ANTOINE DE CRUSSOL

(1528-1573)

COMTE DE CRUSSOL, DUC ET PAIR DE FRANCE

PREMIER DUC D'UZÈS

extrait de l'histoire des Duc d'Uzès, par Lionel d'Albiousse, 1887.


Ici commence l'histoire proprement dite des ducs d'Uzès. Le premier fut Antoine de Crussol, né à Uzès le 21 juin 1528, et baptisé le 15 juillet suivant dans l'église cathédrale de cette ville (1). Il était fils de Charles de Crussol (2) et de Jeanne de Genoilhac dame d'Acier (3). On ne sait rien de sa jeunesse, sinon qu'il fut élevé sous les yeux de sa mère par un ami de la famille, Raymond de Castel-viel, seigneur d'Aigaliers. Il épousa, le 10 avril 1556, Louise de Clermont-Tallard, comtesse de Tonnerre. Ce mariage fut célébré au château d'Amboise, en présence du roi Henri II, du connétable de Montmorency, des cardinaux de Lorraine, de Vendôme et de Chastillon, du prince de Ferrare, des ducs de Guise et de Nemours, du maréchal de Saint-André, du garde des sceaux de France, de l'Hospital, de Marie Stuart, reine d'Ecosse, de Madame, soeur du roi, duchesse de Berry, de la duchesse de Valentinois, de la duchesse de Guise et de la maréchale de Saint-André (4).

 A l'occasion de ce mariage, le roi, par lettres patentes du mois d'avril 1556, érigea la baronnie de. Crussol en comté (5).

 Louise de Clermont-Tallard, la nouvelle mariée, acquit par son esprit, son savoir et sa naissance, une haute considération à la cour de France et à l'étranger. Elle devint une des favorites de Catherine de Médicis, et fut très liée avec la reine d'Angleterre, Elisabeth, avec qui elle échangeait une correspondance assidue.

 Aussi elle ne contribua pas peu par son crédit à faire obtenir pour son mari, qui n'était pas du reste sans valeur, des emplois et des commandements qui lui firent jouer un grand rôle dans les évènements de son époque. Chose bizarre ! elle-même obtint un évêché (6).

 Un an après leur mariage, les nouveaux époux firent leur première entrée à Uzès, où ils furent reçus avec beaucoup d'allégresse et aux salves d'artillerie (7). Mais le jeune comte ne put pas jouir longtemps des douceurs de la vie de famille. Il fut appelé à combattre sous les ordres du duc de Guise, et il ne cessa de guerroyer depuis la prise de Calais sur les Anglais jusqu'à la paix de Cateau-Cambrésis (8) en 1559. Aussi cette même année, et le 17 septembre, en récompense de ses faits d'armes, le roi lui donna une compagnie de 50 lances de ses ordonnances. (8)

 L'année suivante, il présida les états du Languedoc, tenus à Montpellier, et il fit part. à la reine-mère, par une lettre du 13 mars 1560, de la première requête des réformés (10).

 Après la paix de Cateau-Cambrésis, les gouvernements de France et d'Espagne, qui cessèrent de se craindre, songèrent à se rendre plus redoutables à leurs sujets que surexcitaient les idées religieuses de Calvin et de Luther. A Henri II, tué accidentellement dans un tournoi, avait succédé François Il, qui se laissa gouverner par les Guise. La sévérité que ceux-ci montrèrent contre les protestants produisit le seul fait saillant du règne de François Il, et qui est connu dans l'histoire sous le nom de Conjuration d'Amboise.

On sait que cette conjuration fut dévoilée et qu'elle amena la mort de beaucoup de conjurés. On soupçonna le roi de Navarre et le prince de Condé d'en avoir fait partie, mais on ne fit d'abord rien contre eux.

A quelque temps de là, le roi, pour sortir des difficultés que lui causaient les querelles religieuses entre les protestants et les catholiques, ordonna la convocation des Etats à Orléans, mais comme on était informé à la cour des dispositions du roi de Navarre et de celles du prince de Condé et qu'on pensait qu'ils profiteraient des moindres occasions pour se dispenser de, venir aux Etats, le roi envoya le comte de Crussol à Nérac, auprès du roi de Navarre, pour lui ordonner de sa part de se rendre au plus tôt à la cour et d'y amener son frère.

 

(1) Archives ducales. - Inventaire, page 9.

(2) Ce Charles de Crussol, ainsi qu'on l'a vu plus haut, était fils de Jacques, baron de Crussol, grand pannetier de France, qui avait épousé, en 1486, Symone, unique héritière de la vicomté d'Uzès.

(3) Jeanne de Genoilhac était fille et devint l'unique héritière de Galiot de Genoilhac, grand maître de l'artillerie, grand écuyer de France, un des plus grands hommes du règne de François ler. Son armure est religieusement conservée par la Maison d'Uzès. Elle décore l'entrée du grand escalier d'honneur du château de Bonnelles (Seine-­et-Oise).

(4) Extrait des archives du château de Saint-Privat. - Archives du­cales, layette 7. - inventaire, p. 25.

(5) Archives ducales. Layette 67. - Crussol. ,

(6) Lettre de Chatonay du ler août 1561. Arch. nat. de Paris. K. 1495.

(7) On lit dans un recueil de factum, t. III, p. 30, consacré aux archives ducales, que, le 20 avril 1557, les consuls demandent à Honorat Faret, écuyer coseigneur de Saint-Privat et maître d'hôtel d'Antoine de Crussol, comte d'Uzès, l'autorisation de mettre des pièces d'artillerie au-dessus de la tour Banastière pour rendre hommage au dit seigneur et à Madame sa femme.

(8) Archives ducales Inv., p. 27.

Voir aussi les lettres écrites à M. de Crussol, genthilhomme ordinaire de la chambre du roi, par le duc de Guise, les 1- et 17 août 1558, et par le roi Henri, le 17 août de la même année. Ces lettres, ainsi que beaucoup d'autres, sont conservées dans la famille ducale d'Uzès. Elles ont été reproduites dans un recueil de pièces fugitives pour servir à l'histoire de France. T. II, p. 86 et suivants

(9) Archives ducales. Inv., p. 11 et verso.

(10) Le cabinet historique. Février, 1882, p. 45.

 

La lettre du roi se terminait ainsi :

 

« Vous pouvez assurer que là où votre frère refusera de m'obéir, je sauray fort bien faire cognaistre que je suis Roy, ainsi que j'ai donné charge à Monsieur de Crussoi vous faire entendre de ma part. Donné à Fontainebleau le 30 aoùt 1560. » (1)

 

Après bien des hésitations, le roi de Navarre et le prince de Condé arrivèrent aux Etats. Ils furent faits prisonniers, et le prince de Condé ne tarda pas à être condamné à mort, pour avoir été le chef de la Conju­ration d'Amboise.

