JEAN-CHARLES
DE CRUSSOL
(1675-1739) Premier Duc et Pair de France - Septième Duc d'Uzès extrait de l'histoire des Duc d'Uzès, par Lionel d'Albiousse, 1887. Né en 1675, Jean Charles de Crussol fut baptisé le 9 février à paris, à l'église, royale et paroissiale de Saint-Germain l'Auxerrois. Son parrain fut messire Jean de pardaillan comte de Parabère, marquis de La Mothe Saint-Théré, premier baron d'Armagnac, lieutenant général pour le roi au gouvernement du haut Poitou. Sa marraine fut la duchesse d'Uzès, née d'Apchier (1). Il était à peine âgé de dix-huit ans, lorsque, par la mort de son frère ainé Louis, tué à la bataille de Nerwinde, il devint premier duc et pair de France, colonel du régiment de Crussol Infanterie et gouverneur des provinces de Saintonge et Angoumois. (2) Il prêta serment de fidélité au roi devant le parlement de Paris, en qualité de duc et pair de France, le 18 avril 1694 (3). (1) Archives ducales. Layette 7. (2) Archives ducales. Inventaire, page 14. (3) Archives ducales. Inventaire, page 6. Il s'empressa de suivre les traditions de sa famille et marcha sur les traces de son glorieux frère en allant combattre les ennemis de Louis XIV. Ils étaient nombreux alors et rendaient au grand roi les maux qu'il leur avait faits. Après des revers mêlés de quelques succès, la paix fut signée à Riswik, en 1696. Le duc d'Uzès profita de la cessation des hostilités pour se marier avec Anne Hypolithe de Grimaldi, fille de S. A. S. Louis, prince de Monaco, duc de Valentinois, pair de France, chevalier des ordres du roi (1). Sa mère était la sœur du duc de Gramont. (2) La noce se fit chez la duchesse de Lude, veuve en premières noces de ce galant comte de Guiche, frère ainé du duc de Gramont (3). (1) Archives ducales. Inventaire, page 81. Monaco et ses princes, tome II, page 28. (2) Mlle de Monaco avait le tabouret à la cour, parce qu'au mariage de Mlle de Valentinois, en 1688, M. le Grand avait obtenu le rang de prince étranger, pour M. de Monaco et ses enfante. (3) Mémoires de Saint-Simon, tome XI, page 334, Le contrat de mariage de Jean Charles de Crussol avec Mlle de Monaco avait été signé le 17 janvier 1696, au château de Versailles, en présence et du consentement du roi, du prince Louis dauphin de France, du duc de Bourgogne, du duc d'Anjou, du duc de Berry, du duc Philippe d'Orléans, frère unique du roi et de la duchesse Charlotte Palatine du Rhin, de Philippe d'Orléans, duc de Chartres et de Valois, et de la duchesse née Françoise de Bourbon, légitimée, et de leur fille Charlotte d'Orléans, de la duchesse de Toscane née d'Orléans, de la duchesse de Guise née d'Orléans, du grince de Bourbon-Condé, prince du sang, pair et grand maître de France, duc d'Enghien et de Châteauroux, lieutenant général pour le roi en sa province de Bourgogne et Bresse, et de la princesse née princesse Anne Palatine de Beausiver, du prince Louis, duc de Bourbon, prince du sang pair et grand maître de France, et de la princesse née Françoise de Bourbon, légitimée de France, de la princesse Anne de Bourbon, légitimée de France, veuve du prince Louis de Bourbon, prince de Conty, prince du sang et pair de France, de Louis de Bourbon, prince de Conty, pair de France, et de sa fille Anne Louise de Bourbon, du duc du Maine, légitimé de France, colonel général des Suisses et Grisons, gouverneur et lieutenant général pour Sa Majesté, en Languedoc, et de la duchesse née Benedicte de Bourbon, de la duchesse de Verneuil, comme aussi des seigneurs et dames ci-après nommés savoir, du côté du futur ; de la duchesse douairière d'Uzès née d'Apchier, de Charles de Crussol, comte d'Uzès, d'Antoine de Gondin, chevalier, marquis d'Antin, seigneur du duché de Bellegarde, menin de Monseigneur et mestre de camp et armées du roi, et de la marquise née de Crussol, du chevalier Le Tellier, marquis de Barbézieux, conseiller du roi en tous ses conseils, secrétaire d'Etat et des commandements de Sa Majesté, commandeur et chancelier de ses ordres, et de la Marquise née d'Aligre, du chevalier Louis de Crussol, marquis de Florensac, maréchal de camp et armées du roi, oncle du futur, et de la marquise née de Sansterre, de la duchesse douairière d'Elbeuf née de Monthaut, du duc de la Rochefoucauld, prince de Marsillac, pair et grand veneur de France, chevalier des ordres du roi, grand maître de la garde-robe de Sa Majesté, d'Henri de la Rochefoucauld, abbé de Sainte-Colombe, du duc François de la Rochefoucauld et de la duchesse née Le Tellier, du comte de Pardailhon et de Parabére, lieutenant général des armées du roi et de la province du Poitou, du comte et de la comtesse de Tonnerre, du duc de Langres, du marquis d'Aligre, du marquis et de la marquise de l'Aigle, de Françoise de Grignan marquise de Vibraye, d'Henri d'Orléans, marquis de Rothelin, du chevalier de Lamoignon, marquis de Basville, conseiller du roi en tous ses conseils et son premier avocat général au parlement ; et de la part de la future : du prince Antoine de Grimaldi, duc de Valentinois, frère de la future, et de la duchesse née princesse Marie de Lorraine, de l'abbé de Monaco, du duc de Gramont, pair de France chevalier des ordres du roi, souverain de Bidache, gouverneur et lieutenant général pour le roy en son royaume de Navarre et pays de Béarn, du marquis d'Est, de Philibert d'Est, cousins germains de la future, du duc de Guiche, cousin germain maternel, de la duchesse, de Noailles née de Bournonville, de la duchesse de Guiche née de Noailles, du comte de Gramont, chevalier des ordres du roi, grand-oncle, de Louis de Lorraine, comte d'Armagnac, pair et grand écuyer de France, gouverneur pour le roi du pays d'Anjou, et de la comtesse, du prince et de la princesse Henri de Lorraine, du duc de Praslin, pair de France, chevalier des ordres du roi, et de la duchesse née du Halloirs, du duc de Noailles, pair de France, chevalier des ordres du roi, capitaine de la première compagnie des gardes du corps de Sa Majesté, de Louis Anthoine de Noailles, archevêque de Paris et pair de France, du chevalier de Noailles, chevalier du Bain, grand'croix de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, du marquis et de la marquise de Noailles, du comte de Noailles d'Ayen, du marquis de Feuquières et de la marquise née de Mouchy d'Hocquicourt. L'hôtel d'Uzès était rue Saint Thomas-du-Louvre, paroisse de Saint-Germain-l'Auxerrois. À l'occasion de ce mariage la ville d'Uzès délibéra : « d'envoyer une députation du maire et du premier consul à Paris, pour féliciter le duc et la duchesse de leur mariage, offrir à celle-ci une somme de 100 livres, les assurer tous les deux de la joie et de la satisfaction que la ville ressent, et combien elle est reconnaissante de la protection que M. le duc ne cesse d'accorder en toute occasion à la ville et qu'il voudra bien continuer. » Cette délibération fut envoyée au duc d'Uzès, qui S'empressa d'y répondre par la lettre suivante: Paris, 10 février 1696. J'apprends, Messieurs, que vous avez pris une délibération dans l'Hôtel de Ville pour envoyer deux députés me faire des compliments sur mon mariage. Je vous sais tout le gré possible de votre bonne volonté et je suis très content de la disposition où vous êtes de me donner en cette occasion des marques de votre zèle et de votre attachement pour ce qui me regarde, mais comme ce voyage ne pourrait se faire sans grands frais, j'en dispense volontiers la communauté; il me suffit d'avoir connu sa bonne intention. Vous pouvez assurer de ma part tous les habitants qu'ils trouveront toujours en moi un appui solide, et que je n'aurai jamais rien de plus à cœur que de leur témoigner par des effets sensibles l'envie que j'ai de leur plaire. Je