L’ORIGINE DU DUCHÉ-PAIRIE D'UZÈS

PAR

M. Lionel D'ALBIOUSSE

Uzès, ce nom si noblement porté par l'illustre Maison ducale de Crussol d'Uzès, est celui d'une petite ville (1), autrefois premier duché-pairie de France, aujourd'hui simple chef-lieu d'arrondissement dans le département du Gard en Languedoc.

Cette ville, si remarquable par ses monuments et ses souvenirs féodaux, est fort ancienne. Appelée par les Celtes Vcetio (2), les Romains lui donnèrent le nom de Castrum Vcetiense, à cause d'un camp qu'ils y avaient établi et sur l'emplacement duquel se trouve actuellement le château ducal.

Dès les premiers siècles de l'Eglise, elle fut évangélisée, ainsi que le constate une crypte récemment découverte et restaurée, où nos pères venaient se réfugier et prier comme les premiers chrétiens de Rome aux catacombes (3) .

Des Romains, elle passa momentanément sous la domination des Vandales, qui la ravagèrent en 402 (4).

Tour à tour wisigothe sous Euric (470), française sous Thierry, fils de Clovis (507), ostrogothe sous Théodoric (511), sarrasine au VIIIe siècle et connue sous le nom d'Ucetia, elle redevint française sous Charles-le-Chauve, sous le titre de comté (5), pour faire, bientôt après, partie du royaume de Provence, usurpé par Bozon ; puis elle ne tarda pas à être placée sous la su­zeraineté du comte de Toulouse et fut connue sous le nom d'Uzès, qui lui fut attribué dès l'année 1157, à la place de celui d'Ucetia (6).

En 1214, elle fut prise pas Simon de Montfort, qui en fit don à l'évêque d'Uzès. Elle n'était plus, par suite des chances de la guerre, qu'une seigneurie qui tomba de nouveau sous la suzeraineté du comte de Toulouse et ensuite du roi de France, à partir du XIIIe siècle, mais Robert, seigneur d'Uzès, combattit si vaillamment à la bataille de Cassel, gagnée sur les Flamands révoltés, le 23 août 1328, que le roi Philippe de Valois érigea la seigneurie d'Uzès en vicomté par lettres patentes datées du camp près d'Ypres, le 4 septembre 1338 (7).

Vers la fin du XVe siècle, la descendance mâle de ce Robert s'éteignit en la personne de Jehan, vicomte d'Uzès, dont la fille Symone épousa, le 24 juin 1486, Jacques, baron de Crussol, grand chambellan et grand pannetier de France, gouverneur du Dauphiné (8).

Plus tard, la vicomté d'Uzès fut érigée par Charles IX en duché, par lettres patentes datées de Mont-de-Marsan, au mois de mai 1565, et en pairie par de nouvelles lettres datées d'Amboise, en février 1572.

C'est ainsi que, par l'ancienneté de son duché-pairie, le duc d'Uzès était, avant la Révolution, le premier duc et pair de France, et marchait, dans les cérémonies, immédiatement après les princes du sang (9).

Nous nous proposons d'écrire l'histoire des ducs d'Uzès, mais il importe de faire préalablement connaître leurs ancêtres, les seigneurs et vicomtes de notre ville. Nous terminerons ce travail par la description du château ducal, dont les hautes tours féodales qui subsistent encore révèlent l'antique splendeur seigneuriale de la Maison d'Uzès.

NOTA

(1) La ville d'Uzès, chef-lieu de sous-préfecture, est à 24 kilomètres de Nîmes. Elle compte 5.000 habitants. L'arrondissement renferme 8 cantons, 99 communes et 82.000 habitants.

(2) Dictionnaire topographique du Gard, par Germer-Durand, in-8, 1868, article Uzès.

(3) Guide archéologique dans la crypte d'Uzès, par L. d'Albiousse. VIIe Série, T. VII, 1884.

(4) Histoire générale du Languedoc, par Dom Vaissette, in-folio, Paris, 1710, t. I, p. 555.

(5) Voir une charte de 823, par laquelle Raynold d'Uzès, frère d'Aurelien, évêque de la môme ville, et Agilburge, sa femme. donnent à l'église de Saint-Théodorit d'Uzès un domaine situé dans ce comté, in comitatu Uzetico. (Histoire générale du Languedoc, t. 1, p. 61.)

Voir Histoire de l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres, p. 302.

Voir l'histoire du conté de Toulouse, par Catel, dans laquelle on lit à la page 222 du livre II, que Raymond VI, comte de Toulouse, fils de Raymond V, en se mariant en premières noces, en l'année 1172, avec Ermesinde, lui assigna en douaire le comté d'Uzès.

Voir les lettres patentes de l'érection de la seigneurie d'Uzès en vicomté, en 1328.

Dictionnaire topographique de la France, département du Gard, par Germer-Durand, p. 251.

(6) Voir Notice sur les archives de la ville d'Uzès, par M. de Lamothe.

Histoire générale du Languedoc, t. II, p. 37 : La ville d’Uzès porte pour armoirie ; fascé d'argent et de gueules de six pièces et au chef d'azur, chargé de trois fleurs de lys d'or.

(7) Voir Histoire générale du Languedoc, t. VII, p. 96.

(8) Il était le représentant d'une grande et puissante famille, dont le château qui lui a donné son nom est situé comme un nid d'aigle sur la rive droite du Rhône, en face de Valence, et date du XIIe siècle.

(9) Le duc de La Trémouille était bien le plus ancien duc, l'érection de son duché datant de 1563 (duché de Thouars), mais sa nomination à la dignité de pair de France, en 1595, était postérieure à celle du duc d'Uzès, qui était incontestablement considéré comme le premier duc et pair de France, depuis la mort du duc Montmorency, décapité à Toulouse le 30 octobre 1632, et dont le duché-pairie remontait à Henri II, par lettres patentes datées de Nantes, en juillet 1551.

Article tiré des Mémoires de l’Académie de Nîmes - Année 1884 - P 331-333