 Les Guise, qui étaient alors maîtres de la situation, pour arriver plus facilement au trône, rêvaient la perte non seulement du prince de Condé, mais du roi de Navarre. Heureusement la reine mère se réconcilia avec ce dernier et la mort du roi François II, qui survint peu après, le 15 décembre 1560, abattant de beaucoup l'autorité des Guise, sauva les Bourbons (2).

Pendant ce temps-là, les religionnaires faisaient tous les jours de nouveaux progrès dans la province. Un ministre de Genève se rendit à Uzès et y prêcha publiquement, le 10 septembre 1560. Lés gens de l'évêque et du comte de Crussol en étant avertis se présentèrent pour se saisir de sa personne, mais ils ne purent y par venir à cause du grand nombre de ceux qui l’accompagnaient et le prédicant prit la fuite. Il fut rendu compte de tout cela au cardinal de Lorraine et au duc de Guise (3).

Le roi Charles IX, qui avait succédé à François II, songea, pour pacifier les troubles qui s'étaient élevés dans la province, ait comte de Crussol. Et tout d'abord, en souvenir des services qu'il avait déjà rendus, il le nomma chevalier de l'ordre de Saint-Michel (4) et membre du Conseil privé. A cette occasion, de grandes réjouissances eurent lieu à Uzès, et ses consuls chargè­rent Jean de Rossel, chevalier de Sainte-Anastasie, dé­puté des états généraux, de remercier le roi, la reine mère et le roi de Navarre de cette double nomination. Mais la joie des habitants d'Uzés fut bien plus grande lorsqu'ils apprirent que, par lettres patentes du 10 décembre 1561, datées de Saint-Germain, le comte de Crussol était nommé commandant pour le roi des provinces du Languedoc, de la Provence et du Dau­phiné. C'était une bonne fortune pour notre petite ville de voir son seigneur revêtu d'une si grande autorité et sur un territoire si étendu.

 Le roi, dans les instructions qu'il fit délivrer au comte de Crussol pour la pacification du pays, lui ordonna de se rendre d'abord à Lyon et en Dauphiné et d'y veiller à la dernière ordonnance qui défendait le port d'armes.

 Le comte de Crussol devait aller ensuite en Languedoc pour y rétablir la paix et veiller sur la frontière du Roussillon à la place du vicomte de Joyeuse, qui avait pour mission de se rendre à Toulouse pour y maintenir le bon ordre. Ils devaient agir de concert pour punir ceux qui se trouveraient coupables des séditions précédentes, de quelque religion qu'ils fussent. Le roi nomma Fumée, grand rapporteur, et du Drac, conseiller au Parlement de Paris, pour informer sur tous ces excès en qualité de commissaires à la suite du comte de Crussol. Le roi déclara qu'il ne souhaitait que le maintien de son autorité et qu'on laissât vivre chacun dans sa religion. Il donna au comte, en cas qu'il eût besoin de troupes pour se faire obéir, le commandement des cinq compagnies de gendarmes qui étaient alors dans la province, et la permission d'élever 2 à 300 arquebusiers avec ordre de se concerter avec le sieur de Montluc qui était en Guienne et d'aller pacifier la Provence.

 Le comte partit de la cour pour exécuter sa commission et s'arrêta quelques jours à Lyon, puis il se dirigea vers le Languedoc. Dés qu'ils en furent informés, les habitants d'Uzès et de Nîmes lui envoyèrent des députés qui allèrent le trouver sur sa route à Donzère, pour lui rendre les hommages des habitants (5).

 

(1) Mémoires de Condé, t. I, p. 572.

(2) Hommes illustres de France, t. XV, pages 300 et 305 et t. 1, p. 89.

(3) Hist. gén. dit Lang., t. VIII, p. 333 et 334.

(4) Les douze premiers chevaliers de cet ordre, institué par le roi Louis XI, par lettres patentes du ter août 1469, furent

Le duc de Guienne.

Le duc de Bourbon.

Le connétable comte de Sancerre. Louis de Beaumont.

Jean d'Estouville, sire de Torci.

Louis de Laval, seigneur de Chastillon.

L'amiral de Franco, comte de Dammartin. Jean, bâtard d'Armagnac.

Comte de Comminges, gouvernent- du Dauphiné. Georges de la Trémoille, sire de Craon.

Gilbert de Chabannes, sire de Carton, sénéchal de Guienne, Charles de Crussol, sénéchal de Poitou.

Tannegui Duchâtel, gouverneur du Roussillon.

(5) Histoire de Nîmes, t. IV, p. 327 et 328.

 

Ce seigneur les assura qu'ils n'avaient pas d'ami qui désirât plus que lui le repos de leurs villes, mais il les pria d'engager les habitants à se rendre, de leur côté, fidèles observateurs des ordres et des intentions du roi. Continuant sa route, le comte de Crussol arriva à Villeneuve-lez-Avignon le 10 janvier 1562, où il séjourna quelque temps. Il y fut visité par le neveu du pape et vice-légat (1). Il manda auprès de lui les principaux religionnaires de Nîmes, Uzès, Montpellier, et des villes voisines, notamment le président de Calvières et le ministre Viret, qu'il reçut avec distinction. Il leur signi­fia que, suivant la volonté du roi, ils eussent à vivre en paix sans exciter aucun trouble ni de part ni d'autre (2).

C'est de Villeneuve qu'il rendit une ordonnance par laquelle il enjoignait aux réformés de rendre toutes les églises aux catholiques, et aux conseils des villes d'avoir à faire remettre toutes les armes de leurs habitants à l'hôtel de ville (3). Il voulut, de plus, qu'on rendît aux ecclésiastiques les biens qui leur avaient été confisqués.

Cette ordonnance fut publiée à Nîmes le 14 janvier 1562, dans toutes les rues, à son de trompe. L'ordre était précis : le comte de Crussol, à des manières douces et agréables, joignait un caractère ferme et résolu (4) : il fallut obéir. Les religionnaires rendirent, le jour même, toutes les églises qu'ils avaient prises.

Les clefs de la cathédrale furent portées au président de Calvière pour les rendre aux chanoines, et partout les religieux revinrent dans leurs couvents (5).

 

(1) Histoire de Nîmes, tome IV, Preuves, page 3.

(2) Histoire du Languedoc, tome VIII, p. 357 ; Abrégé de l'Histoire dé Nîmes, par Baragnon, tome II, page 104.

(3) Histoire de Nîmes, tome IV, page 328-329.

(4) Histoire de l'Eglise réformée de Nîmes, page 39.

(5) Histoire de Nîmes, tome IV, page 331.

 

Les mesures pacifiques du comte de Crussol furent heureusement secondées et confirmées par l'édit du 17 janvier 1562. Modifiant l'édit du 21 juillet, l'assem­blée de Saint-Germain autorisait les protestants à exercer leur culte dans les faubourgs, mais -non dans l'enceinte des villes, en attendant la décision du concile général. Ce fut le premier édit de tolérance (1).