suis, Messieurs, avec beaucoup d'estime, Tout à, vous, le duc d'Uzès. (1) (1) Registre des délibérations de la ville d'Uzès, année 1696. À quelque temps de là, en 1698, ayant appris le départ de Paris du du duc et de la duchesse pour se rendre à Uzès, la ville délibère « d'envoyer une députation de dix personnes escortées de trois valets de ville au comté de Crussol, pour leur présenter les devoirs de la ville, offrir cent pistoles d'or à Mme la duchesse, faire assembler tous les corps de métiers de la ville pour se rendre en armes auprès du duc et de la duchesse, après avoir choisi leurs capitaines, et faire une réception telle qu'on la fit en 1667 à M. le comte et à Mme la comtesse de Crussol, suivant les usages anciens. » En effet, on fit venir des musiciens d'Avignon, des arcs de triomphe furent dressés dans les rues de la ville, et Subleyras (1), enfant du pays, devenu plus tard un célèbre peintre, fut employé à faire les armes ou blasons du duc et de la duchesse, ainsi que des emblèmes ou devises (2). Les députés se rendirent au comté de Crussol, mais ayant appris que le duc et la duchesse étaient à Valence, ils allèrent dans cette ville. (1) Pierre Subteyraa, né à Uzès on 1659, de Dominique Subleyras, vitrier et peintre de bâtiments, fut d'abord enfant de chœur de notre église cathédrale, et ayant de bonne heure montré d'heureuses dispositions pour le dessin, son père le plaça chez un peintre à Avignon. Il mourut à Uzès où il avait été employé par les particuliers riches à décorer des appartements. Les deux maisons où on peut le mieux juger sont, un petit selon voûté du pavillon du Jardin, appelé la Malarte, appartenant autrefois au baron de Fontarèches, près de la maison occupée aujourd'hui par M. Gaston Vincent, et la maison Coq, prés des prisons, autrefois maison de Pougnadoresse où a été peinte sur toile et à l'huile l'histoire de Jésus-Christ. Passionné pour son art, il fit vers l'âge de 25 ans, le voyage de Rome à pied; il y séjourna longtemps et s'y perfectionna. On conserve de lui au Louvre à Paris, deux tableaux fort estimés. (2) On lui paya pour ce travail 18 livres. Archives municipales, série AA, 4. Le duc et la duchesse ne tardèrent pas a venir à Uzès, où tout se passa comme de coutume avec beaucoup de solennité et d'enthousiasme. On profita du séjour du duc et de la duchesse d'Uzès pour régler les honneurs qui leur étaient dus dans la cathédrale. Voici ce que contient la délibération prise à ce sujet par la majorité du chapitre, suivant acte reçu Me Boucarut, notaire à Uzès : 1° Le prévot, ou en son absence le plus élevé en dignité, avec un autre chanoine, va recevoir M. le duc et Mme la duchesse à la porte de l'église, pour leur présenter de l'eau bénite ; 2° On leur prépare des agenouillards recouverts de tapis, lorsqu'ils assistent à la messe et à l'office dans le sanctuaire du côté de l'évangile, environ un pan au dessus des places de MM. les chanoines ; 3° L'assistant donne à M. le duc et à Mme la duchesse lorsqu'ils assistent à la messe ou aux offices, trois traits d'encens à chacun ; 4° Lorsqu'ils viennent à la prédication et que le seigneur évêque n'est pas présent, le prédicateur traite M. le duc de Monseigneur, et lui adresse la parole, et lorsqu'il arrive et que le prédicateur a déjà commencé son discours, le prédicateur s'arrête pour un moment, jusqu'à ce qu'il soit placé, et récapitule sommairement ce qu'il a déjá dit ; 5° Lorsque le duc ou la duchesse assiste à la prédication, on place un fauteuil ou deux devant la chaire en séparant au besoin les bancs, sièges ou chaises, des deux côtés, au-devant de la chaire du prédicateur ; 6° Enfin, lorsqu'ils sortent de l'église, après y avoir entendu l'office et la prédication, les mêmes qui les ont reçus et leur ont donné de l'eau bénite en entrant dans l'église, les reconduisent jusqu'à la porte où ils les ont reçus en entrant . Le duc et la duchesse ne firent qu'un assez court séjour à Uzès. Ils s'en retournèrent à Paris où la duchesse avait des devoirs à remplir auprès de la duchesse de Bourgogne, cette princesse si piquante, si gaie, si étincelante d'esprit, qui savait si bien amuser le roi et Mme de Maintenon. On lui avait formé une cour, et parmi les dames qui furent choisies on peut citer, outre la duchesse d'Uzès, les duchesses de Sully, de Chevreuse, de Beauvillers, de Roquelaure, la princesse d'Harcourt et Mme de Soubise (1). (1) ,Mémoire de Saint-Simon, tome II, pages 61 et 62. Mais hélas ! la pauvre duchesse d'Uzès ne jouit pas longtemps du bonheur que pouvait lui donner sa haute situation sociale. Elle mourut un an après son voyage d'Uzès des suites de couches de deux jumelles qui ne tardèrent pas à mourir aussi. C'était, dit Saint-Simon dans ses Mémoires, une femme de mérite et fort vertueuse. Cette même année une ère de combats s'ouvrait au duc d'Uzès pour dissiper son chagrin et suivre les nobles et chevaleresques traditions de sa famille. La mort de Charles II, roi d'Espagne, embrasa de nouveau l'Europe. Ce prince, n'ayant pas d'héritiers, avait désigné par son testament, pour lui succéder, Philippe de France duc d'Anjou second fils du Dauphin. C'était, de tous les compétiteurs, celui dont les droits étaient les mieux fondés, puisqu'il les tenait de son aïeule Marie-Thérèse et d'Anne d'Autriche mère de Louis XIV. Le roi accepta le legs pour son petit-fils. La suprématie de la France en Europe allait se consolider par l'alliance des deux nations. Mais dès que le duc d'Anjou, sous le titre de Philippe V, eut pris possession de la couronne d'Espagne, toute l'Allemagne s'ébranla en faveur de l'archiduc d'Autriche, dont l'ambition avait été déçue par le testament de Charles II. Bientôt, sous le nom de Grande Alliance, l'Angleterre, la Hollande, l'Empire, la Prusse, le Portugal, la Suède et la Savoie se liguèrent contre Louis XIV par un, traité solennel. La guerre fut longue, meurtrière et compliquée encore de celle des Camisards en Languedoc. Enfin, après plusieurs combats mêlés de revers plus encore que de victoires, la paix fut proclamée à la suite du traité d'Utrecht, en 1715. Dès le début de ces événements, le duc d'Uzès, pendant !a campagne d'Allemagne, fit une chute de cheval qui l'obligea a se retirer du service avec son grade de colonel d'infanterie du régiment de son nom. Il regretta bien vivement la vie active des camps (1). Quelques années après, en 1706, il épousa en secondes noces Anne-Marie-Marguerite de Bullion (2), fille de Charles Denys marquis de Gaillardon et de Bonnelles, prévôt de Paris, gouverneur du Maine, Perche et Laval, et dont le père Claude de BuIlion était garde des sceaux et surintendant des finances sous Louis XIII (3). (1) Wideville. Histoire et Description par le marquis de Galard, page 52. (2) La faille de Bullion, très ancienne, tirait son nom, d'une terre située près de Maringues, en Bourgogne. Voir Wideville. Histoire et Description, page 14 Ses armes sont : écartelé au 1 et 4 d'azur au lion d'or, issant de trois ondes d'argent, au 2 et 3 d'argent à la bande de gueules, accompagnés de six coquilIes du même, trois en chef et trois en pointe qui est de Vincent. La sœur de Marguerite de Bullion duchesse d'Uzès épousa Guillaume de la Trémoïlle, prince de Tarente et général des armées du roi. (3) Ce fut lui qui fit frapper les premiers louis d'or en 1640, et Saint-Simon raconte, dans ses Mémoires, que le surintendant ayant donné à diner au maréchal de Gramont, au maréchal de Villeroi et au marquis de Souvré, fit servir au dessert trois bassins de louis d'or dont il les engagea à prendre ce qu'ils voudraient ; ils ne se firent pas trop prier et s'en retournèrent les poches si pleines qu'ils avaient peine à marcher; ce qui