LES ARENES

Emile ESPÉRANDIEU

L’amphithéâtre de Nîmes, 1933

 

IX

DÉGAGEMENT DE L'AMPHITHÉÂTRE

 

L'idée première de débarrasser l'Amphithéâtre des constructions parasites qui l'encombraient est due à François ler. Au cours de la visite qu'il fit à Nîmes, en 1535, il prescrivit certaines démolitions dans la galerie du premier étage; mais on s'en tint là et l'on ne toucha pas au chaos des maisons qui remplissaient l'arène, s'étendaient sur les gradins et sous les arceaux et même, par endroits, débordaient à l'extérieur.

 

 

C'est seulement vers la fin du XVIIIe siècle que l'on songea sérieusement au dégagement de l'édifice. En 1786, toutes les maisons furent achetées et l'on commença, l'année suivante, la démolition de celles qui se trouvaient sur la piste.


Plan des arènes dressé en 1809, en rose les parties à démolir


En 1809, on acheva d'enlever les demeures qui étaient sur les gradins et l'arène. On avait déjà fait disparaître un jeu de paume qui couvrait la place, vers le sud, et des habitations au-delà, du côté du Palais de Justice, entre la porte du sud et celle de l'est. On poursuivit le dégagement de ce même côté, par la suppression de la salle de la Comédie qu'un théâtre nouvellement construit près de la Maison Carrée rendait inutile. On mit au jour, à cette occasion, une quantité considérable de gros blocs qui provenaient des gradins de l'amphithéâtre. Il eût été facile de les utiliser pour la restauration du monument avec ses propres matériaux, on les abandonna aux démolisseurs, lesquels les débitèrent pour d'autres constructions.

 

En 1811, toutes les maisons qui restaient encore furent évacuées. Le 28 octobre, le Directeur des travaux publics de la ville fit l'estimation du matériel devenu en possession de la commune, et dont il convenait de tenir compte aux anciens occupants.

 

De façon générale, chaque arceau, partagé en plusieurs pièces, constituait un logement. Un escalier, quelquefois de pierre, mais le plus souvent de bois, conduisait à l'entresol. Les ouvertures, aussi bien de cet entresol que celles du rez-de-chaussée vers l'extérieur, étaient obturées et remplacées par une porte. Par-devant, l'arceau servait de demeure; dans le fond, on rencontrait presque toujours une cuve pour la fabrication du vin et des blocs de pierre disposés pour le placement des tonneaux. Il y avait, pour-ainsi-dire, autant de puits que d'arceaux. On les a supprimés au cours des restaurations.

L'estimation faite ne fut pas très élevée ; elle ne se monta qu'à la somme de 8634,30fr pour la totalité des arceaux. En moyenne, chaque arceau figurait, sur l'état, pour une somme comprise entre 150 et 200 francs.

 

Les démolitions reprirent à partir de 1816, sur l'ordre du préfet Villiers du Terrage. On fit à l'intérieur du monument les restaurations les plus urgentes, notamment celle des escaliers d'accès aux diverses galeries, et ce n'est qu'en 1833 qu'on s'occupa de la consolidation des arceaux dont quelques-uns menaçaient ruine.

 

On répara le pavage des galeries et, dès 1835, il fut possible de faire, par chacune d'elles, le tour complet du monument.

 

La restauration continua les années suivantes ; en 1865, l'architecte Révoil, qui venait d'en être chargé, fouilla le sol de l'arène et retrouva le puits des Visigoths, dont on avait perdu la trace. Ce puits fut démoli, et l'on en retira beaucoup de pierres, posées à sec, qui en constituaient les parois et provenaient manifestement du revêtement du mur d'appui de la seconde précinction.

 

On trouva un oscillum sur lequel sont représentés d'un côté deux masques de satyre devant un autel; du côté opposé, Ganymède offrant à boire à l'aigle de Jupiter. Mais la découverte la plus intéressante eut lieu dans le sous-sol de l'arène.

 

Déjà, en 1818, un archéologue lyonnais, de passage à Nîmes, avait remarqué un bloc de pierre, aujourd'hui disparu, sur lequel il put lire T C R F, qu'il interpréta étrangement Titus Caesar ruilera fecit. Révoil mit au jour deux inscriptions qui donnent la signification exacte de ces lettres et ne permettent point de douter qu'une partie tout au moins de l'amphithéâtre ne soit l’œuvre d'un architecte appelé Titus Crispius Reburrus

Les fouilles de 1866 procurèrent quelques objets antiques qui furent donnés au musée municipal par l'État. II sont, pour la plupart, de peu d'intérêt et ne paraissent avoir aucun rapport avec le monument. Il ne s'agit guère que de débris de toutes sortes apportés de l'extérieur, par les occupants de l'édifice. Une exception, toutefois, semble nécessaire pour deux lingots de plomb, l'un de 27, l'autre de 47 kilogs, qui pourraient provenir de la machinerie du sous-sol. Le second de ces lingots est marqué R P N (respublica Nemausensium).

 

En 1872, la continuation des travaux de restauration procura un frontal et deux phalères rondes de bronze qui furent considérés, par Révoil, mais assez témérairement, comme des prix donnés à des bestiaires. En 1880, un plancher de bois que l'on avait déjà dû refaire plusieurs fois, recouvrait le souterrain placé au milieu de l'arène. Ce plancher était pourri, et la municipalité fut d'avis qu'il n'était pas possible de différer son remplacement, d'autant plus que la ferme des spectacles procurait à la ville un revenu annuel de 6.000 francs.

 

En raison de l'urgence, et a pour ne pas priver les Nîmois de leurs habituelles distractions», on se contenta de faire un nouveau plancher; mais on convint de le remplacer, dès la fin de l'année, par une voûte pour laquelle on emploierait des poutres de fer et des briques plates. Elle fut construite par Révoil et coûta 2100 francs, dont la moitié fut payée par l'État.

 

Les démolitions opérées dans l'amphithéâtre en 1809 avaient procuré de curieux bas-reliefs du XIIIe siècle qui étaient appliqués contre l'église Saint-Martin. Edmond Foulc, qui les avait recueillis les donna, en 1875, à la ville de Nîmes. Ils sont actuellement au Musée lapidaire.

 

 

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SUITE - Les Arènes par  Emile Espérandieu, 1933.
> I – Description
> II – Le Velum
> III – Écoulement des eaux de pluies
> IV – La question des naumachies
> V – La date de l’Amphithéâtre
> VI – Les taureaux des arènes
> VII – Nombre de places
> VIII – Les chevaliers des arènes
> IX – Dégagement de l’amphithéâtre
> X – Spectacles antiques

 

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