 Mais le comte de Crussol eut à réprimer des troubles suscités en Provence par les catholiques, que l'on appelait les Flassannistes, du nom de leur chef, Durand de Pontevès seigneur de Flassan, lesquels combattaient les protestants et commettaient de grands excès. Le comte se rendit en Provence en février 1562, et il ne tarda pas à apaiser ces troubles (2). Puis il se dirigea vers Uzès, où il n'avait pas encore paru en sa nouvelle qualité, et il y arriva le 13 mars. Il y fut accueilli avec une grande joie et triomphalement. Les quatre consuls, les quatorze conseillers, tous à cheval et escortés par vingt jeunes gens bien montés et équipés, allèrent au devant de lui jusqu'à Jonqueirolle, près du chemin de Montpellier, d'où il venait.

 Les habitants, en armes, formaient la baie depuis la Tour du roi jusqu'à la porte Saint-Etienne, et ensuite depuis cette porte jusqu'à celle de son château. Il fut harangué sous le portail de Saint-Etienne par Jean de Janas, docteur ès droits. Les dames et les demoiselles, en grande toilette, lui jetèrent, de leurs fenêtres, des lauriers et des fleurs, tandis que les cris mille fois répé­tés de: Vive Crussol ! se mêlaient aux salves d'artillerie. L'évêque d'Uzès, le premier consul et le sieur Roche, président du conseil presbytéral, dînèrent au château et eurent avec le comte une longue conférence qui fut tenue secrète.

Peu après le comte de Crussol se rendit à Nîmes.

 

(1) Histoire des princes de Condé, par  le duc d'Aumale, tome 1, page 113.

(2) Histoire de Nîmes, tome IV, page 336.

 

Le lendemain de son arrivée, un curieux phénomène se produisit dans le ciel. C'était le jour de Pâques, 29 mars, plus de 12.000 religionnaires étaient réunis dans cette ville. Aucun édifice ne pouvant les recevoir, ils se placèrent sous les tentes dans un fossé entre la porte des Carmes et la porte de la Couronne : Le ministre Jacques de Chambrun, nouvellement arrivée de Genève, y prêcha. On allait procéder à la cène lorsque le comte de Crussol étant venu à passer s'arrêta à la vue de cette immen­se assemblée, qu'on eût volontiers prise pour un camp. En ce moment, l'image du soleil s'étant réfléchie dans un nuage, le plus étonnant parélie attira tous les regards stupéfaits. On vit deux soleils autour du véritable entouré d'un arc-en-ciel qui dura demi-heure. Ce phénomène effraya les protestants, qui en présagèrent de grandes divisions (1) et se retirèrent en désordre.

 De Nîmes, le comte de Crussol partit pour Montpellier, où il trouva le comte de Joyeuse, afin de faire vivre en bonne intelligence les catholiques avec les religionnaires (2) .

 La messe fut dite et achevée à Saint-Firmin, malgré une sédition. Le comte de Crussol, pour empêcher un plus grand désordre, resta à la porte. Cette messe fut appelée la messe des comtes.

 Le comte de Crussol fut bientôt obligé de retourner en Provence, où il battit complètement les derniers partisans de Pontevès. Cette mission terminée, il se rendit à la cour, où, mécontent de toutes les intrigues auxquelles se livrait le duc de Guise, il ne fit qu'un court séjour et alla se reposer de ses fatigues à son château de Charmes, en Vivarais (3). Mais voilà que les religionnaires de Nîmes et des environs, surexcités par le massacre de Vassy, ayant appris que le comte de Crussol venait de quitter la cour mécontent, l'élurent pour chef et lui envoyèrent au château de Charmes, une députation pour le prier d'accepter. Il refusa tout d'abord et partit bientôt pour son château d'Uzès, Les religionnaires insistèrent, et le 2 novembre de la même année, dans une seconde assemblée tenue à Nîmes, Antoine de Crussol fut élu une deuxième fois pour chef et ce jusqu'à la majorité du roi Charles IX.

 

(1) Journal anonyme. Ménard, t. IV, p. 4.

Journal de Balthazar Fournier, t. IV, p. 10.

(2) Histoire de Nîmes. T. IV, p. 344 et 345.

(3) Ce château avait été acheté à Aymard, flls du comte de Valentinois, en 1228, par Géraud Bastet, sire de Crussol, le même qui assista aux croisades. (Archives ducales Inv., 20).

 

Immédiatement, les membres de cette assemblée allèrent en corps à Uzès, le 11 novembre 1562, jour de la clôture des États, pour prier avec instance le comte de Crussol d'accepter le commandement qui lui avait été déféré à l'unanimité.

 Les députés, arrivés à Uzès, se rendirent à l'hôtel de ville où, étant tous réunis, il s'acheminèrent, suivis d'une foule de peuple, au château. Ils furent introduits clans la grande salle, où le .seigneur les reçut très courtoisement. Le chevalier Charles de Bargès (1), président de l'assemblée, harangua le dit seigneur et le pria d'accepter les fonctions auxquelles il avait été nommé. Etaient présents, le seigneur prince de Salernes, Odet de Chastillon (2), qui se faisait appeler le comte de Beauvais, Mgr Jean de Saint-Gelais (3) et plusieurs gentilshommes du pays (4).

 

(1) il était juge et lieutenant de la ville et du gouvernement de Montpellier.

(2) Auparavant cardinal.

(3)  Evêque d'Uzès, l'auteur déclaré des nouvelles opinions.

(4) Histoire générale du Languedoc, tome VIII, page 332. Histoire de Nîmes, tome VIII, page 369.

 

Le comte de, Crussol accepta la proposition qui lui était faite, à la condition que son frère le baron d'Acier serait son lieutenant-général, et que l'on ne s'écarterait pas de l'obéissance due au roi (1).

(1) Histoire générale de Languedoc. tome VIII, page 343. Histoire de l'Eglise réformée de Nîmes, page 45.

 

Le serment fut prêté de part et d'autre et consigné dans un procès-verbal reçu par M. J. Ursy, notaire royal à Nîmes, et Jacques Rossel, notaire royal à Uzès. Puis l'assemblée se retira aux cris de : « Vive le Roi », « Vive Crussol ! » Cris qui furent répétés par la foule réunie dans la grande cour du château.

 Le premier acte d'Antoine de Crussol, en sa qualité dé commandant en chef, fut d'expédier des ordres pour réparer les fortifications de la ville et des environs, sur tout les forts de Saint-Ferréol et de Saint-Firmin. Il nomma pour commandant du premier le capitaine de Gondin, et du second le capitaine Pujolas. Il envoya le capitaine Louis Merle, frère aîné du fameux Mathieu Merle, commander le fort de Sainte-Anastasie, poste regardé comme important. Il nomma d'autres commandants pour les forts de Saint-Siffret, Montaren, Arpaillargues, Blauzac, Serviers, Garrigues, etc.

D'un autre côté, il réduisit de 14 à 8 le conseil politique d'Uzès, et ce conseil, chargé de toutes les affaires ordinaires et extraordinaires, eut une grande importance.