faisait beaucoup rire Bullion. Le contrat de mariage de Jean Charles de Crussol, duc d'Uzès, avec Mlle de Bullion, avait été signé le 10 mars 1706, au château de Versailles, en présence et de l'agrément du roi, de Louis, dauphin de France, fils unique de Sa Majesté, de Louis, prince du sang, duc de Bourgogne, de la duchesse de Bourgogne, du duc de Berry, de la princesse Charlotte, veuve du duc d'Orléans, du duc d'Orléans et de la duchesse née Marie Françoise de Bourbon, de Jules de Bourbon, prince de Condé, premier prince du sang, duc d'Enghien et de Châteauroux, de la princesse née princesse Anne Palatine de Bavière, du duc de Bourbon et de la duchesse née princesse Françoise de Bourbon, légitimée de France, de la princesse Anne de Bourbon, légitimée de France, veuve du prince Armand de Bourbon, prince de Conty, prince du sang royal, pair de France, duc de Vallières, du prince Louis de Bourbon, prince du sang, pair de France, prince de Conty, de la princesse Bénédicte de Bourbon, épouse du prince de Conty, d'Auguste de Bourbon, duc du Maine et d'Aumale, prince souverain de Dombes, comte d'Eu, pair de France, colonel général des Suisses et Grisons, grand maître de l'artillerie, de Mme Françoise dAubigné, marquise de Maintenon, comme aussi en la présence de la comtesse d'Apchier, aïeule du futur époux, veuve de François de Crussol, duc d'Uzès, pair de France, prince de Soyons, comte de Crussol et d'Apchier marquis de Cruzeaux,vicomte de Vazeilles, baron de Lévis, Florensac, Aimargues, Bellegarde, Saint-Geniès et Remoulins, seigneur d'Acier, Lunegarde, Capdenac, Saint-Sautin et autres places, chevalier des ordres de sa, Majesté, demeurant (la duchesse) dans le couvent des dames religieuses de Bon Secours, rue de Charonne, de François Charles de Crussol d'Uzès, de Montausier, brigadier des armées du roi, colonel d'un régiment de cavalerie, entretenu pour le service de Sa Majesté, et de la duchesse née, Magdelaine Pasquier de Franclieu, d'Antoine de Gondrin, marquis d'Antin, seigneur du duché de Bellegarde, menin du Dauphin, et de la marquise née Françoise de Crussol, sœur du futur, d'Antoine de Grimaldi, par la grâce de Dieu prince souverain de Monaco, duc de Valentinois, pair de France, beau-frère du futur, de Louis de Crussol, comte de Florensac, de Louis de Gondrin, de Claude de Bullion, chevalier marquis de Bonnelles, mestre de camp du régiment royal Roussillon cavalerie, brigadier de Sa Majesté, frère de la future, de la dame d'Astry, veuve du chevalier Rouillé, comte de Meslay, aïeule de la future, d'Armand Duplessis, duc de Richelieu, et de la duchesse née Rouillé, de Jean Rouillé, comte de Meslay, de la duchesse douairière d'Aumont, de la duchesse de la Rocheguin, du duc et de la duchesse d'Humières, du maréchal et de la maréchale de Boufflers, du duc et de la duchesse de Guiche, de la duchesse de Ventadur, de la maréchale de Rochefort, de la maréchale du Lude, de la duchesse d'Elbeuf, du duc 'et de la duchesse de Châtillon, du marquis de Clermont, du comte de Lusse, de Mlle Elisabeth de Sainte-Maure, de M. et Mme de Pompadour, du marquis de Rottelin, de Mlle de Barbezieux, de M. et Mme Colbert de Chabanais, d'Achille de Harlay, premier président du Parlement, tous parents du duc d'Uzès et de Mlle de Bullion, de M. le chancelier, de M. de Chamillard, surintendant des finances, de M. de Pontchartrain, de M. de Torcy, de Mme de Dreux. Les traditions disent qu'elle lui apporta une riche dot dont il avait grand besoin pour rétablir les affaires de la maison d'Uzès, dérangées par les prodigalités des ducs François (1604-1680) et Emmanuel (1581-1657). Elle apporta en outre, dans la maison d'Uzès, la belle terre de Bonnelles (I), ayant hérité de deux de ses frères, Jean-Claude marquis de Bonnelles, maître de camp du régiment de Royal-Roussillon, mort, sans alliance des blessures qu'il avait reçues à la bataille de Turin, le 7 septembre 1706, et d'Auguste Léon marquis de Bonnelles, chevalier de Malte, colonel de dragons, également mort sans alliance. (1) C'est à Bonnelles, située dans le département de Seine-et-Oise, que la duchesse d'Uzès donne actuellement ces magnifiques chasses si recherchées par les sportsmans du high lire, auxquelles assistent souvent les princes d'Orléans. Le château de Bonnelles, situé au milieu d'une de ces charmantes vallées qui décorent ce beau pays, a été construit en 1848 par le duc d'Uzès, beau père de la duchesse actuelle, sur l'emplacement de l'ancien château des Bullion. C'est une vaste construction dans le style Louis XIII, aux murailles de briques et de pierres. Les salons de réception y sont fort beaux, et l'un d'eux ne compte pas moins de vingt-quatre mètres carrés. , Ce château princier est entouré d'un vaste parc habilement dessiné et encadré d'un bois de prés de 3,000 hectares, lequel est agrandi eu quelque sorte par l'immense forêt de Rambouillet dont il est limitrophe. C'est une terre très giboyeuse. L'équipage de la duchesse d'Uzès est des plus renommés de la vènerie française. Le chenil est installé à 5 kilomètres de Bonnelles, sur la lisière de la forêt, dans un petit château Louis XIII ayant appartenu à la famille de Falaiseau. À l'occasion de ce mariage, on composa. à Uzès, en patois, les vers suivants :
Effectivement, jamais le château ducal ne fut aussi fréquenté, aussi brillant. La duchesse en faisait les honneurs avec dignité, avec affabilité. Sa maison était fort nombreuse, mais parfaitement réglée, car elle avait tout à la fois de l'esprit et de l'ordre. Pieuse, elle aimait le monde et les plaisirs avec dignité et décence. Elle avait un grand ascendant sur son mari, qui par le caractère, ressemblait au duc François son aïeul, mais plus rangé et plus économe que lui (1). Après avoir fait un assez long séjour à Uzès, le duc et la duchesse s'en retournèrent à Paris et à Versailles, où les appelaient leurs charges à la cour Durant la belle saison et quand ils en avaient le loisir, ils habitaient le château de Wideville, « où la haute position, la grande fortune du duc, la grâce et l'affabilité de la duchesse d'Uzès attiraient la meilleure société du temps. La présence des trois nièces de Mme d'Uzès, filles de son frère Jacques de Bullion, marquis de Fervaques, mettait un élément de jeunesse et de gaîté dans l'existence un peu sérieuse qu'on menait dans la maison du premier pair de France. Mariées au duc de Laval, de Beauvillers et de Montmorency-Luxembourg, elles arrivaient toujours accompagnées d'une suite nombreuse et choisie. La proximité de Versailles qui avait détrôné, Saint-Germain de son titre de ville souveraine, rendait pour cette famille comme jadis pour le surintendant, l'habitatin de WidevilIe agréable, commode et compatible avec les grandes charges de la cour. Bien souvent les échos des chasses de Marly égayèrent le parc, devenu, par suite d'acquisitions et d'embellissements, un des plus vastes et des plus curieux de la contrée. » (2) (1) Manuscrit Siméon Abauzit. (2) Wideville., Histoire et description, par le marquis de Gallard, page 52. Mais au milieu de ces distractions le duc et la duchesse eurent la douleur de perdre plusieurs membres de leur famille. Ce fut d'abord la grand'mère paternelle du duc qui mourut en 1708. C'était une femme de grand mérite et de beaucoup de piété. Elle était d'Apchier, c'est a dire de la branche aînée de la maison de Joyeuse, grande et fort ancienne (1). En 1713 mourut en couches la comtesse d'Uzès, belle-sœur du duc, à peine âgée de quarante ans. Elle était belle et bien faite. Elle vivait surtout à l'Étang où elle se faisait aimer de tout le monde. Elle laissa trois fils (2). Enfin la même année le duc d'Uzès perdit son frère, chanoine de