étude spéciale de Félix Mazauric.
Avant lui, la possibilité des spectacles nautiques a été admise par tout le monde. Grangent, Durand et Durant n'en ont point douté; mais, 200 ans auparavant, Anne de Rulman avait exprimé le même avis.
Pour cet auteur, l'eau des naumachies venait en droite ligne de la Fontaine, par un « canal » qui remplissait un puits situé, de son temps, « presque au milieu de l'Arène. » Rulman faisait erreur; le puits ne datait que des Visigoths et le « canal de la Fontaine » était une supposition qui n'avait aucun fondement.
Mais, après Grangent, on crut avec lui que le grand collecteur dit nord venait aussi de la Fontaine et permettait d'inonder l'Amphithéâtre. Selon Grangent, « la sortie de cet aqueduc devait être fermée par une vanne qui retenait les eaux et les forçait de regonfler et de s'élever dans l'arène par quelques dalles de la couverture de l'aqueduc circulaire qu'on pouvait enlever. »
Cet ingénieur prévoit toutefois une objection relative aux deux portes du nord et du sud qui s'ouvrent sur l'arène. Mais il explique qu'elles étaient exactement fermées pendant le temps que le cirque était inondé, « afin de ne pas submerger l'unique passage des deux loges d'honneur établies au-dessus, sur le petit axe de l'ellipse. » Il dit « qu'on voit encore des coches et des rainures dans les jambages de ces portes, où l'on devait faire entrer des pièces de bois transversales, pour les fortifier contre le poids de la masse d'eau contenue dans l'arène. »
« Cette hauteur d'eau de 2 mètres, poursuit-il, pouvait, malgré l'exacte précision des joints des grandes dalles du podium (bas-mur d'appui), filtrer à travers ces joints et nuire à la solidité et la conservation du mur en maçonnerie qui se trouvait derrière. Les Romains, qui avaient tout prévu, avaient laissé entre le derrière de ces dalles et le revêtement du mur, un vide de 0m19 qu'ils remplirent de terre glaise. L'interposition de cette couche arrêtait toutes les filtrations qui auraient pu avoir lieu, et les empêchait d'atteindre le corps des maçonneries. »
Mazauric, serrant de plus près la question, a reconnu, comme chacun, après lui, peut s'en rendre compte, que le système adopté pour les portes, « ne diffère en rien de tous ceux que les Romains employaient pour leurs fermetures en bois. La simple réflexion, dit-il, démontre que ce système eût été nettement insuffisant pour résister à la formidable pression des eaux qui aurait atteint près de 3 millions de kilogrammes à la base. »
Quant au vide qui aurait été rempli de terre glaise, derrière le mur du premier podium, Pelet lui-même, défenseur de la thèse des naumachies par des arguments spécieux, a été obligé de convenir que cette terre, dont on n'a jamais trouvé aucun fragment, n'aurait pas tardé à se dessécher et à se crevasser, et que « l'argile mouillée ne garantit pas les murs de l'humidité, au contraire » ! Le mur du deuxième podium, au-dessus du 4e rang de gradins, présentait d'ailleurs, derrière ses dalles, un vide analogue à celui du premier podium; or, il est bien évident que ce ne pouvait être pour la protection des maçonneries contre l'eau des naumachies. Avec juste raison, Mazauric a pensé qu'on a simplement voulu garantir les dalles « de l'humidité intérieure et, partant, de toute cause de dégradation. »
Pour Grangent, le sous-sol en forme de croix, qu'il connaissait et qui l'aurait gêné pour le passage du canal venant de la Fontaine, serait une église chrétienne. Des inscriptions, mises au jour par Révoil et encore en place, ont démontré l'inanité de cette affirmation.
« En résumé, dit Mazauric, la croyance aux naumachies est entièrement fondée sur le désir de trouver une explication aux nombreux souterrains et aqueducs. Or, nous venons de voir que ceux-ci forment un ensemble uniquement destiné à l'écoulement des eaux pluviales. Chaque partie recevant une destination propre, tout s'explique admirablement sans l'intervention de raisons étrangères. »
Mazauric, qui nie les naumachies, fait remarquer, entre autres bons arguments, qu'une hauteur d'eau de 1 à 2 mètres eût amené l'envahissement de tout le sol, de tous les aqueducs, de toutes les chambres et que les eaux, par suite de la disposition en plaine de la cité, eussent été forcées de refluer, en amont de l'Amphithéâtre, jusqu'à une distance de plusieurs centaines de mètres.
« Il est vrai, dit-il, qu'on a admis l'existence de vannes pouvant intercepter le passage des eaux dans les parties à préserver; mais nous avons vu que c'était là une supposition gratuite, et que nos recherches personnelles ne nous ont fait découvrir nulle part, dans les parties les mieux conservées, la moindre trace de ces dispositions présumées. »
On ne saurait être d'un autre avis que Mazauric, l'Amphithéâtre de Nîmes n'a pas été construit en vue d'éventuelles naumachies.
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