Uzès et ses environs ne furent pas seulement l'objet des préoccupations du comte. Il disposa des principaux gouvernements du pays et des villes dont les religionnaires étaient les maîtres. C'est ainsi que le gouverne­ment de Nîmes fut donné à son frère Jacques de Crussol, baron d'Acier.

Pendant qu'il prenait toutes ces dispositions, il apprit que le Bourg-Saint-Andéol avait été surpris par trois compagnies catholiques, et il s'empressa d'en avertir son frère d'Acier, qui était à Beaucaire. La ville du Bourg-­Saint-Andéol, située sur les bords du Rhône, dans le diocèse de Viviers, avait été prise d'assaut par le baron des Adrets, qui, après avoir dépouillé les églises et renversé les autels, l'avait mise au pillage et y avait établi un gouverneur. Les catholiques, après l'avoir reprise, avaient fait mourir ce dernier.

Le baron d'Acier ayant ramassé un corps de troupe à Pont-Saint-Esprit, assiégea le Bourg-Saint-Andéol qu'il emporta d'assaut très promptement. Une partie de la garnison fut passée au fil de l'épée, l'autre se sauva dans le Rhône. D'Acier, après y avoir mis garnison, alla re­joindre le comte de Crussol (1). Celui-ci, étant encore à Uzès, reçut une lettre du prince de Condé, en novembre 1562, pour se recommander aux prières des églises réformées, à la veille de marcher contre les ennemis. Le comte de Crussol en fit part à toutes les villes de son commandement et un jeune, suivi de prières publiques, eut lieu les lundi, mardi et mercredi, 23, 24 et 25 novembre. On sait que peu après fut livrée la bataille de Dreux, dans laquelle le prince de Condé fut fait prisonnier.

 Enfin, le mois suivant et le 23 décembre, Antoine de Crussol partit d'Uzès pour se rendre à Nîmes. II amena avec lui 27 jeunes gens des meilleures familles formant une compagnie d'arquebusiers à cheval pour lui servir de gardes, et dont il donna le commandement à Jean de Barjac, chevalier. On lui fit une entrée solennelle et on le logea à l'évêché, où les consuls de la ville avaient eu soin de faire apporter tous les meubles nécessaires, ce palais étant dégarni depuis l'expulsion de l'Evêque (2).

 

(l) Histoire générale du Languedoc, tome VIII, page 393.

(2) Histoire de Nîmes, tome IV, page 375. VIIe Série, Tome VII, 1884.

 

Pendant son séjour à Nîmes, il reçut une lettre de la reine mère Catherine, qui lui annonçait que le prince de Condé était prisonnier, et l'engageait à se joindre au comte de Joyeuse pour pacifier le pays, l'avertissant du déplaisir qu'il causerait à la cour eu restant à la tête des religionnaires ; mais, fidèle aux engagements qu'il avait pris, il passa outre, sans vouloir abandonner ses nombreux adhérents (1).

 

(1) Voir archives ducales. Inv., p. 27. Pièces fugitives pour servir à l'histoire de Nîmes. T. II, p. 89.

 

Sur ces entrefaites, le comte de Crussol se préoccupait des menées du baron des adrets, qui, naguère, la terreur des catholiques, trahissait maintenant la cause protestante comme il l'avait embrassée par un caprice d'amour-propre, parvint à le faire arrêter à Romans, le 9 janvier 1563, au moment où il se disposait à livrer toutes ses places au duc de Nemours. Le capitaine de Bouillargues conduisit le prisonnier à Nîmes, puis à Montpellier, où il fut enfermé au Fort Saint-Pierre, d'où il fut ensuite transféré de nouveau au château du roi à Nîmes.

 Le comte de Crussol convoqua, dans cette ville, une assemblée pour décider de son sort. François de Montcalm, de Saint-Véran était du nombre de ceux qui devaient y assister. Le comte de Crussol lui écrivit pour cela de Valence, sur le Rhône, le 14 février 1563, en ces termes :

 

« Monsieur de Saint-Véran, d'aultant qu'il est très important que la vérité des choses qui sont imposées au baron des Adrets vienne en évidence, et pour cette cause est bien nécessaire de vuyder au plus tôt qu'il sera possible son affaire; même que tout délai ne peult estre en ce que pernicieux; je vous prie bien affectueuse­ment que en l'assemblée qui se fera pour cest effait à Nismes, vous veillez vous trouver y assister et entendre ce qu'il en est pont en déterminer et décider avec ceux qui, pour ce même fait, y seront assemblés en toute équité et rondeur de conscience comme devant Dieu : la cause duquel se traite et le salut général du pays pryant sa bonté qu'elle vous assiste et conserve votre meilleur amy. »

CRUSSOL.

 

Durant le temps de la captivité du baron des Adrets qui dura jusqu'à la paix, le comte de Crussol fut reconnu par les Dauphinois pour leur général en chef. Aussi, il se rendit dans ce pays pour résister au duc de Nemours. Conformément à une délibération prise dans une assem­blée tenue à Bari, en Vivarais, il ordonna au seigneur de Tournon Terrail, son lieutenant, de reprendre la ville d'Annonay que les catholiques avaient abandonnée. Cet officier s'étant mis à la tête de 400 hommes, y entra sans résistance, le 28 décembre.

 Le duc de Nemours, averti de la prise d'Annonay par les religionnaires, y renvoya 1e vicomte de Saint-Chamont qui, ayant rassemblé 3 ou 4000 hommes dans le Forez, la reprit par capitulation le 11 janvier suivant (1567).

 Peu après le comte de Crussol s'empara de quelques places dans le Comtat-Venaissin, mais il perdit Charles de Crussol, son frère, qui fut tué le 19 janvier 1563 par les catholiques et inhumé à Orange (1).

 

(1) Histoire du Languedoc, tome VIII, page 399.

 

Vers cette époque se produisit un événement qui changea les destinées de la France. Le duc de Guise tombait assassiné par Poltrot le 23 février 1563 sous les murs d'Orléans au moment ou la victoire, semblait prête à remettre entre ses mains la puissance des anciens maires du Palais. Cette mort relevait le parti protestant et livrait à Catherine le pouvoir qu'elle ambitionnait depuis longtemps. Son premier soin, d'après les conseils du chancelier de l'Hôpital, qui reprit du crédit à la cour, fut d'établir la paix entre les catholiques et les protestants.

 Cette paix fut publiée par l'édit d'Amboise à la date du 19 mars 1563.

 Il porta amnistie générale pour le passé et autorisa tous les gentilshommes de la religion réformée hauts justiciers à vivre dans leurs maisons en liberté de conscience avec leurs vassaux; il voulut que dans chaque baillage ou sénéchaussée, il fût assigné une ville dans les faubourgs dans laquelle les calvinistes pussent avoir un temple et exercer leur religion ; mais il défendit expressément d'employer. aucune église à cet usage. Les églises devaient être rendues aux catholiques et les biens des ecclésiastiques au roi.