Strasbourg. (3) Pour être chanoine dans cette ville, il fallait plusieurs générations de noblesse de père et de mère. En 1713 Il n'y en avait plus qui en pussent faire les preuves que MM. d'Uzès, de Duras et de Roncy (4). (1) Mémoires Saint-Simon, tome VI, page 137. (2) Mémoires Saint-Simon, tome X, page 483. (3) Mémoires Saint-Simon, tome X, page 312. (4) Mémoires Saint-Simon, tome X, page 425. Mais tandis que la mort faisait des victimes dans la maison d'Uzès, elle frappait de bien plus rudes coups dans la maison royale. Dans l'espace d'un an, elle moissonna le Dauphin, fils de Louis XIV, qui avait été l'élève de Bossuet ; le duc de Bourgogne, son petit-fils, prince accompli que Fénélon avait formé à toutes les vertus ; la duchesse son épouse et le duc de Bretagne qui fut porté à Saint Denis dans le même tombeau ; tandis que le dernier prince de cette race, un tout jeune enfant était mourant dans son berceau. Le 10 mai 1712 un service fut fait à Notre-Dame pour M. le Dauphin et Mme la Dauphine. Les trois princes du deuil furent le duc de Berry, le duc d'Orléans et le comte de Charolais. Mme la duchesse d'Orléans, Mlle de Bourbon et Melle de Charolais furent les princesses. La duchesse de Berry fut menée par le chevalier d'Hautefort ; Melle de Bourbon par le comte de Blausac, et Melle de Charolais par le comte d'Uzès, en l'absence de son frère le duc d'Uzès. (1) Le comte d'Uzès était parti en 1712 pour l'Espagne pour aller servir sous M. de Vendôme lorsque ce dernier mourut. Il s'arrêta à Madrid, y resta huit jours, et le roi d'Espagne le chargea de porter une lettre au roi de France pour lui demander un autre générai en remplacement de M. de Vendome. Le comte d'Uzès arriva le 21 juin à Marly, chez M. de Torcy qui s'empressa de le mener chez le roi (2). (1) Mémoires de Saint-Simon, tome x, pages 297 et 298. (2) Mémoires de Saint-Simon, tome x, page 319. On sait que peu après intervint le traité d'Utrecht qui mit fin à la guerre, mais une des clauses de ce traité fut la renonciation du roi d'Espagne, pour lui et ses descendants, à la couronne de France. À cette occasion eut lieu au Parlement de Paris une séance solennelle à laquelle assistèrent les ducs et pairs de France. Il s'agissait de retirer des registres du Parlement les lettres patentes qui conservaient le droit à la couronne de France au roi d'Espagne au moment de son départ pour ce pays, et de faire la lecture de sa renonciation pour lui et pour toute sa branche à la couronne de France et celles du duc de Berry et du duc d'Orléans à la couronne d'Espagne pour eux et leur postérité et d'enregistrer ces trois renonciations. Saint-Simon, dans ses Mémoires, fait connaitre à cette occasion la liste des ducs et pairs de France en mentionnant les présents et les absents, parmi lesquels le duc d'Uzès, premier duc et pair de France (1). (1) L'habillement d'un duc et pair de France était : un manteau long de drap violet, doublé et bordé d'hermine ; l'épitoge toute d'Hermine ; nous le manteau une robe longue de drap d'or en forme de soutane ; la ceinture de soie violette or et argent, la couronne ducale sur la tête. . C'est la liste des plus beaux noms de la noblesse française. La voici :
Cependant le roi s'affaiblissait, et à mesure qu'il s'avançait vers la tombe il s'intéressait de plus en plus à ses enfants naturels. Déjà il les avait mariés à des princes ou princesses de sa famille; le duc du Maine et le comte de Taulouse, tous deux enfants de Mme de Montespan et nés d'un double adultère, avaient obtenu le pas sur les princes étrangers naturalisés et sur les pairs. Louis XIV fit plus encore. Par un édit du 2 août 1714, il les déclara aptes à succéder à la couronne de France, à défaut de princes du sang, et leur en conféra tous les droits et privilèges. C'était le renversement de toutes les lois du royaume (1). Le duc d'Uzès assista à la séance du Parlement dans lequel ces édits furent enregistrés (2). Il n'y eut pas d'opposition, mais ce corps, les princes du sang, la plupart des ducs et pairs et presque toute la nation semblaient en appeler à un autre règne. On savait que le roi avait fait un testament, et les édits dont je viens de parler en faisaient pressentir l'intention. Le roi voyait des dangers à une régence du duc d'Orléans, et ne pouvant l'exclure du conseil, il essuya, en effet, par son testament, de réduire son influence à un rôle presque passif, mais il pressentait que ses dernières volontés ne seraient pas plus respectées que ne l'avaient été celles de son père. Il termina sa carrière le 1er septembre 1715. Il avait vécu soixante-dix-sept ans, après un règne qui en avait duré soixante-douze, le plus long comme le plus grand de notre histoire (3). (1) Le proverbe : « Le roi ne fait des princes du sang qu'avec la reine, » exprimait fort nettement le droit monarchique. (2) Journal de la Régence, tome I, page 503. (3) Histoire d'Henri Martin, tome XIV, page 615. Louis XIV avait été la personnification suprême de la monarchie. Aussi il est et restera le Roi, le type royal pour les nations étrangères comme pour la France (1). Le duc d'Uzès assista aux obsèques de Louis XIV. Il fut chargé, comme premier duc et pair de France, de porter la couronne; le duc de Luynes portait le sceptre et le duc de Brissac la main de justice. Ces trois ducs, étaient dans les hautes chaires du même côté que les princes du deuil (2). (1) Histoire d'Henri Martin, tome XIV, page 615. (2) Mémoires de Saint-Simon, tome XIII, page 342. Wideville, page 53. Louis XV, arrière-petit-fils de Louis XIV n'avait que cinq ans. Le Parlement, comme pour se venger de la longue contrainte où l'avait tenu le feu roi, se hâta de casser son testament et conféra la régence avec un pouvoir sans limites, au duc d'Orléans. Le 12 septembre le régent amena le jeune roi au Parlement pour enregistrer ce qui avait été décidé. Louis XV y tint un lit dé justice. À ses pieds était le duc de Tresmes, gouverneur de Paris, puis à droite et à gauche, le maréchal de Villeroi et la duchesse de Ventadour. À droite du roi, aux hauts sièges, étaient le duc d'Orléans, régent, le duc de Bourbon, le comte de Charolais, le prince de Conti, le duc du Maine, le prince, de Dombes et le comte de Toulouse. À gauche, les six pairs ecclésiastiques. Sur d'autres bancs les ducs qui suivent : les ducs d'Uzès, de la Trémoïlle, de Montbazon, de Sully, de Saint-Simon, de La Rochefoucauld, de la Force, de Rohan, d'Albret, de Pinez-Luxembourg, d'Estrées, de Gramont, de La Mailleraye, de Mortemart, de Noailles, d'Aumont, de Charost, de Villars, d'Harcourt, de Fitz-James, de Berwick, d'Antin, de Chaulnes, de Rohan-Rohan. Un des premiers actes du régent fut, ainsi qu'il l'avait du reste promis, de rendre au Parlement le droit de remontrance. Ce droit donna beaucoup plus d'importance au Parlement, qui chercha de plus en plus à augmenter ses prérogatives, surtout vis-à-vis des pairs. Il émit même la prétention de les juger. Ainsi, en 1716, et le 17 février, un duel eut lieu à la suite d'une querelle au bal, entre le comte de Gacé, depuis comte de Chastillon, et le duc de Richelieu. Gacé fut légèrement blessé, tandis que le duc de Richelieu reçut un coup d'épée qui le traversa de part en part. Le Parlement voulut les juger malgré les deux titres de duc et pair de Richelieu. Devant cette prétention, l'archevêque de Reims, les évêques de Laon et de Langres, pairs ecclésiastiques, les ducs d'Uzès, de Sully, de la Force, de Charost, de Chaulnes, de Saint-Simon, de Luxembourg, de Tresmes et d'Antin, chargés de la procuration des pairs, présentèrent une requête au roi contre la demande du Parlement qu'ils qualifièrent d'usurpation. « Ce n'est pas, disaient-ils au roi, aux honneurs extérieurs attachés à la pairie, à la décence d'un salut, à l'ordre des séances, ni au droit d'opiner, que se bornent les entreprises du Parlement; il attaque jusqu'á l'essence de la Pairie, en voulant juger les pairs. » Par simple lettre de cachet, le régent fit mettre les deux duellistes à la Bastille, et le Parlement, pour sortir d'embarras, déclara qu'il n'y avait pas preuve suffisante contr'eux, et ils furent absouts. Richelieu et Cacé s'embrassèrent et sortirent de la Bastille (1). (1) Mémoires de Richelieu, tome XI, pages 120 et 115. On revint bientôt sur l'affaire du bonnet qui avait été engagée, ainsi que nous l'avons vu dans les derniers temps de Louis XIV. Les ducs et pairs prétendaient que lorsqu'ils siégeaient au Parlement le premier président leur ôtât son bonnet en prenant leur avis ; ils voulaient aussi recouvrer leur ancienne prérogative d'opiner avant les présidents à mortier. La lutte fut très chaude et Saint-Simon fut l'Achille de cet épisode qui ravivait la vieille rivalité entre la robe magistrale et l'épée féodale. Les ducs et pairs étaient tellement exaspérés qu'ils projetèrent de se transporter au Palais et d'y imposer leurs prétentions l'épée à la main. Le régent arrêta l'explosion en faisant droit à la requête des ducs par arrêt du conseil du 21 mai 1716 ; mais le Parlement se déchaîna à son tour, de telle sorte que le régent révoqua I'arrêt et renvoya la décision du procès à la majorité du roi. Cette querelle fut suivie d'un débat plus grave : les princes de la maison de Condé présentèrent requête au conseil le 22 août 1716 pour qu'on enlevât aux fils légitimés du feu roi les droits de successibilité au trône et les prérogatives des princes du sang qui leur avaient été indûment accordés. Les ducs et pairs, toujours en quête de faire corps, intervinrent pour demander que si les légitimés perdaient le rang de princes du sang on leur enlevât aussi la préséance sur les autres pairs et qu'on leur fit prendre rang suivant la date de leurs pairies. Le duc du Maine, par faiblesse de caractère, et son frère, le comte de Toulouse, par une espèce d'indifférence philosophique, se fussent laissés abattre sans beaucoup de résistance, mais la duchesse du Maine soutint vaillamment le choc. Cette étrange personne qui dans un corps de naine, avait un esprit d'une vivacité et d'une turbulence infatigables, quitta ses divertissements de Sceaux où elle trônait au milieu des beaux esprits pour se lancer à corps perdu dans la polémique à la tête d`un bataillon de jurisconsultes et d'érudits. Elle sut trouver des alliés et susciter la jalousie de la noblesse non titrée contre les ducs. Nombre de gentilshommes, dans de bruyantes réunions, signèrent un mémoire contre la prétention des ducs et pairs à faire un corps séparé de la noblesse. Le régent, inquiet, défendit à la noblesse de s'assembler et de rédiger des actes collectifs. Plusieurs gentilshommes protestèrent. Six des principaux meneurs furent embastillés durant quelques semaines. Le parlement s'abstint de prononcer sur ces contestations. Le conseil de régence passa outre aux protestations, révoqua les édits de Louis XIV en faveur des légitimés, mais leur laissa seulement à vie les honneurs des princes du sang. A cette nouvelle la duchesse du Maine s'écria que lorsqu'on avait été déclaré habile à succéder au trône, il fallait, plutôt que de se laisser arracher ce droit, mettre le feu au milieu et aux quatre coins du royaume (1). Elle fit de son mieux pour tenir parole et conspira avec Cellamare, ambassadeur d'Espagne, contre la France. Plus tard, une autre affaire vint raviver la querelle entre le parlement et les pairs. Le duc de la Force était accusé d'avoir trempé dans les agissements de Law (2). Le duc ne voulut pas quitter son épée durant l'interrogatoire. (1) Saint-Simon, tome XIV, page 651. (2) on connaît le système financier de Law qui eut pour résultat de grandes perturbations dans les fortunes et à l'occasion duquel ou chantait le couplet suivant : Lundi j'achetai des actions Mardi je gagnai des millions Mercredi j'ornai mon ménage Et jeudi je pris équipage Vendredi je m'en fus au bal Et samedi à l'hôpital. Vers cette époque on découvrit une pièce de monnaie en or datant du VI siècle frappée à Uzès, qui avait depuis de longs siècles le droit de battre monnaie Cette piéce représente une tête de roi surmontée d'une petite croix, au-dessous un javelot et un petit bâton ou sceptre entouré d'un ruban et pour légende VCECIE CIT, qui signifie à la ville d'Uzès étant l'abrégé de CIVITATI. Don Vaissette pense qu'elle représente Théodebert Ier, petit-fils de Clovis qui, outre l'Australie, possédait une étendue de pays dans lequel Uzès était compris. Tout récemment on a trouvé dans le domaine du comte de Geoffre de Chabrignac une pièce d'or de l'empereur Charlemagne, frappée à Uzès et que possède actuellement le musée d'Avignon. Plus tard il voulut parler, alors que les gens du roi avaient la parole. Les pairs se réunirent chez le cardinal de Mailly. On rédigea un mémoire intitulé : « Les Pairs de France ». Les ducs d'Uzès et de Mailly allèrent la porter à Son Altesse Royale (1). Mais le régent, quoique fort ennuyé de voir la discorde régner entre les pairs et le Parlement, ne fit rien pour la faire cesser. II s'occupait d'ailleurs plus de ses plaisirs que des affaires de l'État. Dans des orgies célèbres, sous le nom de Soupers du Régent, « ou buvait, dit Saint-Simon, on s'échauffait à dire des ordures et des impiétés à qui mieux mieux, et quand on avait bien fait du bruit on allait se coucher pour recommencer le lendemain ». Pendant qu'on s'amusait ainsi au Palais royal, un terrible fléau, connu dans l'histoire sous le nom de Peste de Marseille, se déchaînait sur le Midi de la France. On ignore le nombre de ses victimes; mais les quatre villes de Marseille, Toulon, Aix et Arles perdirent seules 79 000 de leurs habitants. Mgr de Belzunce, évêque de Marseille, le chevalier Rose et les échevins Estelle et Moustier s'immortalisèrent par le dévouement le plus héroïque au milieu de cette affreuse calamité. (1) Mémoires sur l'histoire de France, tome LXX Mémoires du Maréchal de Villars, page 74. On avait établi à Paris un cordon sanitaire pour empêcher les gens du Midi, sous peine de mort, d'y pénétrer. Un de nos compatriotes faillit, à cette occasion, perdre la vie sans la bienveillante intervention du duc d'Uzès. Voici en effet ce qu'on lit dans le manuscrit de M. Siméon Abauzit suc notre ville : « Un des négociants d'Uzès, des plus riches de cette époque, de la famille des Chapelier, aujourd'hui éteinte, était forcé de se rendre à Paris en 1720, au moment où l'on avait établi des cordons sanitaires qu'il était défendu de passer sous peine de mort à cause de la terrible peste qui ravageait alors la ville de Marseille et dont les symptômes se manifestaient dans le Comtat et dans le Languedoc. Chapelier eut l'imprudence de franchir le cordon et l'imprudence encore plus grande de le dire le soir de son arrivée dans l'hôtel où il logeait. Il fut réveillé à minuit par des coups répétés à la porte de sa chambre et par des ordres d'ouvrir de la part du roi. Il obéit bien vite et fut de suite sommé, par une troupe d'agents de police, d'avoir à s'habiller et de les suivre. On le plaça dans une voiture dans laquelle monta le chef de l'escouade. Le pauvre diable, à travers ses larmes et ses sanglots, demanda à l'alguasil (agent de police, ce nom d'origine espagnole est, peut-être, utilisé dans le patois d'Uzès) de quoi il était accusé et où on le conduisait ? À la Bastille, lui répondit-on, où vous serez fusillé ou pendu demain pour avoir dépassé le cordon et risqué d'apporter la peste