 Le comte de Crussol était à Montpellier lorsqu'il fut informé de cet édit. II le fit publier à l'audience du présidial et de là dans les carrefours de la ville, au bruit des canons des remparts.

 Les gentilshommes voulurent solenniser cette fête et coururent la lance et la bague ayant à leur tête le baron de Crussol d'Acier qui s'était rendu à Montpellier avec le comte son frère (1).

 

(1) Histoire de Montpellier, par d'Aigrefeuille, tome IV, page 453.

 

Celui-ci fit immédiatement mettre en liberté le baron des Adrets et les autres prisonniers qu'il avait faits. Il envoya Beaudiné, son autre frère, dans le Comtat-Venaissin pour défendre, sous peine de la vie, à tous les officiers de ses troupes de commettre aucune hostilité sur les terres du roi, parce que la paix était faite ; mais les deux partis ne posèrent pas sitôt les armes. En effet, le baron Pyere, commandant des religionnaires du Gévaudan, demanda bientôt après du secours au comte de Crussol contre les seigneurs d'Apcier et de la Fare, qui avaient assiégé les villes d'Espagnac et de Florac le 5 avril. En conséquence, le comte de Crussol ordonna à toute la noblesse religionnaire du Vivarais, du Gévaudan et des Cévennes de s'armer. Ils furent bientôt réunis sous les ordres de Beaudiné, dans un village près de Florac ; mais d'Apcier, informé, de leur marche, leva le siège de ces deux villes.

 D'un autre côté, les religionnaires du haut Languedoc continuèrent les hostilités, malgré l'édit de pacification ; aussi le comte de Crussol, dont le pays continuait à reconnaître l'autorité, était toujours armé. Le roi et la reine mère le pressaient d'abandonner ses troupes et de remettre son pouvoir au vicomte de Joyeuse (1).

 

(1) Guillaume, vicomte de Joyeuse, gentilhomme ordinaire du roi, avait été envoyé en Languedoc par sa Majesté avec le titre de lieutenant-général le 4 mars 1561.

 

Le comte de Crussol faisait des difficultés à cause du vicomte de Joyeuse, qui lui avait saccagé, en 1562, ses châteaux de Florensac et Vias, et qui était universellement haï. Ce ne fut qu'au mois d'août suivant, et après le départ du vicomte de Joyeuse, qu'il remit à Antoine de Lévis comte du Cailar, chargé par le roi de pacifier le Languedoc, les places, villes et châteaux qui avaient été sous son commandement. Ce seigneur écrivit au roi et à la reine mère pour lui rendre compte de ce qui venait de se passer, et reconnut dans sa lettre la droiture des intentions du comte de Crussol ; puis il vint à Uzès, logea au château du roi (aujourd'hui les prisons de la ville), et, entre autres choses, il rétablit les ecclésiastiques dans leurs biens.

 Après avoir remis ses pouvoirs à Antoine de Lévis, le comte de Crussol s'achemina, avec sa femme, vers la cour, où il séjourna quelque temps.

Il était de retour dans son château d'Uzès à la fin de 1564, lorsque le roi Charles IX passa dans ces contrées. Sa Majesté parcourait les provinces. Ce voyage avait été proposé par le chancelier l'Hôpital (1) ; il avait pour but de prévenir de nouveaux troubles, et de rassurer tous les partis, par la présence du monarque, dont la majorité venait d'être proclamée.

Ce fut vers la fin de novembre que Charles IX et la reine Catherine de Médicis, accompagnés du duc d'Anjou (depuis Henri III), de Henri de Navarre (depuis Henri IV), des cardinaux de Bourbon et de Guiche, du duc de Longueville, du connétable Anne de Montmorency, du chancelier de l'Hôpital et de plusieurs autres seigneurs, dames et demoiselles, après avoir parcouru la Provence, séjournèrent à Avignon et à Arles, à cause de la crue du Rhône, passèrent ce fleuve le 11 décembre, dînèrent à Beaucaire et vinrent coucher à Sernhac. Le lendemain 12, le roi avec toute sa cour alla dîner au château de Saint-Privat, où il fut hébergé par le comte de Crussol, seigneur suzerain de ce domaine (2).

 

(1) Sa statue décore aujourd'hui l'entrée du Palais de la chambre des députés. (Voir le Plutarque français, page 401. )

(2) Antoine de Crussol avait célé, le 23 juin 1555, à Jacques Faret (depuis marquis de Fournés), pour le prix de mille escus d'or au soleil, c'est-à-dire 2.300 livres tournois, la 1/2 du château de, Saint-Privat et de ses dépendances y compris terroir, place, seigneurie et juridiction haute, moyenne et basse (Archives de Remoulins et de Saint-Privat).

A partir de cette époque ce domaine n'a pas cessé d'appartenir à la famille Faret du marquis de Fournès jusqu'en 1865, date de sa vente à M. Calderon qui l'a restauré et considérablement embelli.

 

Après dîner, le roi et toute sa suite allèrent visiter le Pont du Gard. Le comte de Crussol avait fait préparer, dans une des grottes qu'on voit encore près de ce pont, une magnifique collation qu'il fit offrir au roi à la reine et aux dames, par de jeunes et jolies filles vêtues en nymphes, qui sortirent inopinément de cette grotte portant des confitures et pâtisseries de toutes sortes, et des fla­cons remplis de liqueurs et d'excellents vins (1).

 Le comte de Crussol accompagna la cour à Nîmes, où furent données des fêtes conformes au goût du siècle.

 La porte de la Couronne, vers laquelle le cortège royal se dirigea, était masquée par une montagne artificielle qui s'ouvrit à l'aspect du roi ; deux demoiselles distin­guées par leur beauté Ie haranguèrent et lui remirent les clefs de la place. Le roi passa sous les voûtes de la montagne et trouva un crocodile monstrueux qui jetait des flammes et que six hommes, placés dans son ventre, faisaient mouvoir ; des feux couvraient la colonne de la Salamandre, et des fontaines d'eau et de vin jaillissaient devant la porte du collège. Le roi et la reine furent logés à l'évêché, qui était le logement habituel du comte. de Crussol. Celui-ci ne cessa d'accompagner le roi dans son voyage en Languedoc. Il entra avec Sa Majesté à Montpellier où Elle fit une entrée solennelle le dimanche 17 décembre 1564. On donna, à cette occasion, une représentation de Las Treïas, danse des treilles usitée encore de nos jours à Montpellier. Des danseurs garçons costumés en bergers, des jeunes filles parées exécutent des passes entre eux, tiennent des cerceaux décorés de guirlandes dont les courbes imitent les treilles. On dansa aussi le Chivalet, où le principal personnage est un homme qui fait mouvoir un cheval de carton attaché à sa ceinture et dont le caparaçon cache les jambes du danseur. Un autre danseur voltige sans cesse autour de lui et présente de l'avoine au cheval , tandis que le cavalier oppose constamment sa croupe au donneur d'avoine et lui lance des ruades (2).

 

(1) Voir Abel Jonan, auteur d'une relation de ce voyage imprimé en 1566 chez Bonfon à Paris.