dans Paris, à moins que vous ne soyez puissamment protégé ; vous me paraissez un honnête homme, votre triste sort m'intéresse. Si vous connaissez quelque grand personnage, hâtez-vous de réclamer ses bons offices, je me charge de l'avertir après vous avoir déposé à la Bastille. M. Chapelier lui dit qu'il connaissait M. le duc d'Uzès qui l'honorait de sa bienveillance, lui remit une lettre dont on l'avait chargé pour ce seigneur, et le supplia de se hâter de la lui apporter et de lui raconter sa triste aventure. Heureusement pour lui l'agent de police se trouva un homme sensible et serviable ; il se rendit de suite à l'hôtel d'Uzès où il trouva le duc qui n'était pas encore couché. Il fit mettre de suite ses chevaux à son carrosse et alla trouver le lieutenant-général de police dont il obtint la grâce de Chapelier, mais à condition qu'il repartirait le lendemain matin pour Uzès dans une chaise de poste, ayant avec lui un agent de police qui ne le perdrait pas de vue, dont il payerait les frais de voyage aller et retour, et auquel il donnerait une gratification de 600 livres. Grâce au caractère bon et obligeant du duc Jean-Charles, qui fournit à Chapelier une chaise de poste et de l'argent, le pauvre Uzétien revint chez lui sain et saut et se promit bien de ne plus retourner à Paris ». Vers cette époque, plusieurs différends étaient survenus à Uzès entre les officiers du roi, ceux du duc et ceux de l'évêque. La justice, en effet, indépendamment de celle des consuls, appartenait à trois seigneurs, au roi pour un quart, au duc pour la moitié et à l'évêque pour un autre quart. Cette multiplicité de juridiction était préjudiciable au public et pour y remédier en partie, le duc d'Uzès forma le dessein d'acquérir la portion du roi, et en même temps le château royal (aujourd'hui les prisons), château qui avait appartenu a une branche de la maison d'Uzès, antérieurement à la vente qui en fut faite au roi Charles VIII, en 1493, Pour parvenir à cette acquisition, le duc d'Uzès proposa un échange, par un placet qu'il présenta á S. A. R. Mgr le duc d'Orléans, régent du royaume, et il offrit en contr'échange la terre de Lévis, première baronnie du Chastellet (1). (1) Cette terre de Lévis avait été apportée à la maison de Crussol par la mariage de Jeanne de Lévis avec Jacques de Crussol en 1452. Inventaire de la maison de Crussol, page 2. Elle était située entre Montfort et Chevreuse, près le parc de Versailles et près le village de Trappe. Mgr le duc d'Orléans ayant examiné et fait examiner cette proposition, il fut rendu un arrêt du conseil, le 20 mars 1721, portant qu'il serait passé un contrat à ce sujet entre Sa Majesté et le duc d'Uzès. Ce contrat eut lien peu après et en échange de la baronnie de Lévis qui contenait aussi les bois des maréchaux et de Crussol, le roi céda au duc tout le domaine qu'il possédait à Uzès avec sa haute, moyenne et basse justice, telle qu'elle appartenait à Sa Majesté, ainsi que Saint-Jean-de-Maruéjols, et diverses autres paroisses, terres et biens dépendants de la claverie d'Uzès et pays d'Uzège, pour y être la justice exercée par les officiers du duc, comme celle qui appartenait à son duché. De plus, toutes les affaires d'Uzès et le pays d'Uzège devaient être portées en appel non plus au présidial de Nîmes, mais directement au parlement de Toulouse. Le roi, toutefois, s'engageait à indemniser les officiers du présidial de Nîmes du préjudice qui leur était occasionné. Par suite de cet échange, voici les noms des villes et villages qui étaient de la mouvance du duc d'Uzès (1). (1) Voir Archives ducales. Lors de l'échange, Gaspard Ignace de Cluny, était juge royal de la ville et Viguerie d'Uzès. La justice ducale fut exercée comme celle du roi, par quatre officiers, un viguier, un juge, lieutenant de viguerie, un lieutenant de juge, un procureur fiscal, un greffier. Le nombre s'en élevait à 143.
(1) Archives ducales. Layette, page 10. Dictionnaire topographique du département du Gard, par Germer-Durand. Peu après cet échange, un acte d'inféodation, reçu Me Galafrés, notaire royal, fut passé par le duc d'Uzès en faveur de la ville de la directe, emportant droit de Iode sur certaines de ses maisons. Et à cette occasion, les consuls d'Uzès vinrent au château ducal pour rendre au nom de la ville, foi et hommage à Mgr duc d'Uzès, et étant devant Monseigneur, têtes nues, à genoux, les mains jointes dans les siennes, ils lui prêtèrent le serment habituel de fidélité sur les saints Évangiles, et promirent, pour la dite communauté, d'être bons et fidèles vassaux de Mgr le duc d' Uzès. Mais la plupart des personnages (1) que l'exécution de cet échange pouvait intéresser, firent éclater leurs plaintes, notamment les officiers du présidial de Nîmes, et surtout l'évêché d'Uzès, qui était alors Mgr Poncet de la Rivière. (1) Parmi eux le Marquis de Fournès, ainsi que le constate une lettre en date du 15 janvier 1714, adressée par la duc d'Uzès à M. David Bargeton, célèbre avocat au parlement de Paris, et qui m'a été communiquée par M. Falguérolles, membre de l'Académie de Nîmes. Les officiers du présidial de Nîmes furent bientôt déboutés de leurs récIamations ; mais l'évêque souleva mille difficultés et excita contre le duc le chapitre de la cathédrale. Non seulement l'évêque prétendit, malgré la décision du Parlement de Paris, que le duc d'Uzès lui devait foi et hommage pour son duché-pairie, et qu'il avait toujours le droit de joindre à sa qualité d'évêque celle de comte d'Uzès, mais encore il souleva ou fit soulever par son chapitre les difficultés suivantes ! Difficulté au sujet du droit d'entrée des officiers du duc, d'Uzès aux assiettes. En Languedoc, les impositions étaient réglées chaque année aux états de la province; mais comme la répartition se faisait ensuite par diocèse, il se tenait tous les ans, après les états, dans chaque diocèse, une assemblée que l'on appelait assiette, Il y avait toujours dans cette assemblée un officier de justice. C'était l'officier royal, et à défaut l'officier du seigneur du lieu où se tenait l'assemblée. Un arrêt rendu par le roi en son conseil du 18 décembre 1721, décida que l'officier de la justice du duc assisterait durant trois années consécutives à l'assiette, et celui de l'évêque la quatrième année, et ainsi de suite, dans le même ordre (1). (1) Archives ducales. Recueil de requêtes, pages 1 et 5. Difficulté pour un service funèbre à faire chaque année à la cathédrale. Le 7 janvier 1302, par un traité passé entre Bermond, seigneur d'Uzès, et le prévôt du chapitre, les chanoines s'obligèrent à célébrer annuellement et à perpétuité, dans l'église cathédrale, une messe pour le repos de l'âme des ancêtres du dit Bermond, qui sont aussi ceux de M. le duc actuel. Le chapitre s'y étant refusé, fut condamné, par une sentence du registre de l'hôtel, à continuer à faire célébrer ce service (1). (1) Archives ducales. Layette 22, liasse 6. Difficulté pour le banc ducal. Ainsi que je l'ai déjà dit, la justice de l'entière ville d'Uzès, avant l'échange, était indivise entre le roi qui en avait un quart, le duc la moitié, et l'évêque l'autre quart, et à cause de cette justice, les officiers du roi avaient un banc dans l'église cathédrale. Le duc fit mettre ses officiers dans le banc du roi, devenu banc ducal. Il avait vingt-deux pans, avec dossier, siège et accoudoir. Il était revêtu d'un drap écarlate, avec des écussons de distance à distance, brodés aux armes du duc. Sur la contestation de l'évêque, le conseil du roi, le 12 février 1722, décida que les officiers du duc auraient le banc qui auparavant était occupé par les officiers royaux. Malgré cet arrêt, l'évêque, pour empêcher que, les officiers