Voir, Histoire de Nîmes, tome IV, page 400.

(2) Mémoires du peuple français, par A. Challemel, tome VI, page 478.

 

Le 19 du même mois, le roi tint conseil à Montpellier avec les cardinaux de Bourbon et de Guise, le duc de Longueville, le connétable de Montmorency, le chancelier de l'Hôpital, le maréchal de Bourdillon, les évêques d'Orléans et de Valence, les comtes de Crussol et de Villars et le sieur de La Garde. On s'y occupa des affaires de religion.

 Peu après Sa Majesté se rendit à Toulouse où elle tint un lit de justice. Cette cérémonie eut lieu le 3 février 1565. Michel de l'Hôpital, chancelier de France, se rendit d'abord au palais, en robe de cérémonie, accompagné de plusieurs conseillers. Le roi arriva peu à prés avec la reine mère, le duc d'Anjou son frère, le prince de Navarre, le cardinal de Bourbon, le prince de la Roche-sur-Yon, les cardinaux de Guise et d'Armagnac, le connétable, qui tenait l'épée nue, le maréchal de Bourdillon, Damville gouverneur du Languedoc, les comtes de Crussol, de Lansac, de Villars d'Escars, de la Garde, chevaliers de l'ordre et conseillers au conseil privé.

 Le roi se mit sur son siège royal, et, tout le monde étant placé, Sa Majesté dit qu'Elle était venue pour visiter le parlement et lui faire entendre sa volonté, qui était l'observation de ses édits et commandements. Peu après divers discours furent prononcés et la séance fut levée (1).

 

(1) Histoire générale du Languedoc, tome IX, page 1565.

 

C'est de Toulouse que le roi, ayant égard aux supplications que les réformés de Nîmes lui avaient faites, permit à ces derniers de bâtir deux temples, l'un près de la Maison carrée, l'autre à la Calade, et d'y faire l'exercice de leur religion. Enfin le roi Charles IX quitta le Languedoc en avril et s'en fut à Bordeaux, puis à Mont-de-Marsan, d'où il créa le duché dUzès, en mai 1565, en faveur d'Antoine, comte de Crussol (1), pour le récompenser de son dévouement à la royauté, et en considération de sa grande situation et du rôle important qu'il avait joué dans les affaires publiques.

 Les lettres patentes (2) d'érection enregistrées au Parlement de Toulouse, le 26 mars 1566, et à la chambre des comptes de Montpellier le 8 mai suivant, portent qu'à défaut de descendants mâles d'Antoine de Crussol et de ses frères, les terres qui composent le duché d'Uzès feront réversion à la couronne : c'est le seul duché de France qui soit sujet â cette condition ; car, dans l'érection de tous les autres, on a dérogé à l'édit de 1566 et à l'ordonnance de Blois, qui veulent que ces grandes seigneuries soient réunies à la couronne au défaut de descendants mâles (3).

 

(1) Voir Histoire des princes de Condé, par le duc d'Aumale, t. I., p. 519. - Histoire générale du Languedoc, tome IX, page 23, archives ducales.

(2) Voir, in fine, la copie des lettres d'érection.

(3) Archives ducales. - Livre recueil, page 82.

 

Les dépendances du duché d'Uzès étaient, outre Uzès : Aimargues (1), Broussan (2), Remoulins (3), Saint-Bonnet (4), Vers (5), Collias (6), Congéniès (7), Bellegarde (8), Laval, Pousillac (9) et Florensac (10).

 

(1) Avant 1790, Aimargues avait le titre de baronnie et députait aux états. Cette petite ville dépend aujourd'hui du canton de Vauvert. Elle porte pour armoiries : 
« d'azur à une rivière d'argent ombrée d'azur, sur laquelle est une croix flottant à dextre de sable. » Voir, sur le château d'Aimargues, la notice concernant Raymond dit Rascon, quatrième seigneur d'Uzès.

(2) Ce domaine de Broussan avait été apporté en dot à la maison d Uzès par Ginote de Posquières, épouse de Robert, vicomte d'Uzès au XIVe siècle. Ce domaine est encore en la possession du duc d'Uzès. Il est situé près de Beaucaire.

(3) Remoulins est aujourd'hui un chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Uzès. Il fut érigé en baronnie par les mêmes lettres patentes qui érigaient Uzès en duché-pairie. Les armoiries de Remoulins portent : « de sable à un pal losangé d'argent et d'azur. »

(4) Aujourd'hui commune du canton d'Aramon. 

La terre de Saint-Bonnet appartenait anciennement au domaine royal. Bermond d'Uzès l'acquit par échange en 1290, et c'est ainsi qu'elle passa aux Crussol d'Uzès. Saint-Bonnet portait pour armoiries : « d'argent à un chiffre de sable composé des lettres S et B. »

(5) Le Pont du Gard se trouve sur le territoire de cette commune, qui fait partie aujourd'hui du canton de Remoulins. Les armoiries de Vers sont :  « d'azur à un pal losangé d'or et de gueules. »

(6) Collias, du canton de Remoulins, porte pour armoiries : « d'hermines, à un pal losangé d'or et d'azur. »

(7) Commune du canton de Sommières.

(8) Commune de Beaucaire. On y remarque encore aujourd'hui une tour en ruines, célèbre par les sièges qu'elle a soutenus au moyen fige et au XVIe siècle.

(9) Commune du canton de Remoulins. Les armoiries de Pousillac sont : « de sable à une fasce losangée d'argent et de sinople. »

 (10) Chef-lieu de canton de l'Hérault était dans la maison de Crussol, depuis le mariage de Louis de Crussol, avec Jeanne de Levy, dame de Florensac, le 22 juillet 1152.

 

Un peu plus tard, ce duché fut érigé en pairie en faveur du même Antoine de Crussol, duc d'Uzès, par lettres patentes données à Amboise, au mois de janvier 1572, enregistrées au parlement le 3 mars 1572, et à la chambre des comptes le 2 janvier 1573.

Dans l'intervalle de ces deux époques, le duc Antoine séjourna presque constamment à la cour, où il exerçait les fonctions de chevalier d'honneur de la reine. Il assista à la procession de Sainte-Geneviève faite le dimanche 2 septembre 1570, dans laquelle la noblesse précéda le parlement. Le duc d'Uzès y figura immédiatement après le duc de Montpensier et le prince Dauphin (1).

 

(1) Mémoires de Saint-Simon, tome XIV, page 174 et 177.

 

La même année le duc acheta à l'évêque de Valence, Jean de Montluc, la principauté de Soyons, située dans le baillage du Vivarais, dans le ressort du parlement de Grenoble.

Le duc vint très peu dans le Midi.

Il eut toutefois la satisfaction de rétablir l'exercice de la religion catholique clans Nîmes. Chargé, en effet, de veiller à l'exécution de l'édit de pacification, il écrivit au roi, de Marignan, en Provence, le 31 janvier 1566, qu'il avait rétabli l'évêque de Nîmes dans son évêché et le clergé dans les églises de la ville et du diocèse pour y faire le service divin à l'ordinaire (1).