du duc gardassent ce banc, soutint que la justice sur le sol de l'Église appartenait au chapitre. L'affaire fut portée au parlement de Paris, et la grand'chambre décida qu'en attendant le jugement de la contestation, les officiers du duc continueraient à jouir de ce banc. Après de nombreuses plaidoiries, le Parlement rendit un arrêt, le 7 juillet 1727, par lequel il déclara que la justice haute, moyenne et basse, appartenait au chapitre. Par suite de cet arrêt, le duc ne put conserver le banc occupé par ses officiers (1). Mais les consuls s'étaient montrés favorables aux réclamations du duc, et à leur tour ils eurent aussi un procès au sujet de leur banc dans la cathédrale. Ce banc, peint en bleu et semé de lys d'or, était surmonté des armes de la ville. Le duc soutint le droit des consuls, et grâce à la protection du comte de Saint-Florentin, ministre et secrétaire d'État, il parvint à faire prévaloir leur droit. Le duc se trouvait à Uzès au moment oú surgirent toutes ces difficultés. Il y fit un assez long séjour, puis il se rendit à Paris, où il assista au sacre de Louis XV et à la déclaration de sa majorité qui eut lieu le 6 février l723 (2). Philippe d'Orléans déposa la titre de régent et mourut dès la fin de cette même année d'une attaque d'apoplexie. Par lettres patentes du 12 juin 1724, le duc d'Uzès fut nommé chevalier de l'ordre du Saint-Esprit et reçut le collier des mains du roi dans la chapelle du château de Versailles (3), puis il maria son fils ainé avec Mlle de La Rochefoucauld et se démit en sa faveur de son titre de duc et pair de France; mais le roi, par un brevet en date du 18 décembre 1724, lui conserva les mêmes honneurs dont il jouissait avant cette cession. (1) Archives ducales. Layette 24, page 7, Le chapitre était seigneur justicier de la cathédrale, du boulevard appelé encore le Portalet, du Bourg de Saint-Firmin, et d'autres menus lieux d'Uzès. Cette justice, bornée à quelques lambeaux de terre, n'en était pas moins haute, moyenne et basse, et tout aussi puissante dans son étroit territoire que celle du duc ou de l'évêque, dans leur vaste étendue. (Voir les anciennes juridictions d'Uzès, par M. Georges Maurin, membre de l'Académie de Nîmes, page 23), (2) Mémoires de la régence du duc d'Orléan,, tome III, page 216. (3) Archives ducales. Layette, page 7. Inventaire page 60, verso. Il ne profita pas longtemps de cette faveur royale. Après avoir vécu au milieu des plaisirs, il n'aspirait qu'à la retraite, et son esprit et son cœur le poussaient vers les idées religieuses. Il vint donc à Uzès avec la duchesse pour y passer, dans le recueillement et la prière, les dernières années de sa vie; mais, tout en le déplorant, il eut peu de rapport avec l'évêque, à cause des procès pendants entr'eux. Toutefois, à la fin du carême de 1725, il sembla qu'une réconciliation définitive allait avoir lieu. En effet, le jeudi saint, en visitant les églises, l'évêque d'Uzès, Mgr Poncet de la Rivière, trouva le duc dans une des paroisses de la ville, le loua sur son zèle et son bon exemple. Le duc répondit à ses politesses dans le même lieu et, saisissant toutes les occasions qui pouvaient conduire à une réconciliation, le lendemain vendredi, après avoir assisté aux offices et à l'adoration de la croix dans l'église des Pères capucins, il se rendit à l'évêché, dit à Mgr Poncet de la Rivière qu'ayant renoncé aux pieds de la croix à toutes matières de division et de procès, il le priait d'en faire de même, que ce saint temps les y conviait. Le public fut témoin de cet aveu. Mgr l'évêque parut être content de la proposition, après quoi le duc se retira. Peu de temps après il vit arriver chez lui Mgr l'évêque. Les officiers des deux seigneurs vinrent les féliciter sur leur réciproque visite ; le chapitre, les consuls, enfin tous les états de la ville coururent chez leurs seigneurs, si bien que le vendredi saint ne parût plus un jour de pénitence, tant la satisfaction extérieure éclatait. Le duc d'Uzès donna des fêtes à l'évêque et celui-ci l'imita (1). (1) Archives ducales. Layette 41, liasse 3, On raconte qu'un jour, au palais épiscopal, l'évêque avait donné au duc un somptueux diner. Le duc était placé à table vis-à-vis de lui. Le dessert fut surtout magnifique. Au centre, entre l'évêque et le duc, se voyait un temple de la Concorde tout en sucrerie, qui fut l'objet de l'admiration générale. Le duc s'opposait à ce qu'on y touchât. « Non, dit l'évêque en frappant dessus avec son couteau, il faut qu'à l'avenir, M. le duc, rien ne nous sépare. » Ils s'occupèrent l'un et l'autre des embellissements de la ville. Les fossés de la rue Condamine à la porte Saint-Étienne furent comblés et transformés en promenades, aujourd'hui nos boulevards, c'est-à-dire la partie la plus agréable de notre ville (1). On fit construire aussi la promenade de l'Esplanade. La même année 1725 le duc obtint, sur l'avis favorable de l'évêque, une bulle du Pape pour faire célébrer la messe dans le château ducal (2). Mais l'accord entre le duc et l'évêque ne fut pas de longue durée. Diverses décisions rendues par le parlement de Paris sur les difficultés pendantes devinrent un obstacle à la réconciliation. D'ailleurs, l'évêque Poncet de la Rivière, qui avait été militaire, était, malgré sa piété, d'un caractère irascible, surtout en vieillissant (3). (1) Délibérations de l'Hôtel de Ville, année 1721. (2) Archives ducales. Inventaire page 223. (3) Siméon Abausit a laissé dans ses manuscrits une anecdote contre cet évêque, qu'il est bon de reproduire : « Mgr Poncet de la Rivière, quoiqu’avancée en âge, avait conservé toute sa vivacité ; mais ses jambes étant très affaiblies, il ne marchait qu'avec peine sur une longue canne. Les traditions locales portent qu'un matin, qu'il était seul dans sa chambrée, située au rez-de-chaussée de son palais, ayant un quelque besoin, il sonna à plusieurs reprises et avec force. N'en voyant arriver aucun, il se leva de son fauteuil fort en colère, et, appuyé sur sa canne, se traîna à l'antichambre ou il ne trouva personne, de là à l'office, de là à la cuisine, au vestibule, personne nulle part. Il eut beau crier, s'époumoner, personne ne répondit. Furieux, il se traina dans la cour et appela fortement, mais pas de réponse. Cherchant toujours il crut entendre des voix dans la petite galerie souterraine aboutissant aux escaliers qui conduisent à une porte de la cathédrale donnant sur la cour et qui est aujourd'hui murée. Il descendit l'escalier et, s'étant baissé, il vit dans le souterrain tous ses gens, toute sa maison, jusqu'à son secrétaire, autour d'un pâté de jambon et d'autres reliefs qu'ils arrosaient de bon vin à qui mieux mieux. Tous les déjeunants furent saisis d'effroi à l'apparition de leur seigneur et maître, et plus encore quand, d'une voix de tonnerre il leur cria : Sortez, coquins, sortez de suite et l'un après l'autre. Tous s'empressèrent de sortir, à la réserve du cuisinier. Comme ils étaient obligés de se courber, presque de ramper pour sortir, Monseigneur, qui était posté à l'ouverture, put facilement appliquer à tous une volée de coups de sa longue canne. Le chef de cuisine restat seul et ne se disposait pas à suivre les autres. L'évêque, indigné de son retard et de son calme, lui cria : Et toi, maraud, sortiras-tu ? Non, Monseigneur. Et pourquoi. Parce que je ne veux pas recevoir des coups comme les autres. Comment coquin, toi le plus coupable de tous, sors de suite. Eh bien, Monseigneur, je vais sortir ; mais je vous préviens que si vous me frappez vous ne dinerez pas aujourd'hui, que je pars à l'instant. Passe, passe, maraud, Iui dit l'évêque tout tremblant de colère, mais n'osant lever sa canne ; passe et apprête-moi