Le duc ne résida pas longtemps dans son château ducal, mais il l'embellit considérablement en faisant construire cette belle façade, que l'on admire au levant, d'après les plans de Philibert Delorme, architecte du Palais des Tuileries.

Pendant son séjour à Uzès, la duchesse, sa femme, fut malade, et à cette occasion la reine mère Catherine écrivit au duc la lettre suivante :

 

« Mon cousin, j'ai été bien aise d'entendre par votre lettre du 5 août que ma cousine la duchesse d'Uzès, votre femme, se porte mieux et qu'elle soit hors de danger; et n'était point besoin de vous excuser pour la demeure que vous avez faite, parce que c'était pour chose si raisonnable, que je sçaurais que trouver fort bon que vous lui ayez tenu compagnie. Et aussitôt que vous verrez que sa santé pourra permettre que vous puissiez venir en cette compagnie, vous y serez le bienvenu. Priant le Créateur, mon cousin, qu'il vous ayt en sa très sainte et digne garde. Ecrit à Villers Cottets, le 8 août 1566, votre bonne cousine. Signé Catherine. Et à la suscription, A mon cousin le duc d'Uzès, chevalier de l'ordre du roi, monsieur mon fils, conseiller en son conseil privé et mon chevalier d'honneur. » (Archives ducales; registre de l'inventaire.)

 

(1) Histoire du Languedoc, tome IX, page 24.

 

Revenu à Paris avec sa femme, le duc d'Uzès eut l'honneur, en 1572, de conduire la reine mère au mariage du roi de Navarre avec Marguerite de France. (Voir le cabinet historique, janvier-mars 1873, p. 60).

Entièrement rallié à la cour, il ne se mit plus à la tète des protestants contre les catholiques. Il n'en fut pas de même de ses deux frères, Jacques, baron d'Acier, dont nous reparlerons plus bas, et de Galiot, seigneur de Beaudiné (1). Ce dernier périt lors de la Saint-Barthélemy. L'autre put être sauvé par son frère et aussi par les Guise, qui étaient bien aises de se faire des créatures et qui n'en voulaient d'ailleurs qu'à Coligny, enne­mi particulier de leur maison.

Peu après la Saint-Barthélemy, le duc d'Uzès assista, en qualité de chevalier de l'ordre, a la fête de l'ordre de Saint-Michel (2), qui fut célébrée le 28 septembre 1572 dans l'élise de Notre-Dame-de-Paris.

On lit en effet, dans les mémoires de cette époque, que les préparatifs étant faits dans la cathédrale, Sa Majesté Charles IX arriva dans le chœur et s'assit à droite, sous un dais de drap d'or, et Lin peu plus bas du même côté le duc d'Anjou son frère, les ducs de Montpensier, de Nevers, de Guise, le maréchal de Tavannes, le prince Dauphin, les sieurs de La Chapelle, Rubempré et Villequier jeune.

 

(1) Beaudiné était une baronnie qui dépendait du comté de Crussol et que la maison de Crussol possédait depuis le XIVe siècle, par suite du mariage de Jean Bastet de Crussol avec Béatrix, fille de Guillaume de Poitiers, seigneur de Beaudiné. en 1310. Cette baronnie fut ensuite vendue par le duc Emmanuel I de Crussol, et le prix servit à payer son hôtel de Paris.

Inv. p. 172. - Extraits sommaires des titres de la maison de Crussol.

(2) Cet ordre avait été institué par Louis XI, le 1- août 1469.

Charles de Crussol, un des ancêtres du duc Antoine fut de la première promotion des chevaliers de cet ordre. (Choix d'anecdotes françaises, p. 358. - Histoire des ducs de Bourgogne, t. IX, p. 108.)

 

De l'autre côté du chœur, à main gauche, était un autre dais de drap d'or sui, lequel il n'y avait personne; on y voyait les écussons et armoiries des rois d'Espagne, de Danemark et de Suède, chevaliers de l'ordre. Un peu plus bas étaient assis le roi de Navarre, les ducs d'Alençon et d'Uzès, le prince de Condé, les sieurs de Lansac, de Losses, de Chavigny, le comte de Retz et Villequier aîné.

 Tous ces seigneurs étaient habillés de blanc et couverts de leurs grands manteaux de drap d'argent avec la queue traînante jusqu'à terre, le chaperon de velours cramoisi enrichi de broderies d'or comme les manteaux et le grand collier de l'ordre par dessus.

 Pendant ce temps, les protestants, tout émus des massacres de la Saint Barthélemy, s'excitaient à former une croisade contre leurs ennemis et s'armaient de tous côtés.

 Trois villes surtout leur offraient des refuges. Nîmes, Montauban, et principalement La Rochelle.

 La cour commença de s'inquiéter en voyant. se fortifier et s'enhardir la résistance sur divers points; mais la Rochelle seule préoccupait Catherine bien plus que tout le reste. On décida d'en faire le siège. Ce fut la quatrième guerre civile. Biron et Strozzi arrivèrent sous les murs de la Rochelle dès les premiers jours de décem­bre pour commencer les approches, et les forces royales s'accrurent peu à peu. Enfin, le 11 février 1573, le duc d'Anjou vint prendre le commandement en chef. IL était, accompagné de son frère, le duc d'Alençon, de tous les princes, de la plupart des grands, notamment du duc d'Uzès et de la noblesse de la cour (1). Le roi, presque seul, n'alla point chercher les combats.

 

(1) Histoire de la Maison de Bourbon, tome IV.

 

Jusqu'à l'arrivée des princes, les généraux assiégeants s'étaient contentés de fermer la mer autant que possible aux Rochellois. Le duc d'Anjou serra de plus prés la ville et fit asseoir des batteries; mais il n'avait plus pour guide, comme à Jarnac et à Moncontour, le duc de Tavannes, qui se mourait en Bourgogne. Les opérations furent mal conduites. Néanmoins les grands seigneurs faisaient assaut de témérité et semblaient chercher de préférence les périls inutiles. C'est ainsi que le duc d'Aumale fut tué, dès les premiers jours, par un boulet de canon; le duc de Guise et son frère, le marquis de Mayenne, furent blessés peu de temps après.

 Aussi le roi s'empressa-t-il d'écrire la lettre suivante au duc d'Uzès, son plus fidèle ami, ayant le plus d'expérience des faits de guerre

 

 8 mars 1573.