un bon diner. » Il fallut donc vivre, comme dans le passé, avec une froideur déplorable, si bien qu'a quelque temps de là l'archevêque d'Avignon, alors vice-légat par intérim, accompagné de l'abbé de Massilian, étant venu voir voir le duc et la duchesse, on fit prévenir l'évêque d'Uzès de la présence au château de Mgr l'archevêque ; mais l'évêque ne vint pas et se contenta d'envoyer son grand vicaire pour féliciter Sa Grandeur (1). (1) Archives ducales. Layette, page. 40. Plus tard, en 1728, au mois de novembre, Mgr de Lastie de Saint-Jol étant nommé évêque d'Uzès, en remplacement de Mgr Poncet de la Rivière, décédé, le duc d'Uzès s'empressa de lui écrire pour lui faire son compliment, en lui rappelant que le 26 janvier 1420 Géraud de Crussol et de Beaudiné avait épousé Alix de Lastie, fille d'un de ses ancêtres, et qu'ainsi il y avait eu une alliance entre leurs deux familles. L'année suivante, lorsque le nouvel évêque se rendit dans son diocèse, le duc d'Uzès ayant appris qu'il arrivait avec une chaise de poste, alla l'attendre avec son équipage à moitié chemin de Nîmes, au confin de son diocèse, pour le faire entrer plus décemment dans la ville d'Uzès. Le duc amena l'évêque jusqu'au palais épiscopal et le fit haranguer par son sénéchal en corps. Mais malgré ces attentions du duc les procès continuèrent (1), et ils dureraient probablement encore si la révolution n'y avait pas mis fin. Malgré les tracas de tous ces procès, le duc se plaisait à Uzès, où il s'occupait surtout de bonnes œuvres. Il s'intéressait beaucoup aux capucins (2). Son grand-père, le duc François 1er leur avait fait bâtir une église et un couvent (3) sur un terrain qui lui appartenait, près de son duché. Lui-même fit construire à son usage un petit bâtiment y attenant, par lequel il pouvait se rendre dans leur église et assister aux offices dans une tribune particulière. (1) Archives ducales. Layette 4 . (2) Les capucins, fraction de l'ordre des frères mineurs ou cordeliers, furent fondés en 1528 à Camerino en Italie, et ils obtinrent, en 1572, l'autorisation de s'établir en France. (3) On lisait naguère encore sur les murs du corridor de ce couvent plusieurs strophes en vers dont voici la dernière : Que mes vers, cher lecteur, n'arrêtent plus tes yeux Tes Yeux ont assez lu, n'est-il pas temps qu'ils pleurent? Va, lecteur, et choisis ou la terre ou les cieux Ou les biens qui s’en vont ou les biens qui demeurent. (Guide de l'étranger à Uzès, L. d'Albiousse, page 32). Il fut nommé syndic général des capucins de la province de Saint-Louis, et prit sous sa protection tous les religieux de l'ordre qui la composaient (1). (1) Voir Vie du bienheureux Joseph de Léonisse, capucin, par Paul de Noyers, capucin, dédié à très haut et très illustre seigneur Mgr Jean Charles de Crussol, duc d'Uzès. Sous l'église des capucins d'Uzès se trouvait un caveau destiné à la sépulture des ducs. Il ne tarda pas à y être placé. Dés que les consuls apprirent la mort du duc d'Uzès, ils convoquèrent le conseil qui décida d'aller en corps au duché témoigner à Mlle la duchesse, ainsi qu'à M. le duc de Crussol, son fils, la part que prenait la ville à cette mort. Le duc fut enterré le 25 juillet, avec grande pompe, dans l'église des R. P. Capucins, et la cérémonie fut présidée par Mgr l'évêque. On se rendit d'abord au duché et de là à l'église, dans l'ordre suivant : 1° Les pauvres, au nombre de cent, portant chacun une canne de cadis et un cierge de deux onces; 2°, Les diverses congrégations. 3° Les messieurs de l'Hôtel de Ville. 4° Les cordeliers et les capucins, précédés de leurs croix. 5° La paroisse de Saint-Julien. 6° La paroisse de Saint-Étienne, suivie de tous les prêtres des environs. 7° Le chapitre. 8° Mgr l'évêque. Après le clergé venaient les officiers et les valets de chambre en pleureuses et longs crêpes, puis ceux qui portaient les honneurs, savoir : M. de Ville, le cœur. M. de Pougnadoresse, la couronne ducale. M. le chevalier de Meyrargues, le cordon bleu. M. le baron de Fontarèches - l'épée. Les coins du poète étaient tenus par MM. de Friaire, capitaine, de Gaujac, de Robiac et de Verfeuil. Après le poète suivait le corps porté par six sergents de la garnison. Autour du corps, de chaque côté, toute la livrée et huit pauvres. Après le corps, à droite, le duc revêtu d'un grand manteau dont la queue était portée par son maître d'hôtel, à gauche son sénéchal et derrière eux tous les officiers du sénéchal d'après leur rang. Une fois arrivés dans l'église des Capucins, toute tendue de noir, Mgr l'évêque fit fit l'absoute, et quand tout fut terminé on accompagna le duc jusqu'au château ducal. Le procès-verbal de cette cérémonie fut rédigé par le curé Briquet, en présence de MM. Gabriel Froment, d'Argeliers, Alexandre de La Tour du Pin Gouvernet, L. de Verfeuil et noble Joseph Drôme (1). (1) V Registre de Saint-Étienne d'Uzès. Page 377: (2) Sa veuve, la duchesse d'Uzès née de Bullion, ne mourut que longues années après, en 1760. Le duc Jean-Charles, mort à Uzès le 20 juillet 1739 laissa plusieurs enfants : 1° Charles Emmanuel (1707-1762) sera le huitième Duc d'Uzès. 2° Louis Emrnanuel, d'abord comte d'Acier, puis marquis de Florensac, né à Uzès le 14 mars 1711, et mort célibataire en 1743. 3° Anne-Julie-Françoise, née à Paris 1713, mariée en 1732 à Louis César de la Baume-Le-Blanc de la Vallière, duc de Vaujours, célèbre bibliomane. Quoique un peu tournée, elle n'en passait pas moins pour la plus belle femme de la cour de Louis XV qui en comptait beaucoup, et aussi pour une des plus intelligentes. Le salon du duc et de la duchesse de La Vallière de Vaujours était le centre du monde intelligent de Paris, á cette brillante époque où la France imposait aux autres nations ses idées, ses modes et sa littérature. Tous les souverains de l'Europe passèrent dans leur salon (1), avec ce que les lettres et les arts avaient de plus distingué. Joseph II, Gustave III, Christian VII., Paul I de Russie, Georges IV, la cour et toute la noblesse française, vinrent rendre hommage à la duchesse de La Vallière de Vaujours, dont la beauté brava les années et pour qui Mme d'Houdetot fit le quatrain suivant, placé sous son portrait : La nature, prudente et sage, Force le temps à respecter Les charmes de ce beau visage Qu'elle n'aurait pu répéter (2). 4° Quatre autres enfants étaient morts en bas âge. (1) Mme de La Vallière avait reçu, du prince de Galles, son portrait sur ivoire monté en or, avec cette inscription : Donné par S. A. H. le prince de Galles à Mme la duchesse de la Vallière. Cette miniature appartient à E.-Q.-E. de Crussol d'Uzès, marquise de Galard. La duchesse de La Vallière a été inhumée au château de Widewille. (2) Voir Wideville, par le marquis de Galard, pages 54 et 55. -oOo- Biographie des 9 ducs d'Uzès, sous l'ancien régime > Antoine de Crussol, premier Duc d’Uzès (1528-1573) > Madame de Clermont Tonnerre, épouse d'Antoine de Crussol - Premiere Duchesse d’Uzès > Jacques de Crussol, deuxième Duc d'uzès (1540-1584) > Emmanuel Ier de Crussol, troisième Duc d’Uzès (1570-1657) > François Ier de Crussol, quatrième Duc d’Uzès (1604-1680) > Emmanuel II de Crussol, cinquième Duc d’Uzès (1642-1692) > Louis de Crussol, sixième Duc d'Uzès (1673-1693) > Jean-Charles de Crussol, septième Duc d'Uzès (1675-1739) > Charles-Emmanuel de Crussol, huitième duc d'Uzès (1707-1762) > Les Aventures du Duc d’Uzès « dit le Bossu » > François-Emmanuel de Crussol, neuvième Duc d’Uzès (1728-1802) > Biographie parlementaire des Ducs d’Uzès Le duché d'uzès > Le château et les Ducs d'Uzès > L’origine du Duché-Pairie d’Uzès > De Crussol, Duc d’Uzès sur internet > Biographie de la Duchesse d’Uzès sur internet (1847-1933) |