Mon cousin, j'ay commandé au sieur de la Fraye, mon conseiller et maître d'hôtel ordinaire, vous dire le regret que je porte de la mort de feu mon cousin, le duc d'Aumale, connaissant que j'ay fait perte d'un très fidèle, affectionné et utile serviteur. Or, faut-il louer Dieu de tout et recevoir ses visitations avec patience ; extimant qu'il fait tout pour le mieux, et que ce malheur vous y serve à tous d'exemple, pour vous rendre plus soigneux de la conservation de vos vies, ayant été averti du bon marché que vous en faîtes tous les jours, avec trop peu de considération et mêmement mes frères ; lesquels sans aucun égard à ce qu'ils sont, s'exposent aussi librement que les autres dont je suis en merveilleuse peine ; ce que je vous prie leur remontrer, surtout que vous me voulez faire service agréable, et faire en sorte qu'ils ne continuent en leur façon de faire ; et comme mieux pourvu d'expérience et juge­ment, leur montrer bon exemple et les dissuader de suivre et imiter un mauvais et téméraire ; selon que j'ay donné charge au dit sieur de la Fraye vous dire ; lequel je vous prie croire comme si c'était moi-même. Priant Dieu, mon cousin, qu'il vous tienne en sa sainte et digne garde.

 

Ecrit à Saint-Léger, ce 8 mars 1573.

Signé: CHARLES, et plus bas de Neuville.

Et à, la suscription: A mon cousin le duc d'Uzès (1) .

 

Sur ces entrefaites, le duc d'Anjou fut nommé roi de Pologne, et la cour jugea qu'il importait de terminer la guerre civile avant l'arrivée des ambassadeurs polonais.

 Les conventions de paix, ouvertes le 24 juin, furent acceptées par les Rochellois, et le roi les ratifia et les fit publier sous forme d'édit dans le courant du mois de juillet.

Le duc d'Uzès revint tout malade du siège de la Rochelle et mourut le 11 août 1570, des fatigues qu'il y avait endurées. Il fut enterré, suivant son désir exprimé dans son testament, à l'église des Cordeliers d'Uzès.

N'ayant point de postérité, son nom et ses titres passèrent à son frère, Jacques de Crussol, baron d'Acier, qui suit , et duquel descend directement le jeune Jacques duc d'Uzès actuel (2).

 

(1) Archives ducales. Registre de l'inventaire. Pièces justificatives pour servir à l'Histoire de France, tome II, page 93.

(2) A peine âgé de 16 ans il vient de passer avec mention honorable son premier examen du baccalauréat. Dirigé par sa pieuse mère dans les voies du bien et de l'honneur, nous sommes persuadé qu'il saura toujours, en face des grands devoirs que l'avenir peut lui réserver, se montrer digne de son nom et de ses illustres aïeux.

 

CORRESPONDANCE

 

Lettre écrite à la comtesse de Crussol le 16 avril, 1561, par Charles IX, alors âgé de 11 ans

 

A MA COUSINE, COMTESSE DE CRUSSOL,

 

Ma vieille lanterne (1), j'eusse eu aujourd'hui bien besoin de votre secours pour recevoir un ambassadeur qui m'est venu du pays étranger dont personne n'entendait le langage, et vous avez la langue si â commandement, que vous en eussiez, à mon avis, entendu quelque chose pour lui faire réponse. Et je vous prie, ma vieille lanterne, de me venir trouver à mon sacre (2), ou pour le moins à mon entrée à Paris, où vous serez bien enrouillée, si vous n'êtes volontiers vue par votre jeune fallot.

CHARLES.

 

(1) Dans le langage alambiqué de l'époque, Charles IX se sert de cette épithète de vieille lanterne pour désigner celle qui a répandu en lui les lumières de l'instruction, comme la qualification de jeune fallut indique sa situation d'écolier vis-à-vis de la comtesse de Crussol.

(2) Le sacre de Charles IX eut lieu le 15 mai 1561.

 

Cette lettre, écrite de Fontainebleau, était accompagnée de la suivante, qui lui sert de commentaire

 

A Mme LA COMTESSE DE CRUSSOL ET DE TONNERRE.

 

Madame, depuis la lettre que je vous ai faite aujourd'hui, le roi a eu volonté de vous en faire une de sa main et de son style ainsi que je puis assurer, sans en avoir rien emprunté d'autrui lesquelles il vous envoie ; et outre ce que Sa Majesté vous mande, il m'a commandé de vous dire qu'il ne vous aymera jamais si pour le plus tard vous ne vous trouvez à Paris lorsqu'il y fera son entrée pour l'envie qu'il a de vous y voir, à quoi il me semble que vous ne devez faillir; vous avisant au surplus que cette nuit Madame de Montpensier a bien reposé et se trouve à présent en meilleur appétit et disposition que de coutume ; laquelle nouvelle je ne doute point que vous ne receviez à aussi grand plaisir, que je prie Dieu la conserver en telle et bonne santé que je désire pour moi-même et vous donner à vous, Madame, une très longue et contente vie ; me recommandant toujours bien humblement aux bonnes grâces de M. de Crussol et des vôtres.

Votre humble et affectionné serviteur,

SAUTAL.

 

Lettre de la reine d'Angleterre à Mme de Crussol, 8 juin 1565

 

Madame,

nous sommes fort aise de ce que notre cousin, le baron de Reusdan, a eu si bonne souvenance de vous donner tel témoignage de notre affection envers vous, que vous ayez eu occasion de nous écrire si amplement comme avez fait par M. de la Manoissière. Certainement ayant entendu en quelle estime la reine, votre bonne sueur, vous a, et principalement sçachant combien le méritez â cause de votre singulier esprit et vertu, nous avons commandé â notre cousine de Reusdan de vous faire nos spéciales recommandations et devons asseurer que nous nous estimerions bien obligés en votre endroit, si vous vous employez â maintenir et conserver la bonne et sincére amitié qui est entre nous et la reine votre maîtresse ; â quoi nous apercevons, non seulement par votre lettre, mais aussi par plusieurs autres témoignages, combien vous y ôtes affection­née et encline. Et continuant toujours ainsy, nous croyons que vous même n'en aurez pas moindre fruit que votre vertu mérite, et ainsy avons pré M. de la Manoissière, vous asseurer. A Wertminster,

votre bonne amie

Elisabeth R.

 

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Biographie des 9 ducs d'Uzès, sous l'ancien régime
>
Antoine de Crussol, premier Duc d’Uzès (1528-1573)
Madame de Clermont Tonnerre, épouse d'Antoine de Crussol - Premiere Duchesse d’Uzès
> Jacques de Crussol, deuxième Duc d'uzès (1540-1584)
> Emmanuel Ier de Crussol, troisième Duc d’Uzès (1570-1657)
> François Ier de Crussol, quatrième Duc d’Uzès (1604-1680)
> Emmanuel II de Crussol, cinquième Duc d’Uzès (1642-1692)
> Louis de Crussol, sixième Duc d'Uzès (1673-1693)
> Jean-Charles de Crussol, septième Duc d'Uzès (1675-1739)
> Charles-Emmanuel de Crussol, huitième duc d'Uzès   (1707-1762)
>
Les Aventures du Duc d’Uzès « dit le Bossu »
> François-Emmanuel de Crussol, neuvième Duc d’Uzès (1728-1802)
> Biographie parlementaire des Ducs d’Uzès
Le duché d'uzès
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